Question écrite n° 8640 :
Position sur les négociations en cours à l'ONU sur les SALA

17e Législature

Question de : M. Aurélien Saintoul
Hauts-de-Seine (11e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Aurélien Saintoul interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la position de la France lors des discussions sur les systèmes d'armes létales autonomes qui se sont tenues en mai 2025 à l'ONU. En effet, l'assemblée générale de l'ONU (AG-ONU) organisait les 12 et 13 mai 2025 des consultations à New York sur les systèmes d'armes létales autonomes (SALA) suite au vote en novembre 2024 de la résolution portée par l'Autriche et d'autres États sur ce sujet. 96 États étaient présents. Parmi eux, l'Australie a pris la parole pour rappeler que ces négociations ne devaient en aucun cas fragiliser ou dupliquer le mandat du Groupe d'experts gouvernementaux (GGE) sur les technologies émergentes dans le domaine des systèmes d'armes létaux autonomes mis en place dans le cadre de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC) à Genève. La France était co-signataire de cette déclaration lue par l'Australie. Cette position n'est pas à la hauteur de l'importance du sujet. Par ailleurs, l'absence de communication autour des débats ainsi que l'absence de prise de parole en propre de la France laissent penser que le quai d'Orsay préfèrerait ne pas attirer l'attention sur ces discussions. Pourtant, les discussions au sein de l'AG-ONU permettent d'aborder la question des SALA sous l'angle de la protection des droits humains. Elles permettent par exemple de débattre de l'utilisation des SALA dans le contexte du maintien de l'ordre ainsi que des contrôles aux frontières. A contrario, les discussions dans le contexte de la CCAC se limitent à l'usage de l'intelligence artificielle dans le domaine de la défense. L'AG-ONU offre donc un cadre idéal pour aboutir à un traité international sur les SALA. Il permettrait à la France d'être à l'initiative sur ce sujet et de contraindre les autres États de l'ONU à faire preuve des mêmes retenues que celles que la France a choisi de s'appliquer à elle-même. Il souhaiterait donc savoir pourquoi la France cherche à invisibiliser les négociations sur ce sujet. Il se demande si la France va enfin demander l'ouverture d'un cycle de négociations en vue de l'établissement d'un traité afin d'être en cohérence avec la position qu'elle avait adopté suite à la conférence internationale sur les armes autonomes qui s'était tenue à Vienne en avril 2024, et si elle va enfin s'engager officiellement à œuvrer en faveur de la non-prolifération des armes létales autonomes.

Réponse publiée le 2 septembre 2025

La France a voté en faveur de la résolution 79/239 en 2024. Elle a marqué à cette occasion sa vigilance à ce que les consultations informelles initiées par cette résolution contribuent à remplir le mandat du Groupe d'experts gouvernementaux sur les technologies émergentes dans le domaine des systèmes d'armes létaux autonomes (GGE SALA) établi au sein de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC), et ne dupliquent pas, ni ne fragilisent ses travaux. Cette position est motivée par le fait que la priorité doit être accordée à la finalisation des travaux du GGE SALA, dont le mandat actuel arrivera à son terme en 2026, dans un contexte géopolitique difficile. En effet, le GGE dispose aujourd'hui d'une base de travail solide. Les progrès enregistrés lors des dernières sessions doivent nous inciter à concentrer nos efforts sur ces discussions afin d'aboutir à des résultats significatifs en 2026. La France a également participé aux consultations informelles mandatées par la résolution et a pris note des nombreux briefings d'experts présentés lors de celles-ci, et de celui du président du GGE. Ces consultations ont permis d'informer l'ensemble des membres de l'ONU des travaux importants menés par le GGE SALA, et d'inviter les États qui ne sont pas encore Parties contractantes à adhérer à la CCAC. La France regrette toutefois que les Etats non-parties à la CCAC n'aient que très peu investi ces consultations pour exprimer leurs positions. La France rappelle son attachement au cadre offert par la CCAC dont l'objectif (qui est de trouver un équilibre entre nécessités militaires et considérations humanitaires) ainsi que la structure unique (qui permet un échange d'expertise entre plusieurs parties prenantes) de même que l'adaptabilité (possibilité d'adopter de nouveaux protocoles en lien avec les développements des moyens de guerre) en font le forum approprié pour traiter de cette question. La France considère ainsi qu'il est impératif de poursuivre jusqu'à son terme les travaux menés dans le cadre du GGE dont le mandat court jusqu'en novembre 2026, afin de formuler des éléments constitutifs d'un potentiel instrument de régulation internationale relatif aux systèmes d'armes létaux autonomes. Sur le fond, la France considère que ce futur instrument devrait reposer sur une double approche qui établit une distinction entre les systèmes devant être interdits et ceux devant faire l'objet de mesures de régulation. Dans un premier temps, la France considère que les systèmes d'armes létaux autonomes ne pouvant garantir un emploi conforme au droit international humanitaire – à savoir les systèmes qui sont intrinsèquement indiscriminés ; les systèmes dont les effets ne peuvent être limités, anticipés et contrôlés ; les systèmes de nature à causer des blessures superflues ou des souffrances inutiles ; et les systèmes fonctionnant en dehors de tout contrôle humain et d'une chaîne de commandement responsable (systèmes d'armes létaux pleinement autonomes) – devraient être prohibés. Elle a rappelé, conjointement avec 26 autres Etats partenaires, son engagement à ne pas utiliser de tels systèmes dans la déclaration de Paris sur le maintien du contrôle humain dans les systèmes dotés d'IA lors du Sommet pour l'Action sur l'IA en février 2025. Dans un second temps, les systèmes d'armes létaux intégrant de l'autonomie, auxquels le commandement militaire peut confier l'exécution de tâches liées à des fonctions critiques (identification, sélection et engagement de la cible) dans un cadre d'action spécifique (systèmes d'armes létaux "partiellement" autonomes), devraient être réglementés par la mise en œuvre de mesures nationales appropriées tout au long du cycle de vie du système afin de garantir, notamment, que leur développement et leur utilisation se feront conformément au droit humanitaire international, tout en préservant le contrôle humain ainsi que la responsabilité humaine et l'obligation de rendre des comptes. La France reste pleinement engagée sur ce sujet et continuera à contribuer activement aux travaux menés au sein du GGE. Elle appelle l'ensemble des Hautes parties contractantes à s'engager de manière constructive dans ces débats et à identifier les points de convergence qui permettront de bâtir un futur instrument de régulation internationale des SALA dans le cadre de la CCAC. Quand viendra le moment de discuter d'un nouveau mandat pour le GGE pour la période postérieure à 2026, la France promouvra un nouveau mandat ambitieux, un mandat de négociation en vue de l'élaboration de l'instrument juridique, en cohérence avec notre position constante favorable à ce que cet instrument prenne la forme d'un protocole additionnel à la CCA, juridiquement contraignant. Pour mémoire, la France a pleinement pris la mesure des enjeux stratégiques, juridiques et éthiques soulevés par le développement de possibles systèmes d'armes létaux autonomes (SALA). Elle a joué, et continue à jouer, un rôle moteur dans les débats menés sur le sujet. C'est ainsi à l'initiative de la France que la question des SALA a été introduite en 2013 aux Nations unies, dans l'enceinte de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC) à Genève. A l'échelle nationale, la France a rapidement mené des réflexions sur ce sujet afin de structurer sa position. En 2019, à travers le discours de la ministre des Armées, la France a annoncé qu'elle refuse de confier la décision de vie ou de mort à une machine qui agirait de façon pleinement autonome et échapperait à tout contrôle humain. En 2021, le Comité d'éthique de la défense (COMEDEF) a publié un avis spécifiquement sur le sujet des SALA et pose des grands principes directeurs. Aujourd'hui, la France continue de contribuer activement aux travaux menés dans le cadre du GGE SALA établi au sein de la CCAC, en formulant des propositions substantielles pour l'élaboration d'un ensemble d'éléments constitutifs d'un potentiel futur instrument de régulation internationale débattus dans le cadre du texte évolutif de la présidence. La France a également soutenu l'adoption par l'Assemblée générale des Nations unies de deux résolutions relatives aux SALA. En 2023, elle a voté en faveur de la résolution 78/241, qui souligne l'urgence de répondre à ces enjeux. Conformément à cette résolution et dans la continuité de son engagement résolu sur le sujet, la France a transmis ses vues au Secrétaire général des Nations unies sur les moyens d'agir pour faire face aux défis posés par ces potentiels systèmes. Dans ce rapport, le Secrétaire général enjoint les Hautes Parties Contractantes à la CCAC d'œuvrer avec diligence pour que le GGE s'acquitte de son mandat dès que possible, et les autres Etats à rejoindre la CCAC.

Données clés

Auteur : M. Aurélien Saintoul

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 15 juillet 2025
Réponse publiée le 2 septembre 2025

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