Contrôle sur la rentrée atmosphérique des objets spatiaux
Question de :
M. Arnaud Saint-Martin
Seine-et-Marne (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Arnaud Saint-Martin interroge M. le ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les contrôles assurés par l'État en matière de rentrée atmosphérique des objets spatiaux, dans un contexte de probable intensification des activités spatiales en orbite terrestre basse. La désorbitation de la capsule expérimentale Nyx de l'entreprise The Exploration Company paraît à M. le député révélatrice d'un certain flou opérationnel et réglementaire. Cette société a adopté pour ses activités en France un statut de SASU (société par actions simplifiée à actionnaire unique), l'actionnaire unique étant une société de droit allemand. Cette organisation sociale n'apporte que peu, voir aucune, garantie de préservation du patrimoine technique et scientifique national et de respect des règlementations nationales, notamment mais pas exclusivement pour ce qui concerne les matériels de guerre, biens à double à usage et accords internationaux de non-prolifération. Il faut rappeler que, quand bien même The Exploration Company les réinventerait d'elle-même sans les puiser dans les ressources humaines et savoirs existants, les techniques et méthodes nécessaires à une rentrée atmosphérique, proches de celles de la dissuasion, sont, en droit français, contrôlées. Par ailleurs, l'organisation sociale adoptée place toute la gouvernance de l'entreprise en Allemagne et, même si la question n'est pas d'une urgence absolue, permet de remonter tous les bénéfices économiques à l'actionnaire allemand. La société a annoncé un prochain essai de sa capsule Nyx après un lancement par SpaceX. Cette opération serait réputée exécutée par la SASU française sous couvert d'une licence d'exploitation dans le cadre de la loi relative aux opérations spatiales (LOS) française. En accordant cette licence, la France se reconnaît explicitement comme « État de lancement » associé pour la première phase de l'opération (lancement) et exclusif pour la rentrée atmosphérique. Elle engage donc deux fois sa responsabilité financière et, aussi, pour ce qui concerne la phase de rentrée dans l'atmosphère, sa responsabilité internationale au sens du Traité sur l'espace des Nations unies de 1967. Il faut rappeler que la responsabilité financière est illimitée et est engagée « sans faute » par la seule occurrence d'un dommage. La garantie financière ou couverture assurantielle qui sera demandée à The Exploration Company, de l'ordre de 60 millions d'euros, est, au regard des risques encourus possiblement, dérisoire. La responsabilité internationale est aussi large que sa définition dans le traité sur l'espace est succincte. Elle porte explicitement sur le respect des dispositions du traité et appelle l'État de lancement à procéder à toutes les vérifications et prendre toutes dispositions pour limiter les risques d'accident et de dommages aux biens, aux personnes et à l'environnement. Par l'octroi de cette licence, M. le député rappelle que la France s'engage donc à exécuter toutes les diligences et vérifications techniques de l'opération prévue que ce soit selon le déroulé prévu ou en mode dégradé, à émettre les avis aux navigateurs aériens et maritimes, à s'assurer que ces avis sont respectés et les réémettre en cas d'urgence ou d'écart par rapport à la prévision de retombée. Un tel engagement de l'État, économique, technique et en responsabilité, doit correspondre à un intérêt public de même valeur. On pourra ajouter que l'absence de programme spatial national nécessitant le véhicule envisagé par The Exploration Company, le prochain démantèlement de la Station spatiale internationale, le flou qui entoure les hypothétiques stations spatiales privées censées prendre la relève, seules destinations possibles pour ce véhicule, démentent l'existence d'un intérêt public à cette opération et confèrent à l'engagement de la France un caractère profondément irrégulier. La situation est d'autant plus singulière que l'État allemand, qui revendique depuis toujours une ambition en matière de vol habité, se retrouve dégagé de toute responsabilité par la précipitation française à se dire responsable de l'opération. Ainsi, il l'interroge sur la légitimité de cette licence française et, en plus de sa dénonciation, encourage la France à exiger de l'État allemand la reprise des travaux de vérification et de confirmer son engagement formel comme État de lancement.
Réponse publiée le 8 juillet 2025
Le cadre juridique des opérations spatiales est posé par la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales (dite LOS). Celle-ci impose seulement un siège social en France pour être considéré comme un opérateur français. En l'espèce, l'extrait Kbis fourni par The Exploration Company dans son dossier administratif précise que cette société à statut de société par actions simplifiée unipersonnelle est enregistrée en France et que son siège social est situé en France. Dans ces conditions, c'est bien le droit français qui s'applique, selon le principe de territorialité de la loi. Le dépôt d'une demande en France en 2023 pour leur première capsule était aussi liée à l'absence de loi spatiale nationale en Allemagne. La loi du 3 juin 2008 précitée fournit un cadre juridique et un guide technique permettant de mieux encadrer la sécurité de ce type d'opération. The Exploration Company ne dispose pas de licence (telle que définie par le 2ème alinéa de l'article 4 de la loi) mais passe par le processus de demande d'autorisation prévu par la loi. L'opération consistant en un retour sur Terre ne nécessite pas un avis préalable du ministère des armées. Concernant la garantie financière, le seuil est fixé par la loi de finances rectificative n° 2008-1443 du 30 décembre 2008. Concernant les vérifications techniques de l'opération, celles-ci sont effectuées par le bureau « loi sur les opérations spatiales » du Centre national d'études spatiales (équipe technique dédiée à la sécurité des vols orbitaux). Outre la vérification du dossier technique de la capsule et de sa conformité à la règlementation technique applicable, un suivi est assuré pour permettre l'émission des notifications pour le trafic aérien et maritime et la vérification du bon déroulement de la mission. En particulier, la zone de retombée est contrôlée suivant les paramètres d'injection du lanceur afin de minimiser le risque sur les personnes, les biens et l'environnement. Concernant l'intérêt public et l'adéquation de la mission Nyx de The Exploration Company avec les priorités nationales, cette mission est un précurseur pour un projet de cargo en orbite basse de l'Agence spatiale européenne auquel la France a souscrit en 2022. L'exercice de stratégie spatiale nationale en cours confirmera, ou non, l'intérêt de ce projet, notamment en vue du prochain conseil ministériel de l'Agence spatiale européenne.
Auteur : M. Arnaud Saint-Martin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Espace et politique spatiale
Ministère interrogé : Enseignement supérieur et recherche (MD)
Ministère répondant : Enseignement supérieur et recherche (MD)
Dates :
Question publiée le 27 mai 2025
Réponse publiée le 8 juillet 2025