Question orale n° 346 :
Pression fiscale sur les chambres d'hôtes et préservation du tourisme rural

17e Législature

Question de : M. Hubert Ott
Haut-Rhin (2e circonscription) - Les Démocrates

M. Hubert Ott attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme, sur les difficultés croissantes rencontrées par les propriétaires de chambres d'hôtes, en raison du cumul de plusieurs réformes récentes : la loi « Le Meur », la baisse du seuil d'exonération de TVA ainsi que l'application de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Ces mesures, lorsqu'elles s'additionnent, pèsent lourdement sur un secteur pourtant essentiel à l'économie touristique, en particulier dans les territoires ruraux. La loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 a bien introduit un seuil de chiffre d'affaires différencié de 77 700 euros (au lieu de 188 700 euros), assorti d'un abattement forfaitaire de 50 % (au lieu de 70 %). Ces mesures s'ajoutent à d'autres contraintes fiscales, administratives et sociales imposées aux exploitants de chambres d'hôtes. En effet, ces derniers doivent assumer seuls des charges importantes (entretien, énergie, matériel, fiscalité, cotisations sociales en constante hausse), sans bénéficier des protections sociales accordées à d'autres professions (arrêts maladie, congés, RTT, etc.). Bien que les chambres d'hôtes soient souvent installées au sein même de la résidence principale de leurs exploitants, nombre d'entre eux se voient désormais redevables de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, ce qui représente pour certains l'équivalent d'un mois de salaire. Selon les acteurs du secteur, près de 10 500 chambres d'hôtes risquent de disparaître dans les années à venir. Or ces établissements jouent un rôle majeur dans l'attractivité touristique, la valorisation des productions locales, le maintien du commerce de proximité et la promotion d'un accueil authentique, souvent très apprécié des visiteurs étrangers. Ils ne peuvent être comparés aux meublés de tourisme, tant leur modèle repose sur la convivialité, le service personnalisé et le lien au territoire. Le manque d'accompagnement, notamment en matière comptable et administrative, et la complexité grandissante des démarches renforcent le sentiment d'injustice exprimé par les professionnels. Ces derniers soulignent que, dans le cadre des prochaines réformes, une concertation renforcée ainsi qu'une prise en compte plus fine des spécificités économiques de ces petites structures seraient souhaitables. Dans ce contexte, M. le député souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour préserver ce secteur fragile mais stratégique. Il lui demande en particulier si une révision des seuils fiscaux et de l'assiette de la taxe d'habitation est envisageable, ainsi que la mise en place d'une concertation avec les représentants du secteur afin d'évaluer les conséquences réelles des réformes en cours. Il appelle enfin à un ajustement pragmatique de la réglementation pour garantir la viabilité de ces structures essentielles pour le dynamisme touristique et la vitalité des territoires et souhaite connaître ses intentions à ce sujet.

Réponse en séance, et publiée le 11 juin 2025

CHAMBRES D'HÔTES
Mme la présidente . La parole est à M. Hubert Ott, pour exposer sa question, no 346, relative aux chambres d'hôtes.

M. Hubert Ott . Je souhaite appeler l'attention de Mme la ministre déléguée chargée du tourisme sur les difficultés croissantes rencontrées par les propriétaires de chambres d'hôtes en raison du cumul de plusieurs réformes récentes : la loi dite Le Meur du 19 novembre 2024, la baisse du seuil d'exonération de TVA et l'application de la taxe d'habitation aux résidences secondaires. L'addition de ces mesures pèse lourdement sur un secteur pourtant essentiel à l'économie touristique, en particulier dans les territoires ruraux.

La loi no 2024-1039 du 19 novembre 2024 a notamment introduit un seuil de chiffre d'affaires différencié de 77 700 euros, contre 188 700 euros auparavant, tout en réduisant l'abattement de 70 % à 50 %. Ces dispositions s'ajoutent à d'autres contraintes fiscales, administratives et sociales déjà lourdes pour les exploitants de chambres d'hôtes. En effet, ces professionnels doivent assumer seuls des charges importantes – entretien, énergie, matériel, fiscalité, cotisations sociales en constante augmentation – sans bénéficier des protections sociales accordées à d'autres professions – arrêts maladie, congés et RTT, entre autres.

Bien que les chambres d'hôtes soit souvent situées dans leur résidence principale, beaucoup de ces exploitants sont désormais redevables de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, ce qui représente dans certains cas l'équivalent d'un mois de revenus.

Selon les acteurs du secteur, près de 10 500 chambres d'hôtes risquent de disparaître dans les années à venir. Or ces établissements jouent un rôle majeur dans l'attractivité touristique, la valorisation des productions locales, le maintien du commerce de proximité et la promotion d'un accueil authentique – souvent très apprécié des visiteurs étrangers. Ils ne peuvent être comparés aux meublés de tourisme, tant leur modèle repose sur la convivialité, le service personnalisé et le lien au territoire. Le manque d'accompagnement, notamment en matière comptable et administrative, ainsi que la complexité croissante des démarches renforcent le sentiment d'injustice exprimé par les professionnels. Ceux-ci soulignent qu'à l'occasion des prochaines réformes, une concertation renforcée et une prise en compte plus fine des spécificités économiques de leurs petites structures seraient souhaitables.

Dans ce contexte, quelles mesures le gouvernement envisage-t-il afin de préserver ce secteur fragile mais stratégique ? En particulier, une révision des seuils fiscaux et de l'assiette de la taxe d'habitation est-elle envisageable ? Une concertation avec les représentants du secteur est-elle prévue pour évaluer les conséquences concrètes des réformes en cours ? J'appelle à un ajustement pragmatique de la réglementation afin de garantir la pérennité de ces établissements, essentiels au dynamisme touristique et à la vitalité de nos territoires ruraux.

Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics . Vous interrogez ma collègue Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme, sur les incidences de la loi du 19 novembre 2024 sur les chambres d'hôtes et les gîtes ruraux. Par cette loi toute récente, je le rappelle, les législateurs que vous êtes ont entendu renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale, tout en permettant aux propriétaires de continuer à valoriser leur bien grâce à des services et équipements spécifiques proposés à la clientèle. Cela passe notamment par une incitation au classement et par la reconnaissance du caractère particulier des activités de chambres d'hôtes.

Du point de vue fiscal, les chambres d'hôtes relèvent de l'article 50-0 du code général des impôts et bénéficient donc du régime dit micro-BIC, dans la limite de 77 500 euros de chiffre d'affaires, avec un abattement de 50 %. Les gîtes ruraux, quant à eux, ne sont pas définis en droit. Dès lors, ils sont considérés comme des meublés de tourisme. Néanmoins, lorsqu'ils sont classés, ils bénéficient du même régime que les chambres d'hôtes. Rappelons que, pour les meublés de tourisme non classés, l'abattement a été ramené à 30 %, dans une limite de 15 000 euros de chiffre d'affaires.

Tel est le compromis auquel avait abouti la commission mixte paritaire et que le gouvernement a soutenu. En effet, le maintien d'un abattement différencié permet précisément d'inciter au classement et favorise de ce fait le déploiement d'une offre d'hébergement de qualité. Le seuil de 77 700 euros est apparu suffisamment élevé pour tenir compte de la situation des petits propriétaires de chambres d'hôtes ou de gîtes qui recherchent un revenu d'appoint.

Enfin, les propriétaires de chambres d'hôtes ou de gîtes ruraux qui s'engagent dans l'accueil de personnes en situation de handicap – ce que l'on appelle la parahôtellerie – et supportent dès lors des charges d'un montant supérieur peuvent bénéficier d'un abattement majoré en optant pour le régime réel. Ce régime leur permet de déduire non pas un montant forfaitaire, mais le montant réel des frais engagés.

Nous sommes très soucieux de renforcer l'offre touristique, notamment dans les zones rurales. La ministre Nathalie Delattre a lancé un groupe de travail sur ce sujet. Ces travaux s'inséreront dans une réflexion plus large sur le développement de l'agritourisme, question sur laquelle une mission parlementaire devrait être lancée.

J'y insiste, c'est bien le classement que nous voulons encourager, car c'est la meilleure protection des personnes qui s'engagent dans l'accueil de touristes, français ou étrangers, et qui en font, vous l'avez dit, un projet personnel. Il s'agit de reconnaître cette démarche de qualité et de faire émerger une concurrence plus loyale – certains ayant une approche plus commerciale et proposant un accueil moins authentique. S'il faut évaluer les seuils d'abattement, nous le ferons. Toutefois, la loi en question ayant été promulguée le 19 novembre dernier, nous avons besoin de davantage de recul avant de nous lancer dans une éventuelle révision de ses dispositions.

Données clés

Auteur : M. Hubert Ott

Type de question : Question orale

Rubrique : Tourisme et loisirs

Ministère interrogé : Tourisme

Ministère répondant : Tourisme

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 juin 2025

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