Directive omnibus
Question de :
Mme Marie Pochon
Drôme (3e circonscription) - Écologiste et Social
Question posée en séance, et publiée le 4 décembre 2025
DIRECTIVE OMNIBUS
Mme la présidente . La parole est à Mme Marie Pochon.
Mme Marie Pochon . Être souverain, c’est pouvoir décider par soi-même et pour soi-même de son avenir.
Il y a un peu plus d’un an, l’Union européenne adoptait la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité – la CS3D –, imposant aux multinationales le respect des objectifs de l’accord de Paris ainsi que la fin du travail des enfants et du travail forcé dans leur chaîne de valeur. Un an plus tard, le Parlement européen détricotait cette directive par la première loi omnibus. Comme souvent, la simplification sert de prétexte. Comme toujours, notre souveraineté est oubliée.
Depuis l’élection de Donald Trump, la pression extérieure contre tout ce que nous décidons par nous-mêmes et pour nous-mêmes s’est intensifiée. Mediapart vient de le révéler : les multinationales – au nombre desquelles Exxon Mobil, Chevron et la française TotalEnergies – ont ciblé méthodiquement la directive. Elles ont cherché à influencer les institutions européennes, les accusant de nuire aux intérêts étasuniens. Et sur qui s'appuient ces multinationales américaines pour défendre leurs intérêts et déréguler nos normes ? Sur les idiots utiles et les patriotes de pacotille de la droite et de l'extrême droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
En mai, Emmanuel Macron leur a emboîté le pas, déclarant à Versailles qu’il fallait « écarter » la directive sur le devoir de vigilance afin de se « resynchroniser » avec les États-Unis.
Ce texte, c’était la fierté de l’Europe et la fierté de la France ; les peuples qui imposent des règles aux multinationales ; l’environnement et les droits humains qui priment l’ultralibéralisme forcené ; la justice pour les plus puissants autant que pour les plus vulnérables.
Ce texte, surtout, c’était notre avantage comparatif à nous. L’Europe – ses industries, ses artisans – ne pourra jamais rivaliser sur le terrain de la dérégulation. Nous ne pourrons survivre et assurer notre souveraineté qu’à condition de maintenir des normes environnementales et sociales de haut niveau – des normes que nous savons respecter – et de les imposer au reste du monde.
Dans la Drôme, d’où je viens, des dizaines d’entreprises industrielles et artisanales sont menacées par la concurrence déloyale de ces multinationales. Vous avez jusqu’au 8 décembre, monsieur le premier ministre, pour conserver les plans de transition climatique et la responsabilité civile des entreprises. Face aux multinationales fossiles américaines, face à Shein, défendrez-vous enfin notre souveraineté ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.
Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . Le rapport Draghi du 9 septembre 2024 a tiré la sonnette d’alarme. Je l’ai évoqué ici même, il y a quelques semaines : l’Union européenne perd 10 % de son potentiel de croissance du fait de la complexité réglementaire pesant sur ses entreprises. Je salue l’adoption, par le Conseil et par le Parlement européen, de la directive omnibus qui tend notamment à simplifier les directives CSRD et CS3D. Le Conseil et le Parlement en ont chacun adopté des versions différentes ; la France souhaite, quant à elle, parvenir à un accord susceptible d’être voté par la majorité centrale au Parlement européen – cela répond à une partie de votre question.
La négociation européenne continue. Notre objectif est clair : simplifier et nous assurer que les règles qui s’appliquent en France s’appliquent également à nos concurrents. Les trilogues sont toujours en cours. La France souhaite maintenir un niveau d’exigence cohérent entre les entreprises européennes et les entreprises étrangères ; elle souhaite trouver un équilibre entre notre volonté de simplifier la vie des entreprises et le maintien de nos ambitions climatiques. Le gouvernement et le premier ministre s’y engagent et assument cet effort de simplification. Mieux réguler, sans pour autant déréguler : nous voulons réconcilier protection et innovation, fidèles en cela à notre identité européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente . La parole est à Mme Marie Pochon.
Mme Marie Pochon . Tout cela ne veut rien dire. Vous proposez, en somme, le nivellement par le bas de toute notre politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
M. Boris Vallaud . Elle a raison !
Auteur : Mme Marie Pochon
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Administration
Ministère interrogé : Intelligence artificielle et numérique
Ministère répondant : Intelligence artificielle et numérique
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 4 décembre 2025