Lutte contre les féminicides
Question de :
Mme Pascale Got
Gironde (5e circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Pascale Got attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur le nombre de féminicides, qui reste tragiquement élevé ces dernières années. Malgré les mesures prises, les chiffres ne diminuent pas de manière significative dans le pays. Le 21 juillet 2025, 50 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint depuis le début de l'année. Ces chiffres, constants voire en hausse selon les années, témoignent de l'incapacité persistante de la société à prévenir efficacement ces violences extrêmes. À titre de comparaison, l'Espagne, qui a célébré cette année les 20 ans de sa loi organique contre les violences de genre, a réussi à faire baisser de 35 % le nombre annuel de féminicides conjugaux, passant de 72 en 2004 à 30 en 2020, les stabilisant autour de 40 décès annuels ces dernières années, un taux quasiment deux fois inférieur à celui observé en France. Régulièrement citée comme un exemple en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, l'Espagne s'est dotée d'un arsenal législatif ambitieux, adossé à une politique publique transversale et un financement conséquent. Parmi les dispositifs ayant fait leurs preuves : brigades de police dédiées avec une formation renforcée, existence de tribunaux spécialisés sur les violences conjugales, délais courts pour l'émission des ordonnances de protection (72h), plateforme numérique intégrée permettant un suivi en temps réel du danger pour chaque plaignante, accompagnement global (juridique, psychologique, financier, professionnel) des victimes, ainsi que généralisation du bracelet anti-rapprochement, outil dont l'efficacité est largement documentée. Aujourd'hui, l'État consacre 184,4 millions d'euros à la lutte contre les violences conjugales. Pour être au même niveau de dépenses publiques que l'Espagne, ce budget devrait avoisiner le milliard d'euros, comme le rappellent de nombreuses associations. Si des avancées ont été réalisées, tels que le renforcement du 3919, le développement des centres de prise en charge des auteurs (CPCA), la création de places d'hébergement d'urgence ou encore les campagnes de sensibilisation, elles restent éparses, sous-dotées et encore trop peu évaluées en matière d'impact réel sur la baisse des violences et des récidives. Par ailleurs, plusieurs défis majeurs demeurent : le manque de moyens humains et logistiques pour assurer le traitement rapide et coordonné des signalements, une réponse judiciaire parfois tardive ou inadéquate, une protection insuffisante des enfants, un accompagnement des victimes trop souvent discontinu et une évaluation encore lacunaire des dispositifs existants. Le dernier rapport du GREVIO (2023) a d'ailleurs souligné le manque de coordination nationale et l'insuffisante application de certains volets de la Convention d'Istanbul en France. Aussi, elle lui demande quelles nouvelles mesures concrètes sont envisagées afin de renforcer la prévention des féminicides, garantir une réponse judiciaire plus rapide et efficace, améliorer la protection des victimes et rehausser les moyens alloués à la hauteur des enjeux, en s'inspirant des bonnes pratiques observées notamment en Espagne.
Réponse publiée le 9 septembre 2025
La prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes constituent une priorité constante du Gouvernement. Ainsi, depuis 2022, le chantier interministériel de la politique prioritaire du Gouvernement « Mieux protéger et accompagner les femmes victimes de violences » prolonge la dynamique initiée en 2019 par le Grenelle de lutte contre les violences conjugales, amplifiée par le plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes « Toutes et tous égaux » (2023-2027), qui intègre un nouvel axe d'actions visant à mieux prévenir et combattre les violences sexistes et sexuelles. Cette politique publique interministérielle et partenariale a permis d'enregistrer des avancées majeures en matière de prévention et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Elle repose sur une approche globale, conjuguant prévention, accompagnement, protection et réponse judiciaire. Le Gouvernement a ainsi renforcé l'information des victimes, notamment grâce à des dispositifs d'écoute et d'orientation tels que le 3919, dont le financement par l'État a été considérablement renforcé, passant de 2,3 millions d'euros en 2021 à 4,15 millions en 2024. L'accompagnement global et de proximité des victimes a connu un développement important, avec la création de 107 structures médico-sociales hospitalières dans 86 départements, destinées à garantir une prise en charge complète des femmes victimes de violences. Des dispositifs ont également été mis en place pour sécuriser les périodes de séparation, identifiées comme particulièrement à risque. Créée par la loi du 28 février 2023, l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales leur permet de bénéficier d'un soutien financier pour quitter leur conjoint et faire face aux premières dépenses. Versée dans un délai de 3 à 5 jours, cette aide a déjà bénéficié à 52 693 personnes entre décembre 2023 et juin 2025, pour un montant total de 46,7 millions d'euros (soit en moyenne 887 € par aide versée). En complément, le « Pack nouveau départ », expérimenté dans 5 départements depuis 2023 et prochainement étendu à d'autres territoires, propose un accompagnement personnalisé, mieux coordonné et plus rapide pour faciliter la séparation. Le renforcement conséquent de notre arsenal juridique s'est aussi traduit par un effort budgétaire sans précédent depuis 2017. Ainsi, les crédits mobilisés par l'ensemble des ministères concernés pour la mise en œuvre des mesures du Grenelle ont considérablement augmenté, passant de 11 millions d'euros en 2020 à près de 240 millions d'euros en 2024. Depuis 2023, les moyens consacrés à la mise en œuvre des mesures de l'axe « Lutte contre les violences » du plan « Toutes et tous égaux » sont estimés à 55 millions d'euros en 2023 et 91 millions d'euros en 2024. Les crédits du programme 137 « Egalité entre les femmes et les hommes », eux, ont triplé au cours des cinq dernières années, passant de 30,2 millions d'euros en LFI 2020 à 94 millions d'euros en LFI 2025, dont 81 millions d'euros spécifiquement dédiés à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. A ces financements de l'Etat, s'ajoutent évidemment les crédits d'intervention des collectivités territoriales qui apportent, elles aussi, une contribution décisive aux politiques publiques de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes. Cette mobilisation, dans tous les champs de l'action gouvernementale, a contribué à faire reculer les féminicides au cours des dernières années. D'après les données du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMI), 146 féminicides ont été enregistrés en 2019, 122 en 2021, 118 en 2022 et 96 en 2023, soit une baisse de plus de 30 % en quatre ans. Les données du SSMI pour 2024 seront publiées à l'automne 2025 et permettront d'évaluer si cette tendance encourageante se poursuit. Cette évolution témoigne de l'impact réel des mesures mises en place, comme les experts du GREVIO ont pu le constater lors de l'évaluation conduite en 2024, qui devrait donner lieu à la publication d'un nouveau rapport d'ici la fin de l'année. Toutefois, chaque féminicide rappelle l'impératif de poursuivre et d'amplifier l'action publique. C'est pourquoi, avec l'appui d'un groupe transpartisan de parlementaires, le ministère chargé de l'Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations travaille à l'élaboration d'un projet de loi cadre, visant à renforcer encore l'arsenal juridique global pour mieux protéger et accompagner les femmes victimes de violences, qu'elles soient physiques, psychologiques, sexuelles, numériques ou économiques.
Auteur : Mme Pascale Got
Type de question : Question écrite
Rubrique : Sécurité des biens et des personnes
Ministère interrogé : Égalité entre les femmes et les hommes et lutte contre les discriminations
Ministère répondant : Égalité entre les femmes et les hommes et lutte contre les discriminations
Dates :
Question publiée le 29 juillet 2025
Réponse publiée le 9 septembre 2025