Réforme des bourses sur critères sociaux
Question de :
M. Sacha Houlié
Vienne (2e circonscription) - Non inscrit
M. Sacha Houlié interroge Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la nécessaire réforme des bourses étudiantes afin de connaître la façon dont elle entend la mener. La situation devient alarmante et les travaux engagés par Sylvie Retailleau avec l'acte 1 de la réforme méritent d'être repris le plus rapidement possible pour aboutir à une réforme rapide alors que près d'un étudiant sur 4 est touché par la pauvreté (rapport de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, 2023) ; que les files d'attente devant les distributions alimentaires augmentent ; que le renoncement au soin des étudiants ne cesse de progresser ; et que le recours au travail salarié en parallèle des études est de plus en plus courant. Cette situation de précarité subie représente un échec pour le modèle social mais aussi pour la réussite académique. Aujourd'hui, sans même aborder le critère humain, il y a un réel intérêt économique à soutenir économiquement les études puisqu'il s'agit de l'un des investissements publics les plus rentables ; le coût des bourses et des études étant en moyenne amortis en 15 ans pour les masters. Réformer les bourses sur critères sociaux pour les aligner sur l'inflation, pour mieux cibler les classes moyennes inférieures et les étudiants décohabitants et pour supprimer les effets de seuil (qui conduit parfois à perdre plus de 900 euros de bourses pour 1 euro de revenus) s'impose. Cette réforme est attendue avec impatience par les associations étudiantes, le corps académique mais surtout par les étudiants. Par ailleurs, son coût pourra être compensé par des mesures de suppression de niches fiscales. Dès lors, il lui demande si elle peut préciser les axes principaux d'une réforme des bourses qu'elle entendrait mener.
Réponse en séance, et publiée le 16 juillet 2025
RÉFORME DES BOURSES SUR CRITÈRES SOCIAUX
Mme la présidente . La parole est à M. Sacha Houlié, pour exposer sa question, no 414, relative à la réforme des bourses sur critères sociaux.
M. Sacha Houlié . Ma question s'adresse au ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Alors que les questions de mes collègues ont porté sur la rentrée scolaire, la mienne a trait à la rentrée universitaire, plus précisément aux conditions dans lesquelles les étudiants, particulièrement boursiers, pourront suivre leurs études.
La précarité étudiante est une réalité bien trop connue de notre pays. Nous déplorons chaque jour le fait que les files d'attente s'allongent devant les épiceries sociales, que des étudiants, malheureusement nombreux, renoncent à se soigner ou – s'agissant en particulier des boursiers – que des étudiants se salarient pour financer leurs études.
Partout sur le territoire, des initiatives locales existent, à l'instar des universités ou des Crous. On a pu visiter des épiceries sociales ou des services de sécurité étudiants qui proposent des prestations dont certaines sont très difficiles d'accès pour nos concitoyens, telle la consultation de psychiatres ou de dentistes, ou parfois des innovations comme ce guichet unique permettant l'accès aux aides, partagé par les Crous et les universités – c'est le cas dans ma ville de Poitiers.
Lors de la rentrée 2023, le gouvernement avait pris une initiative en menant à bien l'acte I de la réforme des bourses sur critères sociaux (BCS). Mme Sylvie Retailleau était alors ministre et je veux ici la saluer chaleureusement. Cette première réforme, dont le coût s'élevait à 500 millions d'euros, tendait à endiguer la baisse constante du nombre d'étudiants boursiers constatée entre 2020 et 2022 – en 2022, seuls 36,3 % des étudiants étaient boursiers, soit le plus faible taux depuis 2017. Cet acte I avait été très largement soutenu par les associations étudiantes.
Mais l'acte I appelle logiquement un acte II, promis lors de la campagne présidentielle de 2022. Cet acte est celui de la suppression des effets de seuil des bourses étudiantes, plus précisément de la linéarisation de ces bourses. Le constat est assez clair : pour 1 euro de revenu fiscal de référence, on peut perdre jusqu'à 900 euros de bourse par an, une somme colossale ! Il s'agit d'une injustice sociale qu'il nous appartient de réparer. Par ailleurs, la linéarisation des BCS permettrait d'abolir tous les seuils instaurés pour calculer ces bourses : on compte 144 plafonds distincts, lesquels prennent en compte les revenus des parents, le nombre de frères et sœurs inscrits à l'université ou encore l'origine géographique de l'étudiant par rapport à son lieu d'études. Cet acte II devrait aussi inclure la possibilité de revenir sur l'année de référence – aujourd'hui il s'agit de l'année n – 2, qui constitue un point de repère inadéquat –, la pérennisation de l'indexation annuelle sur l'inflation de ces aides sociales – ce sont les seules à ne pas être indexées – ou encore une meilleure prise en compte des disparités territoriales – nous avons récemment eu un débat à ce sujet avec nos collègues ultramarins.
Je n'ignore pas le coût pour les finances publiques d'une telle réforme : il s'élève à 450 millions d'euros. Avant d'évoquer les solutions de financement, je veux en rappeler les bénéfices. C'est d'abord la réussite des étudiants. C'est ensuite l'intérêt économique de la nation, comme l'établissait le rapport du professeur Philippe Aghion en 2021.
Pour financer cette réforme, deux niches fiscales pourraient être supprimées : celle qui permet de déduire les frais d'inscription des étudiants, qui représente un coût de 216 millions d'euros, et celle, identique, qui s'applique aux lycéens et coûte 380 millions d'euros. On trouve là, vous le voyez, la quasi-totalité des financements requis. Ces deux pistes sont d'ailleurs étudiées par le gouvernement depuis près de dix ans.
Ma question est simple : le gouvernement est-il prêt à mener à bien cette réforme ? Le cas échéant, dans quel délai ?
Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . Je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser le ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, M. Philippe Baptiste, qui m'a chargée de vous répondre.
Votre question me permet de rappeler l'engagement du gouvernement en faveur des étudiants. La réforme des BCS est un chantier essentiel. Je souhaite rappeler l'action de la ministre d'État, Élisabeth Borne, qui a lancé une première évolution des bourses dès 2023, et saluer l'engagement de la représentation nationale, dont les travaux nourrissent notre réflexion.
Dès son arrivée au ministère, Philippe Baptiste a fait de cette question une priorité. Près d'un tiers des boursiers perçoivent moins de 150 euros par mois. Ils font face à une dégressivité trop forte des aides et subissent des effets de seuil pénalisants, pouvant aller jusqu'à 908 euros de perte annuelle pour seulement 1 euro de revenu supplémentaire. Le système, illisible et difficile à piloter, présente les 144 plafonds que vous avez mentionnés et jusqu'à six échelons différents pour un même revenu. Enfin, les bourses sont la seule aide sociale sans indexation automatique sur l'inflation.
Face à ce constat, nous avons défini plusieurs objectifs pour cette réforme, qui s'inscrit dans les discussions budgétaires en cours. Il s'agit d'abord de réduire la précarité étudiante, en particulier celle des classes moyennes inférieures, des décohabitants, des étudiants issus de familles monoparentales et des populations ultramarines. Nous voulons aussi mieux accompagner la réussite étudiante en compensant les freins à la poursuite d'études tels que le handicap. Troisièmement, nous entendons supprimer les effets de seuil pour éviter les ruptures de droits injustes. Nous voulons également développer la logique du juste droit, en renforçant l'accès et la lisibilité du système. Enfin, par cette réforme, nous souhaitons rapprocher les bourses des autres aides sociales, dans la logique de la solidarité à la source évoquée par le président de la République.
Concernant le financement, la piste que vous évoquez, consistant dans la suppression de la réduction d'impôt sur le revenu au titre des frais de scolarité, qui représente 216 millions d'euros, est à l'étude dans le cadre de la préparation du PLF pour 2026.
Monsieur le député, nous partageons pleinement votre engagement en faveur des étudiants les plus fragiles. Vous pouvez compter sur mon collègue Philippe Baptiste pour vous tenir informé des prochaines étapes, dans l'optique de construire ensemble une réforme sociale équilibrée et ambitieuse, à la hauteur de notre jeunesse.
Auteur : M. Sacha Houlié
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement supérieur
Ministère interrogé : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 10 juin 2025