Question écrite n° 7900 :
Campagne d'influence du CEA sur les essais nucléaires en Polynésie

17e Législature

Question de : M. Aurélien Saintoul
Hauts-de-Seine (11e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Aurélien Saintoul interroge M. le ministre des armées sur la campagne de communication menée par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), visant à discréditer auprès du monde scientifique et de la population polynésienne l'enquête de l'ONG de journalisme d'investigation Disclose portant sur les conséquences réelles des essais nucléaires réalisés entre 1966 et 1996 dans les atolls de Mururoa et Fangataufa. En mars 2021, Disclose publie une enquête en collaboration avec Interprt et des chercheurs du programme Science et Global Security de l'université de Princeton (Toxique, PUF, 2021, 192 pages), traitant des quelques 193 essais nucléaires français effectués en Polynésie et sur leurs conséquences sanitaires et environnementales désastreuses. En s'appuyant sur les données des autorités, les auteurs ont réévalué les doses de radioactivité (en millisievert) reçues notamment par la population de Tahiti. D'après leurs calculs, c'est la totalité des 110 000 habitants de l'île et des îles voisines qui a été exposée à des retombées bien plus importantes que les chiffres retenus par l'État, entre autres lors de l'essai Centaure de juillet 1974. La différence entre les résultats cités dans Toxique et ceux du CEA sur les doses de radioactivité auxquelles les habitants de Polynésie française ont été exposés serait ainsi de l'ordre de 40 %. En vertu de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, toute personne ayant contracté l'une des 23 maladies radio-induites reconnues comme une conséquence des essais pourrait demander une réparation de l'État. Au total, moins de 3 000 dossiers de demande d'indemnisations ont été déposés auprès du Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) pour une estimation globale de 400 000 personnes potentiellement concernées au Sahara algérien et en Polynésie française, démontrant que les gouvernements successifs n'ont jamais agi pour mettre pleinement en œuvre cette loi. M. le député constate en outre que la Commission consultative pour le suivi des conséquences des essais nucléaires (CCSCEN) prévue par l'article 7 de la loi du 5 janvier 2010 et qui devait se réunir deux fois par an, ne s'est pas réunie entre le 23 février 2021 et le 1er avril 2025, l'empêchant ainsi de remplir ses fonctions, notamment sur l'éventuelle extension du nombre de maladies ouvrant droit à une indemnisation. C'est dans ce contexte que le CEA aurait mis en place à partir de 2022 une opération de communication visant à discréditer les conclusions tirées de l'enquête de Disclose. Le développement du contre-récit, prenant corps à travers un livret publié par le CEA en novembre 2022, a coûté 90 000 euros à l'organisme public. Il paraît étonnant que le CEA investisse une telle somme alors que M. le ministre des armées affirmait le 29 avril 2025 face à la commission d'enquête parlementaire relative à la politique française d'expérimentation nucléaire que le CEA n'était même pas en mesure de « traiter correctement son système d'archives » faute de « ressources humaines ». Les résultats effectifs d'une telle opération semblent en outre contestables, celle-ci ayant abouti à la distribution d'un millier de livrets remplis d'approximations scientifiques (notamment sur le calcul des doses de radiations reçues par les populations et sur le nombre de cancers) et distribués à des associations, des communes et des services de l'État. Il souhaiterait donc savoir si cette campagne de communication du CEA a pu, directement ou indirectement, contribuer à dissuader certaines personnes de faire valoir leurs droits. Il demande en particulier si les avertissements émis par une partie de la communauté scientifique à propos des méthodes de calcul des doses de radioactivité reçues par les populations ont été pris en compte avant la publication du livret de 2022.

Données clés

Auteur : M. Aurélien Saintoul

Type de question : Question écrite

Rubrique : Aide aux victimes

Ministère interrogé : Armées

Ministère répondant : Armées

Date :
Question publiée le 1er juillet 2025

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