Question écrite n° 6722 :
Deux ans plus tard, les boulangers toujours en danger

17e Législature

Question de : M. Damien Maudet
Haute-Vienne (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Damien Maudet interpelle Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire, au sujet des difficultés financières rencontrées par les artisans boulangers. La hausse des tarifs de l'électricité pousse nombre d'entre eux à devoir licencier, voire à mettre la clé sous la porte. « En deux ans, nous sommes passés de 35 000 euros à 3 000 euros de trésorerie. On s'est séparé de notre salariée, on s'est privé de 6 mois de salaires. Et on nous dit que tout va bien. Pour avoir du soutien, on devrait se mettre en liquidation judiciaire. Si une seule grosse facture arrive, on est mort », selon Dominique, boulanger à Saint-Priest-Taurion. Il y a deux ans, presque jour pour jour, M. le député renouvelait déjà son alerte auprès du ministre de l'économie, M. Bruno Le Maire, sur la situation des artisans boulangers, asphyxiés par la hausse des prix de l'énergie. Deux ans plus tard, la situation n'a pas changé, voire s'est empirée pour certains. Dans la circonscription de M. le député, les boulangers ont tenté de faire face à des multiplications par trois ou cinq de leurs factures d'électricité. Il dit bien tenter, car comme sur tout le territoire national, un nombre conséquent d'entre eux ont dû mettre la clef sous la porte, victimes d'un système européen qui indexe les prix de l'énergie sur le gaz et non pas sur les coûts réels de production. Entre novembre 2022 et octobre 2023, 1 100 boulangeries ont fait faillite dans le pays. Pour les plus petites boulangeries qui ont « tenu » face à la hausse des coûts de production - et des matières premières - le bilan n'est pas glorieux. Les trésoreries sont vidées, souvent les artisans ont dû se séparer de leurs salariés et se priver de salaire. C'est le cas de Dominique Lacotte à Saint-Priest-Taurion. En deux années, il est passé de 35 000 à 3 000 euros de trésorerie, ce qui signifie que la moindre facture, le moindre appareil dysfonctionnel peut le mettre à terre. Par ailleurs, s'il n'est pas à zéro, c'est parce qu'il a dû sacrifier une grande partie de son commerce et de sa vie privée : séparation de son apprenti, séparation de sa salariée, hausse du temps de travail de 5 à 6 heures par jour pour compenser, 6 mois sans se verser de salaire avec sa femme. Pourtant, à chacune de ses alertes, on lui répond qu'il n'est pas assez en difficulté pour être aidé. La situation est ubuesque et les « solutions » sont grotesques : pour les salaires : « On nous conseille de prendre le minimum en salaire et de demander la prime d'activité ! » ; pour la situation économique : « On me dit d'aller voir le tribunal de commerce quand je serai à zéro et de faire une liquidation judiciaire. Mais qu'est-ce qui me fait croire que ça va nous sauver ? » M. le Premier ministre a récemment déclaré que « Les Français ne travaillent pas assez ». Mme la ministre ne croit-elle pas, qui plus est à l'aune de cette situation, que c'est surtout le travail qui ne paie pas assez, y compris pour les artisans ? Sinon, comment comprendre que les boulangers soient asphyxiés, poussés à la liquidation judiciaire, sans aucune aide de l'État pour compenser les folles hausses des prix de l'énergie ? Aussi, il faut rappeler que cette situation ne fait pas que des malheureux. Si le taux de marge des boulangers est en moyenne de 8 % selon Xerfi, celui des énergéticiens était quant à lui de 80 % en 2024 d'après l'INSEE ! Un rééquilibrage entre les deux paraît plus que justifié, voire urgent. Au-delà de l'énergie, les prix des matières premières ont, eux aussi, connu un bond significatif : +50 % pour le sucre, + 74 % sur le chocolat, + 40 % sur la farine, + 30 % pour le beurre. Le taux de marge de l'industrie agroalimentaire est passé de 28 à 48 % entre fin 2021 et début 2023. Plutôt qu'un rééquilibrage et alors que la taxe sur les énergéticiens semble avoir raté sa cible selon la Cour des comptes, les boulangers vont, eux voir apparaître une nouvelle taxe : cette fois-ci sur les emballages. Pour que Mme la ministre puisse s'inspirer des réalités du terrain et prendre l'ampleur de la détresse vécue par les boulangeries, M. le député se permet de réitérer son invitation faite à son prédécesseur, à venir en Haute-Vienne faire le tour des petits commerces du département et saisir, au contact des commerçants et artisans, l'entièreté du problème. Avec son équipe, il reste à sa disposition pour l'organisation logistique de ce voyage en Haute-Vienne. En attendant la visite de Mme la ministre, il est urgent d'agir. À l'heure de la course contre le déficit, ce n'est pas aux plus petits de payer pour protéger les marges des plus profitables. On a besoin d'un rééquilibrage afin que les plus en difficulté soient protégés. Il lui demande quelles mesures elle compte mettre en place pour protéger les boulangeries et si elle compte revoir rapidement cette nouvelle taxe sur les emballages, menaçant de faire plonger un peu plus les boulangers.

Réponse publiée le 15 juillet 2025

Le Gouvernement porte une attention particulière aux artisans-boulangers dont le savoir-faire fait la fierté de la France. Le secteur de la boulangerie a en effet traversé, ces dernières années, des crises d'ampleur inégalée. Après deux années de crise sanitaire, qui ont laissé des traces profondes, se sont ajoutées l'inflation et la hausse des coûts des matières premières et de l'énergie. Tout cela a contraint le développement de l'activité, et a mis en difficulté les entreprises. Néanmoins, le secteur a fait preuve d'une grande résilience face à ces difficultés exceptionnelles. La boulangerie a su s'adapter à un contexte économique difficile et a pu compter sur l'attachement des français à leur boulanger et, plus largement, au savoir-faire artisanal. Pour autant, le Gouvernement reste particulièrement vigilant sur tout élément susceptible de perturber cette dynamique, notamment sur la hausse du prix des matières premières (en particulier s'agissant du beurre), sur les coûts de l'énergie pour les entreprises et sur les aides à l'apprentissage. Le Gouvernement a, depuis 2018, développé une politique ambitieuse de soutien à l'apprentissage. Concernant les prix de l'énergie, une très grande partie des boulangeries-pâtisseries sont éligibles aux taux réduits de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE). Le Gouvernement encourage donc les professionnels à adresser l'attestation ad hoc à leur fournisseur d'électricité pour bénéficier de cet avantage. Par ailleurs, en cas de litige avec un fournisseur d'énergie, les TPE et PME peuvent respectivement saisir le médiateur national de l'énergie et le médiateur des entreprises pour le résoudre. La saisine du médiateur national de l'énergie se fait en déclarant directement votre litige en ligne avec SOLLEN ou par courrier et celle du médiateur des entreprises s'effectue via un formulaire « démarches simplifiées ». S'agissant du déploiement du dispositif de Responsabilité Elargie du Producteur (REP) pour les emballages ménagers, qui vise à financer la collecte des déchets et le développement du réemploi, du tri et du recyclage, il ne s'agit pas d'un dispositif nouveau : la REP est en vigueur depuis 1994. En 2024, à la demande de la filière des métiers de bouche, le processus de déclaration et la méthode de calcul de la contribution ont été simplifiés par l'éco-organisme ADELPHE. Il est dorénavant possible de se baser sur le nombre de passage en caisse à la place d'une déclaration de l'ensemble des emballages vendus, si l'entreprise le souhaite. Le coût de la REP reste par ailleurs limité pour les boulangers-pâtissiers : moins de 1 centime d'euros (0,79) par passage en caisse en 2025. Au-delà du secteur de la boulangerie, les Assises de la Restauration et des Métiers de Bouche ont été lancées le 13 mai dernier afin d'élaborer un plan d'action permettant de répondre aux défis majeurs rencontrés par ces secteurs : pénurie de main-d'œuvre, transitions écologique et numérique, disparition des commerces de proximité, modification des habitudes de consommation des ménages, etc. Un rapport présentant une stratégie nationale sera remis au dernier trimestre 2025.

Données clés

Auteur : M. Damien Maudet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Commerce et artisanat

Ministère interrogé : Commerce, artisanat, PME, économie sociale et solidaire

Ministère répondant : Commerce, artisanat, PME, économie sociale et solidaire

Dates :
Question publiée le 20 mai 2025
Réponse publiée le 15 juillet 2025

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