Question orale n° 118 :
Devenir de l'incinération des déchets en France

17e Législature

Question de : M. René Pilato
Charente (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. René Pilato interroge M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation sur le devenir de l'incinération des déchets en France. En Charente, l'association COCIP alerte M. le député sur la volonté de la société CALITOM de construire un incinérateur d'une capacité de 120 000 tonnes par an, opérationnel en 2029, avec un chiffrage de 140 millions d'euros, en pleine période de budgets difficiles. Comme la plupart des incinérateurs en France, il brûlerait les déchets à une température inférieure à 900°C. Cette température pose le problème des mâchefers contenant des PFAS, dont certains se décomposent en molécules encore plus toxiques. Les fumées émises, même à faible dose, provoquent une altération de l'écosystème et de la santé des personnes autour de ces usines. Comme partout en France où ces projets sont à l'étude, ils suscitent donc à juste titre une vive opposition des citoyens, car ils sont non seulement néfastes, mais inutiles. En effet, dès 2017, l'ADEME recommande de s'en tenir aux capacités existantes car suffisantes sur le territoire national et la Commission européenne recommande aux États membres d'instaurer un moratoire sur de nouveaux incinérateurs, d'encourager la prévention, la réutilisation et le recyclage. Si l'incinération représentait une promesse d'alternative à l'enfouissement, la priorité politique est désormais une planification pour que les déchets soient valorisés autrement. Savoir que l'agglomération de Copenhague est obligée d'importer 110 000 tonnes de déchets en provenance du Royaume-Uni et ce afin de maintenir combustion et rentabilité de son incinérateur, doit interroger. En Charente comme ailleurs, ce type de projet engagerait les collectivités pour des décennies, ceci en contradiction avec les orientations prises pour la réduction des déchets et des rejets de CO2. Le débat entre incinération et politique de réduction des déchets doit avoir lieu. Il s'agit bien d'une question nationale car plusieurs projets de construction existent. Deux questions écrites aux gouvernements précédents sont à ce jour sans réponse. Les interrogations sont pourtant nombreuses : quel est l'état des lieux des pollutions ? Que fait-on des incinérateurs existants ? Quelles pistes pour réduire les pollutions qu'ils génèrent ? Etc., etc. Des études montrent la présence de dioxine et de PFAS dans les sols jusqu'à 20 km autour des sites d'incinération. Le décret du Gouvernement mettant en place une campagne partielle de relevés des PFAS d'incinération est nécessaire mais insuffisante. Leur émission n'est pas réglementée mais, selon l'Inéris, incinérer au-dessus de 1 400°C assure une vitrification de toutes les substances et sous-produits PFAS générés. M. le député a déposé une proposition de loi pour un moratoire sur la construction de nouveaux incinérateurs afin de satisfaire au principe de précaution. Un rapport d'information permettrait de dénombrer les incinérateurs pouvant passer à 1 400°C, en attendant que la politique zéro déchets soit totalement opérationnelle. M. le député rappelle ici que les Français subissent toujours les méfaits des usages de l'amiante. Prétendre aujourd'hui une méconnaissance de la dangerosité des PFAS et des maladies qu'ils engendrent serait non seulement irresponsable, mais coupable. M. le député interroge M. le ministre sur son intention d'accorder une autorisation administrative aux nouveaux projets d'incinérateur basse température. Il lui demande s'il s'engage à mettre à l'ordre du jour sa proposition de loi pour permettre à la représentation nationale de débattre de ce sujet.

Réponse en séance, et publiée le 5 février 2025

INCINÉRATION DES DÉCHETS
M. le président . La parole est à M. René Pilato, pour exposer sa question, no 118, relative à l'incinération des déchets.

M. René Pilato . En Charente, l’association Cocip – Collectif des citoyens indignés par le projet d’incinérateur de déchets – m’alerte sur la volonté de la société Calitom de construire un incinérateur d’une capacité de 120 000 tonnes par an, qui serait opérationnel en 2029, pour un coût de 140 millions d'euros, alors même que nous traversons une période budgétaire difficile.

Comme la plupart des incinérateurs en France, il brûlerait les déchets à une température inférieure à 900 degrés Celsius. Se poserait alors le problème des mâchefers contenant des PFAS, substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées, parmi lesquelles certaines se décomposent en molécules encore plus toxiques ; les fumées émises, même à faible dose, provoquent une altération de l’écosystème et de la santé des riverains. Comme partout en France où ils sont à l’étude, ces projets suscitent à juste titre la vive opposition des citoyens, car ils sont non seulement néfastes, mais inutiles.

En effet, dès 2017, l’Ademe, l'Agence de la transition écologique, recommandait de s’en tenir aux capacités existantes sur le territoire national car elles étaient suffisantes, tandis que la Commission européenne invitait les États membres à instaurer un moratoire sur de nouveaux incinérateurs et à privilégier la prévention, la réutilisation et le recyclage.

Si l’incinération constituait une alternative à l’enfouissement, la priorité politique doit désormais être à la planification pour que les déchets soient valorisés autrement. Que l'agglomération de Copenhague soit obligée d'importer 110 000 tonnes de déchets en provenance du Royaume-Uni afin de maintenir la combustion et la rentabilité de son incinérateur doit nous conduire à nous interroger !

En Charente comme ailleurs, ce type de projet engagerait les collectivités territoriales pour des décennies, en contradiction avec les orientations prises pour la réduction des déchets et des rejets de CO2.

Le débat entre incinération ou politique de réduction des déchets doit avoir lieu. Il s’agit d’une question nationale, car plusieurs projets de construction existent.

Deux questions écrites sur le sujet adressées aux gouvernements précédents sont à ce jour restées sans réponse.

Les interrogations sont pourtant nombreuses. Quel est l’état des lieux des pollutions ? Que fait-on des incinérateurs existants ? Quelles pistes pour réduire les pollutions qu’ils provoquent ? Etc.

Des études montrent la présence dans les sols de dioxines et de PFAS jusqu’à 20 kilomètres autour des sites d’incinération.

La campagne partielle de relevés des PFAS d’incinération lancée par un décret du gouvernement est nécessaire mais insuffisante.

Si l'émission des PFAS n’est pas réglementée, selon l’Ineris, l'Institut national de l’environnement industriel et des risques, incinérer au-dessus de 1 400 degrés Celsius assurerait la vitrification de toutes les substances et sous-produits PFAS générés.

J’ai déposé une proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur la construction de nouveaux incinérateurs afin de satisfaire au principe de précaution. Un rapport d’information permettrait de dénombrer les incinérateurs pouvant fonctionner à 1 400 degrés, en attendant que la politique zéro déchet soit totalement opérationnelle.

Je rappelle que nous subissons toujours les méfaits des usages de l’amiante. Prétendre que l’on ne connaît pas aujourd’hui la dangerosité des PFAS et des maladies qu’elles provoquent serait non seulement irresponsable mais coupable.

Madame la ministre déléguée chargée de la ruralité, l’État compte-t-il accorder une autorisation administrative aux nouveaux projets d’incinérateurs à basse température ? Le gouvernement s'engage-t-il à inscrire à l’ordre du jour ma proposition de loi afin que la représentation nationale puisse débattre du sujet ?

M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ruralité.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité . Je vous remercie pour votre question, qui permet de rappeler que certains déchets restent non valorisables sous forme de matière. Pour ces derniers, la valorisation sous forme d'énergie dans les incinérateurs constitue à ce jour la solution de traitement la plus vertueuse – si je puis dire.

En ce qui concerne les émissions des incinérateurs, leur encadrement a été continuellement renforcé, avec des valeurs limites d'émission de polluants de plus en plus basses. Toutefois, afin de renforcer encore la surveillance – comme vous l'appelez de vos vœux –, le gouvernement a prévu, dans son plan d'action interministériel sur les PFAS, de procéder à une campagne systématique de mesure de ces polluants dans les émissions des incinérateurs. Dans cette optique, un arrêté ministériel a été publié le 10 novembre pour rendre obligatoire une campagne de prélèvement et d'analyse des PFAS dans l'ensemble des incinérateurs présents sur notre territoire. La France est le seul pays au monde qui impose une telle obligation, ce qui montre l'importance que nous accordons au sujet.

Concernant le projet que vous mentionnez, à ce jour, aucune demande d'autorisation n'a été officiellement déposée par Calitom au titre des installations classées pour la protection de l'environnement. Si tel était le cas, les services de l'État seraient extrêmement vigilants quant aux impacts potentiels d'une telle installation.

M. le président . La parole est à M. René Pilato.

M. René Pilato . Merci, madame la ministre, pour votre réponse.

L'objectif n'est pas d'interdire l'incinération. Nous savons qu'elle est préférable à l'enfouissement. Ce que nous souhaitons, c'est que tous les incinérateurs dont la combustion est inférieure à 1 400 degrés Celsius soient interdits et que l'on conduise une véritable politique d'aménagement du territoire pour déterminer où l'implantation de telles installations répondrait à un réel besoin.

Données clés

Auteur : M. René Pilato

Type de question : Question orale

Rubrique : Déchets

Ministère interrogé : Aménagement du territoire et décentralisation

Ministère répondant : Aménagement du territoire et décentralisation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 janvier 2025

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