Question écrite n° 6757 :
Préoccupations croissantes des éleveurs de la Nièvre

17e Législature

Question de : M. Julien Guibert
Nièvre (2e circonscription) - Rassemblement National

M. Julien Guibert attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les préoccupations croissantes des éleveurs de la Nièvre concernant les méthodes actuelles de comptage du loup et leurs répercussions sur la gestion des prédations. Depuis le 1er janvier 2025, l'Office français de la biodiversité (OFB) a adopté une nouvelle méthode d'estimation de la population lupine, reposant exclusivement sur la technique dite de « capture-marquage-recapture » (CMR), basée sur des analyses génétiques d'échantillons biologiques tels que fèces, poils ou urine. Cette méthode remplace l'approche antérieure qui combinait la CMR avec l'« effectif minimal retenu » (EMR), lequel prenait en compte des observations visuelles et des indices de présence. Cette évolution méthodologique suscite des inquiétudes parmi les éleveurs, notamment en raison de la possibilité que l'absence d'indices biologiques ne soit interprétée comme une absence de loups, même dans des zones où leur présence est avérée. De plus, les délais prolongés pour l'obtention des résultats d'analyses génétiques, de plusieurs mois, limitent la réactivité nécessaire pour protéger efficacement les troupeaux. Par ailleurs, le plafond annuel de prélèvement de loups est fixé à 19 % de l'effectif moyen estimé, soit 209 individus pour l'année en cours. Cependant, si l'estimation de la population lupine est sous-évaluée en raison des limitations de la méthode CMR, le nombre de prélèvements autorisés pourrait être insuffisant pour contenir les prédations, exacerbant ainsi les pertes subies par les éleveurs. D'ailleurs, aujourd'hui, tous les intéressés s'accordent pour reconnaître une sous-évaluation certaine du nombre de loups. Dans le département de la Nièvre, l'élevage en mode parcellaire est la norme alors que les systèmes de protection contre les loups ne sont pas adaptés à celui-ci. Les attaques de loups sur les troupeaux ont des conséquences économiques et psychologiques significatives pour les éleveurs. La revalorisation des barèmes d'indemnisation, bien que bienvenue, ne compense pas entièrement les pertes subies, notamment tout le travail de génétique des troupeaux ni le stress engendré par ces prédations. En conséquence, il souhaite savoir : si le ministère envisage de réévaluer la fiabilité de la méthode CMR en l'associant à d'autres indicateurs, tels que l'EMR, pour obtenir une estimation plus précise de la population lupine ; quelles mesures sont prévues pour accélérer la communication des résultats d'analyses génétiques afin de permettre une réaction plus rapide face aux attaques de loups ; si une révision du plafond de prélèvement est envisagée en cas de sous-estimation avérée de la population lupine, afin de mieux protéger les élevages ; quelles actions spécifiques le ministère compte mettre en œuvre pour soutenir les éleveurs de la Nièvre confrontés à ces défis, notamment en matière de prévention spécifiquement adaptée au mode d'élevage parcellaire, d'indemnisation et d'accompagnement psychologique, sans oublier la différenciation des mesures entre les filières ovines et bovines. Il lui demande une réponse et surtout des actes vis-à-vis de cette question cruciale pour la pérennité de l'élevage dans la Nièvre et, plus largement, pour la souveraineté alimentaire du pays.

Réponse publiée le 15 juillet 2025

La ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est pleinement consciente de la détresse des éleveurs. Les attaques par le loup ont un impact conséquent sur leur activité, en termes économiques, mais aussi psychologiques et impliquent une adaptation subie de leurs pratiques agricoles. Dans ce contexte, si la population lupine semble se stabiliser selon les estimations élaborées en 2024 par l'office français de la biodiversité (OFB), établie à un effectif moyen de 1 013 individus, elle a toutefois connu, durant ces dernières années, une augmentation ainsi qu'une expansion géographique. En conséquence, un nombre élevé de dommages aux troupeaux ont été dénombrés, dont le bilan provisoire pour 2024 est chiffré à environ 12 000 animaux prédatés, en hausse sur le front de la colonisation. L'État accompagne les éleveurs, autant pour prévenir que pour indemniser, dans le cadre notamment du plan national d'actions (PNA) loup et activités d'élevage 2024-2029 qui vise à trouver le juste équilibre entre préservation de l'espèce et maintien de l'activité d'élevage. À cette fin, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire soutient financièrement les éleveurs pour la mise en place de mesures de protection des troupeaux. Cette politique repose sur un triptyque de moyens de protection : gardiennage, mise en place de parcs électrifiés et recours aux chiens de protection des troupeaux. Ainsi, l'aide à la protection des troupeaux contre la prédation a été maintenue et renforcée dans la nouvelle programmation de la politique agricole commune (PAC). Cette aide permet le financement du gardiennage par les bergers, l'achat de clôtures, l'achat et l'entretien de chiens de protection, ainsi que la réalisation d'études de vulnérabilité et un accompagnement technique. Cependant, des difficultés de protection de certains troupeaux subsistent, malgré les nombreux efforts des éleveurs à cet égard. C'est pourquoi l'un des objectifs du PNA loup et activités d'élevage 2024-2029 est également de permettre la délivrance d'autorisations de tirs dans les meilleurs délais dès lors que les conditions préalables en termes de protection des troupeaux sont réunies. Pour l'année 2025, suite à la dernière estimation établie par l'OFB sur la base d'une nouvelle méthode plus solide scientifiquement, le plafond de spécimens pouvant être détruits est fixé à 192. En outre, l'État a souhaité faciliter l'accès aux autorisations de tirs de défense afin d'apporter une réponse aux éleveurs bovins, équins et asins, victimes de prédation lupine et en l'absence d'un référentiel de protection validé. Un arrêté modifiant l'arrêté du 21 février 2024, fixant les conditions et limites dans lesquelles les dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup, a été signé conjointement par les ministres chargés de l'agriculture et de la transition écologique le 21 juin et publié le 22 juin 2025 au Journal officiel de la République. Cet arrêté a fait l'objet d'une consultation publique du 20 mai au 10 juin 2025. Cet arrêté qui s'inscrit dans le prolongement de l'arrêté du 7 février 2025, est pris en application du paragraphe IV de l'article 47 de la loi d'orientation n° 2025-268 du 24 mars 2025 pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture.  L'évolution organisée dans cet arrêté offre un cadre renforcé pour permettre aux éleveurs de défendre leurs troupeaux, notamment de bovins, qui représentent désormais près de 8 % de la totalité des attaques répertoriées sur des troupeaux domestiques.  Enfin, il est apparu nécessaire d'envisager l'évolution des textes internationaux (convention de Berne) et européens (directive Habitats) afin de tenir compte de l'état réel de conservation de l'espèce du loup. Le comité permanent de la convention de Berne a approuvé, le 22 mars 2025, la proposition d'abaissement du niveau de protection du loup, passant de « strictement protégé » à « protégé », portée par la Commission européenne sur demande des États membres. Dans cette continuité, les États membres ont également approuvé, le 16 avril 2025, la proposition de la Commission européenne de révision du statut de protection du loup dans le cadre de la directive Habitats. Enfin, le Parlement européen a voté en faveur de cette modification, le 8 mai 2025, et le Conseil a approuvé cette évolution à une très grande majorité le 5 juin 2025. Cela offrira plus de flexibilité à la France pour gérer les populations lupines. L'entrée en vigueur de ce déclassement interviendra probablement mi-juillet prochain, après la publication au Journal officiel de l'Union européenne (UE). Les travaux relatifs à la transposition de cette directive habitat sont actuellement conduites par la préfète coordinatrice en collaboration avec les professionnels concernés et le groupe national Loup.  Dans ce contexte, la France et l'UE continueront de soutenir la mise en place d'actions en faveur de la coexistence et de la prévention de la prédation. De plus, les aides destinées à indemniser les agriculteurs concernés par des attaques pourront être maintenues.

Données clés

Auteur : M. Julien Guibert

Type de question : Question écrite

Rubrique : Élevage

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire

Dates :
Question publiée le 20 mai 2025
Réponse publiée le 15 juillet 2025

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