Question écrite n° 7619 :
Effets secondaire des antibiotiques de la famille des fluoroquinolones

17e Législature

Question de : M. David Taupiac
Gers (2e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires

M. David Taupiac attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins, sur les effets secondaires graves et durables liés à la prise d'antibiotiques de la famille des fluoroquinolones. Ces molécules, pourtant réservées en théorie à des infections graves, continuent d'être largement prescrites en France, y compris pour des pathologies bénignes comme des infections urinaires ou ORL. À ce jour, on recense en France plus de deux fois plus de prescriptions qu'en Allemagne ou en Belgique, ce qui interroge quant au respect des recommandations européennes en vigueur depuis 2018. En février 2025, deux expertises rendues publiques par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ont confirmé la toxicité de ces antibiotiques : atteintes neurologiques, tendineuses, musculaires, voire cardiaques. Les effets secondaires sont rares mais parfois irréversibles, avec des conséquences dramatiques pour les patients concernés, souvent sans solution médicale adaptée ni reconnaissance institutionnelle. À ce jour, une soixantaine de plaintes ont été déposées au parquet de Paris, sans suite judiciaire connue, tandis que l'ANSM a recensé 736 cas graves, dont 233 en dehors du cadre réglementaire. Mais les données de pharmacovigilance ne reflètent qu'une infime partie des cas réels. Les victimes, quant à elles, dénoncent un abandon médical, psychologique et social, accentué par l'absence d'études cliniques pour comprendre ces effets ni de traitement curatif. Il s'inquiète du manque de mesures correctrices prises depuis les premières alertes, du non-respect des restrictions d'usage émises dès 2018 par l'Agence européenne du médicament et de l'absence de communication efficace envers les professionnels de santé et le grand public. Il demande donc au Gouvernement, quelles actions sont envisagées pour encadrer plus strictement la prescription de ces antibiotiques; s'il compte diligenter des études cliniques sur les effets secondaires durables; et s'il entend mettre en place une commission d'enquête parlementaire ou un dispositif de reconnaissance et de prise en charge des victimes, sur le modèle de ce qui a été fait pour d'autres crises sanitaires.

Réponse publiée le 1er juillet 2025

Les fluoroquinolones sont des antibiotiques bactéricides dont l'activité in vitro varie selon les espèces bactériennes. Leurs indications thérapeutiques sont nombreuses et ne sont pas superposables entre les différentes spécialités, compte tenu des différences de substances actives et de formes pharmaceutiques. Dès leur mise sur le marché, les fluoroquinolones ont apporté un progrès important dans le traitement d'infections systémiques, constituant une classe d'antibiotiques majeurs dans l'arsenal thérapeutique infectiologique. En effet, les fluoroquinolones sont des antibiotiques particulièrement efficaces destinés au traitement de certains types d'infections bactériennes, notamment lors de certaines infections graves pouvant engager le pronostic vital. Comme tout médicament, les fluoroquinolones exposent à un risque d'effets indésirables connus. Certains effets, très rares, peuvent être graves, invalidants, persistants et potentiellement irréversibles, touchant notamment les muscles, les articulations et le système nerveux (neuropathies périphériques). Compte tenu de ces effets indésirables graves, les fluoroquinolones font l'objet d'une étroite surveillance tant au niveau européen qu'au niveau français. L'Agence européenne des médicaments (EMA) a réévalué en 2018-2019 le rapport bénéfice/risque des fluoroquinolones. Cette réévaluation a notamment conduit à restreindre leurs indications thérapeutiques et à actualiser leur profil de sécurité d'emploi. Une information auprès des professionnels de santé sur ces effets indésirables a alors été diffusée dans toute l'Union européenne à la demande de l'EMA. De plus, l'étude réalisée par le groupement d'intérêt scientifique Epi-Phare (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) - Caisse nationale d'Assurance Maladie (Cnam) ), en collaboration avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, a révélé que la consommation des fluoroquinolones a diminué en France de 50% entre 2014 et 2023, grâce aux différentes mesures prises depuis plusieurs années pour assurer la bonne utilisation de ces antibiotiques. La consommation des fluoroquinolones reste certes plus élevée en France que dans certains pays européens, même si elle est inférieure à la moyenne européenne. Depuis plusieurs années, et notamment depuis la réévaluation en 2019 du rapport bénéfice / risque, l'ANSM a mis en place un certain nombre de mesures concernant les fluoroquinolones. Dès 2015, l'ANSM a rappelé aux professionnels de santé et aux patients les risques liés à l'utilisation de ces antibiotiques, suite à des signalements d'effets indésirables. Et depuis janvier 2022, l'ANSM échange de manière continue avec les professionnels de santé, à savoir les prescripteurs (collège de la médecine générale, société de pathologie infectieuse de langue française, groupe de pathologie infectieuse pédiatrique, urologues, rhumatologues, urgentistes), l'ordre des médecins et l'ordre des pharmaciens, les syndicats de pharmaciens (FSPF/USPO), Antibioclic, Antibiomalin. En outre, le 20 février 2025, l'ANSM a rappelé aux professionnels de santé l'importance du bon usage de ces antibiotiques. En particulier, elle a tout d'abord rappelé que les fluoroquinolones ne doivent être prescrites que lorsque leur utilisation est indiquée, après avoir informé le patient du bénéfice attendu et des risques potentiels et lui avoir indiqué la conduite à tenir en cas d'effet indésirable. Elle a ensuite indiqué que les fluoroquinolones ne doivent pas être utilisées dans des situations où le recours à d'autres antibiotiques est possible. Enfin, elle a précisément rappelé aux professionnels de santé que les fluoroquinolones ne doivent pas être prescrites pour des infections non sévères, comme la cystite, ni pour prévenir la diarrhée ou traiter des infections non bactériennes. Certains effets indésirables tels que les tendinopathies pouvant aller jusqu'à la rupture du tendon, les arthromyalgies, les réactions de photosensibilité et le risque d'allongement de l'espace QT font l'objet d'un suivi particulier par l'ANSM. Par ailleurs, dans le cadre de la surveillance de ces spécialités, l'ANSM a demandé aux centres régionaux de pharmacovigilance de Paris et Marseille de réaliser une enquête de pharmacovigilance portant sur la période de janvier 2017 à fin août 2023. Cette expertise a confirmé la possibilité de survenue d'effets indésirables, très rares, mais graves de neuropathie périphérique. Elle a également révélé que certains de ces effets graves et invalidants ont été rapportés dans des situations de mésusage, c'est-à-dire en dehors des recommandations de l'Autorisation de mise sur le marché (AMM) ou des sociétés savantes. C'est dans ce contexte que l'ANSM effectue des actions de sensibilisation et des rappels sur l'importance du bon usage des fluoroquinolones. Parmi les actions d'information mises en place depuis des années, l'ANSM a publié sur son site internet, en octobre 2022, un dossier thématique sur les fluoroquinolones, à destination tant des professionnels de santé que des patients. Ce dossier vise à informer sur la nature des types d'effets indésirables et la conduite à tenir par les patients dès les premiers symptômes. Il rappelle également la restriction des indications des fluoroquinolones depuis 2019, suite à la réévaluation des effets indésirables des fluoroquinolones au niveau européen, ainsi que les situations dans lesquelles ces antibiotiques ne doivent plus être prescrits. En outre, au cours d'échanges avec les laboratoires pharmaceutiques en mai 2022 et mars 2023, l'ANSM a informé l'ensemble des titulaires d'AMM concernés de la nécessité de mettre en œuvre de nouvelles mesures afin de renforcer davantage l'information des patients, après celles introduites en 2019. En particulier, en mars 2023, l'ANSM leur a demandé de modifier les AMM de toutes les fluoroquinolones afin qu'un message d'alerte soit apposé sur les boîtes de ces médicaments, associé à un QR code renvoyant vers ce dossier thématique. Ce message d'alerte a été élaboré en lien avec les professionnels de santé et les associations de patients et de victimes. De plus, l'ANSM a réalisé, en juillet 2022, une enquête auprès du réseau de correspondants de l'ANSM composé d'une cinquantaine de binômes de médecins et pharmaciens répartis sur l'ensemble du territoire pour évaluer les connaissances des professionnels de santé sur les risques associés aux fluoroquinolones, leurs pratiques et les mesures de réduction du risque qu'il serait pertinent de mettre en œuvre. Par la suite, l'ANSM a demandé à la Haute autorité de santé (HAS), en novembre 2022, que soient mis en place des messages d'alerte au niveau des logiciels d'aide à la prescription et d'aide à la dispensation, via les systèmes d'aides à la décision indexée par médicaments de la HAS, en faisant apparaitre un message lorsque cet antibiotique est prescrit ou dispensé à un patient. L'ANSM a également demandé au conseil national de l'Ordre des pharmaciens, en mars 2023, de diffuser un message via son DP-Alerte à l'ensemble des pharmacies (ville et hôpital). En parallèle, l'ANSM a sollicité la CNAM pour que des courriers soient transmis aux plus gros prescripteurs de fluoroquinolones, ce qui a été fait en juillet 2023 par la mobilisation du dispositif OSMOSE. Un mailing a également été envoyé, en juin 2023, à tous les médecins, chirurgiens, dentistes et sages-femmes (250 000 médecins, 39 000 dentistes, 28 000 sages-femmes). Enfin, l'ANSM est intervenue dans des congrès à destination des professionnels de santé pour les informer sur le bon usage et les risques de ces antibiotiques (réunion interdisciplinaire de chimiothérapie anti-Infectieuse en novembre 2022 et CNGE en novembre 2023). Par ailleurs, il convient de préciser que ces informations sur le bon usage ont également été relayées par les représentants des professionnels de santé et des patients, ainsi que par l'Assurance maladie, la société française de pharmacologie et de thérapeutique, ANTIBIOCLIC et VIDAL. L'ANSM poursuit la surveillance étroite de ces médicaments.

Données clés

Auteur : M. David Taupiac

Type de question : Question écrite

Rubrique : Pharmacie et médicaments

Ministère interrogé : Santé et accès aux soins

Ministère répondant : Santé et accès aux soins

Dates :
Question publiée le 17 juin 2025
Réponse publiée le 1er juillet 2025

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