Question orale n° 105 :
Modalités d'application de la loi sur le zéro artificialisation nette

17e Législature

Question de : Mme Frédérique Meunier
Corrèze (2e circonscription) - Droite Républicaine

Mme Frédérique Meunier attire l'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation sur l'assouplissement des modalités d'application de la loi sur le « zéro artificialisation nette ». Le Sénat a déposé une proposition de loi qui vise à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, dite loi « TRACE ». En effet, elle simplifie les modalités de comptabilisation de l'artificialisation, assouplit la trajectoire de réduction pour l'horizon 2021-2031 et inverse la logique de territorialisation des objectifs. Le texte avait alors reçu l'aval de l'ancien premier ministre, M. Michel Barnier. Aujourd'hui, elle lui demande si le Gouvernement va soutenir cette proposition de loi.

Réponse en séance, et publiée le 5 février 2025

ZÉRO ARTIFICIALISATION NETTE
M. le président . La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour exposer sa question, no 105, relative à l'objectif zéro artificialisation nette.

Mme Frédérique Meunier . Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur une question cruciale : l'évolution de notre politique d'aménagement du territoire, en particulier l'objectif, fixé par la loi, de zéro artificialisation nette – ZAN.

Comme vous le savez, une proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, dite Trace, a été récemment déposée au Sénat. Cette initiative est d'une importance capitale, car elle prévoit des modalités simplifiées de comptabilisation de l'artificialisation et assouplit la trajectoire de réduction pour la période 2021-2031. Composée de cinq articles, elle supprime l’objectif intermédiaire de réduction de 50 % du rythme d’artificialisation. De plus, elle inverse la logique de territorialisation des objectifs, offrant ainsi la flexibilité nécessaire pour répondre aux enjeux locaux. Avec ces nouvelles règles, les Sraddet, les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, pourraient être modifiés jusqu’en 2026 et les communes auraient jusqu’en 2036 pour réviser les plans locaux d’urbanisme et les plans locaux d’urbanisme intercommunal – PLU et PLUI. Il est à noter que cette proposition avait reçu l'aval de l'ancien premier ministre, Michel Barnier, lors d’une question d’actualité au gouvernement, le 20 novembre 2024 : cela témoigne de son intérêt et de son potentiel.

Sur le terrain, les maires et tous les élus locaux ne parlent que du ZAN. Les entreprises du bâtiment, les entreprises de proximité ainsi que les particuliers attendent de voir la loi évoluer. Lorsque, après le covid, nos concitoyens ont eu l'envie très légitime de quitter les villes pour s'installer à la campagne, ils se sont retrouvés coincés, parce qu'ils ne pouvaient que restaurer des édifices en ruines ou très légèrement étendre des bâtiments existants. En définitive, ils ne pouvaient plus venir dans la ruralité – or vous savez combien son développement est important pour nos territoires. Si l'on donnait la perspective d'une extension des possibilités de construction, cela changerait la donne – et rassurez-vous, il ne s'agit pas de construire des HLM, mais d'engager une réflexion pour que l'on puisse profiter des terrains disponibles dans nos petites communes, dans nos villages, tout en leur conservant un caractère rural.

M. Nicolas Sansu . Ce n'est pas une honte de construire des HLM !

Mme Frédérique Meunier . Dans ce contexte, je souhaiterais savoir si le gouvernement a l'intention de soutenir cette proposition de loi et s'il envisage des mesures pour faciliter sa mise en œuvre.

M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ruralité.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité . La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets – dite climat et résilience – a fixé comme objectif de réduire le rythme de consommation de foncier. En effet, durant la décennie 2011-2020, nous avons artificialisé en moyenne 24 000 hectares par an, ce qui représente autant de foncier agricole perdu et une certaine forme de nuisance environnementale. Le législateur a donc souhaité agir pour réduire l'artificialisation.

À l'heure actuelle, de nombreuses collectivités ont déjà engagé le travail pour faire évoluer leurs documents d'urbanisme. Si l'État les accompagne au mieux, je suis consciente qu'un nombre important de collectivités rencontre des difficultés pour mettre en œuvre le ZAN ou s'interroge. La loi du 20 juillet 2023 a apporté des assouplissements structurants afin de tenir compte de la diversité des territoires et de leurs besoins ; elle a ainsi instauré un droit de préemption spécifique ainsi que la garantie rurale – cela répond à vos inquiétudes concernant les petites communes.

Cependant, si je salue les efforts des collectivités qui se sont engagées dans la révision des documents d'urbanisme, je crois que des assouplissements sont attendus par nombre d'entre elles, sans qu'il s'agisse pour autant de revenir sur l'objectif fixé. Nous devons donc continuer d'œuvrer ensemble pour une plus grande sobriété foncière, tout en apportant les assouplissements nécessaires.

La proposition de loi Trace soulève des questions pertinentes. Elle sera examinée au Sénat à la mi-mars. Le maintien d'un jalon intermédiaire pour atteindre l'objectif à l'horizon 2050 me paraît toutefois indispensable – peut-être pourrait-on le décaler en s'appuyant sur des travaux parlementaires.

Je connais l'intérêt de votre assemblée pour ce sujet. Je tiens à saluer en particulier le travail de la présidente de la commission du développement durable, Mme Le Feur, ainsi que celui de vos collègues de Pélichy et Marchive. La mission d'information en cours à l'Assemblée sur le ZAN nous livrera un éclairage complémentaire sur ce sujet très important.

M. le président . La parole est à Mme Frédérique Meunier.

Mme Frédérique Meunier . Merci, madame la ministre, pour votre réponse encourageante.

Je voudrais néanmoins vous démontrer l'absurdité de cette loi. J'étais récemment dans une petite commune de 400 habitants. Devant la mairie, il y avait un paysage superbe. Le maire m'a dit : « Tu vois, là je pourrais faire construire un immeuble, mais pas de maisons ». C'est aberrant !

Données clés

Auteur : Mme Frédérique Meunier

Type de question : Question orale

Rubrique : Aménagement du territoire

Ministère interrogé : Aménagement du territoire et décentralisation

Ministère répondant : Aménagement du territoire et décentralisation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 janvier 2025

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