Condamnation de Mme Marine Le Pen
Question de :
M. Boris Vallaud
Landes (3e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 2 avril 2025
CONDAMNATION DE MME MARINE LE PEN
M. Boris Vallaud . Hier, la justice de notre République a rendu son verdict dans une affaire qui n'a rien de banal tant elle était scrutée. Depuis hier, des responsables politiques se succèdent pour commenter, voire condamner cette décision, certaines autorités de l'État faisant même part de leur trouble. Mettre en cause une décision de justice, c'est manquer aux principes élémentaires que sont la séparation des pouvoirs et l'État de droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Matthias Renault . C'est une décision politique !
M. Laurent Jacobelli . On n'est pas en URSS !
M. Boris Vallaud . Mettre en cause personnellement des magistrats, c'est exercer sur eux une pression inacceptable, qui appelle les condamnations les plus fermes. Non, ces femmes et ces hommes ne sont pas les agents d'un système,…
M. Matthias Renault . Ils sont ceux du Syndicat de la magistrature !
M. Boris Vallaud . …mais les juges impartiaux dont notre République a besoin. (Mêmes mouvements. – Quelques députés du groupe LFI-NFP applaudissent aussi.) Mettre en cause la loi, quand il s'agit de l'appliquer aux puissants, c'est accréditer l'idée qu'il y aurait une justice à deux vitesses.
M. Emeric Salmon . Et le doigt d'honneur d'Henri Emmanuelli ?
M. Sébastien Chenu . Et Cahuzac ?
M. Laurent Jacobelli . Voulez-vous que l'on parle de Mitterrand ?
M. Boris Vallaud . Tous les Français sont égaux devant la loi. Seuls les faits comptent. En l'espèce, ils sont accablants : 4 millions d'euros d'argent public détourné. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.) Mettre en scène une opposition entre le peuple et sa justice, c'est emprunter une voie sans issue, qui nous conduit hors de l'État de droit, hors de la démocratie.
Mme Marine Le Pen . C'est vous qui y conduisez !
M. Boris Vallaud . Le peuple français n'est pas privé de sa souveraineté par les juges qui rendent la justice en son nom ! (Mêmes mouvements.) Toutes les manœuvres du monde ne pourront renverser la réalité…
M. Sébastien Chenu . Et ton pote Cahuzac ?
M. Christophe Barthès . Et Mitterrand ! Et Bousquet !
Un député du groupe SOC . Tais-toi, Barthès !
M. Boris Vallaud . Dans cette affaire, un système, des prévenus, un parti et sa cheffe ont été reconnus coupables ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) La justice, pour sa part, n'est pas sur le banc des accusés. Monsieur le premier ministre, alors que des attaques contre notre État de droit sont proférées par les amis de Mme Le Pen, du Kremlin à la Maison-Blanche en passant par certains bancs de cet hémicycle, nous vous demandons d'exprimer devant la représentation nationale votre soutien inconditionnel à la justice de notre pays ! (Les députés des groupes SOC, EcoS et GDR se lèvent et applaudissent. – Quelques députés du groupe LFI-NFP applaudissent aussi.)
Mme la présidente . La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique . Je n'ai pas entendu la fin de votre question,…
M. Laurent Jacobelli . Heureux homme !
Mme Caroline Colombier . Cela n'en valait pas la peine !
M. François Bayrou, premier ministre . …elle était couverte par les diverses manifestations de soutien et aussi – probablement – de réprobation.
Un député du groupe SOC . Soutenez-vous la justice ?
M. François Bayrou, premier ministre . J'ai tout à fait saisi le sens de la question. Premièrement, il n'est pas possible, a fortiori pour un responsable gouvernemental, de critiquer une décision de justice. J'estime même que nous n'en avons pas le droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC et Dem.)
M. Jérôme Guedj . Très bien !
M. François Bayrou, premier ministre . Deuxièmement, le soutien que nous devons apporter aux magistrats, dans l'exercice de leurs fonctions, doit en effet être inconditionnel, non mesuré, puissant. (Mêmes mouvements. – Mme Sarah Legrain et M. Matthias Tavel applaudissent aussi.) Il est très important que l'ensemble de la représentation nationale exprime un tel soutien.
Il est vrai que des interrogations subsistent – j'en ai moi-même souvent formulé sur le seul sujet qui me paraît devoir être abordé dans cette affaire : la possibilité de former des recours. En principe de droit, toute décision lourde et grave en matière pénale doit pouvoir faire l'objet d'une procédure en appel et d'un recours. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Cependant, le dispositif de l'exécution provisoire conduit à ce que des décisions lourdes et graves ne soient pas susceptibles de recours.
M. Boris Vallaud . Vous commentez une décision de justice, ce faisant !
Mme Sandrine Rousseau . Vous contestez la décision des juges !
M. François Bayrou, premier ministre . Il n'est alors plus possible de faire appel de décisions qui, pourtant, peuvent entraîner des conséquences irréversibles. J'ai toujours, comme citoyen, considéré ce point comme problématique ; je m'étais déjà exprimé en ce sens lors de la condamnation du maire de Toulon, Hubert Falco. En effet, je considère, comme citoyen… (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Boris Vallaud . Ici vous n'êtes pas citoyen, mais premier ministre !
M. Alexis Corbière . On est à l'Assemblée nationale, monsieur le citoyen Bayrou ! C'est le « en même temps » bayrouiste !
Mme la présidente . S'il vous plaît !
M. François Bayrou, premier ministre . Je suis un citoyen. Conformément aux principes du droit, les décisions de justice sont protégées et les magistrats doivent être soutenus. Cependant, lorsqu'il s'agit de s'interroger sur l'état de la loi, il revient au Parlement de prendre ses responsabilités.
Mme Ayda Hadizadeh . Pas d'applaudissements ! Vous avez vu ?
Auteur : M. Boris Vallaud
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 avril 2025