Décret n° 2025-304 et formation des professionnels de la petite enfance
Question de :
M. Thibault Bazin
Meurthe-et-Moselle (4e circonscription) - Droite Républicaine
M. Thibault Bazin attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur certaines dispositions du décret n° 2025-304 du 1er avril 2025 relatives à la formation et à la qualification des professionnels de la petite enfance. La formation de ces professionnels est un enjeu particulièrement crucial pour garantir la qualité d'accueil des jeunes enfants dans les structures spécialisées, dont on a récemment découvert les carences, parfois aux conséquences désastreuses. À cette problématique s'ajoute celle, non moins critique, de la pénurie de personnel. Aujourd'hui, en France, moins de 8 000 personnes sont diplômées chaque année alors qu'il manquerait déjà dans les crèches plus de 10 000 professionnels. Le décret susmentionné, traitant des autorisations de création, d'extension et de transformation des établissements d'accueil de jeunes enfants et ainsi que de l'accueil dans les micro-crèches, affiche notamment deux objectifs louables : faire converger les normes d'encadrement des micro-crèches vers celle des établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE) « classiques » et restaurer l'attractivité des métiers de la petite enfance. Ce décret tend pour ce faire à rehausser le niveau de qualification en micro-crèches. Il diminue ainsi fortement le nombre de professionnels jusqu'alors considérés comme relevant de la catégorie 1, imposant à nombre d'entre eux d'acquérir, avant le 1er septembre 2026, un nouveau diplôme d'État via la validation par les acquis de l'expérience (VAE). Désormais, chaque équipe d'encadrement doit comporter au minimum un équivalent temps plein de la catégorie 1. Mais il est laissé très peu de temps aux structures d'accueil pour satisfaire aux nouvelles exigences, surtout si l'on considère qu'un candidat attend aujourd'hui entre six mois et un an avant de pouvoir passer devant un jury de VAE. Il est également urgent de questionner l'opportunité d'envisager une VAE pour certains professionnels déjà accrédités par un CAP Accompagnement éducatif petite enfance (AEPE) et témoignant sur le terrain d'un travail dont la qualité est reconnue. Ainsi, la VAE est-elle un dispositif adapté et accessible à de nombreux profils peu « scolaires » et pourtant qualifiés, dans les faits, pour œuvrer auprès des petits enfants ? Finalement, il lui demande quelles mesures urgentes le Gouvernement entend mettre en œuvre pour accompagner les structures d'accueil dans l'application des nouvelles exigences dans les délais impartis, adapter le recours à la VAE afin d'en garantir l'accès équitable et anticiper l'impact de cette réforme sur les effectifs déjà en tension ainsi que sur l'offre de places déjà insuffisante pour répondre à l'ensemble des besoins.
Réponse publiée le 10 juin 2025
Le décret du 1er avril 2025 a notamment pour objet d'aligner les normes d'encadrement des micro-crèches sur les crèches classiques de taille similaire (petites crèches). Il revient sur les dérogations qui s'appliquaient aux micro-crèches et demande que la structure compte au moins un professionnel diplômé d'Etat de rang 1 et la possibilité pour ce professionnel d'accueillir seul jusqu'à 3 enfants. Le texte prévoit qu'un directeur exerce des fonctions de direction pour un maximum de 2 établissements. La priorité de cette mesure est la qualité de l'accueil des enfants et la mise en place des garanties nécessaires pour que l'accueil soit respectueux de leurs besoins et de leurs droits. Cette qualité d'accueil est également la condition primordiale pour restaurer l'attractivité des métiers : les professionnels ne pourront venir et rester dans le secteur de la petite enfance que s'ils sont en mesure d'exercer leur profession d'une façon qui soit conforme à leurs valeurs et à leur formation. Tout a été mis en place depuis deux ans pour s'engager dans un mouvement positif afin de rétablir la qualité d'accueil comme corollaire et préalable de la réponse aux défis de la pénurie de professionnels. Plusieurs rapports des inspections générales, tant le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2023 sur la qualité d'accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches que le rapport IGAS-Inspection générale des finances (IGF) sur les micro-crèches de 2024, ont souligné au cours des deux dernières années que les conditions d'encadrement dérogatoires prévues pour les micro-crèches n'étaient pas suffisantes pour garantir cette qualité d'accueil et permettre un accompagnement adéquat des professionnels dans l'exercice de leur métier. Les conclusions de ces rapports, fruits de plusieurs mois d'investigations approfondies des inspections générales, ont été saluées par l'ensemble du secteur pour leur pertinence et leur fidélité à la réalité quotidienne des professionnels et des enfants qu'ils accueillent. Le Gouvernement agit en conformité avec ces recommandations. Les enfants qui sont accueillis dans les micro-crèches et dans les petites crèches sont les mêmes : il n'y a aucune raison acceptable que les conditions prévues pour l'encadrement ne soient pas similaires. Les catégories administratives n'ont pas à avoir d'influence sur la façon dont sont accompagnés les enfants. Ces orientations ne signifient nullement que l'Etat abandonne les micro-crèches : il finance ces établissements en versant aux parents le complément mode de garde et en accordant aux entreprises qui y réservent des berceaux des crédits d'impôt et des exonérations sociales. A ce jour, le montant global de financement public pour un berceau en micro-crèche prestation d'accueil du jeune enfant peut aller jusqu'à près de 22 000 euros par an (rapport IGAS-IGF). L'Etat agit en faveur des professionnels, qui sont confrontés quotidiennement aux difficultés induites par des conditions d'encadrement fragiles, pour leur donner la même qualité de conditions de travail et d'accompagnement que les salariés de crèches classiques. S'agissant de fonctions de directeur, les professionnels titulaires de diplômes d'Etat, notamment les éducateurs de jeunes enfants et les infirmiers puériculteurs, sont formés pour assurer la direction des structures, accompagner et former leurs équipes, animer le projet pédagogique de l'établissement. Ils permettent à tous les professionnels de la structure de travailler en confiance et en sécurité avec un encadrement formé. Il est de la responsabilité des gestionnaires et des employeurs d'accompagner les professionnels titulaires d'un certificat d'aptitude professionnelle ou d'un diplôme d'auxiliaire de puériculture dans leur parcours de carrière et de leur permettre d'acquérir les diplômes et certifications nécessaires pour progresser vers des emplois de direction. Pour accompagner cette réforme, des mesures dérogatoires sont prévues pour les personnels déjà en poste et les nouvelles normes ne s'appliqueront aux recrutements qu'à partir du 1er septembre 2026, afin de laisser le temps nécessaire pour s'organiser et pour préserver les structures existantes. Des travaux sont également en cours pour faciliter l'accès à la validation des acquis de l'expérience pour les professionnels avec notamment la création pour septembre 2025, d'un nouveau titre professionnel à visée éducative de niveau 4. Le Gouvernement reste néanmoins vigilant quant au modèle économique global de ces crèches. C'est dans cette optique qu'une réforme du financement de l'accueil du jeune enfant est d'ores et déjà engagée. Les élus seront associés à cette démarche et ses effets se concrétiseront pleinement dans la prochaine convention d'objectifs et de gestion de la caisse nationale des allocations familiales, afin de favoriser la création et le maintien de places dans un cadre financier plus sécurisé.
Auteur : M. Thibault Bazin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions et activités sociales
Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles
Ministère répondant : Travail, santé, solidarités et familles
Dates :
Question publiée le 27 mai 2025
Réponse publiée le 10 juin 2025