Question de : M. Vincent Rolland
Savoie (2e circonscription) - Droite Républicaine

M. Vincent Rolland attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur la « responsabilité élargie du producteur » (REP). Depuis mai 2023, les entreprises de bâtiment sont soumises à la REP, un dispositif censé financer la reprise et le recyclage des déchets de chantier. Cependant, malgré ses intentions louables, ce dispositif, rendu obligatoire par la loi « AGEC », ne tient pas ses promesses. En réalité, les résultats sont décevants. Actuellement, des centaines de milliers d'entreprises de bâtiment en France paient pour un service quasi inexistant. En 2024, la performance de collecte des déchets de catégorie 1 (gravats, tuiles, béton) n'a pas progressé par rapport à la situation antérieure à la mise en place de la REP. Quant aux déchets de catégorie 2 (bois, métal, plâtre, menuiserie), seulement 7 % ont pu être repris. Les points de collecte et leurs accès ne couvrent que 20 % des volumes de déchets. Pour les 80 % restants, la collecte directe sur chantier ou en entreprise demeure embryonnaire. La REP bâtiment souffre de multiples dysfonctionnements et ne tient pas sa promesse initiale : une reprise gratuite et facile des déchets de chantier en contrepartie d'une taxe sur les produits et matériaux. Seul le paiement de la contribution est effectivement réalisé auprès d'éco-organismes qui n'ont d'écologique que le nom. Ces structures privées exercent un contrôle total sur la collecte sans jamais remettre en question leurs pratiques. Depuis des mois, une publication anticipée des hausses de tarifs est réclamée par la profession pour pouvoir les intégrer dans les devis. Pourtant, les éco-organismes continuent de communiquer ces hausses sans explication et dans des délais très courts. Une absence totale de transparence sur les fonds mobilisés ! La Fédération française du bâtiment plaide pour la mise en place d'un conseil de surveillance de la REP bâtiment afin de faire entendre la voix des artisans et entrepreneurs. Ils demandent également une transparence totale sur le montant des écocontributions perçues par les éco-organismes, par famille de déchets et sur le montant alloué à la collecte opérationnelle. Cette demande de transparence est plus que légitime compte tenu des montants en jeu. Après des mois de protestations, un moratoire a été décrété mi-mars 2025 et une « refondation » de la REP semble se profiler. Cependant, dès le lendemain de cette annonce, le principal éco-organisme, Valobat, a profité de l'occasion pour imposer une hausse importante de ses tarifs de reprise ! Cependant, le moratoire prévoit surtout, à ce stade, de suspendre les rares mesures de progrès pour les entreprises. Les arbitrages devaient être rendus début mai 2025, un délai bien trop court pour remettre le dispositif à plat et tenir compte de l'ensemble des options réalistes. Si cette « refondation » aboutit à des mesures insuffisantes, la colère sera immense. Dans un contexte économique difficile, payer toujours plus pour un service qui existe toujours moins a largement dépassé les limites de l'acceptabilité. Cette injustice pourrait rapidement conduire à des actions sur le domaine public que l'organisation professionnelle du bâtiment ne pourra pas canaliser très longtemps. La colère des entrepreneurs du bâtiment gronde ! La profession ne rejette aucunement le principe de la REP et l'impérieuse nécessité de lutter contre les dépôts sauvages. Elle souhaite au contraire que le dispositif fonctionne et que le recyclage devienne une ambition partagée par tous en faveur de l'environnement. D'ailleurs, la Fédération française du bâtiment a créé, il y a 20 ans, un site web permettant de localiser les lieux de recyclage et demandant des sanctions fortes contre les dépôts sauvages. Cependant, elle conteste un système lucratif et abusif qui ne répond en rien aux objectifs fixés par le législateur en 2020. Elle est pour une REP efficace et non lucrative. Il souhaite savoir si le Gouvernement envisage une « refondation » qui soit réellement une remise à plat d'ampleur du dispositif face à l'exaspération croissante des artisans et entrepreneurs du bâtiment et des attentes de ceux-ci.

Réponse publiée le 24 juin 2025

La filière à responsabilité élargie des producteurs a été créée dans la loi AGEC de février 2020 pour répondre à trois objectifs. Le premier objectif consiste à développer le recyclage des déchets de bâtiment, le secteur du bâtiment et des travaux publics étant la première filière économique productrice de déchets en France. Le deuxième objectif consiste à lutter contre les dépôts sauvages, notamment en créant un réseau de points de collecte afin que les artisans du bâtiment puissent déposer les déchets triés au plus près de leurs chantiers. Le troisième objectif portait sur le développement de l'écoconception des produits et matériaux de construction, afin d'en faciliter leur réemploi ou leur recyclage. Cette filière était très attendue par de nombreuses parties prenantes, notamment les collectivités territoriales qui supportent aujourd'hui une partie des coûts de gestion des déchets du bâtiment, y compris, pour nombre d'entre elles, des déchets amenés par des professionnels. En outre, elles doivent faire face au phénomène des dépôts sauvages qui leur coûte environ 400 millions d'euros par an. Le déploiement de cette filière repose sur un principe de reprise gratuite des déchets lorsqu'ils sont triés, et le développement d'un maillage resserré de points de collecte de proximité accessibles à tout détenteur, qu'il soit un particulier ou un professionnel du bâtiment. Pour assurer cette reprise sans frais, les éco-organismes ont l'obligation de soutenir financièrement les opérateurs qui assurent d'ores et déjà la collecte de ces déchets, afin de couvrir les coûts qu'ils supportent pour ces opérations. Ces soutiens financiers sont apportés à toute personne qui en fait la demande, sans discrimination, dès lors que cette personne accepte les clauses des contrats-types qui ont été élaborés par les éco-organismes. Les objectifs de déploiement de la filière à responsabilité élargie du bâtiment étaient particulièrement ambitieux à sa création. Toutefois, sa mise en œuvre a rencontré un certain nombre de difficultés qui ont ralenti le processus de déploiement des points de collecte, ce qui a pu générer une certaine forme de frustration pour les artisans du bâtiment. Dans le même temps, les fournisseurs de produits de construction ont répercuté sur leurs clients le montant des éco-contributions versées par les metteurs en marché initiaux de ces produits. Face aux préoccupations exprimées sur le sujet, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche a annoncé un moratoire sur les mesures qui devaient entrer en vigueur en 2025 et lancé une grande consultation de l'ensemble des acteurs de la filière. La question du recyclage et de la valorisation de la reprise des déchets de bois est une question particulièrement prégnante. Des entretiens ont eu lieu au mois de mai pour discuter des propositions exprimées par les différents acteurs. La ministre annoncera le périmètre exact du moratoire et les orientations ayant vocation à structurer la refonte du cahier des charges d'ici à l'été. L'objectif est de mettre en place le nouveau cahier des charges avant la fin de l'année. 

Données clés

Auteur : M. Vincent Rolland

Type de question : Question écrite

Rubrique : Déchets

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Dates :
Question publiée le 17 juin 2025
Réponse publiée le 24 juin 2025

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