Soutien à l'économie des territoires d'outre-mer
Question de :
M. Davy Rimane
Guyane (2e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine
Question posée en séance, et publiée le 13 novembre 2025
SOUTIEN À L'ÉCONOMIE DES TERRITOIRES D'OUTRE-MER
Mme la présidente . La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane . Monsieur le premier ministre, vous avez annoncé que le gouvernement renonçait à raboter les exonérations créées par la loi pour le développement économique des outre-mer, ce qu'il prévoyait initialement de faire dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est une bonne nouvelle.
Vous reconnaissez enfin que les économies ultramarines ne peuvent être traitées comme celles de l'Hexagone. Votre recul n'est pas tombé du ciel : il est le fruit de la mobilisation de parlementaires ultramarins de tous bords, qui ont su parler d'une seule voix pour défendre leurs territoires et rappeler que l'égalité réelle ne se renégocie pas à chaque échéance budgétaire.
En réalité, vous desserrez le poing pour mieux serrer la ceinture : votre projet de loi de finances s'en prend désormais au régime d'aide fiscale à l'investissement productif, un outil vital pour nos entreprises. Le Rafip n'a pourtant rien d'un privilège, car il compense des inégalités structurelles bien connues, liées aux coûts du fret, des matériaux, de l'énergie, du logement ou encore du crédit bancaire.
Sans lui, produire localement deviendrait tout simplement impossible. En clair, c'est un instrument de cohésion et de compétitivité indispensable à nos territoires. Le gouvernement l'a pourtant fait figurer parmi les vingt-trois niches fiscales à repenser pour économiser 5 milliards d'euros.
Dans le même temps, la mission Outre-mer voit ses crédits amputés de près de 600 millions en autorisations d'engagement et de plus de 150 millions d'euros en crédits de paiement, tandis que le budget de la défense augmente de 7 milliards.
En renonçant à diminuer les exonérations liées à la Lodeom, vous avez franchi un premier pas. Mais alors que vous corrigez une erreur dans le PLFSS, les outre-mer restent traités comme de simples lignes comptables dans le PLF.
Vous êtes bien placé pour savoir que la puissance de la France ne se mesure qu'à l'aune des territoires ultramarins qui la composent encore. Pourriez-vous nous indiquer clairement si vous comptez renoncer à ces coupes, pour assumer pleinement une politique de développement des outre-mer et abandonner une gestion comptable qui n'assure que leur survie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente . La parole est à M. le premier ministre.
M. Sébastien Lecornu, premier ministre . Avant de répondre à votre question, vous me permettrez d'exprimer, au nom du président de la République, notre soulagement à l'annonce de la grâce de Boualem Sansal par les autorités algériennes. Nous souhaitons qu'il puisse rejoindre ses proches et être soigné au plus vite.
Je tiens à remercier du fond du cœur celles et ceux qui ont contribué à cette libération, fruit d'une méthode pleine de respect et de calme. (Les députés des groupes EPR, SOC, DR, EcoS, Dem, HOR, LIOT et GDR, quelques députés des groupes RN et LFI-NFP ainsi que MM. Philippe Bonnecarrère et Lionel Vuibert se lèvent et applaudissent.)
C'est en tant que député de Guyane et président de la délégation aux outre-mer que vous me posez votre question. Je salue la manière dont vous menez, depuis quinze jours, un travail méthodique et transpartisan sur la question, essentielle et centrale, du modèle économique et productif de chaque territoire d'outre-mer.
La réalité nous impose de dire que certains enjeux sont transverses et communs à tous ces territoires, mais que le traitement des autres exige une adaptation forte, en fonction de la situation géographique, économique voire institutionnelle locale.
Le volet social de la Lodeom a jadis été pensé par le législateur comme une protection de l'emploi ultramarin. Vous m'interpellez aussi sur les niches fiscales que le législateur avait pensées pour répondre à la nécessité d'accompagner l'investissement productif. Ces deux dispositifs ont, en partie, fonctionné.
L'application de la Lodeom a permis une baisse importante du chômage dans certains territoires, malgré ses imperfections en matière d'accompagnement des bas salaires. Dans le passé, les niches fiscales ont également porté leurs fruits, particulièrement dans les secteurs de l'agroalimentaire, du tourisme ou du BTP. Toutefois, leur objectif initial – celui de transformer toute l'économie ultramarine – n'a pas été atteint.
Le gouvernement ne profitera pas de la navette parlementaire pour revenir sur le vote du Parlement au sujet de la Lodeom.
M. Thibault Bazin . Heureusement !
Mme Estelle Youssouffa . Même à Mayotte ?
M. Sébastien Lecornu, premier ministre . S'agissant des amendements issus du travail transpartisan que vous avez engagé au sujet des niches fiscales, le gouvernement s'en remettra à la sagesse des députés.
Je veux même aller plus loin et répondre à certaines de vos attentes, en réalisant enfin l'étude d'impact, territoire par territoire, que vous avez demandée à plusieurs reprises. Elle permettra d'identifier des effets positifs – il y en a – et des effets négatifs – il y en a aussi –, en fonction de la situation économique de chaque territoire, puis d'avancer vers un modèle productif et économique plus global. Elle devra également traiter des freins européens que nous aurons à lever, comme le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité ou l'encadrement de la pêche et de l'économie du bois.
Dans certains cas, il faudra adapter et non raboter ces niches fiscales. C'est ainsi que nous aurons un effet de levier efficace et que nous suivrons enfin un modèle économique qui va de l'avant.
Les mécanismes que nous évoquons ont tous été imaginés par nos anciens, qui souhaitaient permettre l'égalité réelle et l'émancipation économique des territoires. Aujourd'hui, une forme de dépendance aux outils dont nous avons hérité s'est installée. Vous et moi pouvons constater qu'ils atteignent leurs limites : il nous appartient donc d'inventer de nouvelles mesures.
Je vous propose de consacrer les prochaines semaines à l'adaptation de ces outils, non pas pour diminuer leur portée mais pour assurer le développement de l'économie, de l'emploi et de la consommation dans les outre-mer. Le projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer prolongera ce travail, puisqu'on sait très bien qu'on ne peut pas parler de modèle productif sans parler de consommation, et fournira l'occasion d'objectiver les marges et les monopoles.
M. Hervé de Lépinau . Pour en finir avec la vie chère, il faut diminuer les taxes !
M. Sébastien Lecornu, premier ministre . Tel qu'adopté par le Sénat, ce projet de loi ne vous convient pas complètement, je le sais. Profitons de sa lecture à l'Assemblée nationale pour le muscler jusqu'à ce qu'il réponde aux attentes que formulent nos concitoyens d'outre-mer vis-à-vis du gouvernement, du Parlement et de la solidarité nationale tout entière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme Estelle Youssouffa . Et la Lodeom à Mayotte alors ?
Mme la présidente . La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane . Nous ne voulons pas dépendre d'aides mais souhaitons que les territoires ultramarins soient capables de produire, que leur économie soit résiliente.
M. Sébastien Lecornu, premier ministre . Exactement !
M. Davy Rimane . Je salue moi aussi la libération de Boualem Sansal, mais je rappelle à la représentation nationale que Steeve Rouyar, originaire de Guadeloupe, est toujours emprisonné à Lomé. J'attends du gouvernement qu'il fasse preuve de la même célérité pour le faire sortir des geôles togolaises. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Auteur : M. Davy Rimane
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 13 novembre 2025