Expérimentation d'un titre de transport unique sur la ligne Tours-Le Mans-Caen
Question de :
M. Charles Fournier
Indre-et-Loire (1re circonscription) - Écologiste et Social
M. Charles Fournier attire l'attention de M. le ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports, sur l'expérimentation d'un titre de transport unique sur la ligne Tours-Le Mans-Caen. Cette question a été rédigée par un groupe de citoyennes et citoyens tourangeaux membres du parlement de circonscription mis en place par M. le député. 80 personnes participent régulièrement à ses travaux parlementaires et formulent des propositions pour des projets de loi, des questions au Gouvernement ou toutes autres initiatives parlementaires. Parmi les sujets retenus pour cette 3e saison du parlement, celui de l'accessibilité et l'organisation des transports publics. Plusieurs d'entre eux sont présents aujourd'hui. Pour venir, certains ont dû louer un vélo, acheter un ticket de tram, un billet de train puis un ticket de métro : quatre opérateurs et autant de tarifications différentes. On compte aujourd'hui plus de 200 systèmes de billettique en France. Alors que le secteur des transports reste le premier émetteur de gaz à effet de serre, la dernière Stratégie nationale bas carbone identifie le report modal comme un levier essentiel de réduction de ces émissions. Si l'on souhaite le favoriser, cela implique de lever de nombreux freins dont la complexité tarifaire et la dispersion des dispositifs d'aides. En 2020, la Convention citoyenne pour le climat avait proposé de développer des cartes « uniques » multimodales et de mettre en place un service public numérique sous la tutelle de l'État qui regrouperait toutes les offres de transports. Les travaux du parlement de circonscription de Tours confirment l'intérêt des citoyens pour un tel outil, à condition qu'il réponde à plusieurs exigences : une plateforme unique recensant les offres publiques comme privées et proposant les meilleurs itinéraires, selon leur prix, leur empreinte carbone et le profil des utilisateurs ; une tarification en pré et post-paiement avantageuse pour ceux qui se déplacent beaucoup, y compris sur plusieurs réseaux de transports ; un titre de transport physique et dématérialisé, qui couvre tous les types de trajets intermodaux (vélo-train ou autopartage-car par exemple) ; une centralisation des données personnelles au regard des aides et dispositifs proposés, évitant aux usagers de devoir recourir à de multiples démarches administratives auprès de chaque opérateur. Suite au Forum de l'Agence de l'innovation pour les transports en février 2023, M. Clément Beaune, alors ministre des transports, avait annoncé un « billet unique » pour tous les transports publics de France dans les deux ans. Une idée reprise dans la dernière Stratégie de développement de la mobilité propre, publiée en mars 2025 par le Gouvernement. La mise en œuvre du pass rail, dont l'abandon est malheureusement un non-sens au regard des enjeux actuels, a été un bel exemple de coopération entre l'État et les régions vers une réflexion nationale sur des nouveaux modes de billettique et de financement des mobilités. La métropole de Tours, qui réunit 22 communes, a été désignée en mai 2024 comme l'un des territoires pilotes de l'expérimentation d'un titre de transport unique sur la ligne Tours-Le Mans-Caen. Une volonté forte est portée à l'échelle locale par le Syndicat des mobilités de Touraine, premier signataire de la convention d'expérimentation. Celui-ci mène par ailleurs un travail essentiel avec Tours Métropole et la Région Centre-Val-de-Loire sur une unité tarifaire dans le cadre du futur service express régional métropolitain (SERM) de Touraine. Deux ans après les annonces de M. le ministre et un an après le lancement de l'expérimentation, les acteurs locaux sont prêts à se mettre autour de la table et sont demandeurs de solutions. Aujourd'hui, chaque région développe son propre système d'interopérabilité, voire d'unification tarifaire en vue des SERM. Cela doit représenter un premier pas vers une interopérabilité plus large. Le rôle de l'État est primordial pour contribuer au financement, à la gouvernance et à l'ingénierie nécessaires pour aller vers une coordination et une uniformisation des normes au niveau national. Ce dispositif, dont les bénéfices économiques, sociaux et écologiques sont prometteurs et déjà éprouvés ailleurs en Europe, semble toutefois au point mort. Avec le retrait partiel de la Région Pays de la Loire et le changement de chef de projet, la poursuite de l'expérimentation soulève des interrogations. Quelles conclusions M. le ministre tire-t-il de l'échec actuel de cette expérimentation ? S'engage-t-il à poursuivre cette démarche en lançant une deuxième expérimentation ? Un projet sur un territoire plus resserré comprenant Limoges-Tours-Orléans a été évoqué. Est-il toujours d'actualité ? La loi d'orientation des mobilités a posé des fondations solides pour organiser l'interopérabilité des solutions de mobilité à l'échelle nationale. Il lui demande quels leviers, législatifs et surtout financiers, le Gouvernement est aujourd'hui prêt à activer pour y parvenir.
Réponse en séance, et publiée le 11 juin 2025
TITRE DE TRANSPORT UNIQUE
Mme la présidente . La parole est à M. Charles Fournier, pour exposer sa question, no 352, relative au titre de transport unique.
M. Charles Fournier . C’est avec une certaine fierté que je vous pose cette question, préparée et écrite avec le parlement de circonscription que j’ai créé il y a trois ans. Quatre-vingt de ses habitants participent ainsi à mes travaux parlementaires. Certains d’entre eux sont présents dans les tribunes. Pour venir ici, ils ont dû prendre un train, y embarquer un vélo, acheter un ticket de tramway, etc. Autant de tarifications différentes, quand la France compte plus de 200 systèmes billettiques.
Alors que le secteur des transports demeure le premier émetteur de gaz à effet de serre, la dernière SNBC – stratégie nationale bas-carbone – fait du report modal un levier essentiel de réduction de ces émissions. On ne pourra le favoriser sans lever de nombreux freins, parmi lesquels la complexité tarifaire et la dispersion des dispositifs d’aide. En 2020, la Convention citoyenne pour le climat avait proposé de développer des cartes de transport uniques, multimodales, ainsi que de créer un service numérique sous la tutelle de l’État.
Les travaux du parlement de circonscription ont confirmé l’intérêt de nombreux citoyens pour un tel outil, à condition qu’il réponde à plusieurs exigences : le recensement des offres de transport, publiques comme privées, sur une plateforme unique qui proposerait les meilleurs itinéraires en fonction du prix, de l’empreinte carbone et du profil des utilisateurs ; une tarification en pré et en post-paiement avantageuse pour ceux qui se déplacent beaucoup, y compris sur différents réseaux de transport ; un titre de transport, physique aussi bien que dématérialisé, couvrant tous les types de trajets intermodaux ; une centralisation des données personnelles au regard des aides et des dispositifs proposés, afin d’éviter aux usagers d’avoir à recourir, auprès de chaque opérateur, à de multiples démarches administratives.
À l’issue du forum de l’Agence de l’innovation pour les transports, qui s’est tenu en février 2023, M. Beaune, alors ministre chargé des transports, avait annoncé la création dans les deux ans d’un billet unique pour tous les transports publics de France – idée reprise par la dernière stratégie de développement de la mobilité propre publiée en mars dernier par le gouvernement.
Le Pass Rail, dont l’abandon est un non-sens eu égard aux enjeux actuels, a été le bel exemple d’une possible coopération entre l’État et les régions dans la perspective d’une réflexion, à l’échelle nationale, sur de nouveaux modes billettiques et de financement des mobilités.
En mai 2024, la métropole de Tours – ma circonscription, qui réunit vingt-deux communes – a été désignée comme l’un des territoires pilotes de l’expérimentation, sur la ligne Tours-Le Mans-Caen, d’un titre de transport unique. À l’échelle locale, le Syndicat des mobilités de Touraine, premier signataire de la convention d’expérimentation, a fait preuve d'une forte volonté. Avec la métropole de Tours et la région Centre-Val de Loire, il conduit également un travail essentiel sur une unité tarifaire dans le cadre du futur service express régional métropolitain (SERM) de Touraine.
Deux ans après les annonces de M. le ministre et un an après le lancement de l’expérimentation, les acteurs locaux sont prêts à s’asseoir autour de la table. Chaque région développe aujourd’hui, dans la perspective des SERM, son propre système d’interopérabilité, voire d’unification tarifaire. Il doit s’agir d’un premier pas vers une interopérabilité beaucoup plus large, dans laquelle l’État a un rôle primordial à jouer.
Ce dispositif, dont les bénéfices économiques, sociaux et écologiques – prometteurs – ont déjà été éprouvés ailleurs qu'en France, semble toutefois au point mort. Avec le retrait partiel de la région Pays de la Loire et le changement du chef de projet, la poursuite de l’expérimentation soulève des interrogations. Quelles conclusions tirez-vous de cet échec ? Vous engagez-vous à poursuivre cette démarche en lançant une deuxième expérimentation, par exemple sur la ligne Limoges-Tours-Orléans, souvent évoquée à ce titre ? La loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 avait posé de solides fondations pour organiser l’interopérabilité. Quels leviers législatifs, et surtout financiers, le gouvernement est-il prêt à mobiliser aujourd’hui ?
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre chargé des transports – pour seulement trois minutes.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports . Monsieur le député, je ne vous reprocherai que d’avoir amputé d’une minute mon temps de parole, car mon constat est très proche du vôtre. Je salue l’implication active du groupe de travail, qui témoigne de votre engagement en faveur de mobilités plus fluides et plus décarbonées. L’objectif du projet n’a pas changé : développer des outils numériques communs pour simplifier – je dis bien simplifier – le parcours de l’usager et favoriser le report modal.
L’expérimentation du projet de titre unique se poursuit. L’évolution de son périmètre initial, marquée, entre autres, par le retrait partiel de certaines régions partenaires, a constitué une étape clé, permettant de consolider les fondements d’une coopération renforcée entre l’État et les autorités organisatrices de la mobilité. Ces temps de travail commun ont été mis à profit pour redéfinir les priorités du projet et, par conséquent, le périmètre de l’expérimentation entamée sur le territoire urbain de Tours, comme vous l’avez mentionné. L’offre post-paiement sera testée auprès d’un panel d’usagers à la fin de l’été 2025.
De nouvelles étapes de cette expérimentation sont déjà prévues dans d’autres territoires – en Normandie, par exemple, d’ici la fin de l’année, dans le périmètre du syndicat mixte Atoumod. Un cadre contractuel, sous la forme d’une convention d’expérimentation, est proposé aux territoires souhaitant s’engager dans cette démarche.
L’interopérabilité billettique reste une priorité nationale, notamment dans le contexte de l’ouverture à la concurrence. La loi d’orientation des mobilités, vous l’avez dit, constitue un socle juridique robuste. Nous sommes pleinement mobilisés pour assurer la pérennité de ce projet. Je partage totalement votre vision : il faut faciliter l’interopérabilité pour nos usagers des transports qui, sur ce point comme sur d’autres, rencontrent d’importantes difficultés.
Mme la présidente . La parole est à M. Charles Fournier.
M. Charles Fournier . Merci, monsieur le ministre, pour les quinze secondes que vous me laissez. (Sourires.) Cette question est posée par les citoyens : il est important de les entendre et d’aller vite. Tout atermoiement serait une erreur qui risquerait de freiner les dispositions dont nous parlons. L’interopérabilité doit enfin être généralisée.
Auteur : M. Charles Fournier
Type de question : Question orale
Rubrique : Transports ferroviaires
Ministère interrogé : Transports
Ministère répondant : Transports
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 juin 2025