Quelle réponse aux agressions des agriculteurs ?
Question de :
Mme Sandra Delannoy
Nord (3e circonscription) - Rassemblement National
Mme Sandra Delannoy alerte M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur la recrudescence des tensions et des violences à l'encontre des agriculteurs et de leurs exploitations. Si la population urbaine est habituée aux « rodéos motorisés », ce phénomène se déplace, de plus en plus vers les zones rurales. En effet, plusieurs faits récents rapportés par la presse et les acteurs du monde agricole, témoignent d'un climat de tension croissante à la campagne. En mars 2025, trois individus circulant à moto dans les champs d'un agriculteur d'Escobecques n'ont pas hésité à rouler sur les jambes et genoux de celui-ci, qui, défendant son exploitation, tentait de les interpeller. Ce n'est, bien évidemment, pas un cas isolé. Dans la nuit du 3 au 4 septembre 2023, un agriculteur de Loire-Atlantique a surpris des individus taguant des messages anti-FNSEA sur ses bâtiments agricoles. Si l'agriculteur s'en est sorti indemne, un bâtiment de stockage et du matériel ont, eux, été incendiés. Aussi, en décembre 2023, un agriculteur de la commune d'Aulnoy-lez-Valenciennes a été hospitalisé après avoir été violemment agressé par un automobiliste armé d'un poing américain. Notons que ces groupements de quads, de motocross ou encore de buggys saccageant les terres agricoles se font de plus en plus fréquents. Rien que dans le Val d'Oise en 2024, on recensait 213 motos impliquées dans des rodéos en zone rurale. En 2025, on en compte déjà 97. Ces pratiques provoquent de lourds désagréments pour les agriculteurs et leurs terres. En effet, les passages répétés écrasent les semis, détruisent les cultures en place et entraînent une érosion accélérée des sols. Malheureusement, les exploitants, souvent seuls face aux problèmes, répondent parfois de façon violente à ces agressions et violations de propriété : le 6 avril 2025, un jeune homme à moto, poursuivi pour avoir circulé dans un champ, a été blessé à la cheville par le propriétaire de l'exploitation. Une occurrence parmi de multiples provocations qui traduit nettement l'exaspération des agriculteurs face à un sentiment d'abandon et d'impunité. Il faut rappeler que les terres agricoles sont l'outil de travail de ceux qui nourrissent la population française. Alors, face à ces agressions répétées et peu punies, il est à craindre que la France silencieuse, celle qui travaille et se lève tôt, à l'instar des agriculteurs, cherche de plus en plus à se faire justice elle-même. Cela étant exposé, elle lui demande donc quelles mesures il compte mettre en place pour endiguer ces rodéos, assurer la sécurité des agriculteurs, celle de leur propriété et la sérénité des campagnes.
Réponse publiée le 8 juillet 2025
La prise en compte des vulnérabilités du monde agricole est un enjeu stratégique au cœur des préoccupations gouvernementales. Des mesures sécuritaires importantes, destinées à endiguer les violences envers les agriculteurs ont été prises en collaboration avec les forces de l'ordre. Afin de répondre aux besoins de cette profession difficile et exposée, la gendarmerie s'est positionnée comme un acteur de proximité privilégié dans les territoires ruraux. À ce titre, elle déploie des dispositifs de prévention et de partenariats au profit des agriculteurs. Elle se mobilise dans le renseignement, la lutte contre toutes les formes d'atteintes touchant le monde agricole, la matérialisation des infractions et les enquêtes judiciaires. S'agissant des actions de prévention, la gendarmerie est pleinement engagée dans la lutte contre toutes les formes d'atteintes en garantissant une présence de voie publique toujours plus importante qui permet de dissuader le passage à l'acte. La création de 239 nouvelles brigades entre 2024 et 2027, dont deux tiers de brigades mobiles, concentrées sur l'action externe et dépourvues d'accueil en brigade, s'inscrit pleinement dans cette démarche et participe à la densification du maillage territorial ainsi qu'à la proximité de la gendarmerie. Les référents sûreté, présents dans chaque groupement de gendarmerie départementale et commandements de la gendarmerie d'outre-mer, assistés par les correspondants sûreté des unités locales, arment la chaîne de prévention situationnelle. À la demande des agriculteurs, ils peuvent être engagés pour réaliser des évaluations et diagnostics portant sur les vulnérabilités des emprises agricoles et fournir des préconisations techniques, humaines et organisationnelles afin d'y remédier. Ainsi, en 2024, les référents sûreté de la gendarmerie présents dans chaque département ont réalisé 66 diagnostics de sûreté au profit des exploitations et concessionnaires agricoles et 544 consultations de sûreté. En parallèle, les chaînes d'alerte SMS « Vigi-agri », mises en œuvre dans les groupements de gendarmerie départementale, en lien avec les chambres d'agriculture départementales, permettent une meilleure information pour prévenir les atteintes aux exploitations agricoles. En fonction des besoins locaux, l'offre de sécurité est adaptée par les groupements de gendarmerie. Par exemple, le dispositif « Gend'Viti », initié par le groupement de la Marne permet aux gendarmes d'être à l'écoute du monde viticole, le temps des vendanges. Cette brigade mobile saisonnière permet de recueillir des signalements, de prendre des plaintes en mobilité et d'assurer une présence au plus près des agriculteurs et de la population. Cette démarche de proximité vis-à-vis des agriculteurs tient compte de leurs contraintes professionnelles et facilite le recueil de plaintes en mobilité ainsi que la judiciarisation des faits. Par ailleurs, la gendarmerie nationale mobilise tous les vecteurs possibles, tant traditionnels (ex : sensibilisation des instances agricoles, chambres d'agriculture, associations de type AMF et AMRF, réunions publiques, presse quotidienne, radio…) que digitaux (application MaSécurité, réseaux sociaux…) afin de sensibiliser les agriculteurs à l'émergence de phénomènes délictueux et diffuser des conseils de mise en sûreté. C'est également dans cette dynamique qu'une convention de partenariat a été signée en décembre 2019 entre le ministère de l'intérieur, la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles et les Jeunes agriculteurs. Cette convention fait l'objet d'une animation trimestrielle par la gendarmerie qui permet d'aborder l'état de la délinquance et les préoccupations du monde agricole (ex. agribashing, mesures de prévention…). En outre, cette convention nationale a été déclinée au niveau local par les groupements de gendarmerie qui entretiennent des liens réguliers avec les représentants locaux de ces syndicats professionnels. Au travers des actions des forces de sécurité intérieure, le Gouvernement démontre sa volonté de garantir de manière constante la sécurité des agriculteurs sur l'ensemble du territoire national. Cette manœuvre globale de prévention est confortée par la volonté d'identifier le plus en amont possible les éventuelles menaces, qu'elles soient liées à des enjeux de délinquance ou à des groupes radicalisés violents. La recherche du renseignement est ainsi menée localement par les brigades, dans le cadre de la police de sécurité du quotidien, avec des capacités d'analyse détenues par des services spécialisés comme le service de renseignement criminel de la gendarmerie nationale, qui établit trimestriellement une analyse des faits de délinquance touchant le monde agricole. La gendarmerie lutte également contre les phénomènes sériels d'appropriation et de destruction touchant cette filière en mobilisant toute sa chaîne de police judiciaire, des brigades jusqu'aux offices centraux et unités nationales. S'agissant spécifiquement des « rodéos », les dispositifs de prévention sont complétés par des actions spécifiques, les forces de sécurité intérieures étant pleinement engagées face à ce phénomène particulier portant atteinte à la sécurité publique. Ainsi, la mise en place de dispositifs de vidéoprotection est un levier dissuasif et d'aide à l'enquête, et l'application « Ma Sécurité » permet d'accéder à un formulaire de signalement anonyme accessible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Singulièrement, la lutte contre les rodéos motorisés dans les secteurs ruraux/forestiers sera plus efficiente grace aux services en commun des forces de l'ordre avec l'Office National des Forêts (ONF) et l'Office Français de la Biodiversité (OFB), que les élus ne doivent pas hésiter à contacter pour faire remonter les problématiques locales. La synergie et la régularité des échanges, dans l'esprit du continuum de sécurité, entre tous les acteurs de la sécurité publique (élus, forces de sécurité intérieure, police municipale, police rurale, médiateurs sociaux, etc.) et de la sauvegarde du patrimoine naturel (ONF, OFB) demeurent le premier moyen de mieux identifier les zones impactées et de définir une modalité d'action locale. Concernant spécifiquement la gendarmerie, les militaires servant en escadron départemental de sécurité routière (EDSR) disposent de motos tout terrain (MTT) qui permettent une meilleure mobilité pour la détection des rodéos et rassemblements en secteur accidenté/ forestier. Des contrôles des véhicules avec remorque transportant des moto-cross ou des quads peuvent être effectués par les brigades sur les axes aux abords des zones forestières. Sous réquisition judiciaire, ils permettent la fouille de camionnettes banalisées ou d'entreprises, régulièrement empruntées à ces fins. Ces contrôles préventifs réguliers permettent de dissuader les délinquants et l'identifier les véhicules mis en cause. Si le code de la route ne s'applique que sur les voies ouvertes à la circulation publique - les auteurs de rodéos motorisés dans certains chemins forestiers ou parcelles agricoles ne peuvent donc pas se voir relever des infractions délictuelles et contraventionnelle spécifiques aux « rodéos » -, ils peuvent toutefois être sanctionnés au titre d'infractions aux dispositions du code de l'environnement, du code forestier ou encore du code pénal (cas des dégradations).
Auteur : Mme Sandra Delannoy
Type de question : Question écrite
Rubrique : Sécurité des biens et des personnes
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 20 mai 2025
Réponse publiée le 8 juillet 2025