La suppression des petits ouvrages hydrauliques
Question de :
Mme Julie Delpech
Sarthe (1re circonscription) - Ensemble pour la République
Mme Julie Delpech attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur les effets de la politique d'effacement des petits ouvrages hydrauliques, notamment les seuils et chaussées de moulins, dans le cadre de l'application de la directive-cadre sur l'eau (DCE). Dans plusieurs départements, ces opérations se sont multipliées sous l'effet d'une transposition stricte du droit européen et de dispositifs de financement qui privilégient l'effacement des ouvrages. À l'inverse, les aménagements compatibles avec la continuité écologique, comme les passes à poissons, restent peu soutenus financièrement, ce qui limite leur mise en œuvre. En Sarthe, l'association de sauvegarde des moulins et rivières alerte sur les effets de ces démantèlements : disparition de masses d'eau, assèchement de nappes d'accompagnement, déstabilisation des berges et fragilisation du bâti environnant. Cette politique suscite également un fort sentiment d'exclusion chez certains acteurs locaux, notamment les propriétaires de moulins, qui déplorent de ne pas être suffisamment associés aux décisions prises dans les instances de gouvernance de l'eau. Dans ce contexte, Mme la députée souhaite savoir si Mme la ministre entend rééquilibrer les critères de financement afin d'encourager des solutions alternatives à la suppression des ouvrages. Elle lui demande également si elle envisage de renforcer la représentation des gestionnaires de moulins dans les instances locales de concertation et de réexaminer les orientations des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) pour garantir une gestion durable, concertée et adaptée aux réalités des territoires.
Réponse publiée le 24 juin 2025
Le Gouvernement entend pleinement les inquiétudes exprimées par les acteurs de terrain, en particulier les propriétaires de moulins et les élus locaux, quant aux effets des projets de restauration sur leur patrimoine et leur territoire. Les pressions hydromorphologiques sur les cours d'eau, que sont la rectification de leur cours, les endiguements et la fragmentation par des ouvrages transversaux, sont, avec les pollutions diffuses, les principales causes de non atteinte du bon état écologique des masses d'eau. Les travaux engagés en faveur de l'atteinte de ce bon état bénéficient de niveaux de financements des agences de l'eau qui tiennent compte de l'effet du projet sur l'atteinte du bon état exigé par la directive cadre sur l'eau. En l'occurrence, si l'aménagement des ouvrages hydrauliques existants par des dispositifs de franchissement permet une meilleure circulation piscicole vers l'amont, cela reste très insuffisant pour améliorer le bon fonctionnement global du cours d'eau. En effet, la mise en place de dispositifs de franchissement de type passes à poisson ne résout pas les difficultés liées au réchauffement de l'eau dans la retenue ou bien encore à l'eutrophisation de celle-ci par concentration des pollutions et des nutriments. Ainsi, pour améliorer l'état écologique d'une masse d'eau mais aussi assurer une meilleure résilience des territoires face au dérèglement climatique, il est primordial de privilégier les mesures qui favorisent le bon fonctionnement global des cours d'eau et le rétablissement de l'ensemble des services écosystémiques rendus par les cours d'eau : auto-épuration de l'eau, diminution de la température de l'air par rétablissement de « l'eau verte » évapo-transpirée par la végétation environnante (ripisylves) et de la course de l'eau, stockage de l'eau dans les zones humides adjacentes, le sol, les nappes souterraines et le linéaire du cours d'eau reméandré, amorti des phénomènes de sécheresse et d'inondation, etc. Les collectivités gemapiennes l'ont bien compris. Elles multiplient, avec l'aide des agences de l'eau, les projets de restauration des fonctionnalités naturelles des cours d'eau et des zones humides associées. C'est ainsi que ces projets bien souvent prévoient, après discussions et concertations avec tous les acteurs locaux et bien sûr accord des propriétaires d'ouvrages hydrauliques, des suppressions d'ouvrages transversaux ou des reculs de digues latérales pour restaurer la course naturelle de l'eau dans toutes ses dimensions. Ces suppressions qui permettent un gain collectif supérieur, font donc, en toute logique l'objet d'une préférence de subvention, validée par le comité de bassin et le conseil d'administration des agences de l'eau, par rapport au maintien de l'ouvrage et à son aménagement par une passe à poissons. Il est néanmoins essentiel que l'ensemble des solutions soit évalué au cas par cas, selon leur efficacité réelle pour l'atteinte du bon état écologique. Ainsi, certaines alternatives techniques comme les passes écologiques à haut rendement ou les ouvrages à transparence piscicole renforcée peuvent, lorsqu'elles présentent un bénéfice environnemental démontré, faire l'objet d'un accompagnement financier adapté. Le respect du patrimoine bâti fait néanmoins bien entendu partie des enjeux intégrés à la concertation, notamment avec les services du ministère de la culture. De même, le risque de déstabilisation des bâtiments par effet de gonflement-rétractation de l'argile ou le risque d'érosion de berge est systématiquement étudié et pris en compte dans les projets de restauration qui peuvent en outre inclure du génie végétal permettant le renforcement des berges, ainsi que la recharge sédimentaire des lits trop incisés par l'érosion. Les projets de restauration s'attachent à porter une vision intégrée des enjeux environnementaux, énergétiques et architecturaux locaux et à documenter les retours d'expérience. La concertation assurée par les collectivités gemapiennes est systématiquement ouverte à tous les acteurs concernés, riverains et associations qui sont invités à s'y exprimer dans un esprit constructif. La participation des gestionnaires d'ouvrages hydrauliques aux instances locales de concertation (commissions territoriales, SAGE, etc.) constitue un axe de progrès identifié. Leur meilleure intégration dans les dynamiques de gouvernance locale est encouragée, en lien avec les collectivités gemapiennes. De plus, l'effacement d'ouvrages ne peut être tenu responsable des assèchements observés l'été sur de nombreux cours d'eau : il s'agit généralement d'une conséquence du dérèglement climatique, souvent accentué par un usage trop intense de la ressource en eau sur cette période de basses eaux. Le centre de ressources cours d'eau de l'Office français de la biodiversité recense les retours d'expérience des projets de restauration par objectif environnemental visé (réduction du risque inondation, gestion quantitative de la ressource, retours d'espèces protégées, etc.) : https://professionnels.ofb.fr/node/193
Auteur : Mme Julie Delpech
Type de question : Question écrite
Rubrique : Handicapés
Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Dates :
Question publiée le 27 mai 2025
Réponse publiée le 24 juin 2025