Drépanocytose : l'augmentation de l'incidence de la maladie et prise en charge
Question de :
M. Elie Califer
Guadeloupe (4e circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Elie Califer attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins, sur la maladie de la drépanocytose et sur les conséquences qu'elle entraîne sur les populations touchées. La drépanocytose constitue effectivement la maladie rare la plus fréquente en France et son incidence ne cesse d'augmenter. Pourtant, selon les associations de patients, elle demeure en France hexagonale paradoxalement peu connue du grand public et même du corps médical. Cette maladie implique d'importantes contraintes pour les patients atteints, qui témoignent fréquemment de difficultés à suivre une scolarité régulière, à maintenir une activité professionnelle stable, ainsi que d'une fatigue chronique aggravée par le caractère invisible de la maladie. De plus, la drépanocytose n'est abordée que de façon très insuffisante lors de la formation initiale des professionnels de santé, notamment des médecins, malgré son importance épidémiologique. Bien que les associations de patients et la filière MCGRE développent des programmes de formation pour améliorer cette situation, ces initiatives gagneraient à recevoir davantage de soutien des pouvoirs publics. Ainsi, il lui demande les moyens que le Gouvernement entend mettre en place au profit d'une meilleure prise en charge des personnes atteintes par cette maladie.
Réponse en séance, et publiée le 12 mars 2025
DRÉPANOCYTOSE
Mme la présidente . La parole est à M. Elie Califer, pour exposer sa question, n° 341, relative à la drépanocytose.
M. Elie Califer . Je ne vais pas utiliser mon temps de parole pour interroger le gouvernement sur le diabète ou son éventuel traitement par le Heberprot-P. Je ne vais pas non plus vous interroger, de nouveau, sur l’insuffisance des moyens alloués à la prise en charge sanitaire des Ultramarins. Ces dossiers fondamentaux, sur lesquels j’ai déjà eu l’occasion de vous interpeller, ne doivent pas éclipser un autre sujet également essentiel : la prise en charge de la drépanocytose.
Cette dernière est la maladie rare la plus fréquente en France. Son incidence ne cesse de croître et pourtant, selon les associations de patients, elle demeure peu connue du grand public et même parfois, en France hexagonale, du corps médical.
Cette pathologie invisible impose d’insupportables contraintes aux personnes qui en sont atteintes. Elles sont nombreuses à témoigner de leur impossibilité à suivre une scolarité régulière ou à maintenir une activité professionnelle stable.
En dépit de son importance épidémiologique, la formation initiale des médecins et des professionnels de santé ne l’aborde que de manière très insuffisante. Si les associations de patients ainsi que la filière MCGRE – la filière des maladies constitutionnelles rares du globule rouge et de l’érythropoïèse – mettent en place des programmes de formation pour pallier ce manque, ces derniers mériteraient d’être bien intégrés dans les cursus universitaires de nos futurs professionnels de santé.
Alors que les populations ultramarines sont les plus concernées par cette maladie, les patients de Guadeloupe susceptibles d’accéder à la thérapie génique doivent être inclus, pour pouvoir en bénéficier, dans des essais thérapeutiques ; or ces derniers se déroulent uniquement dans l’Hexagone. À ce jour, l’inclusion de patients et la participation du centre de référence maladies rares à ces essais directement sur place demeurent complexes, voire impossibles. Cela s’explique par l’insuffisance des moyens matériels et médicamenteux comme par celle du personnel de recherche.
Mes questions, monsieur le ministre, sont simples. Comment la France entend-elle mieux former les soignants à la drépanocytose ? Pourquoi tarde-t-elle à intégrer les thérapies nouvelles et innovantes qui permettraient de mieux soigner les personnes qui en sont atteintes ?
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins . Merci de me donner l’occasion, monsieur le député, de faire le point sur la drépanocytose en France.
Cette maladie est incluse, depuis novembre 2024, dans le programme national de dépistage néonatal : elle est ainsi dépistée chez tous les nouveau-nés, en France métropolitaine comme en outre-mer, sous réserve du consentement des parents. Ce dépistage se fait au moyen du test de Guthrie, qui consiste en un prélèvement sanguin sur un papier buvard. Cette mesure vise à améliorer la prise en charge précoce de la maladie génétique la plus fréquente à la naissance. Ce dépistage a d’abord été réservé aux nouveau-nés à risques accrus. Cependant, face à une augmentation de la prévalence de la maladie ayant entraîné une hausse de la morbidité pédiatrique – 200 cas supplémentaires dépistés entre 2016 et 2020 – la Haute Autorité de santé a recommandé, le 15 novembre 2022, de généraliser le dépistage à tous les nouveau-nés de France.
Cette décision marque une rupture très nette par rapport à l'évaluation de 2014, qui préconisait un dépistage ciblé.
En outre, la recherche a permis la commercialisation de plusieurs médicaments favorisant la fixation de l'oxygène sur l'hémoglobine, ou réduisant les phénomènes d'agrégation cellulaire lors des crises vaso-occlusives.
Certains dispositifs innovants s'appuyant sur la thérapie génétique permettent également la correction directe du gène codant la bêta-globine dans les cellules souches hématopoïétiques des patients.
D'autres techniques nouvelles reposant sur des érythraphérèses répétées à intervalles réguliers, qui consistent à remplacer progressivement la totalité du sang des patients par des globules rouges sains, sont actuellement en phase d’essai clinique, au stade de preuve clinique de concept.
De nouvelles thérapies génétiques bénéficient déjà d'une autorisation d'accès compassionnel (AAC), délivrée au cas par cas en France. Mais les avancées en biothérapie et en thérapie génétique, ainsi que l’érythraphérèse, restent les axes les plus prometteurs dans la lutte contre la drépanocytose.
L’objectif 5 du plan national maladies rares 4 (PNMR4) vise d'ailleurs à renforcer l’accès au dépistage, aux essais cliniques et à la recherche, en particulier dans les domaines de la génomique et de la génétique.
Mme la présidente . La parole est à M. Elie Califer.
M. Elie Califer . Je vous remercie pour votre réponse. Cependant, nous parlons d’une maladie dont la progression est défavorable dans nos territoires. Face à cette évolution, il est impératif que les populations des outre-mer puissent accéder aux thérapies géniques, porteuses d’espoir.
Nous attendons donc que le gouvernement et la Nation prennent réellement en compte nos contraintes, car bénéficier des thérapies géniques modernes implique une présence prolongée en métropole. Il est donc nécessaire d’organiser la venue et la résidence des Ultramarins dans l'Hexagone pendant toute la durée de la thérapie.
Mme la présidente . La parole est à M. Yannick Neuder, ministre.
M. Yannick Neuder, ministre . C’est tout l’enjeu des nouvelles infrastructures du centre hospitalier universitaire (CHU) de Guadeloupe, où j’espère me rendre à l’automne. Elles permettront la formation et le perfectionnement des professionnels de santé, ainsi que le développement d’une expertise universitaire en recherche, afin de rendre ces thérapeutiques plus accessibles, conformément aux objectifs du PNMR4.
Auteur : M. Elie Califer
Type de question : Question orale
Rubrique : Maladies
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 29 avril 2025