Question de : Mme Delphine Lingemann
Puy-de-Dôme (4e circonscription) - Les Démocrates

Mme Delphine Lingemann attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les conséquences environnementales préoccupantes liées aux dépôts illégaux de pneumatiques usagés et sur l'apparente absence de réponse judiciaire à ces actes pourtant récurrents. Depuis plus de vingt ans, la filière de collecte des pneus en fin de vie repose sur le principe de responsabilité élargie des producteurs, via des éco-organismes agréés. Selon les données publiées par l'ADEME sur le site SYDEREP, cette filière atteint ses objectifs : le volume de pneumatiques collectés est équivalent, voire supérieur, à celui mis sur le marché chaque année. Ce système permet en théorie une prise en charge gratuite des pneus usagés auprès de tous les détenteurs, notamment les professionnels de l'automobile. Cependant, dans la pratique, de nombreux dépôts sauvages continuent d'être constatés, en particulier par les maires, qui en alertent régulièrement les autorités. D'après les éco-organismes, ces dépôts seraient en grande partie dus à l'action de véritables réseaux de « pilleurs de pneus » : ceux-ci s'introduiraient dans les ateliers de garagistes pour dérober massivement des pneus, trier ceux ayant une valeur marchande en occasion et abandonner dans la nature ceux qui n'en ont pas, causant ainsi un préjudice écologique grave. Cette pratique semble se généraliser à l'ensemble du territoire. Des prestataires des éco-organismes auraient même identifié certains auteurs de ces vols et abandons. Malgré cela, les signalements adressés à l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) semblent n'avoir donné lieu à aucune enquête ni poursuite à ce jour. Elle lui demande si le ministère de l'intérieur a été formellement informé de ces faits et s'il envisage de donner des instructions précises aux services compétents, notamment à l'OCLAESP, afin que des investigations soient engagées et que des condamnations exemplaires puissent être prononcées pour dissuader ces agissements et protéger durablement l'environnement. Elle appelle également son attention sur la charge financière supportée par les collectivités locales à l'occasion des opérations de nettoyage de la nature - notamment lors des journées dites « Nature propre » - lorsqu'elles doivent prendre en charge le traitement des pneumatiques abandonnés dans le cadre de ces dépôts sauvages. Afin d'encourager ces initiatives louables, il devient impératif de prévoir un traitement dérogatoire ou une passerelle spécifique avec un éco-organisme de retraitement de ce type de déchets pour les collectivités ou associations qui, après avoir récolté des pneus lors d'une opération spéciale de préservation de l'environnement viennent les déposer en déchèterie ou sur un site de valorisation des déchets afin de ne pas les pénaliser. Elle souhaite connaître ses intentions à ce sujet.

Réponse publiée le 4 novembre 2025

Les déchets de pneumatiques, bien que classés comme non dangereux, constituent une menace pour l'environnement et la santé publique en cas d'incendies (émissions de gaz toxiques) ou de dépôts sauvages. La lutte contre la gestion illégale des déchets de pneumatiques est un sujet d'attention particulière pour la gendarmerie nationale. Dans sa zone de compétence, elle constate une hausse des infractions depuis 2022 : +22 % en 2023, +45 % en 2024 (529 faits). Au 1er semestre 2025, 215 faits sont recensés. L'analyse fait ressortir que 52 % des faits sont liés à un abandon sauvage (les pneumatiques sont généralement abandonnés avec d'autres déchets), 20 % concernent un brûlage à l'air libre de déchets pneumatiques et 16 % sont relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), notamment les garages automobiles. Les infractions liées au transport illégal de déchets pneumatiques représentent 12 %. En matière de lutte, la gendarmerie développe son action à trois niveaux : un commandement national par le CESAN (Commandement pour l'environnement et la santé), une unité judiciaire spécialisée, disposant de dix détachements dans les zones et l'outre-mer au travers de l'OCLAESP et enfin, un maillage territorial de l'ensemble de ses unités de recherches et territoriales. Ainsi, ce sont prés de 4200 gendarmes qui sont formés au traitement de cette délinquance et présents dans les unités de la gendarmerie départementale et notamment dans chaque brigade territoriale. La lutte contre les déchets, dont les pneumatiques usagés, s'exerce au travers de l'action quotidienne des unités territoriales de la gendarmerie mais également lors des « opérations territoires propres » (OTP), qui sont conduites depuis 2020 par les commandements zonaux de la gendarmerie avec l'appui des partenaires institutionnels. La gendarmerie nationale agit ainsi concrètement par l'organisation déconcentrée d'opérations inter-services ciblant localement des situations potentielles d'atteintes à l'environnement et, par voie de conséquence, à la santé publique. Lors de ces opérations, les dépôts sauvages de pneumatiques sont également ciblés. Les déchets pneumatiques sont également visés dans le cadre de l'opération AUGIAS qui vise à lutter contre le trafic transfrontalier de déchets au sein de l'Union européenne, et notamment à la frontière franco-espagnole. Des opérations de contrôle sont régulièrement effectuées dans ce cadre, en particulier dans le département des Pyrénées-Atlantiques. Par ailleurs, pour accroître la connaissance de cette délinquance et la qualité de la réponse procédurale, chaque enquêteur de la gendarmerie dispose, via l'application pour smartphone « Enviro'Gend » ou via Intranet, d'une documentation spécifique sur le dépôt de déchets pneumatiques : notamment sur sa matérialisation et les infractions à relever. En parallèle, le CESAN diffuse régulièrement des infographies destinées aux unités territoriales de la gendarmerie qui traitent de la gestion irrégulière de déchets et des infractions susceptibles d'être relevées. Enfin, depuis 2022, près de 55 % des affaires ont donné lieu à l'identification de mis en cause. Parmi celles-ci, on note principalement que : 24,5 % des auteurs d'infractions ont été convoqués en justice ou déféré, 16,5 % des auteurs ont fait l'objet d'un classement sans suite, en grande majorité, en raison de la remise en état des sites pollués (classement code 55 : régularisation). 57,5 % des affaires avec mis en cause identifié sont encore en cours d'investigations ou en attente de décision pénale.

Données clés

Auteur : Mme Delphine Lingemann

Type de question : Question écrite

Rubrique : Déchets

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 10 juin 2025
Réponse publiée le 4 novembre 2025

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