Régulation de l'enseignement supérieur privé à but lucratif
Question de :
M. Emmanuel Grégoire
Paris (7e circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Emmanuel Grégoire attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la nécessité de réguler le secteur de l'enseignement supérieur privé à but lucratif. Dans le vaste ensemble que représentent les établissements privés d'enseignement supérieur, dont la place centrale au sein du paysage éducatif français n'est plus à démontrer, une sous-catégorie s'est progressivement développée loin du contrôle de la puissance publique : celle de l'enseignement supérieur privé à but lucratif. Selon les données du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres), le privé lucratif représenterait aujourd'hui 15 % de la population étudiante totale. Près de 400 000 jeunes sont exposés à des pratiques commerciales abusives, s'engageant parfois dans des formations à prix d'or sans reconnaissance académique desquelles ils ne peuvent se défaire. Cet essor du secteur privé lucratif dans l'enseignement supérieur depuis les années 2015-2020 est le résultat d'une conjonction de facteurs. Outre l'attrait propre aux formations proposées et l'incapacité de l'enseignement public à absorber un public étudiant toujours plus nombreux, le niveau et le dynamisme des investissements publics et privés consentis, mais également le développement de l'apprentissage, ont joué un rôle déterminant en la matière. Le succès de la politique de l'apprentissage lancée en 2018 s'est accompagné d'une vitalité nouvelle des établissements privés lucratifs, qui ont su tirer parti de cette opportunité. Le 18 février 2025, M. le député a déposé une proposition de loi visant à un meilleur encadrement du secteur. Fruit d'un travail transpartisan et porté par plus de 100 signataires provenant de 8 groupes politiques différents, ce texte a pour objectif principal de mieux protéger les étudiants face à des pratiques commerciales abusives et de renforcer les contrôles exercés sur ces établissements. Utile et nécessaire, cette proposition de loi, rejetée en Conférence des présidents le 13 mai 2025, n'est toujours pas inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Face à l'urgence, M. le député souhaite donc connaître les intentions du Gouvernement pour assurer une véritable régulation du secteur. M. le ministre ayant d'ores et déjà fait mention de plusieurs mesures à venir, il demande également à connaître les détails de ces dispositions ainsi que le véhicule législatif que l'exécutif priorisera pour assurer une entrée en vigueur dans les plus brefs délais.
Réponse en séance, et publiée le 11 juin 2025
ENSEIGNEMENT PRIVÉ À BUT LUCRATIF
M. le président . La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour exposer sa question, no 377, relative à l'enseignement privé à but lucratif.
M. Emmanuel Grégoire . Depuis plusieurs années, le secteur de l’enseignement supérieur privé lucratif échappe quasiment à tout contrôle. Le succès de la politique de l’apprentissage lancée en 2018 s’est malheureusement accompagné d’une vitalité nouvelle des établissements privés lucratifs, qui ont su profiter presque seuls de cette opportunité.
Selon les données du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES), le secteur privé lucratif représenterait 15 % de la population étudiante totale. Près de 400 000 jeunes sont exposés à des pratiques commerciales abusives. Derrière ces chiffres, ce sont des milliers de jeunes qui voient leur avenir compromis, piégés par des promesses trompeuses, endettés pour passer des diplômes non reconnus, livrés à eux-mêmes, sans soutien ni solution.
Alors que le phénomène explose, notre arsenal législatif reste à la traîne. Et, chaque mois qui passe, de nouveaux jeunes tombent dans ces pièges sans que l’État réagisse à la hauteur des enjeux.
Le 18 février 2025, j’ai déposé une proposition de loi visant à un meilleur encadrement du secteur. Fruit d’un travail transpartisan et cosigné par plus de cent députés provenant de huit groupes politiques différents, ce texte avait pour objectif principal de mieux protéger les étudiants face à ces dérives. Utile et nécessaire, cette proposition de loi n'a malheureusement pas été acceptée en conférence des présidents ; elle n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée.
Face à l’urgence, je souhaite donc connaître les intentions du gouvernement pour assurer une véritable régulation du secteur. Monsieur le ministre, je sais que nous avons en partage une conviction : il faut mieux protéger les étudiants de tous ces phénomènes. Vous avez déjà mentionné plusieurs mesures à venir. Ma question sera donc simple : pouvez-vous nous préciser les détails de ces dispositifs, et à quel véhicule législatif le gouvernement va-t-il donner la priorité pour assurer une entrée en vigueur dans les plus brefs délais ? J'aime beaucoup ma proposition de loi, j'aimerais bien plus que la législation soit améliorée.
M. le président . La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . Je vous remercie pour cette question qui me permet de rappeler l'engagement constant des différents gouvernements sur la régulation de l'enseignement supérieur privé – nous agissons en la matière de manière déterminée et progressive depuis 2022.
Sylvie Retailleau, qui m'a précédé dans mes fonctions, avait ainsi lancé un groupe de travail pour créer un label de qualité pour les formations privées. Je rappelle également l'engagement de Patrick Hetzel, qui avait lancé des travaux avec le ministère du travail pour une meilleure régulation de l'apprentissage.
La ministre d'État Élisabeth Borne et moi-même avons signé un décret permettant le déréférencement sur Parcoursup des formations qui ne respectent pas les exigences de la charte de la plateforme. J'ai annoncé dans la foulée notre engagement, avec la ministre du travail, pour faire évoluer la certification Qualiopi. Nous présenterons prochainement les résultats de ce travail conjoint. C'est une avancée majeure, qui permettra d'intégrer la qualité des formations parmi les conditions de financement de l'apprentissage. Je l'ai dit, je le répète, pas un seul euro d'argent public ne doit aller à des formations de médiocre qualité.
Je souhaite aller plus loin. Vous avez raison de souligner que 400 000 jeunes sont concernés par le privé lucratif, soit 15 % de la population étudiante. Face aux 12 000 formations en apprentissage sur Parcoursup, les familles expriment une demande de lisibilité que nous devons satisfaire.
Le 13 mai dernier, j’ai réuni l'ensemble des acteurs concernés pour faire une série d'annonces touchant à une réforme structurante fondée sur un principe de reconnaissance à deux niveaux : un premier qui concernera tous les établissements qui participent au service public de l’enseignement supérieur ; un second consistant en la création d’un dispositif d’agrément délivré par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. À terme, après quelques années de transition, cet agrément sera obligatoire pour apparaître sur Parcoursup – qui devient donc, de fait, le label de qualité pour les familles. Enfin, le HCERES, en tant qu'autorité indépendante, procédera à une évaluation. Cette réforme doit faire l'objet d'un projet de loi qui sera présenté, je l'espère, à l'été 2025.
Je salue votre mobilisation et celle de vos collègues, qui montre que la représentation nationale, de manière assez transpartisane, souhaite s'emparer de ce sujet. La régulation que nous mettons en place sera exigeante et progressive : plus de libertés pour les établissements reconnus, plus d'obligations pour ceux qui demandent cette reconnaissance.
Je me tiendrai à votre disposition pour vous présenter l'évolution des travaux annoncés.
M. le président . La parole est à M. Emmanuel Grégoire.
M. Emmanuel Grégoire . Je me réjouis de l'annonce d'un projet de loi – un véhicule législatif s'impose – et suis très heureux que le gouvernement se saisisse ainsi directement de la question. Nous examinerons et enrichirons le texte, mais je soutiendrai évidemment cette initiative.
Auteur : M. Emmanuel Grégoire
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement privé
Ministère interrogé : Enseignement supérieur et recherche (MD)
Ministère répondant : Enseignement supérieur et recherche (MD)
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 juin 2025