Question de : M. Vincent Ledoux
Nord (10e circonscription) - Ensemble pour la République

M. Vincent Ledoux attire l'attention de Mme la ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement s sur le potentiel sous-exploité du viager immobilier en France, dans un contexte de vieillissement démographique et de difficultés croissantes d'accès à la propriété. En 2024, environ 6 900 ventes en viager ont été réalisées sur le territoire national, soit seulement 0,5 % des transactions immobilières annuelles, pour un volume d'affaires estimé à 1,7 milliard d'euros. Depuis 2017, le marché connaît une croissance régulière d'environ 5 à 6 % par an. Le viager occupé représente près des deux tiers des ventes, permettant à des personnes âgées de conserver l'usage de leur logement tout en percevant un complément de revenu. Pourtant, cette formule demeure marginale, freinée par un cadre juridique peu lisible, une fiscalité peu incitative et une image encore négative auprès du grand public. À l'inverse, plusieurs pays européens comme la Suisse ou l'Allemagne ont su développer des dispositifs similaires grâce à des outils fiscaux ciblés, un accompagnement public et un encadrement contractuel précis. Dans ce contexte, plusieurs propositions ont été formulées, telles que la création d'un contrat-type de viager sécurisé, la mise en place d'un label « viager solidaire », l'introduction d'incitations fiscales pour les vendeurs et les acquéreurs, ainsi que l'implication des collectivités territoriales ou des bailleurs sociaux dans le développement de foncières de viager social. Il lui demande si le Gouvernement envisage : de sécuriser juridiquement les ventes en viager par un encadrement contractuel renforcé ; d'encourager fiscalement ce type de vente dans une logique d'utilité sociale ; d'intégrer le viager dans les politiques de maintien à domicile ; et de soutenir l'implication des acteurs publics pour structurer un « viager solidaire » en France.

Réponse publiée le 9 septembre 2025

Le viager immobilier s'est développé aux XVIII et XIX siècles en l'absence de système de retraite collectif. Il a prospéré jusqu'à la Première Guerre mondiale dans un contexte de stabilité des prix. Mais l'hyperinflation des années 1920-1930, combinée à l'absence d'indexation des contrats, a ruiné de nombreux rentiers et durablement discrédité ce mode de financement auprès des personnes âgées. Après 1945, la généralisation des caisses de retraite institutionnalisées a rendu le viager moins indispensable à la sécurité des retraités. En tant qu'outil de financement des dépenses liées à la vieillesse, le viager fait régulièrement l'objet de discussions ou d'initiatives publiques. Parmi les plus récentes, on peut citer l'ordonnance du 23 mars 2006 à l'origine de la création du prêt viager hypothécaire ou la proposition de loi n° 3032 du 22 juillet 2015 visant à permettre aux sociétés civiles de placement immobilier de faire l'acquisition de biens en viager. Il ressort des données du conseil supérieur du notariat, les ventes en viager sont stables ces dernières années. Il y a eu 3 857 ventes en viager en 2023 sur un total de 1 002 488 ventes immobilières, soit 0,4 %. En 2022, il y en avait eu 3 854, sur un total de 1 298 585 ventes, soit 0,3 %. En 2017, elles représentaient environ 0,5 % des transactions dans l'ancien. Selon différents viagéristes (agents et experts immobiliers spécialisés en viager), le viager permet d'injecter environ un milliard d'euros par an de revenu supplémentaire pour les crédirentiers en comptabilisant les rentes générées par le stock de contrats en cours et les bouquets des transactions de l'année. Le nombre de contrats viagers en cours n'est en revanche pas connu. En effet, bien que certaines initiatives visent à mieux appréhender le phénomène, comme les travaux menés par le Conseil supérieur du notariat ou l'Observatoire du viager, créé par le réseau de franchises Viagimmo, aucune base de données publique ne recense précisément le nombre de contrats viagers en cours. En matière de promotion du dispositif, l'État communique et informe sur le viager par le biais des sites www.service-public.fr et www.économie.gouv.fr. Les contrats font l'objet d'une signature devant notaire de nature à en sécuriser le contenu et la mise en œuvre. Ils bénéficient d'un régime fiscal relativement favorable puisque les droits de mutation sont minorés car calculés sur la base de la valeur occupée du bien concerné et que les rentes viagères perçues bénéficient d'un abattement fiscal prévu à l'article 158 du code général des impôts. D'autres motifs peuvent toutefois limiter son développement. L'acquéreur du viager ne peut que très difficilement accéder à un emprunt bancaire, ce qui diminue le nombre d'acheteurs solvables. En parallèle, le marché des assurances contre le « risque » de sur-longévité ou de versement des rentes semble encore peu développé. Enfin, le viager subit la concurrence de produits d'épargne retraite plus souples et fiscalement avantageux, comme l'assurance-vie. Certaines initiatives publiques portant sur le viager méritent d'être citées. En 2014, la Caisse des dépôts et consignations, aux côtés d'autres investisseurs institutionnels, a constitué le fonds d'investissement Certivia, destiné à l'acquisition de biens immobiliers en viager. Doté de 350 millions d'euros, le fonds a fait l'acquisition de plus de 800 logements en apportant à leurs anciens propriétaires âgés des ressources nouvelles pour mieux vivre sans avoir à déménager. Par ailleurs, en 2021, la Banque des territoires et l'association Soliha Provence ont créé ViagéVie, une société dédiée au développement du viager social. Elle vise l'acquisition puis la revente d'une centaine de logements dans les Bouches-du-Rhône. Une fois les biens libérés par leurs occupants âgés, les logements sont remis sur le marché à des conditions encadrées afin que des ménages modestes mais solvables, parfois exclus du crédit bancaire classique, puissent accéder à la propriété. Enfin, la Banque des territoires a lancé en 2022 le prêt viager social, qui permet à des bailleurs sociaux ou des établissements publics de financer l'acquisition de logements en viager pour les intégrer à terme au parc social. Dans le secteur privé, la création et le développement de réseaux d'agences immobilières spécialisées, de sociétés coopératives de viager solidaire, de sociétés financières proposant des prêts viagers hypothécaires et de distributeurs de ces solutions, tendent à structurer le marché du viager. Ces différentes initiatives contribuent à sécuriser le marché du viager en apportant des standards de qualité élevés. Enfin, il existe de multiples alternatives à la vente en viager pour financer l'avancée en âge et le maintien à domicile, comme le prêt viager hypothécaire, la vente à terme ou la vente en nue-propriété.

Données clés

Auteur : M. Vincent Ledoux

Type de question : Question écrite

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : Logement

Ministère répondant : Logement

Dates :
Question publiée le 29 avril 2025
Réponse publiée le 9 septembre 2025

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