Contre l'invisibilisation du Covid long
Question de :
Mme Nadège Abomangoli
Seine-Saint-Denis (10e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Nadège Abomangoli alerte M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins, sur la prise en compte du covid long par les autorités publiques. Après une infection au SARS-Cov-2, des centaines de milliers de citoyens vivent aujourd'hui avec le covid long, défini comme un ensemble de symptômes invalidants perdurant au moins deux mois. Troubles du sommeil, désordres neurologiques, troubles cognitifs, symptômes cardiorespiratoires, les manifestations chroniques du covid long, près de 200 types de symptômes, prennent une forme sévère pour 700 000 Français. Derrière la sévérité de la maladie, le covid long est aussi le nom d'une mise au banc sociale, comme rappelé par l'infectiologue Dominique Salmon-Ceron : « ce sont des gens qui, après trois ans, n'ont plus d'indemnités, plus de salaire, donc ils peuvent être licenciés, ils sont obligés éventuellement de reprendre un travail, mais avec la saturation intellectuelle, ce sont souvent des emplois à temps partiel. À la faculté, ce sont des jeunes qui sont quelquefois radiés de leurs études ». Le 24 janvier 2022 était voté un texte visant à la création d'une plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques de la covid-19. À ce jour, les décrets d'application de ce texte n'ont toujours pas été publiés. La non création de cette plateforme ainsi que la difficulté d'accès aux tests PCR empêchent la détection de la maladie et une prise en compte de celle-ci par le corps médical. Dès lors, les malades du covid long ne savent souvent pas qu'ils le sont et se retrouvent avec un traitement symptôme par symptôme. Cette invisibilisation des malades du covid long a également des répercussions sur la recherche car, faute de recensement, aucune ligne budgétaire n'est débloquée pour la recherche autour du covid long. Ainsi, alors que nombre de pays voisins procèdent à des essais cliniques, la France apparaît à la traîne avec exclusivement des questionnaires portant sur les symptômes. Elle lui demande pourquoi les décrets d'application de la loi du 24 janvier 2022 n'ont pas été pris, elle lui demande pourquoi être revenu sur le remboursement des tests PCR sauf ordonnance. Elle lui demande quels investissements sont faits pour la recherche autour du covid long. Enfin, elle lui demande quelles pistes sont envisagées pour la reconnaissance du covid long comme affection de longue durée à part entière.
Réponse en séance, et publiée le 11 juin 2025
COVID LONG
M. le président . La parole est à Mme Nadège Abomangoli, pour exposer sa question, no 363, relative au covid long.
Mme Nadège Abomangoli . Selon Santé publique France, en 2022, près de 2 millions de citoyens vivaient avec le covid long. Pour 700 000 d'entre eux, le covid long prend une forme sévère, avec un impact grave sur leur santé, mais aussi sur leur vie privée et sociale. En effet, le covid long, maladie sévère, est aussi le nom d'une mise au ban sociale.
Nous parlons de personnes qui, sans reconnaissance ni accompagnement, ne perçoivent plus d'indemnités et se retrouvent souvent sans emploi ou à temps partiel. Nous parlons de personnes qui, à l'université, sont radiées de leurs études car aucun aménagement n'est réalisé pour prendre en compte leur maladie. Nous parlons de personnes qui, en l'absence d'un grand plan de purification de l'air et faute de prévention, sont en danger dans n'importe quel espace public. Nous parlons de personnes qui doivent renoncer à certains loisirs, et donc s'isoler de leurs familles et de leurs amis.
Une loi créant une plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques de la covid-19 a été promulguée le 24 janvier 2022, mais ses décrets d'application n’ont toujours pas été publiés.
Pire, votre gouvernement a transformé l'accès aux tests PCR en parcours du combattant. Dès lors, les malades du covid long ne savent souvent pas qu'ils le sont ; ils se retrouvent soignés avec un traitement pour chaque symptôme, et non pour le covid long.
Alors que de nombreux pays voisins procèdent à des essais cliniques, la France est à la traîne, administrant exclusivement des questionnaires portant sur les symptômes au lieu de mener une véritable politique publique de recherche.
Il faut que cesse cette invisibilisation des malades. Faute de mesures appropriées, des millions d'entre eux sont plongés dans une errance médicale et une profonde détresse.
C’est contre cette invisibilisation que j'organise demain à l'Assemblée nationale une série de tables rondes avec les associations de malades et des professionnels de santé. Le gouvernement est bien sûr invité.
Quand cesserez-vous d'ignorer le covid long ? Quand allez-vous permettre un recensement des malades ? Quand allez-vous enfin garantir un accompagnement de qualité pour les malades du covid long, qui sont très nombreux et très isolés ?
M. le président . La parole est à M. le ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le covid long est en effet une réalité médicale, sociale et humaine lourde pour les milliers de nos concitoyens qui en souffrent.
C'est pourquoi le gouvernement a élaboré, dès mars 2022, une feuille de route dédiée afin de mieux structurer la prise en charge, d'améliorer l'information des patients et de renforcer la recherche.
La prise en charge repose sur trois niveaux : le médecin généraliste, au cœur du dispositif, les spécialistes en deuxième recours et, pour les cas les plus complexes, les services de soins médicaux et de réadaptation.
À ce jour, 130 cellules de coordination ont été déployées sur le territoire. Elles permettent d'orienter les patients, d'accompagner les soignants et d'éviter les situations d'isolement et d'errance.
Par ailleurs, vous mentionnez, à juste titre, la loi du 24 janvier 2022 prévoyant la création d'une plateforme de référencement et de prise en charge des malades.
Un espace d'information dédié au covid long a été lancé en mars 2024 sur le site internet santé.fr. Il regroupe des contenus sur les symptômes, les parcours de soins, la recherche, et inclut un outil d'orientation vers les ressources de proximité. Il a été conçu avec les associations de patients et les professionnels de santé, et rencontre un taux de satisfaction proche de 90 %.
Sur le plan de la recherche, 16 millions d'euros ont été mobilisés par l'État, dont plus de 10 millions via un appel à projets dédié, piloté par l'agence nationale chargée de la recherche sur les maladies infectieuses émergentes.
Cinquante projets ont ainsi été soutenus, et une journée scientifique nationale s'est tenue en octobre dernier.
Sur le plan de la formation et de l'outillage des professionnels, pour éviter au maximum les situations d'errance médicale, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié en mai un parcours de soins structuré pour les adultes présentant des symptômes prolongés.
Parallèlement, une priorité spécifique a été intégrée au programme triennal 2023-2025 de l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) pour former les soignants à la prise en charge du covid long.
La reconnaissance du covid long comme affection de longue durée est possible à titre individuel, sur critères médicaux.
S'agissant du remboursement des tests PCR, le gouvernement a en effet recentré les investissements sur la prise en charge de ces tests sur prescription médicale.
Nous avançons, étape par étape, avec constance ; mais nous n'ignorons ni la souffrance ni les attentes des patients. La mobilisation du gouvernement reste totale.
M. le président . La parole est à Mme Nadège Abomangoli.
Mme Nadège Abomangoli . Je tiens à saluer vos propos qui reconnaissent les difficultés subies par les malades, parce qu'ils sont totalement absents du débat public français.
Vous avez parlé d'une feuille de route : nous allons en tirer le bilan avec les associations.
Quant aux initiatives de mai, elles sont trop récentes pour que l'on puisse les commenter.
Vous parlez de prise en charge par les médecins généralistes, mais ceux-ci sont souvent mal informés, mal formés. Nous sommes en outre confrontés au problème des déserts médicaux, et compte tenu de la complexité des symptômes que subissent les malades, ils sont souvent contraints d'interrompre leur parcours de soins.
Quant au taux de satisfaction de près de 90 % pour les différents protocoles adoptés par le gouvernement, j'ignore comment vous pouvez obtenir ce chiffre, puisque même le recensement des malades est compliqué.
Je note une volonté de votre part. J'imagine donc que les préconisations qui seront tirées des tables rondes de demain seront entendues par le gouvernement.
Auteur : Mme Nadège Abomangoli
Type de question : Question orale
Rubrique : Maladies
Ministère interrogé : Santé et accès aux soins
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 juin 2025