Question écrite n° 6924 :
Interprétation de la Convention européenne des droits de l'homme par la CEDH

17e Législature

Question de : M. Michel Guiniot
Oise (6e circonscription) - Rassemblement National

M. Michel Guiniot interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'interprétation actuelle de la Convention européenne des droits de l'homme par la Cour européenne des droits de l'homme, en particulier à l'encontre de la France. En effet, selon la presse, plusieurs pays membres du Conseil de l'Europe doivent rendre une protestation à l'encontre de la CEDH et des décisions pénalisantes qu'elle rend depuis des années, sanctionnant l'exercice de la souveraineté nationale par des États qui doivent faire face au péril migratoire, mettant en difficulté leurs fondamentaux sociétaux. La CEDH a notamment contraint les États à reprendre des individus dangereux expulsés (France, 2023), à créer un « droit au retour » pour les migrants clandestins (Danemark, 2024), ou encore à vérifier la réelle identité des clandestins (Belgique, 2025). Considérant que la France est régulièrement condamnée par la CEDH alors qu'elle ne fait qu'appliquer la loi sur son sol national, il souhaite savoir s'il envisage de s'associer à cette protestation, autant dans un intérêt d'exercice souverain de la législation française que pour éviter de devoir payer des sanctions financières.

Réponse publiée le 15 juillet 2025

Depuis plus de 70 ans, la Convention européenne des droits de l'Homme constitue un pilier fondamental de la protection des libertés publiques et des droits fondamentaux en Europe. La France en est membre fondateur et soutient l'architecture juridique qui est liée à cette Convention. Celle-ci a contribué à l'affirmation et à la mise en œuvre d'un État de droit solide, au service de la démocratie et des droits et libertés des citoyens européens, qui y sont attachés. La Cour européenne des droits de l'Homme n'ignore pas l'importance de la marge d'appréciation qui doit être laissée aux Etats et la nécessité pour ces derniers de préserver leur capacité à mettre en œuvre les prérogatives indispensables pour assurer l'ordre public ainsi que la sécurité de leur population, et pour refléter le débat démocratique qui se déroule en leur sein. C'est notamment le cas dans le domaine de la lutte contre l'immigration irrégulière. C'est tout le sens de la marge d'appréciation nationale, principe consacré dans la Déclaration de Brighton de 2012 et réaffirmé dans le protocole n° 15, entré en vigueur en 2021, qui renforcent la prise en compte par la Cour du contexte national dans l'interprétation de la Convention. En pratique, la jurisprudence de la Cour témoigne d'un respect approprié de ce principe et d'un effort d'équilibre entre la protection des droits et le respect des prérogatives régaliennes des États. La France fait l'objet d'un nombre très faible de condamnations au regard du volume de requêtes introduites. Ainsi, pour 2024, on ne compte que 12 arrêts de violation pour 679 arrêts et décisions favorables à la France. Les mesures provisoires relevant de l'article 39 restent limitées à des situations exceptionnelles, y compris dans le domaine migratoire, et leur nombre se maintient à un niveau modeste (pour 2024 : 32 mesures provisoires prononcées contre 161 demandes refusées). Tout en étant attentive aux discussions en cours entre États membres et ouverte à une réflexion collective sur l'évolution du rôle de la Cour, la France n'a pas jugé opportun de s'associer à une démarche d'opposition frontale à l'encontre de la Cour européenne des droits de l'Homme. La France est convaincue que les droits et libertés que protège la Convention constituent un socle essentiel pour répondre aux défis contemporains dans le cadre de l'État de droit.

Données clés

Auteur : M. Michel Guiniot

Type de question : Question écrite

Rubrique : Traités et conventions

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 20 mai 2025
Réponse publiée le 15 juillet 2025

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