Hébergement dans le Calvados
Question de :
M. Arthur Delaporte
Calvados (2e circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Arthur Delaporte alerte Mme la ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement, sur les difficultés d'accès au logement dans le Calvados. L'agglomération caennaise, en zone tendue depuis 2023, connaît un rebond d'attractivité qui sature l'offre de logements en particulier pour les étudiants et les familles issues de la classe moyenne ou encore les jeunes actifs. L'accès à un logement social est extrêmement difficile, y compris pour les villes jouxtant Caen. M. le député a déjà alerté à de nombreuses reprises le Gouvernement concernant l'hébergement d'urgence et l'insuffisance de la réponse de l'État pour protéger de la rue de nombreux publics vulnérables, comme les femmes victimes de violences ou les familles avec de jeunes enfants. Malheureusement, la situation critique que connaît le Calvados ne se limite pas à l'hébergement d'urgence mais s'étend également au parc locatif privé et social. Par ailleurs, le prix du m2 a bondi de 47 % en 5 ans, particulièrement à Caen où l'augmentation est de 9 %, entraînant une spirale infernale de l'accès au logement à la fois pour les primo-accédants mais aussi pour la classe moyenne. S'agissant du parc social, à Caen ou à Hérouville-Saint-Clair, l'attente s'élève en moyenne à 19 mois, ce qui est évidemment inadmissible. Aussi, M. le député interroge Mme la ministre sur l'urgence pour l'État d'apporter une réponse à la crise du logement dans le Calvados, premier poste de dépenses des Français mais aussi première préoccupation. Quels moyens l'État compte-t-il mettre en œuvre pour répondre à la crise de l'hébergement d'urgence, renforcée dans le Calvados par la fin d'un marché public avec un entrepreneur véreux ? Comment accompagnera-t-il l'accès des jeunes, étudiants en particulier, à un logement abordable ? Que faire pour faciliter l'accès au logement social ? Il lui demande ses intentions à ce sujet.
Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025
ACCÈS AU LOGEMENT DANS LE CALVADOS
M. le président . La parole est à M. Arthur Delaporte, pour exposer sa question, no 306, relative à l'accès au logement dans le Calvados.
M. Arthur Delaporte . Il y a dix-neuf à vingt-deux mois d’attente pour un logement social à Caen ou Hérouville-Saint-Clair ; l'augmentation du prix du mètre carré y est affolante, rendant de fait l’accès à la propriété très compliqué voire impossible. Nous constatons donc l'existence d'un véritable goulot d'étranglement.
Se loger est un droit fondamental, mais ce droit est menacé et très difficile à exercer, y compris dans des agglomérations de taille intermédiaire telle que Caen – sans doute la situation est-elle similaire à Dijon. Caen est la huitième ville de France où le marché est le plus tendu pour les étudiants : la ville accueille 35 000 étudiants alors que le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) ne peut couvrir que 15 % des besoins. Une grande précarité se développe, en particulier chez les jeunes. Des jeunes apprentis, par exemple, se retrouvent à la rue.
La tension pour accéder à un logement d'urgence grâce au numéro 115 m'inquiète. Le plafond de nuitées limite la mise à l’abri, y compris pour les femmes victimes de violences. Comment pouvons-nous tolérer cela ? J'ai déjà eu l'occasion d'interpeller vos prédécesseurs à plusieurs reprises à ce sujet. L'an dernier, un grand plan pour le logement d'urgence a été annoncé, mais nous attendons toujours des éléments concrets.
Dans le Calvados, il y a un problème très particulier, car la création de 500 places a été financée à l'issue d'un marché public national ouvert par l'État, mais l'argent a été versé à un entrepreneur véreux, qui est en faillite complète. Sur ces 500 places manquantes, seulement 130 ont été reconstituées. Il y a donc environ 350 places de moins par rapport à ce qui était annoncé l'an dernier, alors qu'il en faudrait bien davantage.
Monsieur le ministre, que compte faire le gouvernement pour améliorer la situation critique du logement et de l'hébergement d'urgence à Caen et dans son agglomération ?
M. le président . La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation. Il est vrai que les attributions de logements sociaux ont fortement augmenté dans votre département – je le souligne, car c'est notamment le produit de l'action des élus locaux. Face à cette tension et pour redonner le choix aux territoires dans leur politique de peuplement, le gouvernement n'est évidemment pas resté inactif. Nous avons permis aux intercommunalités de se doter d’outils de régulation. Ainsi la gestion en flux et la cotation de la demande de logement social ont-elles été instaurées dans l’intercommunalité de Caen la mer. Comme vous le savez, ces outils doivent permettre de reloger en priorité les demandeurs ayant l’ancienneté la plus longue et d'améliorer la fluidité de l’accès au logement. Je connais bien cette question dans ma propre commune, vous l'avez évoqué. Je rappelle également que la cotation à Caen la mer prend bien en considération la situation des personnes hébergées et des jeunes.
En janvier, 1 412 places d’hébergement d'urgence étaient ouvertes dans le département. Comme cela était nécessaire, il a été mis fin au marché national d’hébergement d’urgence avec accompagnement social dans le Calvados compte tenu, vous le savez, de l'absence de décence et des manquements aux premières règles de sécurité des hébergements concernés. Une orientation a été proposée aux 500 personnes hébergées, majoritairement dans le Calvados et à la marge dans les départements limitrophes.
Lors de deux opérations de relogement réalisées durant l'année 2024, la moitié des personnes hébergées a refusé la proposition d'orientation de l’État et la majorité d'entre elles s'est maintenue dans les lieux. L'État a de nouveau fait des propositions d'orientation la semaine dernière à l'ensemble des occupants.
Je le déclare ici, les places d'hébergement d'urgence du Calvados seront reconstituées à hauteur de 300 places. La trajectoire régionale des places d’hébergement d'urgence permettra bien de reconstituer les 500 places fermées et nous espérons tous qu'elle répondra ainsi du mieux possible aux besoins des publics de ce territoire.
M. le président . La parole est à M. Arthur Delaporte.
M. Arthur Delaporte . J'entends l'annonce de l'ouverture de 300 places dans le Calvados et de 500 à l'échelle de la région Normandie. J'espère néanmoins que, dès lors que c'est le Calvados qui a perdu 500 places, le préfet de région prendra la décision de flécher les 200 places restantes en direction du Calvados, qui en a tant besoin. En effet, le nombre de demandes auprès du 115 a été multiplié par trois entre 2022 et 2024.
Le taux de demandes non pourvues reste relativement stable, mais il s'élève à 40 %. Par conséquent, de nombreuses personnes qui appellent le 115 n'obtiennent pas de réponse à leur demande et finissent par ne plus appeler. Je pense à tous les écoutants du service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO) qui éprouvent une vive souffrance psychologique car ils ne peuvent pas traiter toutes les demandes, ainsi qu'à toutes les personnes qui n'appellent plus car elles savent qu'elles ne recevront pas de réponse à la hauteur de leurs besoins. Des femmes avec leurs enfants se retrouvent dans des squats ou à la rue. Dans le Calvados, c'est une situation que nous constatons malheureusement bien trop souvent. Le gouvernement doit donc poursuivre ses efforts : 300 c'est bien, 500 c'est mieux, mais plus, ce serait mieux encore.
M. le président . La parole est à M. le ministre
M. François Rebsamen, ministre . Je voudrais simplement rappeler, mais je pense que vous le savez, qu'existent actuellement – nous avons veillé à les maintenir dans la loi de finances – 203 000 places d'hébergement d'urgence. L'aide à l'hébergement d'urgence s'élève à 3 milliards d'euros dans le budget de l'État – c'est trois fois plus qu'il y a dix ans –, cependant ce n'est pas encore tout à fait suffisant, j'en conviens.
Auteur : M. Arthur Delaporte
Type de question : Question orale
Rubrique : Logement
Ministère interrogé : Logement
Ministère répondant : Logement
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 25 mars 2025