Surpopulation carcérale et situation des agents pénitentiaires
Question de :
M. Christophe Barthès
Aude (1re circonscription) - Rassemblement National
M. Christophe Barthès alerte M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation carcérale à Carcassonne et les difficultés des agents pénitentiaires. La maison d'arrêt de Carcassonne connaît une population carcérale de 250 %, une situation intenable ; de plus, le bâtiment, datant de 1899 a besoin d'important travaux de rénovation, mais les financements manquent. Les agents pénitentiaires également connaissent des difficultés. De nombreux départs à la retraite vont avoir lieu cette année et la suivante, un grand besoin de recrutement se fait sentir. Pour cela, la profession attend une meilleure reconnaissance et une plus grande attractivité. Sur ces derniers points, les agents craignent que la prochaine assermentation mise en place ne serve qu'à prendre des sanctions disciplinaires à leur égard. De plus, ces derniers font état d'infiltrations par la voie des concours de candidats servant d'indicateurs aux trafiquants. Ce système vient gravement fragiliser leurs équipes, ils attendent des mesures. Aussi, il lui demande quelles mesures l'État compte mettre en place pour désengorger les prisons et entreprendre une rénovation des bâtiments ; et comment il entend rendre son attractivité à la profession d'agent pénitentiaire.
Réponse en séance, et publiée le 11 juin 2025
MAISON D'ARRÊT DE CARCASSONNE
Mme la présidente . La parole est à M. Christophe Barthès, pour exposer sa question, no 373, relative à la maison d'arrêt de Carcassonne.
M. Christophe Barthès . Ma question s'adresse au ministre de la justice. Le 23 avril dernier, trois agents pénitentiaires de la maison d'arrêt de Carcassonne ont été victimes d'intimidation lors d'un transfert de détenu. Cette honteuse agression aurait pu être bien plus grave car les agents ne sont pas formés à de tels transferts et ne possèdent pas le matériel nécessaire pour se défendre.
Cette situation résume les difficultés rencontrées par nos agents, notamment à Carcassonne, prison dans laquelle je me suis rendu à trois reprises. J'ai interrogé plusieurs fois le prédécesseur du ministre à ce sujet mais la situation ne change pas. Cette maison d'arrêt prévoyait à l'origine d'accueillir une soixantaine de détenus, mais il s'y trouvait fin mai plus de 150 détenus, ce qui représente une surpopulation carcérale avoisinant les 250 %.
Ce n'est pas tenable. Certes, les détenus doivent exécuter durement leur peine mais, parce qu'ils sont entassés dans leurs cellules, certains pètent les plombs et attaquent les agents pénitentiaires, qui sont à bout. Ces derniers exercent leur métier dans des conditions difficiles, comme l'ont démontré les récentes agressions à leur encontre, et ils ne sont pas assez nombreux pour faire face à la surpopulation carcérale que nous connaissons.
Celle-ci touche de plein fouet la maison d'arrêt de la préfecture audoise, avec des cellules triplées et de nombreux matelas au sol, des matelas dont le nombre dépasse le millier, rien que pour la direction interrégionale des services pénitentiaires de Toulouse.
Face à cela, il est nécessaire de mener une véritable politique de désengorgement de nos prisons, en autorisant la délocalisation de détenus dans d'autres régions où des places sont disponibles, ce qui n'est pas possible actuellement, selon le personnel.
La profession a du mal à recruter et cette situation va s'aggraver dans les mois à venir, car de nombreux agents vont partir à la retraite après l'été 2025 et en 2026. On ne pourra recruter d'agents sans leur accorder la reconnaissance qu'ils méritent, donc sans rendre la profession plus attractive. C'est une nécessité.
Les contrôles menés lors des concours doivent également être accrus car, comme me l'ont expliqué les syndicats, des taupes infiltrent l'administration pour renseigner les trafiquants, et ce phénomène est de plus en plus courant.
J'ai aussi été informé que les agents vont bientôt devoir effectuer une prestation de serment mais cette dernière est bien loin de leurs revendications, qui ont trait à l'amélioration de leur quotidien au travail. Cette assermentation n'est, de leur point de vue, qu'un moyen supplémentaire de renforcer les sanctions disciplinaires à leur égard.
Au-delà de toutes ces difficultés, la maison d'arrêt de Carcassonne est vétuste, comme beaucoup d'autres établissements. Construite en 1899, elle accueille des détenus depuis 1906. C'est l'une des dernières maisons d'arrêt de France situées en centre-ville. Des travaux doivent être engagés pour rénover la totalité des chemins de ronde, refaire la porte d'entrée, les filets antiprojection, et réaliser de nombreux autres travaux, mais les financements manquent.
Comment le ministre compte-t-il améliorer les conditions de travail des agents pénitentiaires de la maison d'arrêt de Carcassonne, rendre la profession plus attractive et recruter davantage ? Attribuera-t-il des fonds supplémentaires à la rénovation de cette maison d'arrêt ?
Mme la présidente . La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur . Je vous prie de bien vouloir excuser le ministre d'État, garde des sceaux, Gérald Darmanin, qui m'a demandé de vous faire la réponse suivante.
Je vous remercie pour cette question qui me permet de rendre hommage une nouvelle fois au travail accompli par le personnel pénitentiaire – vous avez relevé son importance et je partage votre point de vue à titre personnel – pour assurer la sécurité de l'ensemble de nos concitoyens. Le soutien du gouvernement au personnel est indéfectible, et sa volonté d'améliorer leurs conditions de travail est déterminée.
Depuis 2024, des réformes d'ampleur ont permis d'améliorer malgré tout l'attractivité des métiers de la pénitentiaire, comme le passage en catégorie B du corps d'encadrement et d'application – il s'agissait d'une attente forte. Celui-ci présente des résultats positifs puisque les statistiques des concours 2024 et 2025 laissent percevoir une hausse du nombre des inscriptions et du niveau des candidats.
Par ailleurs, nous agissons largement afin de faire connaître et de valoriser le travail des agents pénitentiaires par une présence forte dans les forums et les salons pour l'emploi ; dans le cadre des partenariats interministériels et associatifs pour comparer et améliorer nos modes de recrutement ; en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale pour la présentation des métiers auprès des élèves et des équipes pédagogiques de la filière métiers de la sécurité ; en valorisant les présences événementielles, notamment lors du 14 juillet. Ce n'est pas seulement symbolique : c'est aussi la reconnaissance par la nation de leur travail qui est en jeu.
Dans le même sens, l'assermentation que vous évoquez n'est pas un outil de sanction. Au contraire, il s'agit d'un symbole fort, d'une reconnaissance de l'importance et du caractère sécuritaire des missions exercées par ces personnels, qui constituent la troisième force de sécurité intérieure française. Cet engagement solennel s'inscrit dans le respect des obligations déontologiques auxquelles ils répondent déjà et ajoute à la nature de leur engagement une dimension supplémentaire.
La prévention du risque corruptif est par ailleurs inscrite au cœur de ce code de déontologie. Nous savons que la corruption existe, il ne faut pas le nier. Au regard de la sensibilité des fonctions qu'ils exercent, ces agents sont soumis à des enquêtes administratives de sécurité lors de leur recrutement. Le garde des sceaux a annoncé, le 23 janvier dernier, la création d'une inspection générale de l'administration pénitentiaire. Elle renforcera la lutte contre la corruption.
Enfin, s'agissant de la maison d'arrêt de Carcassonne, si le taux de couverture en surveillants s'élève à 77,42 %, celui en brigadiers-chefs et majors s'élève, quant à lui, à 166,67 %. Pour les officiers, il est de 100 %. L'ouverture de quatre postes de surveillant à la mobilité d'automne 2024 permettra d'améliorer ce taux dès le 1er juillet, lors de leur prise de fonction. Par ailleurs, des travaux de réaménagement des cellules sont prévus à l'horizon 2026, pour un montant de 1,5 million d'euros. Je pense que ces travaux satisferont les demandes que vous formulez.
Auteur : M. Christophe Barthès
Type de question : Question orale
Rubrique : Lieux de privation de liberté
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 juin 2025