Question écrite n° 7047 :
Voile islamique, librairie salafiste: les dérives islamistes du Pass Culture

17e Législature

Question de : M. Julien Odoul
Yonne (3e circonscription) - Rassemblement National

M. Julien Odoul interroge Mme la ministre de la culture sur le contenu et les symboles mis en avant dans une vidéo de promotion de mai 2025 du Pass Culture diffusée par les canaux officiels du Gouvernement. Dans ce clip officiel censé incarner l'accès des jeunes à la culture, l'un des visages choisis par le ministère de la culture est celui d'une jeune femme voilée, présentée comme « ambassadrice » du dispositif. Ce choix entre en totale contradiction avec l'exigence de neutralité des services de l'État. Cette communication légitime l'un des marqueurs de l'islamisme pourtant visé par le ministère de l'intérieur dans un récent rapport. Loin de la promesse d'émancipation intellectuelle, le Pass Culture devient ici un véhicule de normalisation de l'islam politique, sous couvert de représentation. À travers cette vidéo, le ministère de la culture valide l'idée que l'accès à la culture peut désormais s'accommoder d'un imaginaire religieux identitaire, en contradiction totale avec l'idéal républicain de laïcité. Cette infraction aux règles républicaines s'ajoute à des dérives déjà constatées dans l'usage du Pass Culture, comme la possibilité pour des jeunes d'acheter, avec des fonds publics, des ouvrages fondamentalistes dans des librairies proches de la mouvance salafiste, comme la librairie Sana. Comme révélé dès le 27 juin 2017 dans un article de Libération, cette librairie propose à la vente, en toute légalité, des textes de prédicateurs comme Ibn Taymiyya ou Al-Albani, prescrivant aux femmes leur conduite, leur tenue, leur soumission, autant de prescriptions incompatibles avec les principes républicains. Alors que le combat contre l'islamisme devrait être une priorité culturelle autant que sécuritaire, le Gouvernement semble aujourd'hui relayer les codes et les symboles de l' islamisme. Il lui demande si elle juge compatible avec sa mission la promotion du voile islamique dans les campagnes officielles de son ministère et pourquoi aucune mesure n'a été prise pour empêcher que le Pass Culture finance la diffusion des idéologies islamistes auprès de la jeunesse française.

Réponse publiée le 29 juillet 2025

Lancé en 2021, le programme des « Ambassadeurs » permet à des jeunes de 15 à 21 ans de s'impliquer très concrètement dans la vie culturelle de leur territoire et de porter envers leur génération des formes de médiation de pair à pair. Plus de 600 jeunes, répartis dans les grandes villes de France, sont actuellement mobilisés, participent à des événements, rencontrent des professionnels de la culture, s'investissent dans des projets collectifs, témoignent de leur expérience et contribuent à mieux faire connaître le pass Culture à tous ses bénéficiaires. Ces jeunes particulièrement engagés prennent la parole sur les réseaux sociaux pour faire partager des expériences culturelles et encourager d'autres bénéficiaires à y participer. Ainsi, parmi les dizaines de vidéos publiées, deux jeunes femmes ont partagé auprès des utilisateurs de la plateforme leur expérience d'une visite au musée de l'Homme à Paris et invité les utilisateurs du pass Culture à profiter en nombre des opportunités offertes par la Nuit européenne des musées. L'une d'entre elles avait les cheveux couverts, ce qui aurait dû conduire, selon l'argumentaire de Monsieur le député, à son exclusion du dispositif au titre de la neutralité de l'État. L'article 1er de la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État pose un principe qui fonde la laïcité telle que portée par la République française : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public. » La Constitution de la Ve République reprend ce principe dans son article premier, en affirmant que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » Ainsi, le principe de neutralité de l'État ne suppose pas d'écarter de l'espace et des dispositifs publics toute forme d'expression religieuse, mais de garantir la non-discrimination des religions et des personnes sur la base de leurs croyances d'une part, et d'assurer l'ordre public d'autre part, sans que les mesures prises en ce sens puissent porter une atteinte disproportionnée au précédent principe. Rien dans le contenu de cette vidéo, ni dans l'attitude ni dans le discours de ses protagonistes, ne permet de caractériser un quelconque prosélytisme ou un élément de nature à troubler l'ordre public. Au contraire, cette vidéo montre l'attachement de deux jeunes femmes à promouvoir auprès d'autres publics la richesse du patrimoine français. Écarter une des participantes sur le seul principe de ses croyances ou de ses choix vestimentaires constituerait une discrimination contraire aux principes constitutionnels de la République. Par ailleurs, Monsieur le député appelle l'attention sur la présence de librairies ayant des fonds de livres religieux sur la plateforme, ainsi que sur le contenu de certains ouvrages présents dans les catalogues des librairies référencées. Là encore, le principe de non-discrimination sur la base des croyances et des opinions, ainsi que la garantie des libertés de création et d'expression n'est pas compatible avec une décision des services et de la structure chargés du pass Culture d'exclure du champ culturel éligible au dispositif des œuvres ou des lieux culturels sur la base de leur contenu, sauf si celui-ci a été explicitement limité dans sa diffusion, voire interdit par une décision de justice. Seul le juge peut en droit se prononcer sur la conformité à la loi. Toutefois, visant un public jeune et potentiellement vulnérable, le pass Culture est attentif aux acteurs et aux contenus présents sur la plateforme. Les services de l'État chargés de la lutte contre la radicalisation et les dérives sectaires sont consultés avant tout référencement d'acteurs proposant des contenus religieux ou ésotériques. Des échanges réguliers ont également lieu concernant les acteurs culturels présents sur la plateforme. En cas d'alerte de la part de ces services, des procédures de déréférencement peuvent être engagées, de façon contradictoire, sur la base d'éléments factuels précis. Enfin, le pass Culture, dans sa politique d'éditorialisation, s'interdit toute mise en avant de contenu à caractère religieux ou polémique. L'action du ministère de la culture est systématiquement inscrite dans le plus strict respect du cadre légal et des principes constitutionnels, en veillant notamment aux principes d'égalité des citoyens devant la loi, de préservation des libertés individuelles, notamment d'opinion, de croyance, d'expression, de création. Les principes de l'État de droit sont strictement et fermement appliqués, dans le respect de l'ordre public et sans céder à aucune injonction de nature identitaire, sectaire, populiste ou autoritaire.

Données clés

Auteur : M. Julien Odoul

Type de question : Question écrite

Rubrique : Laïcité

Ministère interrogé : Culture

Ministère répondant : Culture

Dates :
Question publiée le 27 mai 2025
Réponse publiée le 29 juillet 2025

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