Lutte contre l’inceste
Question de :
M. Christian Baptiste
Guadeloupe (2e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 2 juillet 2025
LUTTE CONTRE L'INCESTE
Mme la présidente . La parole est à M. Christian Baptiste.
M. Christian Baptiste . En France, en 2025, notre code pénal ne reconnaît toujours pas l'inceste comme une infraction autonome : l'inceste n'est qu'une circonstance aggravante, comme si violer son propre enfant ne constituait pas un crime à part entière. Ce vide juridique appelle une réponse éminemment politique. Dans les territoires dits d'outre-mer, cette réalité est d'autant plus criante que les victimes font face à un triple mur : le tabou culturel, l'isolement géographique et le manque de dispositifs adaptés. Contrairement à l'Hexagone, la Guadeloupe ne possède aucune unité d'accueil pédiatrique des enfants en danger. Depuis des mois, je travaille avec des associations comme Femmes d'outre-mer et du monde ou Incesticide France à l'organisation d'un colloque sur l'inceste à l'Assemblée nationale. Des mères, des psychologues, des victimes, tous racontent les mêmes scènes d'effroi : des enfants signalés, placés, puis rendus à leur agresseur présumé ; des mères poursuivies pour avoir voulu protéger leurs enfants. Selon le rapport de la Ciivise, publié en novembre 2023, en cas d'inceste, seulement 1 % des plaintes aboutissent à une condamnation. Cette impunité structurelle n'est plus tenable. C'est pourquoi je prépare une proposition de loi transpartisane pour combler ce vide. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.)
Monsieur le ministre de la justice, mes questions sont simples. Tout d'abord, quand allez-vous reconnaître l'inceste comme un crime autonome, comme l'ont fait l'Allemagne, la Norvège, la Tunisie et l'Argentine ? (Mêmes mouvements.) Ensuite, pourquoi le témoignage d'un enfant, ses symptômes et sa peur ne suffisent-ils pas pour déclencher une instruction judiciaire ? Enfin, quand allez-vous protéger les victimes, et non les bourreaux, de ce fléau qu'est l'inceste ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre d'État, ministre des outre-mer.
Mme Sandrine Rousseau . Mais non, c'est au ministre de la justice de répondre !
M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer . Il n'est pas là ! Que voulez-vous que je vous dise ?
Monsieur Baptiste, votre question porte sur un sujet extrêmement lourd, qui appelle mieux, à mon avis, que la polémique et l'art oratoire, et qui mérite plutôt de rechercher tous les formes possibles de dialogue. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SOC.)
Une première unité d'accueil pédiatrique des enfants en danger a vu le jour en outre-mer, en l'occurrence en Guadeloupe, il y a quelques mois. Cette unité, vous avez raison, doit permettre d'assurer une prise en charge rapide et adaptée des enfants vulnérables et en danger. Installée au sein de l'unité médico-judiciaire, cette structure offre un cadre sécurisé et spécialisé pour la prise en charge médico-psychologique des enfants de 0 à 8 ans confrontés aux drames que vous avez évoqués.
Le gouvernement a confié à Dominique Laurens, procureure générale, une mission relative au renforcement de la coordination des UAPED. Un rapport est attendu le 30 septembre 2025, mais comme nous serons en Guadeloupe mi-septembre avec le ministre de la santé, nous aurons sans aucun doute l'occasion d'en parler avec les acteurs sur place. La mission pourra évidemment se poursuivre afin d'organiser la mise en œuvre rapide des recommandations du rapport.
En complément, pour faciliter l'audition des mineurs victimes, des espaces spécifiques ont été créés dans les unités de gendarmerie et de police et dans les structures hospitalières : les salles Mélanie, que votre collègue Aurélien Rousseau doit connaître, spécialement aménagées et équipées, offrent un cadre adapté au recueil de la parole. La politique volontariste de développement de ces salles répond par ailleurs, vous le savez, à la recommandation formulée par la Ciivise.
Quant à la réponse pénale, la loi du 21 avril 2021 et les modifications concernant les victimes mineures de crimes sexuels en série vont dans le sens de votre préoccupation. Je suis en tout cas disponible pour travailler à toute évolution législative sur le sujet avec le garde des sceaux. (Regagnant sa place, M. le ministre d'État apostrophe Mme Béatrice Bellay.)
M. Christian Baptiste . Nous attendons des actes !
Auteur : M. Christian Baptiste
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Outre-mer
Ministère répondant : Outre-mer
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 2 juillet 2025