Question de : M. Jean-Marie Fiévet
Deux-Sèvres (3e circonscription) - Ensemble pour la République

M. Jean-Marie Fiévet interroge M. le ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports, sur une possible expérimentation des « méga-camions » en France. Ces véhicules, dont plusieurs pays en Europe en autorisent déjà la circulation et ce depuis plusieurs années, offrent de nombreux avantages tant sur le plan économique qu'environnemental. Ils peuvent donc apporter une contribution significative à l'amélioration du système de transport et il serait souhaitable que le pays explore pleinement leur potentiel. Les « méga-camions », aussi appelés gigaliners ou « éco-combis », offrent ainsi plusieurs avantages indéniables. D'une part, ils permettent de transporter davantage de marchandises en un seul voyage, entraînant de fait une réduction du nombre de camions sur les routes. Cette diminution du trafic engendre des externalités positives, à la fois pour l'environnement, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique et pour la sécurité routière, en diminuant le risque d'accidents. D'autre part, les « méga-camions » peuvent contribuer à fluidifier le trafic et à réduire les temps de transport. En effet, leur capacité à transporter plus de marchandises en un seul voyage permet de limiter le nombre d'arrêts et de déchargements, ce qui est particulièrement important pour les livraisons sur de longues distances. Enfin, l'utilisation de « méga-camions » peut également s'avérer plus économique pour les entreprises de transport car le coût par tonne transportée est généralement plus bas que pour les camions traditionnels. Cela peut permettre aux entreprises de gagner en compétitivité et de proposer des prix plus attractifs à leurs clients. Si l'utilisation de « méga-camions » soulève certaines questions, notamment au regard de la sécurité routière et de l'impact sur les infrastructures, il est important de noter que ces questions ont déjà été étudiées en profondeur dans d'autres pays, où les « méga-camions » circulent depuis plusieurs années. Les résultats de ces études sont formels : les « méga-camions » ne présentent pas de risque accru pour la sécurité routière et n'ont pas d'impact négatif significatif sur les infrastructures. Ainsi, il souhaite connaître sa position quant à une possible expérimentation des « méga-camions » en France.

Réponse publiée le 12 août 2025

Les systèmes modulaires européens (SME), composés de véhicules pouvant constituer des ensembles articulés de 25,25 mètres voire 32 mètres, transportant jusqu'à 60 tonnes, font régulièrement l'objet de débats et de nombreux arguments, en faveur et contre ces dispositifs, sont régulièrement échangés. Si des avantages en leur faveur de leur circulation existent, il apparaît nécessaire de relativiser les arguments exposés. À l'échelle de chaque véhicule, ces ensembles ont besoin de moteurs diesel plus puissants et plus énergivores. Si les marchandises transportées dans trois poids lourds standards peuvent l'être dans deux SME, les consommations énergétiques et les émissions qui en résultent ne sont pas réduites proportionnellement. Elles s'établiraient ainsi entre -6 % et -28 % par tonne.kilomètre transportée. Par ailleurs, c'est une organisation de transport qui freine l'essor des motorisations électriques, non émissives car elles ne leur sont pas adaptées. Concernant les infrastructures routières, il convient de rappeler que la dégradation des chaussées et fonction du poids à l'essieu. Les effets potentiellement neutres sur les chaussées, grâce à l'augmentation du nombre d'essieux, ne sont toutefois pas les seuls à analyser. Faire circuler des ensembles de plus de 60 tonnes et 30 mètres nécessiterait d'étudier un redimensionnement du réseau routier, au moins pour les projets nouveaux ou de modernisation, incluant les ponts, les tunnels, les équipements de sécurité, les zones d'arrêt d'urgence, les aires de service et les zones de manœuvre, pour une fraction minoritaire du trafic. Or, il s'agit de dépenses à la charge des collectivités publiques qui ne sont pas intégrées dans les coûts des utilisateurs des SME et donc dans le bilan mis en avant par leurs soutiens. Concernant la sécurité routière, l'absence de constat de dégradation en matière d'accidents, ou le niveau d'équipements de sécurité requis dans les États qui les ont expérimentés, ne permettent pas de conclure à une absence d'impact négatif des SME. Les caractéristiques des véhicules constituent des facteurs d'aggravation des risques d'insécurité routière : augmentation de l'énergie dissipée en cas de choc, augmentation des temps de dépassement, différentiels de vitesse par rapport aux autres usagers, obstacles physiques et visuels plus importants, gestion des trajectoires et des manœuvres, comportement des ensembles au freinage ou au renversement, en cas d'accident ou d'aléa divers. Par ailleurs, le Gouvernement est en premier lieu préoccupé par les effets de l'expansion de tels ensembles sur le fret non-routier. Créer les conditions de leur développement, c'est aussi freiner l'intérêt des chargeurs pour le transport de fret non-routier, très substantiellement moins émissif voire favoriser un risque de « report modal inversé ». L'action du Gouvernement en matière de régulation des services de transport de fret s'inscrit dans le cadre des objectifs de transition écologique. Réduire les émissions de CO2 du fret nécessite de fixer une stratégie globale et une feuille de route cohérente. Les choix durables faits par le Gouvernement sont orientés vers le report modal et le développement de véhicules routiers décarbonés. Il convient de maintenir ce cap car une mobilisation et des investissements considérables sont consentis depuis plusieurs années et appelés à se poursuivre pour accompagner le secteur dans cette transition Enfin, le bilan des avantages et inconvénients s'inscrit dans un contexte de révision de la législation européenne en matière de poids et dimensions des véhicules de transport routier. Dans ce processus, les autorités françaises ont exprimé des réserves face à des propositions législatives qui promeuvent trop largement la circulation internationale de ces ensembles au sein de l'Union européenne et qui priveraient les États-membres de leur capacité à préserver leurs enjeux. Dans ce contexte, le Gouvernement estime que les garanties ne sont pas suffisantes pour envisager d'autoriser ou d'expérimenter la circulation des SME sur le territoire national.

Données clés

Auteur : M. Jean-Marie Fiévet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Transports routiers

Ministère interrogé : Transports

Ministère répondant : Transports

Dates :
Question publiée le 1er juillet 2025
Réponse publiée le 12 août 2025

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