Question écrite n° 7806 :
Contrat signé par le SIG avec la société canadienne Talkwalker

17e Législature

Question de : M. Philippe Latombe
Vendée (1re circonscription) - Les Démocrates

M. Philippe Latombe alerte Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique, sur le contrat signé par le Service d'information du Gouvernement (SIG) avec la société canadienne Talkwalker. À l'issue d'une procédure d'appel d'offres lancée pour le marché 2025-2029, le SIG, qui est sous l'autorité hiérarchique de Matignon et alimente en information des services comme Viginum, le ministère de la défense, celui de l'intérieur, celui des affaires étrangères et Bercy, a attribué le contrat de veille stratégique des réseaux sociaux à l'entreprise Talkwalker, filiale d'un groupe canadien contrôlé par des capitaux américains. Cette décision a été prise au détriment notamment de Visibrain, le prestataire français en charge de cette surveillance depuis 2017. Alors que le Gouvernement multiplie les déclarations sur son engagement en faveur de la souveraineté numérique, un tel choix, qui expose potentiellement l'État à des risques majeurs (perte de maîtrise de l'information, dépendance technologique et exposition aux réglementations extraterritoriales américaines) pose de nombreuses questions. Plusieurs ministères semblent déjà s'inquiéter des difficultés pratiques majeures liées à ce changement et au choix d'un prestataire moins performant que le précédent (reconfiguration des outils, perte d'historique, baisse de couverture sur certains réseaux sensibles). Par ailleurs, l'offre retenue est financièrement près de trois fois inférieure aux autres, ce qui soulève des interrogations sur sa soutenabilité et fait peser de forts soupçons d'abus de pratique commerciale. Dans une précédente question écrite, M. le député avait attiré l'attention du Gouvernement sur le contexte comparable d'un marché passé par Place. Mme la ministre est depuis revenue sur ce choix et a lancé un nouvel appel d'offres afin de répondre aux exigences de souveraineté et de protection des données de la plateforme des achats publics. Dans le cas du SIG, il lui demande si une analyse des risques informationnels a été menée avant le choix de Talkwalker. Il souhaite aussi savoir comment le Gouvernement justifie une telle décision au regard de sa propre doctrine en matière de souveraineté numérique et quelles mesures concrètes sont envisagées pour soutenir les entreprises françaises innovantes et stratégiques comme Visibrain, dans le cadre de la commande publique.

Réponse publiée le 29 juillet 2025

Vous avez appelé mon attention sur l'attribution par le Service d'information du Gouvernement (SIG) d'un marché de veille des réseaux sociaux à l'entreprise Talkwalker, ce qui soulèverait un certain nombre d'interrogations. Le Service d'information du Gouvernement (SIG), placé sous l'autorité du Premier ministre, a attribué en juin 2025 le marché de « mesure d'impact en temps réel des contenus publics accessibles en ligne » à la société Talkwalker. Ce marché s'inscrit dans un accord-cadre structuré en cinq lots afin de répondre à l'entièreté des besoins spécifiques identifiés par les administrations bénéficiaires. En premier lieu il convient de rappeler que cette procédure a été menée de façon parfaitement régulière et conforme aux règles de la commande publique. Notamment, l'offre financière de l'entreprise Talkwalker a fait l'objet d'une demande de compléments d'information par le SIG en vue d'analyser sa soutenabilité, conformément à ce que prévoit le code de la commande publique, ce qui a permis d'écarter toute suspicion d'offre anormalement basse. En outre, les « interrogations » et « soupçons » qui ont pu être porté par le par la société Visibrain, titulaire sortant, dans le cadre du référé contractuel intenté sans succès ont été écartés par le juge administratif. Vous mentionnez également le fait que la plateforme Talkwalker serait moins performante que celle du titulaire sortant. A l'issue de l'analyse, l'offre technique de la société Visibrain est effectivement arrivée en première position, devant l'offre de la société Talkwalker, deuxième. Toutefois, conformément au code de la commande publique, le marché est attribué au soumissionnaire ayant présenté « l'offre économiquement la plus avantageuse », impliquant la prise en compte d'un critère financier. Conscient des enjeux fonctionnels d'un outil de « social listening », le SIG a d'ailleurs fait le choix de surpondérer les critères techniques à hauteur de 60 % de la note globale, contre 40 % pour le critère prix. En dépit de cette pondération, la note financière de la société Talkwalker lui a permis de voir son offre être classée première et de se voir attribuer le marché. Il convient enfin de lever tout doute : en dépit d'une note technique inférieure, l'offre de la société Talkwalker répond à toutes les exigences du cahier des charges. A cet égard également, l'ordonnance du tribunal administratif de Paris du 17 juin 2025 a écarté le grief que l'offre retenue ne permettrait pas la couverture de l'ensemble des réseaux sociaux attendus. Vous soulevez également le risque susceptible d'être créé par le recours à la société Talkwalker en termes de sécurité de confidentialité des données. Il convient d'abord de préciser que le SIG exige dans les marchés interministériels qu'il porte en tant que pole unique d'achat pour le secteur de la communication, le niveau de protection des données le plus élevé en fonction de la sensibilité de ces dernières.  - Au cas d'espèce, les exigences du cahier des charges sont conformes aux règles européennes et détaille les attendus dans deux annexes, l'une dédiée au respect du RGPD (articles 44 et suivants relatifs aux transferts et à l'hébergement des données dans l'UE ou en pays adéquats) et l'autre à la protection des données traitées (mesures de chiffrement, auditabilité, traçabilité et gestion des habilitations).   - Au regard du droit communautaire et français, le seul niveau de protection supplémentaire possible aurait été l'exigence d'un cloud souverain (SecNumCloud). Un tel niveau de protection n'est justifié que pour des données dites sensibles au sens de la loi SREN ou de la doctrine « Cloud au Centre », ce que ne sont pas les données traitées dans le cadre de ce marché. En outre, la société Visibrain ne propose pas non plus ce type d'hébergement de cloud souverain. Il convient de préciser également que la société Talkwalker est une entreprise luxembourgeoise, disposant d'une implantation en France depuis 2019 et dont les serveurs traitant les données sont situés en Allemagne. Si elle a effectivement été rachetée par une société canadienne dont certains fonds actionnaires sont américains, il convient de rappeler que cette situation ne suffit pas à la soumettre plus que toute autre entreprise non américaine aux réglementations extraterritoriales des Etats-Unis. En outre, les contrats prévoient également des obligations de notification immédiate en cas de violation, des audits réguliers, et l'interdiction de tout transfert hors UE ou pays à décision d'adéquation sans information préalable et accord. Ces clauses contractuelles sont ainsi conformes au cadre européen déjà strict du RGPD. Je souhaite finalement vous réassurer sur le fait que la recherche d'une souveraineté numérique accrue constitue une priorité du Gouvernement, qui mobilise à cet effet des dispositifs multiples (plan Cloud, stratégie d'accélération IA, French Tech). Toutefois, la commande publique est régie par le principe de liberté d'accès, d'égalité de traitement et de transparence (article L3 du code de la commande publique), qui interdit l'introduction d'un critère de préférence nationale. La France soutient par ailleurs activement, au niveau européen, des évolutions qui permettraient de mieux intégrer des critères liés à la souveraineté dans les futurs textes. Ainsi le Gouvernement reste particulièrement vigilant à soutenir l'écosystème technologique français, tout en veillant à la continuité et à l'efficacité des services essentiels rendus aux administrations et à nos concitoyens. Concernant plus spécifiquement Visibrain, cette société a depuis 2013 bénéficié de plus de 7 millions d'euros de contrats publics, qui ont logiquement contribué à sa croissance et à l'émergence d'un acteur français reconnu. Cet apport n'a d'autres justifications que la qualité des offres proposées par la société Visibrain dans le cadre de précédents appels d'offres et le changement de prestataire intervenu cette année à l'occasion du renouvellement de ce marché, n'est que la conséquence des obligations de mise en concurrence périodique. En définitive, la décision prise l'a été dans le plein respect des règles européennes et nationales qui encadrent la commande publique tout en garantissant un haut niveau de sécurité et de conformité aux exigences de protection des données personnelles.

Données clés

Auteur : M. Philippe Latombe

Type de question : Question écrite

Rubrique : Marchés publics

Ministère interrogé : Intelligence artificielle et numérique

Ministère répondant : Premier ministre

Dates :
Question publiée le 24 juin 2025
Réponse publiée le 29 juillet 2025

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