Question écrite n° 8129 :
Pollution de la Vallée de la chimie au chlorure de vinyle monomère

17e Législature

Question de : M. Gabriel Amard
Rhône (6e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Gabriel Amard attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur les rejets massifs de chlorure de vinyle monomère (CVM) dans la Vallée de la chimie située dans le département du Rhône. Ce gaz, utilisé dans la fabrication du PVC, notamment pour les canalisations, est connu pour migrer dans l'eau potable depuis des réseaux vétustes. Or, selon une enquête de Médiacités, la plateforme industrielle de Saint-Fons, exploitée aujourd'hui par l'entreprise Kem One, aurait relâché dans l'atmosphère près de 500 tonnes de CVM depuis 2003. Ainsi, en plus de boire de l'eau contaminée par une tuyauterie vétuste, les riverains des usines utilisant ou fabriquant du CVM sont également très impactés par des rejets massifs de ce gaz dans l'atmosphère. Un rapport de 2014 commandé par Kem One, actuel exploitant du site, indique des concentrations atmosphériques atteignant 368 µg/m3 à proximité des zones d'habitation, soit près de 37 000 fois la concentration observée dans une zone non exposée (environ 0,01 µg/m3). Ces chiffres dépassent très largement les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui fixe un seuil d'exposition tolérable à 10 µg/m3. Pourtant, les effets sanitaires de ces émissions sont connus de longue date. Ce gaz est classé cancérogène certain pour l'humain par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) depuis 1987. Il est notamment reconnu pour sa toxicité hépatique par le Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard, pouvant provoquer des angiosarcomes du foie, l'une des formes les plus graves de cancer. Une étude de la CIRE Rhône-Alpes (Cellule interrégionale d'épidémiologie) menée dès 2008 avait déjà conclu que les concentrations chroniques de CVM dans l'air à Saint-Fons (estimées à 7,9 µg/m3 en moyenne) ne permettaient pas d'exclure un risque sanitaire significatif pour les populations riveraines, recommandant de réduire drastiquement les émissions industrielles. Une autre étude, commandée par l'État en 2017, faisait aussi état d'un « risque significatif » pour les riverains, avec des niveaux d'exposition dépassant les recommandations de l'OMS. Malgré cela, en 2024, les émissions annuelles de CVM sur le site de Saint-Fons atteignent encore 20,3 tonnes, soit juste en dessous du plafond fixé par arrêté préfectoral (21 tonnes/an). Cette situation révèle une tolérance réglementaire inadmissible, alors même que le principe de précaution devrait conduire à une interdiction totale de ces rejets de substances cancérogènes. La vallée de la chimie est déjà la plus exposée de France aux PFAS, où l'exposition à ces polluants dépassent les seuils réglementaires à des niveaux dangereux pour la santé des êtres vivants humains et non-humains. Des analyses sanguines révélaient en 2023 que le taux de perfluorés présents dans le sang des habitants de Pierre-Bénite était sept fois supérieur à la moyenne nationale, par la faute des rejets du site d'Arkema, actuellement visé par des procédures judiciaires. Cette nouvelle alerte environnementale souligne l'échec répété de l'État à protéger les populations de la vallée de la chimie contre des expositions industrielles toxiques de longue durée. Il appelle le Gouvernement à respecter la Charte de l'environnement qui indique dans son article 1er que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé », et à prendre enfin la pleine mesure des atteintes à la santé publique que subissent les habitants de Saint-Fons et de la métropole lyonnaise depuis des décennies. Dans ce contexte, il lui demande si le Gouvernement entend engager sans délai une révision drastique des seuils autorisés de rejet de chlorure de vinyle monomère, voire leur interdiction pure et simple, conformément au principe de précaution et à la Charte de l'environnement, afin de mettre un terme à l'exposition chronique et inacceptable des populations riveraines à une substance cancérogène avérée.

Réponse publiée le 29 juillet 2025

L'usine de Saint-Fons exploitée par KEM ONE est un établissement Seveso Seuil haut et relève des obligations fixées par la directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles (dite directive IED). En tant qu'établissement présentant de nombreux enjeux, celui-ci fait l'objet d'une forte mobilisation de la part de l'inspection des installations classées. Ainsi l'inspection réalise plusieurs contrôles chaque année (7 en 2024 et 5 en 2023). Le chlorure de vinyle monomère (CVM) est reconnu comme cancérogène certain (CIRC, 1987) et classé substance de catégorie 1A au sens du règlement CLP. Ce classement lui confère un encadrement réglementaire strict au niveau européen. En ce qui concerne les rejets de CVM, les prescriptions applicables au site imposent, depuis 2013, des valeurs maximales de flux journaliers et mensuels. En complément, une obligation supplémentaire a été imposée à l'exploitant en 2019 afin d'abaisser les quantités émises annuellement, dont l'objectif de baisse a été déterminé à partir des conclusions de l'étude des risques sanitaires réalisée en 2017. L'inspection des installations classées a effectué, le 4 avril 2025, un contrôle spécifique sur la thématique des rejets CVM, ce contrôle n'a pas relevé de non-conformité. La valeur actuelle de 21 tonnes par an résulte des prescriptions fixées en 2019. L'évolution de ce plafond fait partie des éléments susceptibles d'être revus dans le cadre du réexamen actuellement conduit par l'inspection des installations classées. Le chiffre de 368 µg/m³ mentionné dans la question mérite d'être interprété avec prudence : il est nécessaire d'en connaître le protocole exact (lieu, durée, méthodologie) pour pouvoir le comparer aux valeurs de référence ou aux seuils réglementaires. En complément de ces mesures, une surveillance des rejets dans l'environnement a été mise en place en 2002. Elle a été pérennisée en 2011 par arrêté préfectoral. Enfin, dans le cadre de ses obligations fixées par la directive IED, l'établissement fait l'objet périodiquement d'une évaluation de ses émissions selon les meilleures technologies disponibles (BREF). Dans ce cadre, l'établissement a notamment déposé un dossier visant à réexaminer ses conditions d'exploiter, comme prévu par la publication en décembre 2022 du BREF WGC (Systèmes communs de gestion et de traitement des gaz résiduaires dans le secteur chimique). Ce dossier, ainsi qu'une actualisation de l'étude des risques sanitaires, est en cours d'instruction par l'inspection des installations classées. Cette instruction conduira à une réévaluation des prescriptions applicables, en particulier en ce qui concerne le CVM, que cela soit en termes de valeurs d'émission ou de surveillance dans l'environnement. S'agissant des autres pollutions identifiées dans la vallée (notamment les PFAS), plusieurs démarches de surveillance et d'instruction sont en cours, notamment autour du site d'Arkema. Une coordination renforcée est en cours d'évaluation pour mieux appréhender les expositions cumulées. Sur le plan sanitaire, la question du suivi de la santé des riverains relève du ministère chargé de la santé.

Données clés

Auteur : M. Gabriel Amard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Pollution

Ministère interrogé : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Dates :
Question publiée le 1er juillet 2025
Réponse publiée le 29 juillet 2025

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