Chaban Delmas : 20 ans après son décès

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Jacques Chaban-Delmas | Copyright : Assemblée nationale

Mardi 10 novembre à 15h, le Président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand a rendu hommage à Jacques Chaban-Delmas, ancien président d’honneur de l’Assemblée nationale, décédé le 10 novembre 2000.

Jacques Chaban-Delmas a vécu comme il marchait, à grandes enjambées, presque à marche forcée. Résistant, maire de Bordeaux, député de la Gironde, Président de l’Assemblée nationale durant 16 ans, Premier ministre de Georges Pompidou, sa carrière politique traverse toute la seconde moitié du XXe siècle.

Après avoir obtenu son baccalauréat en 1933, Jacques Delmas, devient journaliste au quotidien L’information économique et financière tout en poursuivant ses études supérieures. Il sera diplômé en 1937 en économie à l’École libre des sciences politiques, puis de droit public en 1938.

Lors de son service militaire en 1938, il est reçu premier à l’école des officiers de réserve de l’école d’Élève Officier de Réserve et sort major de sa promotion à Saint-Cyr en mars 1939.

C’est en août 1940 qu’il rencontre son destin. Démobilisé depuis le 3 août, ne supportant pas l’humiliation de la défaite, il passe en zone libre. Après avoir entendu la voix du général de Gaulle sur les ondes brouillées de la radio, il cherche à rejoindre la France libre mais ses contacts l’orientent vers la Résistance intérieure. Travaillant au ministère de la Production industrielle, il participe au réseau « Hector ». Pour servir la résistance, il entre à l’Inspection générale des finances en 1943. Jusqu’alors connu sous le nom de « Lakanal », du nom de son lycée à Sceaux, il prend, en 1943, le pseudonyme de « Chaban », du nom du château de Chaban qu’il a lu sur un écriteau lors d’un déplacement en Dordogne. Il gardera ce nom toute sa vie.

En mai 1944, Jacques Chaban-Delmas, à peine 29 ans, est promu général de brigade par décision du Gouvernement d’Alger. Il se rend clandestinement à Londres le 25 juillet afin d’informer le commandement allié des moyens militaires de la Résistance à Paris. Il rejoint la capitale occupée en bicyclette le 16 août, traversant ainsi les lignes ennemies. Il joue alors un rôle central durant l’insurrection parisienne, qui débute le 19 août, et accueille le 25 août la 2eDB menée par le général Leclerc.

L'après-midi, il rencontre, à la gare Montparnasse, le général De Gaulle, tout juste arrivé à Paris. Il raconte ce moment dans sa biographie « L’Ardeur » de la façon suivante : « À ce moment, le Général me toise de haut en bas. Un silence se fait ; ça dure des secondes, autant dire une éternité… Je vois alors passer dans le regard du Général une succession de sentiments. D’abord, la surprise. Et puis, la prise de conscience et la rogne, la colère. Comment a-t-on pu faire nommer, promouvoir ce gamin ? Et puis, un attendrissement extraordinaire, au point que son regard s’est embué. Il s’était bien passé dix secondes. Alors, il m’a tendu la main, a pris la mienne et l’a gardée longtemps dans la sienne. Et il m’a dit : "C’est bien, Chaban !". Moi, j’étais récompensé ». C’est son acte de naissance politique.

Fait Compagnon de la Libération, il est nommé en 1944 au cabinet du ministre de la Guerre, il devient en1945 secrétaire général du ministère de l'Information. Mais pour cet homme de la génération de la guerre, de la Libération, de la reconstruction, pour ce grand sportif, dont l’attitude physique a toujours illustré le dynamisme et l’enthousiasme, la « vraie vie » était ailleurs. Il démissionne et s’engage en politique.

En 1946, il fait de la Gironde sa terre d’élection et de Bordeaux son fief. Il est élu député en novembre 1946 et maire de Bordeaux en octobre 1947, l’histoire d’amour entre Bordeaux et le « Duc d’Aquitaine » durera près d’un demi-siècle.

Parlementaire actif, il entre au Gouvernement en juin 1954 en tant que ministre des Travaux publics, puis en février 1956 comme ministre d’État et en novembre 1957 il devient ministre de la Défense.

Membre du RPF, il participe activement au retour du général de Gaulle au pouvoir et devient le 9 décembre 1958, le premier Président de l’Assemblée nationale de la toute nouvelle Ve République. Élu six fois à ce fauteuil, Jacques Chaban-Delmas est, depuis 1789, celui qui aura présidé le plus longtemps l’Assemblée nationale. Durant les seize années de sa présidence, il s’efforce de rendre un rôle véritable au pouvoir législatif. Raymond Forni dira, lors de son éloge funèbre, que « sa présidence fut le fruit d’une rencontre, décisive, entre un homme et une institution », saluant son « exigence, son autorité et parfois même sa sévérité, mais aussi une chaleur et une courtoisie, qui surent lui gagner l’amitié et le respect de tous les parlementaires ». Jacques Chaban-Delmas écrit dans ses Mémoires : « le fauteuil du président est un tonneau de vigie d’où l’on peut voir se lever les tempêtes ».

 Il consacre sa présidence à la modernisation de l’Assemblée nationale et à lui donner la place qui devait être la sienne dans notre démocratie. Il renforce le rôle des présidents de groupe. Il crée en 1970 les questions d’actualité, devenues en 1974 les questions au Gouvernement, qui sont aujourd’hui le rendez-vous incontournable de la vie parlementaire et démocratique du pays. Il s’efforce également de donner aux députés les moyens d’accomplir leur mission dans les meilleures conditions en leur permettant de disposer d’un bureau personnel. Il fait ainsi l’acquisition d’un nouveau bâtiment, au 101 rue de l’Université, en dehors de l’enceinte historique du Palais-Bourbon.

Il est nommé Premier ministre le 20 juin 1969, après l’élection de Georges Pompidou le 15 juin, à la présidence de la République.

Aussi profond qu’ait été son engagement parlementaire, c’est sans doute son discours de politique générale du 16 septembre 1969, prononcé de sa voix aussi singulière qu’inoubliable, qui restera durablement dans les mémoires.

A cette occasion, Jacques Chaban-Delmas annonce vouloir prendre la voie du changement vers une « nouvelle société », « prospère, jeune, généreuse et libérée » et dresse un ambitieux programme de modernisation annonçant la formation professionnelle continue, la réduction du temps de travail, la liberté de l'information, la décentralisation, la nécessaire « transparence » de l'État et la modernisation de la présentation du budget afin de le rendre plus intelligible.

Cependant, sa volonté de modernisation de la société, qui intervient après les contestations de mai 1968, va aviver les tensions au sein de sa majorité politique.

Le 23 mai 1972, Jacques Chaban-Delmas demande un vote de confiance à l’Assemblée nationale. Il l’obtient avec une majorité de 368 voix « pour » et 96 « contre ». Toutefois, en raison de divergences avec le Président Georges Pompidou, il est conduit à annoncer sa démission le 5 juillet 1972.

En 1995, il annonce son retrait de la vie politique après 47 ans en tant que député de la Gironde, dont 16 ans au « perchoir ». À l’initiative du Bureau, le 12 novembre 1996, Philippe Séguin, Président de l’Assemblée nationale, proclame Jacques Chaban-Delmas Président d’honneur. « Ces fonctions, il les a marquées de la forte empreinte de sa personnalité. Il les a exercées pleinement, jusqu’à littéralement les incarner » dira Philippe Séguin, en lui remettant cet honneur qui n’avait été accordé qu’à Édouard Herriot avant lui.

Jacques Chaban-Delmas s’éteint le 10 novembre 2000 à son domicile à Paris.

Raymond Forni, Président de l’Assemblée nationale, déclare lors de l’apposition d’une plaque à son nom dans l’hémicycle « Le nom de Jacques Chaban-Delmas évoque immédiatement les mots de résistance, conviction, courage, fidélité. Jacques Chaban-Delmas, c'est un peu de la France qui part aujourd'hui. C'est pour moi le plus grand Président de l'Assemblée nationale que nous ayons eu ».

Voir sa fiche biographique

Voir son discours du 16 septembre 1969 sur la "Nouvelle Société"