Question de : M. Jean-Philippe Tanguy
Somme (4e circonscription) - Rassemblement National

M. Jean-Philippe Tanguy appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur concernant la multiplication des vols de câble de cuivre sur le territoire national et au sein de la région des Hauts-de-France qui représente 30 % des vols de cuivre en France. En effet, au cours du mois de juillet la gendarmerie de la Somme a recensé de nombreux vols de câble de cuivre, entraînant des pannes de réseau généralisé au sein des communes pillées, plongeant de milliers de foyers dans l'isolement. Malheureusement ce type de vol n'a rien d'inédit, au contraire, ces actes de délinquance sont en perpétuelle augmentation. On compte en moyenne 16 vols de cuivre chaque jour. Ce métal précieux voit depuis 2016 son prix s'envoler, atteignant cette année 9 290 euros la tonne (contre 8 230 euros en 2023), devenant ainsi l'objet de convoitise des délinquants. Après avoir revendu leur stock à l'étranger et notamment en Belgique, les voleurs disparaissent dans la nature et le cuivre est rapidement fondu rendant le traçage impossible. Il devient urgent d'endiguer ce fléau national qui dépouille les opérateurs de téléphonie et désespèrent les clients. En avril 2024, quatre communes du département de la Somme se sont vues privées d'internet à la suite d'un important vol de câbles de cuivres. En attente de rétablissement des connexions internet par les opérateurs, les communes vandalisées se retrouvent paralysées durant une durée incertaine, pouvant allée de dix jours à deux mois. Privées de connexion internet et de réseau téléphonique les communes n'ont plus les moyens d'assurer la bonne gestion des services publics locaux. Ralentissement de la prise en charge de dossiers urgents par les élus locaux, non disponibilité de soins pourvues par les pharmacies, fermeture des agences postales, distributeurs de billets hors service, ce sont des dizaines de communes qui se retrouvent à l'arrêt. Au cœur des foyers, ces actes de vandalisme impactent lourdement les habitants désorientés par la désactivation des téléalarmes et l'absence de moyen de communication. Reliés à internet via le réseau cuivré, des milliers d'habitants se retrouvent dans l'incapacité de télétravailler et doivent trouver urgemment des solutions provisoires. À titre d'exemple, de nombreux français déclarent n'avoir pas d'autres choix que de faire des partages de connexion de 4G avec leurs téléphones personnels, représentant un coût financier mais également une perte de temps et d'énergie. Ainsi ces évènements interrogent également sur les conséquences de l'absence de déploiement de la fibre dans certaines zones rurales accentuant les disparités territoriales. En effet, de nombreuses communes, à l'instar de Flesselles, ne sont toujours pas desservies par un réseau mobile ou internet. Ces communes rurales ne peuvent donc pas assurer, en cas de panne, une connexion téléphonique ou interne à leurs habitants. Les réparations des réseaux représentent, par ailleurs, un préjudice financier pour les opérateurs de téléphonie mobile, obligés de retarder la mise en place de nouveaux projets de construction. Le cuivre n'est malheureusement pas l'unique objet de convoitise de ces voleurs, les agriculteurs sont loin d'être épargnés par ces actes de vandalismes récurrents. En effet, le fioul et le carburant, ayant connu une flambée des prix, sont devenus les proies de ces groupuscules. À cela s'ajoute la dangerosité de ce liquide inflammable, accentuée par la pression exercée lors du pompage, pouvant causer des dommages corporels et des dégradations matérielles (explosions etc.). Face à ces pillages, l'inaction du Gouvernement et le laxisme judicaire ne peuvent plus perdurer. L'État se doit de réagir et faire acte de fermeté face à ces actes de vandalisme. M. le député demande donc à M. le ministre les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre afin de punir plus sévèrement les auteurs de ces vols et d'endiguer ce trafic national, qui impacte les communes, leurs habitants ainsi que les agriculteurs et les opérateurs téléphonique. Par ailleurs, il souhaite connaître les mesures concrètes que le Gouvernement compte mettre en place afin d'assurer à l'ensemble des communes françaises un accès à la fibre optique.

Réponse publiée le 10 juin 2025

Définie par la loi de l'offre et de la demande, l'évolution des prix du marché de certaines matières premières conditionne, pour les malfaiteurs, l'intérêt à agir. Ainsi, le cours des métaux explique la commission de certains vols, dont celui du cuivre et des vols de câbles de télécommunication qui en sont particulièrement riches. Si la majorité des faits ont lieu principalement en bordure de routes, l'éclairage public constitue également une des cibles des groupes criminels (notamment dans le cas de lotissements isolés ou en construction). La gendarmerie nationale, compétente sur 96% du territoire national (Hexagone et outre-mer), est particulièrement impliquée dans la lutte contre ces trafics et la protection des populations qui en sont victimes. Le nombre de vols de cuivre constatés en ZGN a connu une hausse de de 19% entre 2022 et 2023. En revanche, le nombre de faits a diminué de 33,2 % en 2024 (3216 faits en 2023 contre 2149 en 2024), entraînant une diminution de 27,5% du nombre de procédures ouvertes pour des faits de vols de câbles de cuivre sur la voirie en zone gendarmerie (passant de 2492 en 2023 à 1806 procédures en 2024). En parallèle, les vols de cuivre au préjudice de l'opérateur Orange continuent d'augmenter. Au sein de l'agglomération parisienne, le phénomène de vols de câbles est relativement stable avec 143 vols signalés en 2024, contre 151 en 2023 et 147 en 2022. Pour lutter contre ce phénomène, une approche globale est mise en œuvre, d'une part, sur la prévention et le partenariat avec les entreprises privées et, d'autre part, sur le démantèlement des groupes relevant de la criminalité organisée. Le ministre de l'intérieur a signé le 9 mars 2021 avec les grands opérateurs de télécommunications et d'infrastructures une convention nationale de lutte contre la malveillance visant les réseaux de télécommunications. Cette convention a été déclinée par les préfets de département aux fins de lutter efficacement contre les actes de malveillance et les vols commis au préjudice des opérateurs nationaux de télécommunications. Ces échanges permettent une connaissance plus fine des problématiques rencontrées par les opérateurs et un partage de ces informations en temps réel aux agents sur le terrain et aux services d'enquête. Il peut également être rappelé qu'en octobre 2008, un protocole d'accord a été signé par le ministre de l'intérieur et le président de la FEDération des Entreprises de RECyclage (FEDEREC) en vue de lutter contre le vol et le recel de métaux. Ce protocole prévoit, entre autres, la mise en place d'une politique rigoureuse de l'achat au détail, la mise en place d'un réseau d'alerte et la mise en place d'un partenariat en matière de prévention situationnelle. Ce protocole a été décliné localement au niveau départemental entre 2009 et 2014. Enfin, il doit être rappelé que le ministère de l'intérieur continue de déployer un partenariat avec, par exemple, Télévision de France, Orange, les opérateurs de transport et de distribution d'électricité. Les groupements de gendarmerie et les services territoriaux de la police nationale mettent donc en œuvre des plans d'action conjoints avec les partenaires pour sécuriser le matériel sur site, créer un réseau d'alerte et mieux comprendre les modes opératoires, renforcer les échanges pour mieux détecter, prévenir les vols et préserver les traces et indices utiles à l'enquête. La mise en place de dispositifs préventifs permet d'accompagner les victimes potentielles de ce type de vols. Les forces de sécurité intérieure entretiennent le contact avec les professionnels de la filière. Les sites sensibles font l'objet d'une présence renforcée et de surveillances dédiées, dès qu'une menace potentielle est identifiée. Les référents et correspondants sûreté de la police et de la gendarmerie nationales apportent, en complément, leur concours et leur expertise en matière de prévention technique de la malveillance au profit des entreprises et opérateurs, afin d'identifier les vulnérabilités des sites tout en proposant des sécurités passives et actives adaptées. Aussi, le développement d'une véritable « culture sûreté » au sein des sociétés est vivement encouragé. Les référents et correspondants sûreté peuvent être sollicités pour dispenser des conseils en prévention situationnelle de nature à prévenir les vols de métaux ou, à tout le moins, à en réduire les conséquences. Ces professionnels, spécialement formés, peuvent : - identifier localement les principales sociétés susceptibles d'être victimes ou ayant déjà été victimes de vols, puis vérifier in situ leurs éventuelles vulnérabilités ; à l'issue, des conseils de sûreté sont prodigués aux demandeurs pour qu'ils puissent renforcer la sécurité de leurs locaux et espaces ; - organiser, au profit des professionnels, des réunions d'information et de sensibilisation aux problématiques de sûreté. Ce travail considérable de prévention et de conseil est complété par un renforcement de la présence de voie publique des deux forces, répondant ainsi à l'objectif de dissuasion des actes de malveillance, y compris ceux liés aux métaux précieux et aux biens d'utilité publique. Au-delà des patrouilles, chaque vol fait l'objet d'un traitement judiciaire adapté : identification préalable des opérateurs dans les systèmes d'information des centres d'information et de commandement (CORG et CIC) et traitement spécifique des plaintes prenant en compte leurs particularités techniques par le biais de constatations scientifiques systématiques et adaptées, complétées par une analyse des manières d'opérer afin de faciliter les rapprochements entre affaires. Concernant plus particulièrement le cas des réseaux d'éclairage public - qui demeurent vulnérables et constituent pour les groupes criminels une cible d'opportunité idéale qui induit des montants de préjudices très élevés pour les collectivités - la police et la gendarmerie nationales activent tous les leviers de coproduction de sécurité tels que l'aide aux diagnostics dans le cadre des projets de vidéo-protection et la réalisation de campagnes de sensibilisation afin de mieux détecter les agissements suspects. Dans la Somme, la gendarmerie nationale a constaté 43 faits de vols de câbles en 2024, représentant jusqu'à 2 600 mètres de câbles volés d'un coup et un préjudice de 50 000 € pour l'opérateur Orange. En collaboration avec les entreprises, la gendarmerie nationale encourage l'utilisation de systèmes de marquage des métaux (ex. : ADN synthétique) pour faciliter leur identification en cas de vol, permettre de retrouver plus facilement le métal volé et d'identifier les filières criminelles. Le déploiement de dispositifs de participation citoyenne est également vivement encouragé. La préfecture de police est d'abord mobilisée en matière de prévention situationnelle et conseille les sociétés de transport et les opérateurs de réseaux de communication franciliens sur les mesures à mettre en place afin de se prémunir contre les actes malveillants. Par ailleurs, toute documentation utile à la répression du trafic de métaux (fiche réflexe sur les vols de pots catalytiques, guide des métaux SNCF, guide du matériel utilisé par Orange, notes d'information et d'analyse criminelle de la police judiciaire au sujet des réseaux organisés spécialisés dans les vols et recels de métaux, etc.) est envoyée régulièrement aux enquêteurs. Les forces de sécurité intérieure organisent régulièrement des opérations coordonnées nationales et locales pour contrôler les activités des professions réglementées, points de vente de métaux et les centres de recyclage. Ces contrôles permettent de s'assurer de la traçabilité des métaux et d'identifier des transactions suspectes. Des actions complémentaires incluent des contrôles ciblés sur les registres des ferrailleurs, en lien avec les comités départementaux de lutte anti-fraude (CODAF) et les plateformes de recel en ligne, des contrôles des marchandises aux abords des sites de recyclage pour vérifier l'origine des métaux transportés, et une surveillance accrue des zones de brûlage utilisées pour dénuder les câbles volés. Pour la gendarmerie nationale, ces opérations sont parfois mises en œuvre et cordonnées dans le cadre des « cellules anti-cambriolages » départementales. Il en est de même dans les services de police où des enquêtes sont diligentées par les services locaux avec l'appui le cas échéant de services nationaux. Parce que ces vols de matières premières sont souvent le fait de groupes organisés, un office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) rattaché à la DGGN a été créé. Il s'agit d'une structure composée d'un échelon central à Arcueil (92) et de cinq détachements, à Nancy (54), Lyon (69), Toulouse (31), Rennes (35) et Senlis (60). L'OCLDI est chargé d'enquêter et de coordonner l'action des forces de sécurité intérieure dans ce domaine. Maillon essentiel de la lutte contre la délinquance itinérante, pour laquelle il assure également les échanges à l'international, l'OCLDI peut s'appuyer sur d'autres structures et compétences en matière de renseignement et d'enquête. Ainsi, le service central de renseignement criminel (SCRC) permet la détection de phénomènes émergents, mais également la compréhension des principaux mécanismes de ce type de délinquance, afin de mieux orienter le travail des unités. Cette lecture nationale est complétée par l'analyse des vulnérabilités identifiées sur chaque zone géographique. Les efforts combinés des forces tant au niveau central qu'au niveau local portent leurs fruits. Ainsi, entre janvier 2023 et octobre 2024, ce sont plus de 200 auteurs de vols de cuivre qui ont été interpellés par les unités de la gendarmerie sur l'ensemble du territoire national (Occitanie, Île-de-France, Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes). L'action des services de la préfecture de police de Paris a permis d'identifier et d'interpeller les auteurs d'une succession de vols de câbles d'alimentation en juillet et octobre 2023 sur les lignes T2, T6 et T7 du tramway à Paris, qui avait conduit à l'arrêt du trafic. En septembre 2024, 2 auteurs présumés du vol de plus de 3 tonnes de câbles ont été interpellés. En octobre 2024, l'interpellation de 2 individus pour le vol de 300 mètres de câble Orange ayant privé 47 foyers de l'accès à internet a conduit à une convocation en justice des auteurs. En décembre 2024, l'interpellation de 11 individus mis en cause pour 5 vols de cuivre, dont 2 avec séquestrations de personnes, commis sur les départements du Val de Marne (94), de l'Essonne (91) et d'Indre et Loire (37), fait suite à une enquête minutieuse ayant matérialisé un préjudice estimé à 3 millions d'euros. Concernant les vols de carburant, une augmentation de ce phénomène est constatée dans le département de la Somme (206 faits enregistrés au cours des 10 premiers mois de l'année 2024 contre 170 pour l'année 2023). La majorité (56%) des faits constatés concerne des poids lourds dont près de la moitié voit leurs réservoirs de carburant siphonnés sur les aires d'autoroute. 18% des faits concernent les véhicules particuliers, 15% les engins de chantier et engins agricoles et 10% des bus de transport en commun. Dans la mesure où 60% de ces vols sont commis de nuit, la gendarmerie se réarticule pour adapter son service en renforçant la surveillance nocturne, en bénéficiant de l'appui de drones et des hélicoptères de la gendarmerie. A ce titre, les aires des autoroutes A1 et A16 font l'objet d'une attention particulière (vol de carburant et vol de fret). Ainsi, les enquêteurs de l'escadron départemental de sécurité routière de la Somme ont interpellé deux individus soupçonnés d'un vol de carburant début octobre sur l'aire de Goyencourt Ouest de l'autoroute A1. Le poids lourd des malfaiteurs était équipé d'un système de pompage de carburant qui leur a permis de dérober 200 litres de carburant au moment des faits. Les deux mis en cause sont convoqués en justice. Par ailleurs, en juillet 2024, les enquêteurs de la compagnie de Montdidier ont interpellé 2 auteurs de 13 vols de carburant dans des bus scolaires à Moreuil pour un préjudice de 1400 litres. Ils seront présentés à la justice en janvier prochain. Enfin, concernant les atteintes au monde agricole, la gendarmerie déploie de nombreuses actions de prévention et de partenariat, et accompagne ainsi les agriculteurs en les sensibilisant aux enjeux de sécurité et aux phénomènes de délinquance. Les échanges réguliers avec la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et les Jeunes agriculteurs (JA) notamment, et avec leurs instances départementales, permettent de rappeler les gestes préventifs qu'il convient de mettre en œuvre pour se prémunir des menaces (vols de GPS, vols de carburant, etc.). La gendarmerie mobilise pleinement sur ces faits ses capacités criminalistiques et judiciaires.

Données clés

Auteur : M. Jean-Philippe Tanguy

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité des biens et des personnes

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 10 juin 2025

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