Question écrite n° 7337 :
Lutte contre les trafics de déchets en bande organisée

17e Législature

Question de : M. Vincent Ledoux
Nord (10e circonscription) - Ensemble pour la République

M. Vincent Ledoux attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la recrudescence des trafics de déchets opérés en bande organisée, aux conséquences environnementales, sanitaires et économiques majeures pour les territoires. Le communiqué de la procureure de la République de Lille, en date du 21 mai 2025, fait état d'une vaste opération judiciaire menée par la JIRS, l'OCLAESP, les services de gendarmerie et les GIR, révélant un trafic transfrontalier de plus de 4 400 tonnes de déchets importés illégalement depuis la Belgique et traités frauduleusement sur le sol français. Les faits mêlent corruption, travail dissimulé, blanchiment et vols de métaux, pour un préjudice évalué à plusieurs millions d'euros. Ce trafic s'inscrit dans une dynamique plus large qui touche également d'autres régions, notamment le Grand Est, l'Île-de-France, l'Occitanie ou la région PACA. Ce type de criminalité environnementale s'appuie sur une grande mobilité logistique et une capacité à exploiter les failles de contrôle, notamment dans les zones frontalières. Il semble par ailleurs favorisé par un différentiel de coûts de traitement des déchets entre pays voisins, rendant les trafics particulièrement lucratifs. Dans ce contexte, il lui demande quels moyens sont actuellement alloués aux forces de sécurité intérieure et aux GIR pour prévenir, surveiller et démanteler ces réseaux spécialisés dans les déchets ; si une doctrine opérationnelle renforcée est envisagée, en lien avec les services de douanes, les DREAL et les collectivités locales, pour surveiller les flux logistiques suspects (camions, sites d'enfouissement, entrepôts de transit) ; et si des moyens nouveaux, notamment technologiques (vidéosurveillance environnementale, drones, systèmes de géolocalisation de bennes) pourraient être mobilisés pour rendre plus efficace la lutte contre ce type de délinquance organisée.

Réponse publiée le 4 novembre 2025

La lutte contre les trafics de déchets relève pleinement de la mission de police judiciaire. Les unités de la gendarmerie concourent à lutter contre cette délinquance très lucrative, qui a un fort impact sur l'environnement, la santé publique et l'économie et qui peut être investie par une criminalité organisée attirée par un rapport bénéfice/risque très favorable. Pour mener cette lutte, la gendarmerie nationale a mis en place un dispositif s'articulant autour de trois acteurs : un commandement national (le commandement pour l'environnement et la santé - CESAN), une unité spécialisée (l'office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique - OCLAESP) et un maillage fin d'unités d'enquête sur toute le territoire : Le CESAN : créé le 1er juillet 2023, il vient concrétiser la volonté affichée par la gendarmerie nationale de renforcer son engagement dans la lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique, dont, notamment, les atteintes liées aux trafics de déchets. Ainsi, en coordination avec ses partenaires du ministère de l'intérieur, mais également des autres ministères, et en lien avec les acteurs de la société civile, le CESAN pilote et coordonne l'action de la gendarmerie nationale dans ses missions de sécurité environnementale et sanitaire. Cette action s'inscrit dans une approche globale qui prend en compte : la prévention, la surveillance, le contrôle, la police judiciaire, le renseignement et le partenariat international. L'OCLAESP : créé en 2004, actif sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultra-marin grâce à ses 10 détachements : Bordeaux, Lyon, Marseille, Valenciennes, Rennes, Nancy, Le Plessis-Robinson, Papeete, Cayenne et Saint Denis de la Réunion. Il traite notamment des contentieux en bande organisée et/ou avec un volet international. Le réseau de 650 enquêteurs spécialisés formés aux thématiques de l'environnement et de la santé renforcés par 4 000 enquêteurs sensibilisés. Répartis dans les unités territoriales et de recherches, ces enquêteurs constituent les premiers maillons de la chaîne et un point de contact pour les praticiens. Il est à noter que les gendarmeries spécialisées (notamment la gendarmerie des voies navigables) sont également dotées de militaires qualifiés. Il existe également une coopération très étroite entre le CESAN, l'OCLAESP et les services des ministères compétents sur ces sujets (notamment ceux du ministère de la justice, du ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, ainsi que du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique). Cette coopération s'étend aux opérateurs publics (Office Français de la Biodiversité - OFB et Office National des Forêts - ONF) ainsi qu'au secteur privé (entreprises, syndicats professionnels, etc.). Le CESAN forme chaque année des policiers, des magistrats et des douaniers à la lutte contre les atteintes à l'environnement. Cette coopération s'inscrit dans le cadre du chantier prioritaire du gouvernement (CPG) "Renforcer la lutte contre les atteintes à l'environnement", piloté par le ministère de l'intérieur et copiloté par le ministère de la justice, visant, au travers d'une approche globale et interministérielle, à renforcer la gouvernance et la coordination des acteurs luttant contre les atteintes à l'environnement. Un des objectifs, suivi par un indicateur dédié, est d'accroître les actions répressives à l'encontre des abandons de déchets. En outre, un groupe de travail (GT) inter-administrations relatif à la prévention situationnelle appliquée à la lutte contre les dépôts sauvages de déchets a été mis en place. L'objectif du GT est de proposer des solutions de prévention concrètes, durables et réplicables dans la lutte contre les atteintes à l'environnement et plus particulièrement concernant les dépôts sauvages. Par ailleurs, dans le cadre de la lutte contre les transferts transfrontaliers de déchets (TTD) illégaux, existe un plan national d'inspection, prévu à l'article 50 du règlement (CE) n° 1013/2006, dont la coordination est assurée par le pôle national TTD hébergé en DREAL Grand Est. Ce plan vise à structurer l'action des corps de contrôle engagés dans la lutte contre les trafics illégaux et à renforcer la coordination de leur action pour la rendre plus efficace. D'une durée de 4 ans, il est actuellement en cours de révision pour une entrée en vigueur de sa version revue au 1er janvier 2026. Au titre du renseignement, la gendarmerie active son réseau de contacts nationaux et internationaux afin d'identifier des situations constituant des infractions pénales. Ainsi, à titre d'exemple, le CESAN conduit, en lien avec de nombreux partenaires, deux études universitaires, l'une portant sur les trafics internationaux de déchets plastiques et l'autre sur l'implication de la criminalité organisée dans les trafics de déchets en France. Au plan européen et international, le CESAN et l'OCLAESP entretiennent des relations fortes avec leurs partenaires, favorisant ainsi l'échange de renseignements et la mise en œuvre d'opérations coordonnées notamment avec l'appui d'Europol. Très récemment, le conseil de l'Union européenne a publié des conclusions confirmant que la criminalité environnementale, et notamment les trafics de déchets, faisait partie des menaces prioritaires qu'il prenait en compte. Le CESAN et le service de protection de l'environnement de la garde civile espagnole ont été chargés de piloter cette priorité pour le cycle EMPACT 2026-2029.  Sur le plan opérationnel, la gendarmerie nationale organise des opérations « territoires propres » visant à lutter dans chaque région contre les sites illégaux de dépôt et les transports illicites de déchets, en associant, autant que possible, les acteurs administratifs et judiciaires (GN, police, DREAL, douanes, DDT, OFB, ONF, etc.) Au titre de la conduite des enquêtes judiciaires, une approche pluridisciplinaire est systématiquement mise en œuvre. Ainsi, en complément des investigations traditionnelles, les volets financier, numérique (y compris cyber) et patrimonial sont tout particulièrement étudiés. En termes d'investigations, il convient de préciser que les forces de l'ordre disposent de techniques spéciales d'enquêtes leur permettant de mener des investigations approfondies et ciblées dans ce domaine. Ces outils sont essentiels pour démanteler les réseaux impliqués dans le trafic organisé de déchets, qui opèrent souvent sur plusieurs territoires, exploitant les failles des contrôles transfrontaliers et la complexité logistique des flux de déchets. En termes de sanctions pénales, le trafic illégal de déchets est sévèrement sanctionné. Les responsables s'exposent à des peines pouvant aller jusqu'à huit années d'emprisonnement et à une amende pouvant atteindre 500 000 euros. En termes technologiques, plusieurs moyens sont alloués pour la prévention, la surveillance et le démantèlement des réseaux parmi lesquels l'application TrackDéchets (outil de traçabilité numérique des déchets dangereux). D'autres moyens nouveaux sont à l'étude telle que l'utilisation d'algorithmes d'IA sur des images satellitaires pour détecter les activités criminelles.

Données clés

Auteur : M. Vincent Ledoux

Type de question : Question écrite

Rubrique : Déchets

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 10 juin 2025
Réponse publiée le 4 novembre 2025

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