Approvisionnement en terres rares
Question de :
M. Philippe Bolo
Maine-et-Loire (7e circonscription) - Les Démocrates
Question posée en séance, et publiée le 30 octobre 2025
APPROVISIONNEMENT EN TERRES RARES
Mme la présidente . La parole est à M. Philippe Bolo.
M. Philippe Bolo . Téléphone portable, véhicules électriques, équipements médicaux, robots, capacités militaires : toutes ces technologies nécessitent des terres rares, omniprésentes, indispensables et stratégiques pour le numérique, la mobilité, l'énergie, la santé et la défense.
La Chine, qui domine l'extraction et le raffinage des terres rares, a récemment durci les exportations. Cette décision a provoqué une onde de choc géopolitique, ravivant les tensions dans les relations sino-américaines. L'annonce chinoise a suscité une réponse musclée de l'administration Trump qui a brandi la menace de droits de douane de 100 % sur les produits en provenance de Chine.
Cette incroyable prétention de Pékin à contrôler les terres rares, y compris hors de ses frontières, est officiellement justifiée par l'exigence de maintenir la paix mondiale. En réalité, elle révèle la stratégie de toute puissance, patiente et méthodique, engagée depuis les années 1980 pour maîtriser de bout en bout la chaîne de valeur des terres rares. L'étau se resserre.
Au-delà des tensions sino-américaines, quelles seront les conséquences et quelles seront les victimes collatérales du durcissement chinois ? La situation doit nous alerter. La France et l'Europe n'échapperont pas aux conséquences d'un bouleversement du marché des terres rares.
Si, demain, les approvisionnements sont bloqués, nos chaînes de production s'arrêteront, nos industries stratégiques seront à la peine et nos capacités d'innovation s'étioleront. Au bout du compte, c'est notre souveraineté qui vacillera. La décision chinoise fera peser de lourdes incertitudes sur de nombreux secteurs industriels français qui résisteraient difficilement à des surcoûts, à des retards de production et à des difficultés d'approvisionnement.
Monsieur le ministre de l'industrie, quelle stratégie la France va-t-elle adopter pour sécuriser nos approvisionnements et préserver notre souveraineté industrielle ? Il y a urgence à agir. Que comptez-vous faire pour que la France maîtrise son avenir sur les terres rares ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR, DR et LIOT.)
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie.
M. Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l'industrie . Je veux d'abord vous prier d'excuser Roland Lescure, qui est au G7 Energy à Toronto et qui m'a demandé de bien vouloir vous répondre.
Vous attirez mon attention sur les restrictions d'exportation de terres rares décidées par la Chine dans le cadre de la guerre commerciale avec les États-Unis. Depuis le 2 avril, Pékin a instauré des contrôles à l'exportation sur les aimants permanents et les terres rares et envisagé leur extension dès le mois de novembre.
Avec le ministre des affaires étrangères Jean-Noël Barrot, nous avons constitué une cellule d'appui à Paris et à notre ambassade à Pékin pour accompagner concrètement nos entreprises et assurer la continuité des approvisionnements. Nous demandons également à la Chine de reconsidérer et de différer ces nouvelles restrictions. La question doit être portée aux niveaux européen et international.
La réponse doit aussi être industrielle et souveraine. Depuis trois ans, nous investissons pour reconstruire une filière française de terres rares. À La Rochelle, Solvay a relancé la production de terres rares pour aimants permanents. À Lacq, une nouvelle usine pour les terres rares lourdes est en construction. En Isère, MagREEsource produit déjà des aimants recyclés tandis qu'Orano et le CEA ont récemment lancé une ligne pilote sur leur site.
M. Pierre Cordier . Oui !
M. Sébastien Martin, ministre délégué . De nouveaux contrats d'approvisionnement seront d'ailleurs signés dès demain avec le Canada et d'autres sont en cours d'examen avec le Brésil et l'Australie. De même, je réunirai dans les tout prochains jours à Bercy l'ensemble des filières concernées par ces risques de chute d'approvisionnement en terres rares.
Votre question montre la nécessité de sortir de la naïveté. Nous sommes dans un conflit ouvert. Face à une situation d'agression de nos marchés, la réponse de la France et de l'Europe doit être extrêmement ferme. Il faut insister sur la nécessité de protéger nos frontières et de nous défendre, notamment grâce aux mécanismes de préférence européenne. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente . La parole est à M. Philippe Bolo.
M. Philippe Bolo . Il faut en effet sortir de cette naïveté qui consisterait à croire que nous pouvons ne rien faire et à laisser la Chine s'emparer de tous les marchés. On le voit dans ceux de l'automobile, de l'énergie, de l'électronique et tant d'autres. Il faut donc absolument rendre notre industrie souveraine, à l'échelle nationale comme à l'échelle européenne. Notre avenir en dépend. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Auteur : M. Philippe Bolo
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Commerce extérieur
Ministère interrogé : Industrie
Ministère répondant : Industrie
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 30 octobre 2025