Question écrite n° 829 :
Progression alarmante du marché illicite de tabac en France

17e Législature

Question de : M. Yoann Gillet
Gard (1re circonscription) - Rassemblement National

M. Yoann Gillet interroge M. le ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, sur la progression alarmante du marché parallèle du tabac en France. Dans le préambule de la Convention cadre de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte antitabac du 21 mai 2003, les États signataires, au premier rang desquels la France, reconnaissent qu'une action concertée est nécessaire pour éliminer toutes formes de commerce illicite des cigarettes et autres produits du tabac, y compris la contrebande, la fabrication illégale et la contrefaçon. Or selon le rapport KPMG 2023 sur la « Consommation de cigarettes illicites en Europe », la France détient le record de consommation de cigarettes illégales au sein de l'Union européenne. Plus précisément, en 2023, ce sont ainsi 16,8 milliards de cigarettes illicites (contrefaçon, contrebande et Illicit Whites) qui ont été consommées en France. Ce chiffre, qui a doublé en quatre ans, est passé de 13,7 % en 2019 à 33,2 % en 2023, malgré les promesses des gouvernements successifs. D'après ce même rapport, la France représente à elle seule près de la moitié des volumes de cigarettes illicites consommés dans l'Union européenne, laissant loin derrière des pays comme la Grèce (3,5 milliards) ou l'Allemagne (1,6 milliard). M. le député attire l'attention de M. le ministre sur le fait que malgré le plan tabac 2023-2025 mis en œuvre par le précédent gouvernement, les résultats sont loin d'être satisfaisants. Les achats sur le marché parallèle, principalement alimentés par la contrebande et la contrefaçon, continuent de progresser à un rythme très inquiétant et pourraient bientôt représenter une cigarette sur deux consommée en France. Sur le plan fiscal, cette situation a un impact significatif pour l'État. En 2023, la contrefaçon et la contrebande de tabac ont coûté à l'État 7,26 milliards d'euros en recettes fiscales perdues. M. le député constate que ce phénomène s'explique par une conjonction de plusieurs facteurs. La hausse constante du prix du tabac en France, bien plus élevé que chez les pays voisins, incite les consommateurs à se tourner vers des marchés parallèles. De plus, les réseaux de trafiquants de tabac disposent de moyens techniques très importants pour leurs activités illicites, tandis que les moyens alloués à la police sont largement insuffisants et que la réponse pénale demeure inadaptée pour prévenir et sanctionner ces infractions. Ainsi, M. le député demande à M. le ministre de prendre des mesures concrètes pour lutter efficacement contre la vente illicite de tabac et de protéger l'activité des buralistes français contre ce marché parallèle qui fausse gravement la concurrence à leur détriment. Il rappelle à toutes fins utiles qu'il avait fait des propositions concrètes quant à une évolution législative afin de lutter efficacement contre ce phénomène.

Réponse publiée le 10 juin 2025

Le plan national de lutte contre les trafics illicites de tabacs 2023-2025 renforce la capacité d'action douanière contre toutes les formes de commerce illicite de tabacs.  Articulé autour de quatre engagements qui structurent l'action douanière contre ce fléau jusqu'à la fin de l'année 2025, ce plan porte sur des mesures importantes, qui correspondent à autant de nouveaux moyens déployés par la douane. D'abord, la douane a investi dans des capacités de détection permettant de lutter contre les trafics, dont ceux liés aux tabacs. En effet, différents équipements de détection non intrusive sont déployés et continueront à l'être d'ici la fin de l'année 2025. Il s'agit de caméras endoscopes (depuis septembre 2024), de scanners (depuis décembre 2024) et d'équipes maître de chien anti-tabac supplémentaires, d'ici fin 2025. Ensuite, des groupes de lutte anti trafics de tabacs (GLATT) ont été créés afin de répondre au besoin d'adapter l'organisation des services douaniers pour faire face à celle des trafiquants. Créés en 2023, dans des bassins de fraude prioritaires, ils permettent de faire travailler de façon plus efficace et coordonnée, l'ensemble des services douaniers concernés, en coopération avec des services partenaires. Ils exploitent, notamment, les fiches Stop Trafic Tabac émises par les buralistes pour signaler des ventes illicites de produits du tabac. Ces groupes ont été enrichis d'un réseau douanier cyber déconcentré pour lutter contre les trafics sur internet. De plus, les opérations coordonnées ou « coups de poing » constituent un levier important et nécessaire de lutte contre les trafics illicites de tabac, qui envoient un signal fort aux trafiquants. Les opérations « COLBERT » constituent l'illustration du pilotage par la DGDDI du groupe opérationnel national antifraude (GONAF), aux côtés de la Mission interministérielle de coordination antifraude (MICAF). Ces opérations ont également renforcé la présence de la douane au sein des comités opérationnels départementaux antifraudes (CODAF). Les cibles d'intérêt douanier, notamment les commerces vendant illégalement des produits du tabac, sont ainsi régulièrement inscrites dans les plans de contrôle des CODAF. L'opération nationale COLBERT II, qui a eu lieu du 20 au 27 mars 2024, a permis la saisie de 27 tonnes de tabacs sur cette période. Par ailleurs, le législateur a fait évoluer le régime juridique entourant la lutte contre les trafics de tabacs via la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Le durcissement des sanctions encourues fait écho aux échanges réguliers avec la confédération des buralistes. La peine d'emprisonnement encourue pour la fabrication, la détention frauduleuse en vue de la vente, la vente hors du monopole, l'introduction ou l'importation frauduleuse de tabacs manufacturés passe ainsi de un à trois ans, et peut aller jusqu'à cinq à dix ans pour les mêmes infractions réalisées en bande organisée ; de même, la durée de fermeture administrative encourue par les commerces revendant du tabac de manière illicite passe de 3 à 6 mois maximum encourus. En outre, une sanction pour non-respect des mesures de fermeture administrative est instaurée, l'infracteur étant désormais passible de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende. Cet affermissement de la réponse étatique vise à envoyer un signal fort aux infracteurs qui détournent des commerces de leur vocation d'origine pour s'adonner au commerce illégal de tabac. Depuis la publication du décret n° 2024-276 du 27 mars 2024, la DGDDI a mis en place un observatoire sur les achats transfrontaliers de tabacs afin de suivre au plus près les contentieux réalisés par ses services, mais également les ventes mensuelles de tabacs dans les départements concernés. En outre, ce décret offre la possibilité aux douaniers de retenir d'autres critères que celui portant que la quantité de tabacs transportés afin d'établir si un particulier rapporte du tabac d'un autre pays de l'Union européenne pour sa consommation personnelle et non pour un but commercial. Dans le cadre du plan national de lutte contre les trafics illicites de tabac 2023-2025, la douane a également entamé des travaux, en coopération avec la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), visant au développement d'une capacité publique souveraine d'estimation et d'analyse du marché parallèle des produits du tabac. Celle-ci devra permettre de mieux comprendre, de façon indépendante, les ressorts criminologiques et socio-économiques du marché parallèle de tabacs. Cette meilleure maîtrise permettra une communication publique argumentée en la matière, et améliorera le niveau de connaissance douanière des marchandises de fraude. Les premiers résultats de ces recherches seront publiés dans le courant de l'année 2025. Enfin, dans le cadre du programme national de lutte contre le tabac pour 2023-2027, co-porté par les ministères chargés de la santé et des comptes publics, une des mesures phares de l'axe 4 « Transformer les métiers du tabac et lutter contre les trafics » est d'agir au niveau de l'Union européenne et des Etats membres pour mieux harmoniser la politique fiscale et réduire les écarts de prix. La position française reste inchangée sur cette nécessité d'harmonisation, et des échanges réguliers avec les homologues européens permettent de garder cet objectif au centre de l'actualité en matière de tabac.

Données clés

Auteur : M. Yoann Gillet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Commerce et artisanat

Ministère interrogé : Budget et comptes publics

Ministère répondant : Comptes publics

Dates :
Question publiée le 15 octobre 2024
Réponse publiée le 10 juin 2025

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