Question orale n° 129 :
Convention fiscale France-Luxembourg

17e Législature

Question de : M. Laurent Jacobelli
Moselle (8e circonscription) - Rassemblement National

M. Laurent Jacobelli appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la double imposition prévue par la convention fiscale France-Luxembourg, signée le 20 mars 2018. Il l'interroge sur les intentions du Gouvernement pour protéger les travailleurs frontaliers des effets induits par la convention fiscale qui doit s'appliquer en 2025.

Réponse en séance, et publiée le 5 février 2025

CONVENTION FISCALE FRANCE-LUXEMBOURG
M. le président . La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour exposer sa question, no 129, relative à la convention fiscale France-Luxembourg.

M. Laurent Jacobelli . En l'absence du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, je salue Mme la ministre déléguée Louwagie. Je sais que vous vous êtes rendue récemment dans notre belle Moselle. Les Français qui vivent dans ce département et travaillent chaque jour au Luxembourg sont inquiets parce que la nouvelle convention fiscale entre les deux pays, qui devrait s'appliquer cette année, est, pour beaucoup d'entre eux, notamment pour les foyers dont un membre seulement travaille au Luxembourg, synonyme de matraquage fiscal.

Ces travailleurs frontaliers inquiets sont nombreux : 122 000 en Lorraine et 50 000 en Moselle. Leur vie n'est pas toujours simple. Lors de leurs trajets en voiture entre le domicile et le travail, ils sont confrontés à une heure et demie de bouchons matin et soir. S'ils prennent le TER (train express régional), ils subissent des pannes techniques ou des suppressions de trains, la région Grand Est étant l'une des moins bien gérées en la matière. Ils travaillent 40 heures et non 35 et doivent souvent embaucher une nounou, sacrifiant ainsi leur vie de famille, parce qu'ils rentrent au foyer après vingt et une heures. Dès lors, pourquoi leur infliger ce matraquage fiscal qui représenterait une peine supplémentaire ?

J'ajoute que notre économie a besoin de ces travailleurs frontaliers qui dépensent 80 % de leurs revenus sur le territoire lorrain. Ils paient la TVA et font vivre les commerçants.

Par ailleurs, gardons bien à l'esprit que, si de nombreux Français choisissent de travailler au Luxembourg, ce n'est pas par plaisir. Ils paient des années d'incompétence de l'État, lequel s'est révélé incapable de maintenir les emplois à la suite de la désindustrialisation qui a touché, vous le savez, nos mines et notre sidérurgie.

Pourquoi vouloir serrer davantage l'étau fiscal sur ceux qui travaillent et nous apportent des richesses ? Si cette convention entre en vigueur – nous y échappons depuis deux ans –, elle entraînera une baisse du pouvoir d'achat de ces Français et donc une baisse de la consommation dans ces territoires de notre pays.

Certains, qui anticipent une surimposition, songent déjà à briser leur pacs ou à divorcer, d'autres réfléchissent à une installation définitive au Luxembourg.

Vous imaginez bien que tout le monde y perdrait : l'État, qui percevrait moins de recettes fiscales en raison de la baisse de la TVA et du fait que des Français s'installeraient à l'étranger ; les commerçants et entrepreneurs locaux, qui verraient leurs chiffres d'affaires diminuer ; ceux enfin qui seraient obligés de payer davantage d'impôts.

Député de la huitième circonscription de la Moselle, la première touchée par cette convention fiscale, je vous le demande : instaurerons-nous enfin la paix fiscale pour les frontaliers ? Gèlerons-nous pour une année supplémentaire cette convention qui nous lie au Luxembourg et dont l'application serait désastreuse pour de nombreux foyers ?

M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire . Je me trouvais samedi à Metz, où j'ai discuté avec un certain nombre d'acteurs économiques qui ont évoqué cette question. Vous appelez mon attention sur la convention fiscale franco-luxembourgeoise et son incidence sur les travailleurs frontaliers qui résident en France et exercent leur activité au Luxembourg.

Signée le 20 mars 2018, cette convention est entrée en vigueur le 19 août 2019 et s'est appliquée pour la première fois aux revenus perçus en 2020. Largement inspirée du modèle de convention de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), elle a permis de moderniser le cadre bilatéral franco-luxembourgeois, intégrant notamment les derniers standards internationaux issus du projet BEPS – base erosion and profit shifting.

Comme l'ancienne convention fiscale entre la France et le Luxembourg signée en 1958, la présente convention maintient le principe d'une imposition des salaires sur le lieu d'exercice de l'activité, conformément au modèle de l'OCDE. Ainsi, les salaires privés de source luxembourgeoise perçus par les travailleurs frontaliers résidant en France demeurent en règle générale imposés exclusivement au Luxembourg. Cette règle garantit l'absence de double imposition des salaires perçus par les travailleurs frontaliers.

Par ailleurs, la convention franco-luxembourgeoise instaure un régime spécifique aux activités exercées en télétravail, ce qui simplifie les démarches déclaratives des salariés et des employeurs. C'est la première convention de ce type que la France ait conclue.

L'avenant à la convention signé le 7 novembre 2022 et dont l'approbation sera prochainement soumise au vote de l'Assemblée nationale constitue une nouvelle avancée au bénéfice des travailleurs frontaliers. Par exemple, en portant de vingt-neuf à trente-quatre jours le seuil en deçà duquel les jours télétravaillés restent imposables dans l'État de l'employeur, en étendant ce régime dérogatoire aux agents de la fonction publique, il répond à l'émergence de nouvelles pratiques professionnelles et son impact sur l'environnement sera favorable.

La convention de 2018 a modifié la méthode d'élimination de la double imposition pour les résidents de France percevant des revenus de source luxembourgeoise. Sans alourdir l'impôt applicable à ces revenus luxembourgeois imposables exclusivement au Luxembourg, ce changement doit permettre de les prendre en compte en France en vue de l'application de la progressivité de l'impôt aux autres revenus suivant une logique de justice fiscale par rapport à nos autres concitoyens.

Afin de laisser le temps aux foyers concernés de s'adapter, le gouvernement avait annoncé par tolérance la possibilité de continuer d'appliquer l'ancien système aux revenus perçus en 2020 et 2021. Cette tolérance a été prorogée pour les revenus de 2022 et 2023. Après une période transitoire de quatre ans, la convention s'appliquera pleinement aux revenus perçus à compter de 2024.

En tout état de cause, si la nouvelle méthode d'élimination de la double imposition diffère de celle qui s'appliquait précédemment, elle maintient le principe d'une imposition exclusive des salaires privés dans l'État où s'exerce l'activité et ne laisse persister aucune double imposition. C'est bien cela qui importe. De ce point de vue, il n'est pas possible de parler de matraquage fiscal.

Données clés

Auteur : M. Laurent Jacobelli

Type de question : Question orale

Rubrique : Frontaliers

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 janvier 2025

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