Difficulté à assurer les biens des collectivité locales et de leurs groupements
Question de :
M. Édouard Bénard
Seine-Maritime (3e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine
M. Édouard Bénard appelle l'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation sur les difficultés croissantes des collectivités territoriales et de leurs groupements, à s'assurer, en particulier pour les dommages aux biens. Alors que des acteurs historiques de l'assurance ont décidé de se retirer du marché des collectivités, ceux encore présents augmentent fortement le montant des primes ou imposent des franchises d'assurance de plus en plus élevées en cas de réalisation d'un sinistre. Ces derniers justifient ces exigences par une augmentation continue du nombre et du coût des sinistres, notamment climatiques. De nombreux appels d'offres ne recueillent désormais au mieux, qu'une seule réponse, quand d'autres restent lettre morte. Dans ce sens, le président de la Smacl assurances SA, mutuelle historique des collectivités territoriales, déclarait il y a quelques mois, que la société qu'il préside renonçait à répondre, deux fois plus souvent qu'il y a quatre ans, aux appels d'offres des collectivités territoriales. Outre la perte de rentabilité de cette activité, celui-ci invoquait également des difficultés liées à la législation relative aux appels d'offres publics en matière d'assurance. Cette personne invoquait pêle-mêle : le délai de 30 jours, l'impossibilité de négocier le cahier des charges et de visiter les sites ou encore, d'entrer en communication avec la collectivité dans les mois précédant l'appel d'offres. Le phénomène prenant de l'ampleur, les ministres de l'économie, de la cohésion sociale et des collectivités, ont missionné fin 2023, à la demande de l'Association des maires de France, MM. Alain Chrétien, maire de Vesoul, et Jean-Yves Dagès, ancien président de Groupama, afin de définir des solutions de long terme pour faciliter l'assurance des collectivités territoriales et de leurs groupements. Par ailleurs, la commission des finances du Sénat a sollicité sur le même thème, l'Autorité de la concurrence. Celle-ci a publié fin janvier 2025 un avis relatif au secteur de l'assurance de dommages aux biens des collectivités territoriales complété de plusieurs recommandations destinées à contribuer à dynamiser l'offre des assureurs et à renforcer le jeu concurrentiel dans ce secteur. Le diagnostic de la situation étant désormais largement effectué et partagé, il convient dorénavant de proposer des solutions permettant aux collectivités territoriales et à leur groupement de pouvoir continuer à s'assurer en matière de dommages aux biens à des conditions tarifaires supportables. Si une simplification des procédures du code des marchés publics en matière d'assurance semble incontournable afin d'ouvrir plus de place à la négociation, cette seule mesure ne saurait résoudre le problème dans sa globalité dès lors que les assureurs privés considèrent que le marché des collectivités territoriales demeure insuffisamment rentable. Il semble donc à M. le député approprié d'envisager la création d'un organisme public d'assurance, ou parapublic, dédié à la couverture des risques de dommages susceptibles d'affecter les biens des collectivités territoriales. Aussi, il lui demande de préciser les mesures que le Gouvernement envisage de mettre en œuvre pour permettre à l'ensemble des collectivités territoriales et leurs groupements d'assurer leurs biens.
Réponse publiée le 9 septembre 2025
Le marché de l'assurance privé rencontre aujourd'hui des difficultés qui suscitaient l'inquiétude de certaines collectivités ne réussissant pas à reconduire leurs contrats d'assurance. Les conséquences du changement climatique et l'émergence de risques nouveaux (cyberattaques, violences urbaines…), entrainent des hausses significatives des primes et des franchises d'assurance, rendant la couverture des risques de plus en plus coûteuse et parfois inaccessible. D'autre part, l'écosystème du marché de l'assurance des collectivités a connu des difficultés dans un contexte concurrentiel qui l'a déséquilibré. Cet accroissement général du taux de sinistralité et ces imperfections du marché assuranciel ont conduit à un nombre significatif d'appels d'offres infructueux ou à des augmentations parfois prohibitives des primes et/ou des franchises. C'est pour ces raisons que l'État s'est engagé, aux côtés des représentants des assureurs et des associations d'élus locaux, à créer les conditions d'un meilleur recours de toutes les collectivités à l'assurance privée. L'objectif est clair : aucune collectivité territoriale en France ne doit se trouver en situation involontaire de défaut d'assurance. Cet accord tripartite se matérialise par la signature, lors du Roquelaure de l'assurabilité des territoires, d'une Charte nationale dont les engagements ainsi que les modalités de mise en œuvre sont déclinés au travers d'un « plan pour l'assurabilité des collectivités territoriales ». La boussole du plan tient en quelques objectifs simples : mieux accompagner et informer les collectivités, mieux indemniser dans un objectif d'adaptation aux nouveaux risques climatiques et sociaux, faciliter la relation contractuelle entre assureurs et assurés, accroître le niveau de vigilance sur le marché, renforcer la culture du risque et de la prévention. Le plan est en cours de déploiement. D'ores et déjà, une cellule d'accompagnement et d'orientation (Collectivassur) conçue comme le « point d'entrée » des collectivités rencontrant des difficultés à trouver une offre d'assurance a été créé et placée sous la supervision du Médiateur de l'assurance. Une révision du guide pratique de passation des marchés publics d'assurances des collectivités locales a été concertée avec les associations d'élus pour permettre un assouplissement des procédures d'appels d'offres. Deux textes réglementaires ont été adoptés afin d'assouplir les conditions contractuelles (désarrimage des franchises émeutes et catnat) et de lever les insécurités juridiques pénalisantes. Un groupe de travail a été constitué pour réfléchir à la création d'un dispositif ad hoc de couverture des risques liés aux violences urbaines. Le Gouvernement s'est dit favorable à la création d'une durée minimale de préavis de 6 mois en cas de résiliation d'un contrat d'assurance avec une collectivité territoriale, pour éviter les situations d'urgence. Enfin, le Gouvernement a mobilisé le réseau des préfectures, des services déconcentrés de l'État et de ses agences afin d'établir des diagnostics locaux et réunir, le cas échéant, les acteurs de l'écosystème assurantiel lors de « comités locaux de l'assurabilité des collectivités territoriales » au niveau départemental. L'idée de la création d'un assureur public, qui concentrerait l'essentiel du "mauvais risque", n'a pas été retenue par les différents rapports (notamment de MM. Chrétien et Husson). Un bilan du déploiement du plan sera dressé d'ici à la fin d'année.
Auteur : M. Édouard Bénard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Collectivités territoriales
Ministère interrogé : Aménagement du territoire et décentralisation
Ministère répondant : Aménagement du territoire et décentralisation
Dates :
Question publiée le 29 avril 2025
Réponse publiée le 9 septembre 2025