"Metoo" dans la police
Question de :
Mme Sophie Taillé-Polian
Val-de-Marne (11e circonscription) - Écologiste et Social
Mme Sophie Taillé-Polian attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'omerta qui règne au sein de la police au sujet des violences sexistes et sexuelles. Une enquête conjointe menée par Libération, Disclose et L'Oeil du 20h, publiée le 17 juin 2025, révèle que, depuis 2012, 215 policiers et gendarmes, tous grades confondus, ont été accusés de violences sexistes et sexuelles. Au total, 429 victimes ont été recensées : 76 % sont des femmes, 6 % des hommes et 18 % des mineurs, un chiffre toutefois largement sous-estimé en raison de l'absence de statistiques officielles. Ces victimes se heurtent à la loi du silence et se retrouvent bien souvent livrées à elles-mêmes face à l'omerta. Dans chaque cas, les mis en cause ont détourné les moyens de police mis à leur disposition par l'État. Les victimes sont majoritairement des personnes en situation de vulnérabilité : des collègues policières et gendarmes, des femmes exilées, en situation de handicap, des victimes de violences conjugales ou encore des travailleuses du sexe. Ces agressions surviennent dans un cadre où l'asymétrie de pouvoir rend les recours particulièrement difficiles. Huit ans après « MeToo », le ministère de l'intérieur n'a mis en place que très peu de mesures concrètes pour prévenir ce type de violences au sein des forces de l'ordre. Les formations spécifiques sont rares, voire inexistantes. Aucune note interne ni circulaire ministérielle ne traite directement de la question. Le code de la sécurité intérieure, pourtant censé encadrer l'ensemble de la profession, ne comporte pas la moindre disposition sur ce sujet. Les sanctions, quant à elles, restent le plus souvent symboliques. Depuis 2013, seuls 63 policiers ont été condamnés pour violences sexuelles. Ce chiffre repose sur leurs déclarations spontanées, effectuées au titre de l'obligation de « rendre compte » inscrite dans le code de déontologie, une obligation qui n'est pas systématiquement respectée. En 2023, 46 sanctions ont été prononcées selon l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), dont seulement trois radiations. Dans la majorité des cas, les auteurs sont suspendus ou mutés et l'impunité reste la norme. Il est urgent que l'État cesse de protéger ses agents au détriment des victimes. Des mesures préventives sérieuses et des sanctions effectives doivent être mises en place. Il ne peut y avoir de tolérance de l'État face aux violences sexistes et sexuelles. Les sanctions restent aujourd'hui discrétionnaires, sans cadre clair ni transparence, laissant place à l'arbitraire et à l'inaction de la hiérarchie. Ces carences témoignent d'un aveuglement institutionnel préoccupant. Elle lui demande donc quelles mesures concrètes il entend mettre en œuvre pour mettre fin à l'impunité des agents mis en cause, encadrer de manière rigoureuse et transparente le régime disciplinaire et rendre obligatoires les formations à la prévention des violences sexistes et sexuelles. Elle l'interroge également sur l'absence de statistiques officielles centralisées portant à la fois sur les faits de violences sexistes et sexuelles commis par des membres des forces de l'ordre et sur le nombre, le profil et la situation des victimes, dans la mesure où la production et la publication régulière de telles données sont indispensables pour mesurer l'ampleur du phénomène, identifier les publics les plus exposés et concevoir des politiques publiques réellement adaptées.
Auteur : Mme Sophie Taillé-Polian
Type de question : Question écrite
Rubrique : Police
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date :
Question publiée le 1er juillet 2025