Assassinat de Mehdi Kessaci
Question de :
Mme Cyrielle Chatelain
Isère (2e circonscription) - Écologiste et Social
Question posée en séance, et publiée le 19 novembre 2025
ASSASSINAT DE MEHDI KESSACI
Mme la présidente . La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain . Jeudi dernier, Mehdi Kessaci a été abattu. Âgé de 20 ans, il était joyeux, généreux et voulait mettre sa vie au service des autres.
M. Pierre Cordier . Visiblement, elle le connaissait.
Mme Cyrielle Chatelain . Après avoir hésité à devenir infirmier, il a décidé de passer les concours d'entrée à l'école de police.
Alors que les obsèques se tiennent en ce moment même, je tiens à rendre hommage à Mehdi et à apporter tout mon soutien à sa famille, à son grand frère Amine que nous connaissons bien, à ses parents, à ses frères et sœurs, à ses nièces et à tous ceux qui pleurent la vie d'un jeune homme qui manquera tant à Marseille. (Les députés de tous les bancs se lèvent pour applaudir. - Les membres du gouvernement se lèvent également.)
Si la vie de Mehdi a ainsi pu être arrachée et volée à sa famille, c'est parce que Mehdi n'a pas été protégé, alors que l'État savait qu'Amine et sa famille étaient menacés. Depuis trop longtemps, les narcotrafiquants exploitent et tuent les plus fragiles, comme cet enfant de 12 ans, mineur isolé, grièvement blessé par balle dimanche à Grenoble.
Mme Hanane Mansouri . La faute à qui ?
Mme Cyrielle Chatelain . Désormais, ils tuent pour faire taire. Aucun crime d'intimidation ne doit jamais se reproduire, plus aucune famille qui se lève face au narcotrafic ne doit être laissée seule ; leur protection doit être à la hauteur du péril. La protection de la famille Kessaci, que vous avez annoncée, est indispensable.
Je veux dire au grand frère de Mehdi : Amine, ton combat pour la mémoire des victimes du narcobanditisme, pour leurs familles, pour les habitants des quartiers populaires, fait l'honneur de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC et GDR. – MM. Gaëtan Dussausaye, Théo Bernhardt et Alexandre Dufosset applaudissent également.)
Amine, tu te lèves, et nous nous levons avec toi, pour tous ces quartiers populaires victimes de la double peine : l'emprise toujours plus forte des narcotrafiquants et l'abandon coupable de l'État. Cet abandon doit cesser, des moyens doivent être débloqués. (Mêmes mouvements.)
Monsieur le premier ministre, ne cédez pas aux propos des propagateurs de haine qui instrumentalisent ce drame. (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Hanane Mansouri . Et qu'est-ce que vous faites, vous ? Complices !
Mme Cyrielle Chatelain . Je n'ai qu'une demande, la même que celle faite par Amine le 2 septembre 2021 à Emmanuel Macron : les plans faits depuis Paris étant inutiles, il faut construire un plan de lutte contre le narcotrafic avec les élus locaux, les associations et les familles de victimes. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente . La parole est à M. le premier ministre.
M. Sébastien Lecornu, premier ministre . Je tiens à mon tour à partager votre émotion, la colère, ainsi que la solidarité de l'ensemble de la nation avec cette famille endeuillée, qui a souffert de plusieurs deuils en luttant contre les addictions à la drogue d'une part, contre les narcotrafics d'autre part.
Mon premier message est le plus simple : tout sera fait pour que la justice soit rendue. Sans entrer dans les détails, au nom de la séparation des pouvoirs et du secret de l'enquête, je peux vous dire que des moyens importants sont débloqués par la police judiciaire et par l'autorité judiciaire.
La deuxième chose, c'est que nous sommes face à ce que M. le ministre de l'intérieur, reprenant les mots du procureur de la République de Marseille, a qualifié de meurtre d'avertissement, visant à propager la terreur chez les militants engagés, et au-delà même, chez celles et ceux qui servent l'autorité judiciaire ou s'investissent au sein des forces de l'ordre. Nous devons refuser ce message et faire bloc derrière celles et ceux qui s'engagent.
La troisième chose, au-delà de ce combat culturel, c'est de voir que l'adversaire est en train d'évoluer. Il y a quinze ou vingt ans, il existait quelques grands réseaux sur lesquels les enquêteurs pouvaient travailler. Ces réseaux, beaucoup plus nombreux, sont devenus plus diffus, et leurs acteurs sont, malheureusement, de plus en plus jeunes, certains assassins ayant 14, 15 ou 16 ans.
L'adaptation est nécessaire pour faire face à cette mutation de l'adversaire. La loi narcotrafic largement débattue et votée ici, à l'Assemblée nationale, va dans ce sens, tout comme les moyens importants qui vont être alloués à l'autorité judiciaire à Marseille.
Mais cela doit aussi nous conduire à imaginer la suite. Cette adaptation est un combat nécessaire car l'adversaire va continuer d'employer la violence et commettre des actes d'une gravité croissante. Je le dis aussi avec beaucoup de solennité, à l'issue des différentes réunions tenues avec MM. le garde des sceaux et le ministre de l'intérieur : ce combat ne fait que commencer.
Les succès que nous avons connus en matière d'organisation de la lutte contre le terrorisme, engagée par le président Hollande, doivent nous inspirer dans la lutte contre le narcotrafic. Il est urgent d'opérer un décloisonnement entre la police administrative et la police judiciaire, mais aussi de décloisonner le national, le local et l'international. En effet, la coopération internationale est nécessaire avec les pays d'où proviennent des commanditaires qui se tiennent à distance du territoire national, mais y donnent des ordres, s'y réfugient ou y blanchissent de l'argent.
La question de la sécurisation de nos prisons, grâce au plan que vous connaissez, est également primordiale.
Je veux réaffirmer notre profond engagement pour que cette rupture serve la lutte contre le narcotrafic, aussi parce que la consommation des drogues dures augmente dans le pays, notamment celle de la cocaïne. Or plus nombreux sont les consommateurs, plus les prix diminuent et le marché augmente, ce qui rend ces trafics encore plus lucratifs. La lutte contre le narcotrafic est un énorme défi de société, pour lequel nous saurons faire cause commune et proclamer l'unité nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et SOC. – M. Nicolas Ray applaudit également.)
Auteur : Mme Cyrielle Chatelain
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Crimes, délits et contraventions
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 19 novembre 2025