Signaleurs de confiance
Question de :
M. Christophe Blanchet
Calvados (4e circonscription) - Les Démocrates
M. Christophe Blanchet attire l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique, sur le sujet des signaleurs de confiance institués par le règlement européen sur les services numériques (DSA). Afin de mieux lutter contre les contenus illicites, le DSA prévoit notamment l'obligation pour les plateformes en ligne de proposer aux internautes un outil leur permettant de signaler facilement les contenus illicites afin de rapidement retirer ou bloquer l'accès au contenu illégal. Dans ce cadre, elles coopèrent avec des « signaleurs de confiance ». Ce statut est attribué dans chaque pays à des entités ou organisations en raison de leur expertise et de leurs compétences et leurs notifications sont traitées en priorité. Or il semblerait que ce statut ne soit accordé qu'à bien peu d'acteurs, environ trois ou quatre par pays. Pourtant le phénomène de contrefaçon est une menace grave pour l'Union européenne, premier marché contrefait au monde et la France en particulier, deuxième pays le plus contrefait au monde. Et sans cette qualité de signaleur de confiance, les ayants droit pourraient courir le risque de ne pas avoir de moyen de pression sur les plateformes pour voir les produits contrefaisants retirés rapidement. En France, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) devrait être désignée comme réfèrent européen sur cette question des signaleurs de confiance lorsque la loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique entrera en vigueur. Cet organisme paraît toutefois ne pas correctement cerner les problématiques spécifiques à la lutte contre la contrefaçon en ligne, ni prendre pleinement la mesure du phénomène, alors que des millions d'annonces de produits contrefaisants sont disponibles en ligne. Alors que les marques françaises font partie du tissu économique français, il est primordial de les aider à faire respecter leurs droits de propriété intellectuelle, en particulier en permettant au plus grand nombre d'entre elles d'être reconnues comme signaleur de confiance. La situation actuelle leur est en effet grandement préjudiciable, tant le nombre de procédures de notification et de retrait de contenu illicite sur internet est élevé et tant celui induit de coûts et d'efforts au regard du temps passé et du nombre de personnes que cela mobilisés à cet effet. C'est la raison pour laquelle il lui demande comment le Gouvernement entend davantage sensibiliser l'ARCOM sur ce sujet et permettre aux ayants droit, (premiers concernés et meilleurs connaisseurs de leurs produits) d'être plus largement reconnus comme signaleurs de confiance.
Réponse publiée le 10 juin 2025
Le règlement sur les services numériques (RSN ou DSA), entré en application en février 2024, établit des règles harmonisées de modération des contenus par les plateformes en ligne, les réseaux sociaux et les moteurs de recherche pour lutter plus efficacement contre les contenus illicites et éviter les atteintes injustifiées à la liberté d'expression. En particulier, l'article 22 du RSN définit le statut de « signaleur de confiance » (trusted flagger) qui peut être attribué par le coordinateur pour les services numériques à toute entité, privée ou publique, répondant à certains critères et dont les notifications, relatives aux contenus illicites (dont les atteintes à la propriété intellectuelle comprenant les actes de contrefaçon), doivent être traitées en priorité et dans les meilleurs délais par les plateformes. En France, la loi no 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et réguler l'espace numérique, dite « loi SREN » a désigné l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) comme coordinateur pour les services numériques. À ce titre, l'Autorité est chargée de désigner les signaleurs de confiance au niveau national. Elle peut attribuer sur demande ce statut à toute entité indépendante des opérateurs de plateformes qui démontre sa capacité à disposer d'une expertise et de compétences particulières aux fins de détection, d'identification et de notification de contenus illicites, et s'engage à agir de façon diligente, précise et objective. Afin de préserver l'efficacité du dispositif, le RSN recommande de limiter le nombre de signaleurs de confiance désignés et encourage les organisations professionnelles représentant les intérêts de leurs membres à solliciter le statut de signaleur de confiance. Les lignes directrices de la Commission européenne pourraient venir préciser l'interprétation des critères de désignation des signaleurs de confiance. Depuis novembre 2024, l'ARCOM a ainsi octroyé le statut de signaleur de confiance à sept organisations, dont l'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA), structure regroupant plusieurs ayants droit du secteur audiovisuel et agissant en leur nom pour protéger leurs œuvres. Sont également désignées deux entités spécialisées dans la protection des mineurs (e-Enfance et Point de Contact), une consacrée au sauvetage et à la préservation des espèces sauvages (IFAW), une à la lutte contre les addictions (Addictions France), une à la lutte contre la haine en ligne (CRIF) et une spécialisée dans l'information et défense des consommateurs salariés (INDECOSA-CGT). Ce statut est attribué pour une durée de trois ans, renouvelable. L'ARCOM devrait désigner prochainement d'autres signaleurs de confiance. Les organisations luttant contre la contrefaçon peuvent bien sûr postuler pour obtenir ce statut. Afin de faciliter les démarches des entités candidates, l'Autorité a mis en place un guichet pour le dépôt des candidatures et publié un guide de candidature listant les types d'organismes éligibles et les contenus concernés. Toutefois, les charges administratives (rapport d'activité annuel détaillé) et les moyens financiers que nécessite ce statut, semblent constituer un frein pour certains acteurs. Les signaleurs de confiance jouent donc un rôle majeur pour la lutte contre les contenus et produits illicites et donnent une force concrète au règlement sur les services numériques. Le développement de cet écosystème est à encourager, notamment en assurant aux entités ayant obtenu ce statut une plus grande indépendance financière vis-à-vis des plateformes.
Auteur : M. Christophe Blanchet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Propriété intellectuelle
Ministère interrogé : Intelligence artificielle et numérique
Ministère répondant : Culture
Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 10 juin 2025