Question écrite n° 7133 :
Dérives graves dans les pratiques de contrôle des agents de la RATP

17e Législature

Question de : Mme Caroline Colombier
Charente (3e circonscription) - Rassemblement National

Mme Caroline Colombier alerte M. le ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports, sur les dérives dans les pratiques de contrôle des agents de la RATP, révélées dans une enquête du Journal du Dimanche (20 mai 2025). Alors que la lutte contre la fraude est un objectif légitime poursuivi par Île-de-France Mobilités (IDFM) et les opérateurs de transport, les moyens actuellement employés suscitent de graves inquiétudes sur les plans éthique, juridique et social. L'article du JDD révèle que les agents de la RATP reçoivent des primes pouvant atteindre 500 euros par mois, indexées sur les amendes réglées immédiatement par les usagers. Concrètement, chaque mois, les agents perçoivent 10 % des recettes issues des amendes payées sur place. Plusieurs agents témoignent que ce système de rémunération incite à cibler préférentiellement des voyageurs solvables sur des critères notamment vestimentaires au détriment d'une stratégie cohérente de lutte contre la fraude. Un agent affirme ainsi : « On cible ceux qui peuvent payer tout de suite », tandis que d'autres indiquent laisser partir les contrevenants les plus agressifs ou insolvables faute d'alternative. Des verbalisations jugées abusives ou absurdes sont également documentées : usagers sanctionnés pour une photo floue sur un passe Navigo, ou pour avoir transporté une plante, alors même qu'ils avaient un titre valide. Les cas de personnes âgées ou vulnérables verbalisées sans discernement sont également signalés. En parallèle, l'efficacité globale du système reste faible : avec 1,7 million d'infractions constatées chaque année, mais un taux de recouvrement global estimé à 45 %, le montant total récupéré par la RATP avoisine 65 millions d'euros, soit moins de 1 % de son chiffre d'affaires annuel. Ce double constat d'inefficacité structurelle et ciblage discriminatoire soulève des problèmes d'éthique publique (l'existence de primes proportionnelles aux encaissements favorise une logique de rentabilité individuelle incompatible avec les missions de service public) et de déontologie des agents (les objectifs chiffrés de verbalisation peuvent générer des dérives de zèle punitif, décorrélées de la gravité réelle des infractions). Dans ce contexte, elle lui demande si le Gouvernement entend diligenter une mission d'inspection générale (IGEDD ou IGF) sur les pratiques de contrôle de la RATP et leur conformité au droit, si le système de primes indexées sur les paiements immédiats est compatible avec les principes de neutralité et d'impartialité dans l'action des agents et enfin si une réforme du cadre de recouvrement des amendes est envisagée pour améliorer leur efficacité sans générer d'atteintes aux libertés ou de discriminations.

Réponse publiée le 29 juillet 2025

La lutte contre la fraude constitue un enjeu majeur pour les opérateurs de transport qui représente, pour la seule Île-de-France, une perte de recettes estimée à 700 M€ par les opérateurs, dégradant d'autant la qualité de service, pénalisant l'ensemble des usagers voyageant en règle. Face à ce phénomène, la RATP emploie près de 1 000 agents dédiés à la lutte contre la fraude, appuyés par 1 000 agents de sûreté. Ces effectifs permettent de déployer quotidiennement entre 400 et 600 agents sur l'ensemble du réseau. Pour intensifier la lutte contre la fraude, Île-de-France Mobilités et la RATP déploient depuis début 2025 une nouvelle stratégie prévoyant un doublement, d'ici 2026, des opérations conjointes avec la police nationale, les polices municipales, la brigade régionale des transports et la sûreté ferroviaire de la SNCF. Sur le réseau ferré, l'entreprise augmentera progressivement de 50 % le nombre de contrôles réalisés, en réallouant une partie des agents actuellement affectés aux gares et stations. Sur le réseau de surface, des expérimentations sont en cours, conjointement menées par la RATP et IDFM, sur plusieurs lignes de tramway et de bus fortement exposées à la fraude, afin de doubler les effectifs de contrôle et de viser une baisse de 30 % du taux de fraude. Dans le prolongement de cette dynamique, la loi n° 2025-379 du 28 avril 2025 relative au renforcement de la sûreté dans les transports permettra aux agents assermentés de vérifier en temps réel l'adresse des contrevenants, ce qui contribuera à améliorer le taux de recouvrement des amendes. Enfin, le régime applicable aux sanctions tarifaires a également évolué. Depuis le 2 juin 2025, le montant de l'amende pour absence ou non-validation d'un titre de transport s'élève à 70 € (contre 50 € auparavant) en cas de paiement immédiat, à 120 € en cas de règlement dans un délai de 90 jours, et à 180 € au-delà. La minoration du montant en cas de paiement immédiat est une pratique répandue, cohérente avec celle appliquée pour les amendes routières par l'État, et adoptée par la majorité des réseaux de transport. La hausse du montant de ces amendes est destinée à renforcer leur caractère dissuasif. Concernant le dispositif de prime à destination des contrôleurs, il convient avant tout de souligner qu'il ne donne lieu à aucun versement individuel indexé directement sur le nombre ou le montant des amendes délivrées par l'agent. Il s'agit en effet d'un versement collectif, attribué à l'ensemble des membres d'une même équipe de contrôle (généralement composée de quatre agents), visant ainsi à éviter toute logique de rémunération à la performance individuelle. Son montant est en moyenne de 150 € brut par mois et constitue aussi un levier de reconnaissance professionnelle, dans un contexte où le métier de contrôleur demeure confronté à des difficultés de recrutement et fait partie des métiers exposés, notamment aux agressions qui sont en hausse. Concernant les risques de dérives relayés par la presse, la RATP dispose de procédures de contrôle et d'audit internes destinées à prévenir tout comportement non conforme à la déontologie de ses agents. La présentation de la carte d'assermentation est exigée sur simple demande du voyageur et une formation rigoureuse est dispensée à l'ensemble des agents de contrôle. Un dispositif de recours permet par ailleurs aux usagers de contester les verbalisations dans un délai de trois mois, et un médiateur indépendant peut être saisi. Parmi les 25 millions de contrôles effectués chaque année par la RATP, 1 million d'entre eux font l'objet d'une amende. Seules 2,6 % d'entre elles sont contestées par les voyageurs et 0,88 % sont annulées. L'entreprise a néanmoins engagé une réflexion continue sur les pratiques de contrôle afin de garantir un juste équilibre entre efficacité, équité et respect des libertés individuelles. Elle rappelle à ses agents l'impératif de discernement dans l'application du code des transports. Aucune consigne de ciblage discriminatoire n'est donnée et la RATP veille à ce que chaque contrôle soit conduit avec la plus grande vigilance. Au bénéfice de ces observations, le Gouvernement constate qu'une mission spécifique des inspections générales sur les pratiques de contrôle de la RATP et leur conformité au droit, n'apparaît pas nécessaire, pas plus qu'une réforme du cadre de recouvrement des amendes au-delà des améliorations législatives précédemment évoquées.

Données clés

Auteur : Mme Caroline Colombier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Transports urbains

Ministère interrogé : Transports

Ministère répondant : Transports

Dates :
Question publiée le 27 mai 2025
Réponse publiée le 29 juillet 2025

partager