Question orale n° 288 :
Mise en place d'un « plan mercure »

17e Législature

Question de : M. Davy Rimane
Guyane (2e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine

M. Davy Rimane appelle l'attention de M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins, sur la problématique alarmante de l'utilisation du mercure dans les activités d'orpaillage illégal en Guyane. Depuis des dizaines d'années, des centaines de tonnes de mercure ont été déversées dans les écosystèmes terrestres et aquatiques amazoniens, notamment autour et dans le fleuve Maroni en Guyane. Les conséquences de cette pollution sont multiples : déforestation, destruction des sols, érosion accrue, et pollution des eaux utilisées pour la consommation et les activités quotidiennes. Les communautés autochtones, en particulier le peuple autochtone des Wayana qui vit sur les rives du Maroni, sont particulièrement affectées et sont quotidiennement exposées aux rejets de mercure, avec des impacts dévastateurs sur leur santé. M. le député réitère ainsi qu'il est crucial de lancer un plan mercure pour la Guyane, similaire aux plans chlordécone des Antilles. Il lui demande quelles actions concrètes le Gouvernement compte entreprendre pour instaurer un plan mercure en Guyane, afin de protéger les populations et les écosystèmes de cette contamination dramatique.

Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025

LUTTE CONTRE LA POLLUTION AU MERCURE EN GUYANE
M. le président . La parole est à M. Davy Rimane, pour exposer sa question, no 288, relative à la lutte contre la pollution au mercure en Guyane.

M. Davy Rimane . Je souhaite appeler l'attention du ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins sur l'utilisation inquiétante du mercure dans les activités d'orpaillage illégal en Guyane.

Depuis des dizaines d'années, des centaines de tonnes de mercure ont été déversées dans les écosystèmes terrestres et aquatiques amazoniens, notamment dans le fleuve Maroni – et autour de celui-ci – en Guyane.

Les conséquences dramatiques de cette contamination sur l'environnement, la santé des populations locales et l'économie de la région sont multiples : déforestation, destruction des sols, érosion accrue et pollution des eaux utilisées pour la consommation et les activités quotidiennes.

Les communautés autochtones, en particulier le peuple autochtone Wayana, qui vit sur les rives du fleuve Maroni, sont particulièrement affectées. Elles sont en effet quotidiennement exposées aux rejets de mercure, avec un impact dévastateur sur leur santé. La situation est d'autant plus critique que le mercure peut devenir du méthylmercure, un neurotoxique puissant qui contamine des espaces de vie.

À l'occasion des deux derniers projets de loi de finances, j'avais proposé d'établir un plan Mercure, à l'image des plans Chlordécone engagés depuis 2009. Il marquerait une première étape pour mieux comprendre les responsabilités dans la pollution au mercure et cerner ses conséquences sur l'environnement, la santé et l'économie locale. Il permettrait également de créer un comité de pilotage, qui veillerait au renforcement des mesures de protection des populations. Enfin, il donnerait l'occasion de lancer des programmes de santé publique pour protéger les populations exposées, et d'abord celles qui vivent sur les rives du Maroni.

Je le répète : il est crucial de lancer un plan Mercure pour la Guyane. Je finalise d'ailleurs actuellement une proposition de loi en ce sens. Alors que ce territoire est directement et lourdement affectée par le mercure utilisé par les orpailleurs illégaux, pourriez-vous indiquer clairement si le gouvernement est prêt à apporter son soutien à une telle proposition, destinée à protéger les populations et les écosystèmes de cette contamination dramatique ?

M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . Le ministre de la santé m'a chargée de vous transmettre sa réponse à votre question, qui met en lumière un phénomène qui fait l'objet d'une attention toute particulière du gouvernement. Je vous remercie d'ailleurs de sensibiliser la représentation nationale à cette situation.

Vous l'avez dit, depuis plusieurs décennies, l'utilisation du mercure élémentaire dans les activités d'orpaillage en Guyane a entraîné une contamination importante et répétée de l'environnement. Le mercure qui pénètre dans les milieux aquatiques est converti en méthylmercure, particulièrement toxique.

Actuellement, l'orpaillage clandestin ainsi que la remobilisation des stocks de mercure existants à partir des sols et sédiments contaminés contribuent à une contamination des populations locales. Parmi celles-ci, les plus touchées sont celles qui consomment régulièrement du poisson des fleuves, notamment autour de l'Oyapock et du Maroni. Les femmes enceintes qui allaitent et les jeunes enfants sont les publics les plus à risque car le mercure a des effets graves sur le développement du système nerveux.

Face à cette situation, plusieurs actions ont été engagées. Tout d'abord, depuis 2008, l'opération Harpie vise à lutter sur le terrain contre l'orpaillage illégal, avec des destructions de sites et des saisies de matériel.

Ensuite, le ministère de la santé mène une action en matière de détection des personnes contaminées, grâce à des analyses capillaires ; il conduit également des actions de prévention, notamment auprès des femmes enceintes – des recommandations spécifiques pour leur prise en charge ont été publiées en 2017.

D'autre part, la stratégie métaux lourds, dite StraMéLo, lancée en 2021, vise à coordonner les efforts sanitaires, alimentaires, agricoles, environnementaux et de recherche pour lutter contre l'exposition aux métaux lourds.

Enfin, le dispositif de toxicovigilance mis en place dans les Antilles en 2014 contribue à cette lutte. Il informe et accompagne les professionnels de santé et la population sur les risques liés à l'exposition aux substances toxiques, en lien avec l'agence régionale de santé et les agences nationales.

M. le président . La parole est à M. Davy Rimane.

M. Davy Rimane . Je vous remercie pour votre réponse même si elle n'est pas satisfaisante au vu de la situation que nous traversons. Vous l'avez rappelé, cette pollution est connue de l'État depuis plusieurs décennies. Or celui-ci n'a toujours pas changé de doctrine en matière de lutte contre l'orpaillage illégal : son objectif est toujours de contenir cette pratique alors que nous lui avons demandé de passer à l'étape d'éradication du phénomène.

Il est urgent que l'État prenne ses responsabilités. Vous l'avez rappelé, des populations sont empoisonnées. Le peuple autochtone Wayana connaît de très grandes difficultés pour s'alimenter et pour vivre au quotidien. Il n'est pas normal que, plus de quarante ans après la découverte de la contamination, nous en soyons toujours au même point. J'attends donc des pouvoirs publics une réponse adaptée à la situation.

J'estime que cette crise est similaire à celle du chlordécone aux Antilles, avec une pollution massive qui affecte l'ensemble du territoire, notamment le fleuve qui alimente en eau la population. Je compte donc sur une prise de conscience assez rapide de la part des autorités. Dès que ma proposition de loi sera prête, je la soumettrai au gouvernement, en espérant qu'il saura apporter une réponse digne face à une catastrophe qui ne peut plus perdurer.

Données clés

Auteur : M. Davy Rimane

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Santé et accès aux soins

Ministère répondant : Santé et accès aux soins

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 mars 2025

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