Extension des prérogatives des policiers municipaux
Question de :
M. Mathieu Lefèvre
Val-de-Marne (5e circonscription) - Ensemble pour la République
M. Mathieu Lefèvre attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'extension de certaines prérogatives opérationnelles des policiers municipaux dans le cadre de la lutte contre le trafic et la consommation de stupéfiants. Si la lutte contre les stupéfiants relève des compétences régaliennes de la police nationale et de la gendarmerie, les policiers municipaux sont en première ligne face à ses conséquences dans la vie quotidienne des habitants : occupation illicite de halls d'immeubles, deals de rue, consommation dans l'espace public ou à proximité des établissements scolaires. Pourtant, leur efficacité se trouve aujourd'hui limitée par un cadre juridique et opérationnel insuffisamment adapté. En particulier, les policiers municipaux ne sont pas habilités à verbaliser les usagers de stupéfiants par amende forfaitaire délictuelle (AFD), prévue par l'article 495-17 du code de procédure pénale, bien qu'ils soient souvent les premiers à constater ce type d'infractions. L'efficacité reconnue du dispositif d'AFD, fondée sur l'immédiateté et la simplicité de la sanction, est aujourd'hui réservée aux seules forces nationales. Les policiers municipaux, eux, doivent se contenter de constater la situation sans pouvoir intervenir directement, ce qui génère des lenteurs administratives, des sollicitations supplémentaires pour les services nationaux et une perte de réactivité sur le terrain. Dans la même logique, les syndicats représentatifs réclament également un accès numérique itinérant, sécurisé et encadré, à certains fichiers essentiels comme le fichier des personnes recherchées (FPR) ou le fichier des véhicules assurés (FVA). Cet accès permettrait de fluidifier les contrôles, d'améliorer le partage d'informations et de renforcer l'efficacité des missions de police de proximité, sans remettre en cause les équilibres institutionnels existants. Aussi, il l'interroge sur les mesures qu'il entend prendre afin d'améliorer l'efficacité opérationnelle des policiers municipaux, notamment en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants.
Réponse publiée le 2 septembre 2025
Les policiers municipaux constituent aujourd'hui un maillon essentiel du continuum de sécurité. Le renforcement de leurs prérogatives judiciaires constitue un sujet essentiel. L'extension de ces prérogatives doit toutefois faire l'objet d'une analyse au cas par cas afin de s'assurer, d'une part, qu'elles s'inscrivent dans le cadre des missions de la police municipale et, d'autre part, qu'elles respectent les exigences constitutionnelles. Si la constatation des délits d'usage illicite de stupéfiants peut s'inscrire dans le cadre des missions de la police municipale, encore faut-il que l'octroi d'une telle compétence réponde aux exigences constitutionnelles. Le Conseil constitutionnel a en effet rappelé, lors de l'examen de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, qu'il résulte de l'article 66 de la Constitution que, pour que des pouvoirs généraux d'enquête criminelle ou délictuelle soient confiés à des agents de police municipale, ces derniers doivent être placés sous l'autorité d'officiers de police judiciaire ou de personnes présentant des garanties équivalentes. Par ailleurs, l'ouverture aux policiers municipaux des accès à certains fichiers essentiels comme le fichier des personnes recherchées (FPR) ou le fichier des véhicules assurés (FVA), que ce soit en mobilité ou depuis un poste fixe, doit être justifiée compte tenu, précisément, des prérogatives qui leur sont dévolues et des finalités assignées à chaque fichier. A ce titre, les policiers municipaux disposent, depuis plusieurs années, d'un accès de plus en plus étendu aux fichiers relevant de l'État, leur permettant de traiter les infractions relatives à la sécurité qu'ils sont habilités à constater. En particulier, l'article 5 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 prévoit d'ores et déjà qu'ils peuvent être destinataires de certaines données contenues dans le FPR, dans le cadre des recherches des personnes disparues ou, à titre exceptionnel, afin de parer à un danger pour la population. Dans ce dernier cas, les informations relatives à une personne inscrite dans le fichier sont transmises oralement par les services de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationale. L'accès des policiers municipaux au FVA, encadré par les articles L. 451-1-1 et L. 451-1-2 du code des assurances, avait été prévu à l'article 1er de la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés. Toutefois, cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021, pour les raisons rappelées précédemment. Le Beauvau des polices municipales a offert un cadre de concertation privilégié pour examiner des mesures pragmatiques et ciblées en vue de moderniser et de renforcer les moyens d'action des policiers municipaux tout en restant dans le cadre constitutionnel rappelé dans la décision mentionnée supra. En présence de tous les acteurs directement concernés, la réflexion a été approfondie autour de deux grandes thématiques : l'agent (son recrutement, sa formation, la reconnaissance de leur travail et la valorisation de sa carrière) et les missions (les doctrines d'emploi, le fonctionnement, les prérogatives et les moyens). Plusieurs pistes ont été explorées aux fins d'élargir, dans le cadre d'un projet de loi, les pouvoirs de police judiciaire des policiers municipaux, de leur offrir les moyens nécessaires à l'accomplissement de leurs missions et d'adapter leur formation à ces nouvelles prérogatives.
Auteur : M. Mathieu Lefèvre
Type de question : Question écrite
Rubrique : Police
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur (M)
Dates :
Question publiée le 3 juin 2025
Réponse publiée le 2 septembre 2025