Gouvernance et les modalités d'exercice du droit de préemption par les SAFER
Publication de la réponse au Journal Officiel du 2 décembre 2025, page 9748
Question de :
Mme Isabelle Rauch
Moselle (9e circonscription) - Horizons & Indépendants
Mme Isabelle Rauch attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la gouvernance et les modalités d'exercice du droit de préemption par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER). Créées par la loi n° 60-808 du 5 août 1960, les SAFER ont pour mission de contribuer à la structuration du monde agricole et à l'aménagement du territoire rural. Elles agissent principalement par l'acquisition foncière, soit à l'amiable (environ 87 % des cas), soit via l'exercice du droit de préemption, afin notamment de faciliter l'installation et le maintien d'agriculteurs, de lutter contre la spéculation foncière, de préserver les paysages, l'environnement et la biodiversité et de garantir un usage agricole des terres. Les SAFER sont organisées à l'échelle régionale (ou départementale) et s'appuient sur des comités techniques qui rendent des avis dans le cadre des décisions foncières. Ces comités sont censés refléter la diversité des acteurs économiques, agricoles et territoriaux. Toutefois, plusieurs analyses académiques et rapports soulignent un déséquilibre possible dans la représentation effective des acteurs au sein de ces comités, en raison des modalités indirectes de désignation des membres par les conseils d'administration d'organismes partenaires. Cette situation pourrait restreindre la diversité des points de vue dans l'analyse des projets, voire soulever des interrogations quant à l'impartialité du traitement des dossiers. Par ailleurs, bien que les critères d'exercice du droit de préemption soient définis par le code rural, la mise en œuvre concrète de ce droit par les SAFER manque de lisibilité. Peu de dispositifs de publicité existent autour des arbitrages opérés, qu'il s'agisse des dossiers retenus ou de ceux écartés. Cette opacité perçue suscite, sur certains territoires, une incompréhension de la part des porteurs de projets et des élus. Enfin, les décisions de préemption peuvent parfois concerner des terrains sur lesquels les collectivités territoriales ont engagé une réflexion ou portent elles-mêmes un projet à vocation agricole, sociale ou environnementale. Il n'existe cependant aucune obligation formelle de concertation avec ces collectivités dans le cadre des procédures engagées par les SAFER. Ce défaut d'articulation peut générer des blocages, en particulier dans les territoires ruraux soumis à une forte pression foncière. Aussi, elle souhaite savoir si le Gouvernement envisage d'évaluer la gouvernance interne des SAFER, notamment la composition de leurs comités techniques, afin de garantir une représentation équilibrée des différentes sensibilités dans les décisions de préemption. Elle l'interroge également sur la possibilité que des mesures soient prises pour renforcer la transparence des décisions de préemption, notamment par la publication d'avis motivés, la communication des critères utilisés ou la diffusion des décisions d'attribution des terrains. Enfin, elle souhaite connaître les intentions du Gouvernement concernant l'instauration d'une obligation formalisée de concertation avec les collectivités territoriales en amont des opérations foncières, particulièrement lorsque des projets locaux portés par ces collectivités sont concernés.
Réponse publiée le 2 décembre 2025
Les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) ont un statut spécifique dans le paysage administratif national puisque ce sont des sociétés anonymes sans but lucratif exerçant un certain nombre de missions de service public pour le compte de l'État. La recherche d'une meilleure transparence visant les décisions prises constitue un objectif constant des ministères assurant la tutelle de ces sociétés. Cet objectif a été pris en compte par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, qui a modifié le mode de gouvernance des SAFER avec la création, au sein des conseils d'administration, de trois collèges distincts qui assurent la représentation des organisations syndicales à vocation générale d'exploitants agricoles représentatives (premier collège), des collectivités locales (deuxième collège), et de l'État notamment (troisième collège). Le contrôle des activités de ces sociétés est effectué par les commissaires du Gouvernement (représentants au niveau régional des ministères chargés de l'agriculture et des finances), qui peuvent émettre des avis négatifs emportant annulation de toute décision d'acquisition, suivant l'article R. 141-10 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) et de tout projet d'attribution par cession ou par substitution suivant l'article R. 141-11 du même code. Par ailleurs, ils peuvent mener toute investigation et se faire communiquer tout document émanant ou reçu par la SAFER et transmettre à ses dirigeants toute remarque jugée utile (article R. 141-9). C'est, notamment, dans le cadre de ces facultés d'investigation que les commissaires du Gouvernement peuvent demander à la société de réexaminer toute décision de rétrocession qui serait insuffisamment motivée ou motivée de manière trop stéréotypée. En outre, ils doivent se voir notifiés des règlements intérieurs des comités techniques départementaux, qui doivent porter non seulement sur le fonctionnement mais également sur la composition des comités (article R. 141-5 du CRPM). À cette occasion, le respect des équilibres de représentativité peut être examiné au sein de chaque département. Les commissaires du Gouvernement disposent de trois mois pour se prononcer sur ces règlements intérieurs. Ainsi les textes, dans leur rédaction actuelle, permettent l'exercice d'une tutelle forte sur les SAFER. Enfin une application optimale des droits de préemption respectifs des collectivités et des SAFER nécessite une coopération forte entre les deux titulaires de ces droits. Ainsi, conformément aux dispositions de l'article L. 143-7-2 du CRPM, la SAFER informe les maires de toutes les déclarations d'intention d'aliéner portant sur des biens situés sur le territoire de leur commune. Ces dispositions peuvent permettre à une collectivité et à la SAFER de s'informer mutuellement du risque de dévoiement d'usage sur un bien préemptable par l'une ou par l'autre. En outre, la SAFER peut apporter son concours technique aux collectivités (article L. 141-5 du CRPM) notamment pour l'assistance à la mise en œuvre de leur propre droit de préemption, la négociation de transactions immobilières, la gestion de leur patrimoine foncier, le suivi du marché foncier sur leur territoire et ainsi assurer une vigilance foncière pour le compte de la collectivité. À ce jour, 49 % des communes rurales sont couvertes par une telle convention avec les SAFER.
Auteur : Mme Isabelle Rauch
Type de question : Question écrite
Rubrique : Aménagement du territoire
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture, agro-alimentaire et souveraineté alimentaire
Renouvellement : Question renouvellée le 18 novembre 2025
Dates :
Question publiée le 3 juin 2025
Réponse publiée le 2 décembre 2025