Séance du jeudi 30 janvier 2025
- Présidence de M. Jérémie Iordanoff
- 1. Respect à l’importation de normes de production équivalentes aux normes applicables dans l’Union européenne
- Présentation
- Mme Mélanie Thomin, rapporteure de la commission des affaires économiques
- M. Dominique Potier
- M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger
- M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
- Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Vote sur l’ensemble
- Présentation
- 2. Refus de ratifier l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur
- Présentation
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article unique
- Amendements nos 12, 8, 13, 3, 14 et 4, 5
- Sous-amendement no 15
- Amendements nos 7, 2, 6, 10 rectifié, 9 rectifié et 11 rectifié
- Article unique
- Vote sur l’article unique
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Jérémie Iordanoff
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Respect à l’importation de normes de production équivalentes aux normes applicables dans l’Union européenne
Discussion d’une proposition de résolution européenne
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne de M. Dominique Potier et plusieurs de ses collègues relative à l’adoption et à la mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (nos 287, 533, 627).
Présentation
M. le président
La parole est à Mme Mélanie Thomin, rapporteure de la commission des affaires économiques.
Mme Mélanie Thomin, rapporteure de la commission des affaires économiques
Dans une région comme la mienne, la Bretagne, on sait ce que notre essor économique et agricole doit à l’Europe. L’Union européenne (UE) est, incontestablement, l’une des plus grandes réussites politiques du siècle passé. Dans le siècle présent, elle demeure la garante de nos valeurs et constitue le principal levier de notre puissance, y compris agricole.
Mais force est de constater que jamais nos filières agricoles n’ont été aussi menacées. Et jamais l’Europe n’a autant manqué au devoir de les protéger. La reconfiguration du commerce mondial, poussée par l’émergence de fermes géantes et peu coûteuses aux quatre coins de la planète, met en péril le revenu de nos agriculteurs et la souveraineté de nos approvisionnements alimentaires.
Plus récemment, le retour à la Maison-Blanche de Donald Trump, qui défend une conception brutale et déloyale des échanges et un protectionnisme outrancier, place l’Union face au défi d’une réglementation juste et intelligente.
Dans ce contexte, l’adoption de l’accord sur le Mercosur, que la Commission européenne tente d’obtenir malgré l’opposition répétée de la France, apparaîtrait à la fois hors de propos et dangereuse : hors de propos à l’heure où l’agriculture française souffre déjà de multiples distorsions de concurrence, liées à l’inadaptation du cadre juridique européen et international ; dangereuse car l’adoption de l’accord accroîtrait ces distorsions et ruinerait certaines de nos filières.
S’il est adopté, l’accord conduira à la disparition de 37 000 emplois dans la filière du bétail et de la viande. Il portera un coup d’arrêt presque fatal à la filière sucrière française, dont le débouché sera réduit de 190 000 tonnes.
Face à ces dangers, je me félicite de l’adoption à l’unanimité de notre proposition de résolution européenne en commission des affaires économiques. Notre travail est le fruit de l’engagement de l’ensemble du groupe Socialistes et apparentés, et plus particulièrement de Dominique Potier, que je salue.
Que contient cette proposition de résolution ? C’est d’abord un appel à mettre fin aux distorsions de concurrence, qui pénalisent gravement notre agriculture. Nous proposons d’écrire les fondements d’un commerce plus juste, basé sur la réciprocité, d’aller plus loin dans l’harmonisation des normes environnementales et sanitaires entre États membres, de généraliser le recours à des mesures miroirs universelles et efficientes – y compris en matière sociale – dans nos échanges et d’inverser la charge de la preuve concernant le respect de ces mesures miroirs – c’est l’Union européenne qui en assure aujourd’hui le contrôle.
Cette proposition réaffirme, ensuite, notre opposition à toute scission de l’accord avec le Mercosur. Une telle scission, qui consisterait en la séparation de l’accord d’association et de l’accord commercial serait un désaveu démocratique : l’accord commercial relevant exclusivement de la compétence de la Commission, celle-ci pourrait s’affranchir du vote des États membres.
Chers collègues, nous devons tenir un discours de vérité. Comme moi, vous êtes chaque jour au contact des Françaises et des Français ; vous connaissez les préoccupations, les doutes et les attentes fortes de nos agriculteurs et du monde paysan ; vous savez combien d’emplois directs et indirects compte ce secteur.
Ensemble, portons la voix de nos circonscriptions au Parlement européen. Dans la bataille contre l’accord avec le Mercosur, il s’agit de donner des armes concrètes à nos parlementaires européens pour défendre la position de la France avec force.
Démontrons que, de l’unité de l’Assemblée nationale française, peuvent naître des solutions concrètes au service de tous les Européens, puisque notre souveraineté alimentaire figure au rang de nos intérêts vitaux.
Je vous appelle à poursuivre le mouvement de protestation et d’espoir engagé avec cette proposition de résolution européenne. Je vous appelle à renouveler votre soutien unanime aux mesures de bon sens que nous défendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, au nom de la commission des affaires européennes.
M. Dominique Potier
Nous sommes à un moment de bascule et de choix : logique trumpiste – qui érige, dans la vie publique et les relations internationales, la violence et les rapports de force en règle – ou logique du partage et de la coopération. Nous devons opter pour une compétition mortifère ou pour une union européenne fondée sur la coopération.
Une telle coopération exige des normes et de la justice, ici, et ailleurs. Ces normes, la France les défend dans la tradition des Lumières, quand l’Europe, après la Shoah et dans les pas de Schumann ou de Delors s’inscrit dans une tradition humaniste.
Ces normes nous permettent de vivre et de commercer, dans un esprit de justice. Il est devenu commun de les critiquer. Bien sûr, on peut les simplifier ou les appliquer plus efficacement, avec souplesse et humanité. Mais les remettre en cause, c’est remettre en cause les limites que nous nous fixons pour protéger notre humanité et notre fraternité, ainsi que la planète et nos écosystèmes – nos assurances vie.
Tous les spécialistes de l’agriculture et de l’alimentation le répètent : seule une politique de coopération, de lutte contre l’accaparement des terres, de partage de la valeur, d’échanges justes permettra de nourrir 10 milliards d’habitants en 2050.
Une telle ambition est possible, grâce aux terres et aux paysans du monde entier. Mais, pour atteindre cet objectif, il faut des normes, des règles. C’est ce qui nous réunit aujourd’hui. Les normes pour lesquelles nous plaidons ne sont ni nationalistes, ni européocentrées, il ne s’agit pas d’un miroir du trumpisme : elles sont fondées sur des valeurs universelles.
Nous proposons simplement que les normes européennes s’imposent à ceux qui veulent exporter des produits et des services vers Europe, qu’on applique un principe de réciprocité en matière commerciale.
Notre proposition de résolution européenne réaffirme avec force et clarté, et sans ambiguïté, notre opposition à toute scission du processus d’adoption de l’accord avec le Mercosur. Il faut que les parlements et les nations aient le dernier mot car il s’agit d’un accord politique majeur, dont les implications politiques, écologiques et en termes de droits humains sont importantes.
Nous formulons cinq propositions. J’y insiste, il s’agit de fixer des règles européennes universelles afin de réguler les échanges commerciaux au-delà des accords avec certains pays ou régions, comme c’est le cas dans le cadre du Mercosur.
Nous souhaitons mettre fin aux limites de tolérance en matière de pesticides pour les produits importés. En réciprocité, il nous semble utile d’interdire l’exportation depuis l’Europe de produits, mais également de substances, qui sont interdits sur le territoire européen.
Nous préconisons également une harmonisation, très attendue par nos agriculteurs, des principes et des règles européennes en matière sanitaire et environnementale.
Nous proposons une réforme du règlement no 1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, dit règlement Inco, afin de mieux identifier l’origine territoriale, régionale, nationale, voire européenne des produits.
Mais la principale proposition concerne les mesures miroirs. Méfions-nous des mesures façon miroirs aux alouettes, forme d’illusion ou de fiction qui encourage les plus libéraux et leur permet de justifier une extension infinie du commerce mondial.
Avec force et humilité, après un long travail, le groupe Socialistes et apparentés plaide quant à lui pour de véritables mesures miroirs. Notre réflexion fait suite aux conclusions de la commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre ses objectifs de réduction de l’utilisation des pesticides.
Notre agriculture ne deviendra pas durable et nous ne pourrons nous affranchir des pesticides et des intrants si nous sommes concurrencés par des agricultures qui ne respectent pas les mêmes normes que nous. C’est un principe de base !
Nous savons que les contrôles dans les ports et les aéroports sont lacunaires – les douanes et les services chargés des contrôles sanitaires le confirment. Nous sommes donc faillibles et nos mesures, mal appliquées.
C’est pourquoi il faut inverser la charge de la preuve, et obliger nos partenaires commerciaux à prouver que leurs moyens de production respectent nos normes. Il s’agirait d’imposer une certification par un organisme tiers, agréé par l’Union européenne, l’échelon européen étant le seul pertinent.
C’est un acte d’amour pour les paysanneries de nos territoires, le Toulois et le Saintois pour moi, mais aussi de Lorraine, de Bretagne ou d’Occitanie. C’est surtout un acte d’amour pour la paix et pour les paysans du monde.
Nous défendons à la fois les principes de réciprocité, de fraternité, d’égalité, de juste commerce et de justes échanges, seuls garants d’une alimentation sûre et durable, elle-même facteur de paix dans le monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Je salue le choix de votre assemblée de mettre à l’ordre du jour un sujet aussi important que la réciprocité en matière de normes sanitaires et environnementales.
En matière agricole, nous avons progressivement mis en place des normes exigeantes, et nos producteurs ont su s’adapter pour faire évoluer leurs pratiques, au bénéfice de la santé de nos consommateurs et en faveur de l’environnement.
Nous devons reconnaître et valoriser les efforts importants qu’ils ont consentis. La ligne du gouvernement est claire : ces efforts ne doivent pas donner lieu à ce que nous pourrions qualifier des fuites environnementales.
Il ne s’agit bien sûr pas de remettre en cause les objectifs sanitaires et climatiques ambitieux de l’Union européenne, dans l’intérêt de tous. Il ne s’agit pas non plus de remettre en question les bénéfices des accords commerciaux pour nos entreprises et notre économie.
La France demeure une grande puissance agricole mondiale : nous sommes le sixième exportateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires ; nos exportations génèrent un chiffre d’affaires de l’ordre de 85 milliards d’euros et un excédent commercial d’environ 9 milliards d’euros.
Ces chiffres sont le résultat d’une équation simple : des accords bien ficelés constituent des débouchés précieux pour nos filières. Mais soyons cohérents : nos efforts sanitaires et environnementaux ne devraient pas être mis à mal par une hausse des importations en provenance de pays moins ambitieux en la matière.
C’est pourquoi la France s’est engagée en faveur des mesures miroirs, avec des résultats convaincants. Le président de la République s’est exprimé sans ambiguïté lors de la dernière Conférence des ambassadrices et des ambassadeurs.
Une mesure miroir, c’est l’application, aux produits importés de tout pays tiers, de standards environnementaux et sanitaires européens qui portent sur les processus de production, étant entendu que les normes qui concernent les produits eux-mêmes s’appliquent à tous les produits mis sur le marché européen, importés ou non. Au fond, il s’agit tout simplement d’exiger la réciprocité. J’entends parfois que ces mesures miroirs sont inscrites dans nos accords de commerce, qu’elles seraient des « clauses miroirs ». Ce n’est pas le cas. Elles sont inscrites directement dans les règlements ou les directives sectoriels de l’Union européenne, si bien qu’elles s’appliquent à tous les producteurs qui souhaitent vendre leurs produits sur le marché européen, quel que soit le pays tiers d’origine.
C’est d’ailleurs là toute leur puissance : plutôt que d’être liées à un accord, et par là, à une négociation, elles s’appliquent à tous les pays tiers et ne sont donc la contrepartie d’aucune concession de notre part.
Il est vrai que nous avons obtenu des résultats convaincants. Notre première victoire remonte aux années 1990, avec l’instauration de l’interdiction des hormones de croissance. Depuis, notre arsenal s’est considérablement renforcé.
Ainsi, l’interdiction de l’accès au marché de l’Union européenne de produits animaux traités avec certaines hormones de croissance a été étendue en janvier 2022 à l’interdiction d’importer les animaux et les produits animaux traités avec des antimicrobiens activateurs de croissance ou qui augmentent le rendement des animaux, ainsi qu’avec des antimicrobiens réservés au traitement de certaines infections chez l’homme. Comme vous, j’attends avec impatience l’entrée en application de ces dispositions en 2026, mais sachez que, pour l’heure, les autorités françaises ont interdit l’introduction, l’importation et la mise sur le marché en France de ces produits.
Il sera interdit d’importer des produits agricoles contenant des traces de deux néonicotinoïdes néfastes pour les pollinisateurs : la clothianidine et le thiaméthoxame. Il s’agit plus précisément d’abaisser les limites maximales de résidus (LMR) pour ces substances au niveau le plus bas pouvant être mesuré, pour les importations de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux. Le règlement présentant cette interdiction, adopté et publié le 2 février 2023, entrera en application le 7 mars 2026.
Très récemment, un nouveau règlement a également abaissé la LMR du thiaclopride, un autre néonicotinoïde, avec effet à partir de mai 2025.
Dans un autre registre, je rappellerai deux mesures miroirs très importantes, fortement soutenues par la France. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, en miroir du marché d’échange de quotas carbone européen, est entré en vigueur et montera en charge entre 2026 et 2034. Quant au règlement « zéro déforestation », c’est-à-dire l’interdiction de mise sur le marché de sept produits de base et de certains de leurs dérivés ayant provoqué déforestation ou dégradation des forêts, il convient d’en assurer la bonne application avant de songer à en étendre le champ. Il faut reconnaître que les producteurs, tant au sein de l’UE que dans les pays tiers, ont besoin d’un temps d’adaptation : c’est précisément pour cela que la France a accepté de reporter d’un an son entrée en vigueur, prévue pour fin décembre 2025.
Notre engagement en faveur des mesures miroirs est donc constant. Nous rappelons notre exigence que figurent régulièrement des mesures miroirs dans la réglementation européenne – comme j’ai d’ailleurs pu le faire lors de mon entretien avec le commissaire chargé du commerce quand j’ai pris mes fonctions. Je continuerai, nous continuerons à le faire dans les prochains mois, en particulier si de nouvelles normes devaient être envisagées – je pense aux réflexions en cours sur le bien-être animal. À la lumière de cet engagement je ne peux que souscrire à une grande partie des propositions contenues dans ce texte.
J’y apporterai néanmoins deux réserves principales. La première est d’ordre technique et concerne les LMR. Je l’ai évoqué, nous travaillons à leur réduction s’agissant des néonicotinoïdes. L’objectif est de voir si nous pouvons abaisser les LMR applicables aux produits importés, pour les substances interdites au sein de l’Union européenne, à la fois pour les flux et pour le stock. Ce chantier de révision a d’ailleurs été encouragé par les autorités françaises et doit passer par une évolution du règlement relatif aux limites maximales de résidus, pour trente-six substances.
Toutefois, une réduction des LMR à la limite de détection ne saurait être immédiate et systématique. D’une part, un délai est nécessaire pour l’adaptation des pays exportateurs, c’est une pratique constante en cas d’évolution réglementaire tant dans l’Union européenne que vis-à-vis des pays tiers. D’autre part, chaque substance doit être étudiée au cas par cas, à la fois parce que certaines LMR sont fixées par des corpus internationaux qui nous engagent au niveau européen, mais aussi parce que certaines tolérances peuvent être justifiées. La suppression des tolérances à l’importation pour toutes les substances interdites dans l’UE ne peut être absolue : certaines substances ne sont pas autorisées dans l’UE mais font l’objet d’une tolérance à l’importation, par exemple parce qu’elles sont nécessaires à la production dans d’autres géographies et sous d’autres climats. Reste qu’en aucun cas ces tolérances à l’importation ne doivent mettre en danger la santé humaine. C’est une condition absolument nécessaire qui doit être respectée avant d’envisager cette tolérance.
Ma seconde réserve, plus générale, est d’ordre stratégique. Les mesures miroirs doivent être bien calibrées et non systématiques. Toute norme n’a pas vocation à être accompagnée d’une mesure miroir : si on cherchait à imposer l’ensemble de nos conditions de production aux autres pays tout le temps et en tout lieu, et si les pays tiers cherchaient à faire de même, on aboutirait à un blocage du commerce international.
Je soutiens les mesures miroirs à la lumière de trois exigences. D’abord, elles doivent être pertinentes. La France promeut à Bruxelles la mise en place d’un « réflexe mesure miroir » visant à ce que la Commission examine l’intérêt d’une éventuelle extension aux importations de ses normes de production.
Ensuite, elles doivent être conformes aux règles internationales en matière de commerce. Elles doivent ainsi viser des objectifs de santé ou environnementaux globaux. Je me permets d’ailleurs une incise : bien que souvent décriées, les normes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) nous sont bien utiles. Sans naïveté, sans aveuglement, le cadre multilatéral du commerce international peut, et doit, être réformé, mais il ne doit certainement pas disparaître. Il est dans notre intérêt de nous inscrire dans ce cadre – vous l’avez dit, monsieur Potier, nous avons besoin de normes, de règles dans le commerce international. Ainsi, une mesure miroir concernant des normes de commercialisation serait contraire aux règles de l’OMC. Par ailleurs, une mesure miroir sur des normes sociales ne serait compatible avec les règles de l’OMC que dans certains cas précis, clairement délimités.
Enfin, les mesures miroirs doivent être applicables et appliquées.
Nous nous rejoignons donc déjà, une fois exprimée cette réserve d’ordre stratégique. Comme vous, nous considérons que l’application des mesures miroirs est un réel enjeu et, à ce titre, le gouvernement ne peut que souscrire à la proposition de la rapporteure et de M. Potier de commencer par un travail d’harmonisation interne à l’Union européenne. Ainsi, une harmonisation accrue des procédures d’autorisation de mise sur le marché (AMM), pour éviter les distorsions réglementaires entre États membres, est nécessaire. Ce principe a été défendu lors des négociations sur le règlement sur l’utilisation durable des pesticides et demeure une priorité.
De la même manière, la proposition de résolution évoque à raison la possibilité du renversement de la charge de la preuve. Nous ne pouvons qu’y adhérer – d’autant plus que c’est précisément la pratique actuelle. Par exemple, la mise en place de la mesure miroir relative à l’interdiction d’importer des viandes bovines d’animaux traités avec des antimicrobiens favorisant la croissance ou le rendement s’accompagne bien de la mise en place de certificats et d’une liste de pays autorisés à exporter.
Par ailleurs, nous rejoignons la recommandation de la rapporteure et de M. Potier qui appellent à une révision du règlement Inco. Nous regrettons, comme vous, que l’étiquetage de l’origine ne soit obligatoire, à l’heure actuelle, que pour un nombre restreint de produits.
Enfin, et surtout, je souhaite comme vous mettre l’accent sur les contrôles. Ils existent déjà à toute étape de la chaîne, des vérifications sont menées par les autorités européennes elles-mêmes pour s’assurer de la conformité de la production à l’aune des normes internationales et européennes. Ces vérifications prennent la forme d’audits sur pièces et sur place, dans les établissements des pays tiers, de contrôles des produits provenant des pays tiers, aux points de contrôle frontalier de l’Union européenne, et de contrôles sur le marché européen.
Si une non-conformité majeure démontrant le non-respect de normes sanitaires internationales et de l’UE est relevée à la suite des conclusions des audits, et en l’absence de prise de mesures correctrices, la Commission peut bloquer les importations ou ne plus renouveler les agréments des établissements en cause. Par ailleurs, si cette non-conformité est observée au stade du contrôle aux frontières, alors les produits sont soit détruits sur place, soit retournés vers le pays tiers sans entrer au sein de l’UE.
Ces contrôles existent donc et, comme vous le faites justement remarquer, ils doivent être plus nombreux et leurs conclusions davantage suivies d’effets. C’est un constat que nous avions fait s’agissant du Canada dans le cadre des débats sur l’Accord économique et commercial global (Ceta), mais il est valable pour les autres pays tiers. Je pense en particulier à une non-conformité majeure observée en 2024 dans le fonctionnement du système de contrôle du Brésil relatif à l’interdiction d’utilisation de certains médicaments vétérinaires promoteurs de croissance dans les élevages de bovins dont la viande est destinée au marché de l’UE. C’est inacceptable et nous demandons à la Commission de multiplier les audits dans les pays tiers et de renforcer le suivi des mesures correctives.
Je ne peux que souligner la grande convergence de vues entre le gouvernement et l’Assemblée en ce qui concerne les mesures miroirs, même si nous apportons des nuances à certaines dispositions du texte. C’est un combat que les membres du gouvernement, en particulier Annie Genevard, ministre de l’agriculture, mèneront en commun. Nous soutenons donc cette proposition de résolution.
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Je tiens en préambule à saluer la rapporteure de la commission des affaires économiques et Dominique Potier, de la commission des affaires européennes, à l’initiative de ce texte. C’est une très bonne chose que nous puissions avoir des débats de fond sur les sujets européens et internationaux, débats qui font parfois défaut ici.
La proposition phare que vous défendez est celle d’une inversion systématique de la charge de la preuve du respect des mesures miroirs. Il s’agit d’imaginer une solution alternative constructive pour s’assurer du respect, par les exportateurs de produits agricoles des pays tiers, des exigences sanitaires, environnementales et sociales de l’Union européenne. Cette proposition de résolution a une ambition : celle d’un commerce plus équitable, d’un libre-échange plus durable, mais aussi d’une Europe qui sait se faire respecter et défend ses standards. Au moment où nos normes, en particulier environnementales, sont contestées, cette philosophie est essentielle.
Nous connaissons en effet les réalités qui se cachent derrière ces contestations. C’est la réalité des agriculteurs, qui manifestent depuis des mois devant le Parlement européen contre le projet d’accord avec le Mercosur – et avec raison –, qui subissent une concurrence trop souvent déloyale, en provenance de pays jouant au même jeu sans les mêmes règles, qui déplorent que les trop rares mesures miroirs en vigueur ne soient pas respectées – ici aussi ils ont raison. C’est la réalité des entreprises, concurrencées, écrasées parfois par la bureaucratie européenne, étranglées par le manque d’investissements et par des entreprises extra-européennes qui ne respectent presque aucune règle.
Je prends prétexte de ce débat pour revenir sur les annonces faites hier par la Commission européenne en matière de compétitivité et qui me semblent aller dans le bon sens : nous avons besoin de renforcer la compétitivité et l’industrie européennes dès lors que nos concurrents, dans le monde, ont commencé à nous distancer. La Commission a raison de vouloir jeter les bases qui permettront à nos entreprises de retrouver leur avantage concurrentiel et de garantir une économie juste, forte, ouverte et résiliente. Et, oui, la Commission a raison de s’attaquer au fardeau bureaucratique qui pèse sur la compétitivité de nos entreprises. C’est notre autonomie stratégique qui est en jeu.
Mais ne nous méprenons pas : devenir plus compétitifs ne signifie pas renoncer à nos objectifs environnementaux. Bien au contraire, leur réalisation nous donnera une longueur d’avance dans la course à la transition écologique et numérique. Simplifier oui, déréguler non.
Et je le dis ici : l’opposition croissante de plusieurs États membres à la directive concernant la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) et à la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D), notamment, ne va pas du tout dans le bon sens. C’est la France qui a défendu et obtenu ces avancées au niveau européen ces dernières années. (M. Dominique Potier applaudit.) Amorcer un mouvement dans lequel nous irions défaire des réglementations et des normes n’est pas acceptable. Nous devons l’affirmer ici clairement et ce sujet mériterait un débat de fond plus ample que celui-ci.
M. Dominique Potier
Tout à fait !
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Au moment où une musique anticlimat prend de l’ampleur en Europe, notre réponse ne peut pas être de détricoter les normes que nous avons bâties collectivement. Cela mettrait en danger la lutte contre le dérèglement climatique et freinerait l’adaptation de nos économies.
Regardons autour de nous : la nouvelle administration Trump envisage de relancer la guerre douanière et assume un patriotisme commercial agressif ; la Chine pratique un libre-échange à sens unique selon des standards bien inférieurs aux nôtres et attaque les entreprises européennes. Alors que les crises climatiques et agricoles s’intensifient, il paraîtrait insensé de déréguler de manière aveugle et d’affaiblir nos ambitions environnementales.
Évidemment, l’Europe ne peut être vertueuse seule. Son problème, cependant, n’est pas d’être ambitieuse pour le climat : c’est de ne pas suffisamment investir et de ne pas savoir imposer ses exigences sanitaires et sociales. Nous devons donc appliquer nos législations, en simplifiant, mais aussi en ayant une politique industrielle plus assumée, avec davantage d’innovations et d’investissements dans les secteurs clefs de demain – les cleantech, la greentech, l’intelligence artificielle (IA)… – ; nous devons aussi conserver les objectifs environnementaux ambitieux que nous nous sommes fixés pour 2035 et 2050. Les deux doivent aller de pair. C’est ainsi que nous pourrons avancer, certainement pas en dégradant les standards pour lesquels la France s’est battue durant de nombreuses années à Bruxelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
La commission des affaires économiques a souhaité se saisir de cette proposition de résolution européenne parce qu’elle est essentielle pour l’avenir des agriculteurs et que les questions agricoles nous tiennent particulièrement à cœur. Après qu’elle a été présentée en commission des affaires européennes par Dominique Potier, dont je salue l’initiative, nous l’avons examinée sur la base du rapport de Mélanie Thomin, laquelle a su l’enrichir.
Je me réjouis que la conférence des présidents ait bien voulu programmer son examen, conjointement avec celui de la proposition de résolution non moins importante d’Arnaud Le Gall, invitant le gouvernement à ne pas ratifier l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur.
En réalité, les deux textes sont étroitement liés : il s’agit d’empêcher la concurrence déloyale avec des pays dont les entreprises ne respectent pas un minimum de règles sociales et environnementales et d’éviter le règne de règles moins-disantes, qui nous forcerait à toujours niveler par le bas. Cela concerne au plus haut point l’État et la façon dont nous concevons nos politiques commerciales.
Nous devons nous garder de toute naïveté et de toute faiblesse à l’égard des pratiques économiques et commerciales de certains États, car il y va de notre transition écologique et de nos règles sociales et environnementales, que nous avons mis des décennies à élaborer.
Le texte identifie trois sources de distorsion de la concurrence : l’absence de règles s’appliquant aux produits importés dans l’Union européenne, l’absence d’harmonisation des normes au sein de l’Europe, un régime de contrôle des importations largement lacunaire.
En réponse, il faudrait changer de logiciel et opter pour des approches commerciales plus réalistes, moins naïves et moins marquées par l’idéologie néolibérale, laquelle domine dans la façon dont l’Union européenne conçoit ses politiques commerciales. Il est regrettable qu’elle soit marquée par une vision complètement dépassée du commerce international, dont les conséquences tragiques frappent nos agriculteurs : 18 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté ; le revenu agricole, déjà en baisse l’année dernière, continue de diminuer ; les agriculteurs, des filières bovine et sucrière notamment, sont en train de couler.
L’Europe ne peut pas être la seule région du monde à s’appliquer à elle-même des règles contraignantes, pendant que d’autres profitent de la concurrence déloyale et mettent en place des législations protectrices. Je pense au Brésil, à la Chine, qui mène une politique de stockage de ses céréales, ou aux États-Unis, qui encadrent le prix des denrées et les revenus agricoles. Alors que nous nous interdisons de le faire, au nom de la libre concurrence, ces pays ont compris qu’il fallait davantage réguler leurs marchés et protéger leurs frontières en matière commerciale. À contretemps, l’Europe et la France préfèrent continuer de déréguler, au détriment de l’agriculture et de l’industrie.
Je remercie Dominique Potier, Mélanie Thomin et Arnaud Le Gall d’avoir bien voulu, avec leurs propositions de résolution, mettre cette situation en évidence et œuvrer pour que le gouvernement et l’Union européenne défendent beaucoup plus fermement l’exigence et l’avenir de notre modèle agricole. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS, ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. Dominique Potier
Bravo !
Discussion générale
M. le président
La parole est à Mme Marie-José Allemand.
Mme Marie-José Allemand
Pour l’agricultrice que je suis, c’est un honneur d’être à cette tribune pour défendre nos agriculteurs. Je suis fière de relayer leurs inquiétudes, que je connais bien et que je partage. Elles sont d’abord provoquées par la concurrence déloyale abyssale à laquelle ils font face et qui ne sévit de la sorte dans aucun autre secteur de l’économie française.
Combien de fois les agriculteurs ont-ils découvert sur les marchés des fruits importés traités avec des substances interdites en France ? On estime à 25 % la part des produits agricoles importés qui ne respecteraient pas les normes pourtant imposées aux producteurs français.
Sans un coup d’arrêt, cette concurrence déloyale mettra en grand péril l’agriculture française. Pour certaines productions, la tendance est déjà largement engagée : près de la moitié du poulet que nous consommons est importée, contre 25 % en 2000.
Cette proposition de résolution vise tout d’abord à dire à nos agriculteurs que nous n’admettons aucune ambiguïté face aux excès du libre-échange qui dérégule et fait souffrir le monde agricole. Dans ce contexte, notre opposition à l’accord avec le Mercosur a toujours été constante : il ne respecte aucune des conditions démocratiques, économiques, environnementales et sociales que nous sommes en droit d’attendre d’un accord de libre-échange.
Sur le fond, cet accord, en ouvrant notamment le marché européen à des denrées produites selon des standards largement inférieurs à ceux qui s’imposent aux producteurs français, ne viendrait qu’aggraver les distorsions de concurrence existantes. Il aurait également des conséquences sur les revenus et le niveau d’emploi dans les secteurs agricole et agroalimentaire.
Sur la forme, nous rappelons notre opposition à toute tentative de scission de l’accord, qui conduirait à s’affranchir du vote des parlements nationaux. L’accord sur le Mercosur est un accord mixte, il relève à la fois de la compétence exclusive de l’Union européenne et des compétences qu’elle partage avec les États membres.
À ce titre, l’intégralité de l’accord devrait être soumise à la procédure de ratification, c’est-à-dire à un vote à l’unanimité des États membres au Conseil, puis à un vote au Parlement européen, enfin à une ratification par l’ensemble des parlements nationaux. C’est le sens de l’amendement adopté lors de l’examen en commission.
Cette proposition de résolution n’est pas seulement un texte d’opposition. Elle se donne pour objectif, c’est tout son mérite, de formuler des propositions qui esquisseraient un chemin pour améliorer durablement la situation du monde agricole. À cet égard, je tiens à remercier Dominique Potier pour son travail de longue date sur ces questions.
Nous proposons de généraliser le recours aux mesures miroirs, plus larges que les clauses miroirs, afin de garantir que les produits importés respectent des normes de production conformes aux exigences européennes. Ces mesures sont des dispositions intégrées dans la législation européenne, qui permettent d’appliquer les normes européennes aux produits importés de l’ensemble des pays tiers, et non aux seuls pays liés par un accord de libre-échange.
Nous proposons ensuite d’inverser la charge de la preuve du respect des mesures miroirs par les opérateurs exportant leurs produits depuis des pays tiers. Nous tirons ce faisant les leçons de l’inefficacité du système de contrôle actuel et suggérons de lui substituer une obligation pesant sur les pays tiers. Concrètement, les opérateurs économiques qui exportent vers l’Union européenne auraient l’obligation de faire certifier leurs conditions de production et de transformation par un organisme tiers, lui-même agréé par l’Union européenne.
Nous souhaitons imposer des limites résiduelles égales à zéro pour les produits phytopharmaceutiques déjà interdits au sein de l’Union européenne. Concrètement, il s’agit de faire en sorte que les mêmes mesures s’appliquent aux produits importés et aux produits européens.
Nous proposons aussi d’agir sur la concurrence déloyale intra-européenne, en harmonisant la mise en œuvre des normes environnementales et sanitaires entre les États membres.
Enfin, nous souhaitons étendre le recours aux indications d’origine, actuellement très perfectible. En effet, l’indication de l’origine n’est applicable qu’à un nombre limité de produits et seule l’indication « UE » ou « non UE » est considérée comme conforme au droit européen.
Je ne doute pas que notre assemblée trouvera un consensus sur cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. le président
La parole est à M. Jérôme Nury.
M. Jérôme Nury
La proposition de résolution européenne que nous examinons met en lumière des enjeux primordiaux pour nos agriculteurs et indique clairement que nous sommes nombreux à rejeter l’accord avec le Mercosur.
Le texte, porté avec énergie et conviction par Dominique Potier et Mélanie Thomin, souligne que l’agriculture européenne, a fortiori française, fait indéniablement face à des concurrents qui jouent avec des règles du jeu inéquitables, et dont une part importante des productions importées ne respectent pas nos normes.
Dans le cadre de l’accord avec le Mercosur, les efforts exigés des producteurs brésiliens ou argentins ne sont pas à la hauteur des exigences environnementales et sanitaires défendues par l’Europe. À cet égard, le texte propose que les importations en provenance de pays extraeuropéens, en particulier pour les produits alimentaires et phytosanitaires, respectent les normes européennes, que des clauses miroirs soient mises en place et que les contrôles existants soient renforcés.
Nous soutenons totalement ces mesures. Nous nous associons pleinement à cette volonté politique forte. Nous devons combattre la concurrence déloyale organisée.
Je tiens à rappeler le cri du cœur de nos agriculteurs et la colère qu’ils expriment depuis des années. Nous devons prendre en considération leurs revendications légitimes. L’affaiblissement de notre secteur agricole n’est pas inexorable. Pour résister et sauver notre agriculture, il nous faut de la volonté politique et la soutenir coûte que coûte.
Face à l’injustice qu’il constitue, nous sommes bien évidemment en faveur du rejet de l’accord avec le Mercosur. Cependant, sur la question plus spécifique de la concurrence intraeuropéenne, au lieu d’alléger la situation de nos agriculteurs, nous craignons que ce texte ne défende des mesures trop contraignantes et finisse par pénaliser notre production.
En effet, vous plaidez pour une harmonisation par le haut des normes entre les États membres. Nous ne voulons pas que la France, déjà pionnière en matière de surtransposition au sein de l’Union, devienne un labyrinthe normatif pour nos agriculteurs.
La perte de compétitivité de la France est notable. Les importations agricoles sont en hausse, leur part dans l’alimentation est désormais de 20 %. Dans ce contexte, les pays membres de l’Union européenne seraient-ils réellement prêts à adopter des normes agricoles aussi strictes que celles de la France ? Nous craignons qu’une telle philosophie fragilise l’ensemble de la filière agricole européenne.
Ne serait-il pas préférable de revoir certaines normes jugées excessives, qui pèsent sur l’activité économique et la compétitivité de nos agriculteurs, tout en préservant les standards essentiels pour notre environnement et notre santé ?
Bien sûr, nous devons travailler ensemble pour un avenir dans lequel nos normes garantiront la qualité des produits alimentaires et préserveront la santé des Français. La Droite républicaine ne s’opposera pas à cette proposition de résolution européenne.
À titre personnel, je m’interroge quant à la pertinence d’un tel texte face à un hémicycle vide. Nous allons discuter toute la matinée d’un texte incantatoire, fait de vœux pieux et qui ne servira à rien. Nous ne décidons de rien, puisque c’est l’Union européenne qui a la responsabilité de ces sujets et qui votera.
M. le président
La parole est à M. Nicolas Bonnet.
M. Nicolas Bonnet
Nous examinons aujourd’hui un texte important, qui entend s’attaquer à la crise agricole et plus particulièrement à la distorsion de concurrence entre nos agriculteurs et les producteurs extra-européens, qui ne respectent pas les mêmes normes. Je dirais plutôt qu’ils ne respectent pas les règles communes que nous appliquons, tant le terme de « normes » est aujourd’hui dévalorisé.
Cette différence de normes alimente, chez les agriculteurs, un sentiment d’injustice qui, tout en étant justifié, constitue le terreau d’une certaine démagogie. Nous devons donc choisir entre ce qui est simple et ce qui est juste. Ce qui est simple, c’est de considérer que le problème vient de normes trop nombreuses et qu’il faut les supprimer. Ce qui est juste, c’est d’examiner les raisons pour lesquelles ces normes sanitaires, environnementales et sociales ont été instaurées et de nous demander si nous sommes réellement prêts à renoncer aux bénéfices, nombreux, que nous en tirons.
Qui peut contester que l’utilisation excessive de pesticides a accru la prévalence de certaines maladies, notamment des cancers, dont les agriculteurs sont les premières victimes ? Qui peut contester le fait que ne pas tenir compte de la capacité d’absorption des sols, c’est accroître le risque d’inondations ? Qui peut contester que la production et l’utilisation des engrais azotés, émettrices de gaz à effet de serre (GES), contribuent à l’accélération du changement climatique ?
Aujourd’hui, personne ne conteste les raisons pour lesquelles nous avons appliqué ces règles communes à notre agriculture, et leurs bienfaits. Mais regardons avec lucidité les distorsions de concurrence qu’elles induisent et traitons-les. C’est bien l’objet de la présente proposition de résolution européenne, qui vise, par des mesures miroirs, à imposer à ceux qui veulent exporter leurs productions dans l’Union européenne les mêmes règles que celles que nous nous sommes fixées.
Prenons l’exemple de l’atrazine. Cet herbicide, jugé dangereux par l’Union européenne, persistant dans le sol et dans les eaux et dont les résidus sont nocifs pour la santé humaine, se retrouve dans des produits importés. Aberration supplémentaire, alors que nous avons su nous sevrer de ce produit phytosanitaire, nous continuons à en produire et à en exporter.
Nous devons faire preuve de cohérence et obtenir l’application de mesures miroirs tout en refusant, par éthique, de produire et d’exporter ce que nous considérons comme trop dangereux sur notre territoire.
Nous remercions ceux qui ont pris l’initiative de ce texte. Il va dans le bon sens car il tend à préserver l’agriculture et l’emploi agricole, à améliorer le revenu des agriculteurs et à développer notre souveraineté alimentaire – autant d’objectifs que nous sommes nombreux à partager. Le groupe Écologiste et social soutiendra cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS ainsi que sur ceux des commissions.)
M. le président
La parole est à M. Éric Martineau.
M. Éric Martineau
C’est en Européens que nous devons penser un futur pour le commerce international, où nos intérêts stratégiques seront préservés et où l’agriculture, nos éleveurs, nos arboriculteurs et nos maraîchers ne seront pas systématiquement perdants. Ce texte, proposé par nos collègues socialistes, vient enrichir nos réflexions collectives sur la construction de la position française.
Ce n’est pourtant pas la première pierre de cet édifice. D’autres jalons ont déjà été posés, comme le blocage, dès 2019, de l’adoption de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Nous continuons d’ailleurs de soutenir le blocage de cet accord, que nous considérons comme dangereux en l’état. Je pense également au rapport Ambec, et au constat lucide du caractère obsolète du produit des négociations engagées par la Commission européenne en 1999. Je pense à la priorité fixée par le président de la République quand la France assumait la présidence de l’Union européenne, en 2022.
Ces prises de position françaises fortes, qui ont parfois été imparfaitement comprises ou mal reçues par nos partenaires européens sont le résultat d’une immense mobilisation, ici et chez nos voisins. Les syndicats agricoles et les associations environnementales, de défense des droits humains et de défense des animaux se sont unis pour nous demander d’agir en ce sens.
Le temps de la réforme est venu ! Le texte comporte plusieurs propositions que nous accueillons avec une grande bienveillance. Oui, nous devons inverser la charge de la preuve et, pour cela, travailler au niveau international, pour réformer l’OMC, et au niveau européen – le bon échelon pour agir.
Oui, nous devons imposer des mesures miroirs dans chaque nouvelle réglementation européenne pour que notre volonté de faire mieux s’impose à nos partenaires commerciaux. Oui, nous devons avoir une tolérance zéro sur les produits phytosanitaires interdits dans l’Union européenne. Oui, nous devons interdire plus complètement l’exportation de produits phytosanitaires interdits en France. Oui, nous devons renforcer le recours à l’indication d’origine. Ces positions, courageuses, nous devons les défendre auprès des autres pays membres de l’Union européenne, mais aussi de l’OMC.
Nous accueillons donc avec une grande bienveillance cette proposition de résolution. Nous devons aller vers le juste échange, qui doit conditionner la suppression ou l’abaissement sensible de droits de douane à l’élévation réelle des standards de production, sanitaires, environnementaux et sociaux de nos partenaires.
Nous sommes de fervents défenseurs d’un multilatéralisme qui ne se subit pas, mais se construit. Alors construisons-le ensemble !
Cette proposition de résolution ne doit pas rester un vœu pieux, un signal symbolique envoyé à nos agriculteurs, mais soutenir un engagement collectif. Avec mes collègues du groupe Les Démocrates, nous ne voulons pas avoir à choisir entre un repli sur soi et les conséquences quotidiennes et tragiques de la concurrence déloyale.
M. Dominique Potier
Bravo !
M. le président
La parole est à Mme Isabelle Rauch.
Mme Isabelle Rauch
Avec le groupe Horizons & indépendants, nous partageons le diagnostic de cette proposition de résolution européenne. Nous nous sommes engagés contre l’adoption de l’accord de libre-échange avec le Mercosur, car il nous semble aujourd’hui nécessaire que l’Union européenne fasse mieux respecter les mesures miroirs, pour protéger notre secteur agroalimentaire de pratiques concurrentielles peu respectueuses de l’environnement et des enjeux de santé publique.
L’Union européenne et la France sont fières de leurs normes exigeantes pour les produits alimentaires. Ces normes nous permettent de préserver le climat et de protéger la santé des consommateurs. Peu de pays, d’espaces économiques à travers le monde, peuvent se targuer d’avoir des standards aussi vertueux, mais nos agriculteurs et nos éleveurs doivent faire face à une concurrence croissante au sein de l’Union européenne et au-delà.
Nous sommes d’accord sur ce principe : l’Union européenne gagnerait à s’assurer des conditions d’une concurrence équitable, ce qui implique que les pays qui exportent vers son marché adoptent des normes de production similaires. Or l’UE ne peut et ne veut pas contrôler les méthodes de production dans les pays d’origine.
En revanche, elle peut les influencer. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières permet par exemple de promouvoir des processus de production plus propres. Le règlement de l’UE visant à lutter contre la déforestation, qui doit pouvoir s’appliquer dès aujourd’hui, repose sur le même principe.
L’UE peut aussi contrôler les limites maximales de résidus issus de pesticides interdits sur les produits qui sont échangés sur le marché européen. Nous convenons qu’une plus grande fermeté sur les limites résiduelles est nécessaire et que nous gagnerions, entre États européens, à harmoniser nos normes environnementales pour éviter toute concurrence déloyale.
Ainsi, il faut être attentif à ce qu’aucune tolérance à l’importation dans certains États membres ne remette en cause les objectifs environnementaux et de santé publique au sein de l’Union européenne.
Toutefois, il faut garder à l’esprit que notre agriculture tire une part importante de sa richesse de sa capacité à exporter et à rester compétitive. Sa compétitivité est, en grande partie, garantie par la politique agricole commune (PAC). Le secteur agroalimentaire de l’Union européenne est, par conséquent, largement excédentaire sur les marchés mondiaux.
L’application de l’ensemble des dispositions de cette proposition de résolution nous semble susceptible de constituer une entrave trop importante au commerce international, dont bénéficie l’agriculture européenne. Vous proposez l’inversion de la charge de la preuve, obligeant les opérateurs économiques qui exportent vers l’Union européenne à faire certifier leurs conditions de production et de transformation par un organisme tiers. Cette obligation concerne déjà certains biens exportés vers l’Union européenne et cette même logique a permis de définir le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE.
La généralisation de ce principe à tous les biens exportés vers l’UE, couplée à l’ensemble des dispositions de cette proposition de résolution, comporte un risque : celui de constituer une charge administrative trop importante pour l’ensemble des opérateurs, surtout si des mesures de rétorsion étaient adoptées, à des fins de protection, par des pays commerçant avec l’Europe. La capacité de notre agriculture à exporter s’en trouverait compromise.
Parce qu’il est favorable aux mesures miroirs, le groupe Horizons & indépendant ne s’opposera pas à l’adoption de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Il y a un an, Gabriel Attal, alors premier ministre, annonçait mettre l’agriculture au-dessus de tout. Or douze mois et quelques gouvernements plus tard, les agriculteurs ne perçoivent pas clairement les fruits de cette promesse.
Alors qu’ils décrient à juste titre les accords de libre-échange et la concurrence déloyale à laquelle ces derniers les exposent, on leur a annoncé, le 6 décembre, la signature du Mercosur – sans réelles perspectives d’avancées au niveau européen sur la question des clauses miroirs.
J’entends ceux qui disent que les agriculteurs français doivent composer avec de trop nombreuses normes environnementales et sanitaires et je comprends que la pertinence de ce cadre normatif fasse parfois débat, puisqu’il peut constituer une charge administrative importante pour les exploitants. Mais ce sont surtout les distorsions de concurrence qui sont contestées et contestables.
Au sein même de l’Union européenne, nos agriculteurs sont en concurrence directe avec des agriculteurs qui supportent des coûts de production et des charges moindres et sont soumis à des normes environnementales et sanitaires moins exigeantes. Loin d’être un espace protecteur, l’Union européenne est perçue comme une source d’instabilité par les exploitants.
Comme l’auteur de la proposition de résolution, nous appelons à mener un travail de recensement des normes nationales et une harmonisation de celles-ci à l’échelle européenne. Il est temps que soit instaurée une véritable concurrence libre et non faussée, condition sine qua non à l’acceptabilité de la communauté européenne et de ses institutions.
Nos agriculteurs doivent aussi faire face à l’internationalisation du marché et composer avec la concurrence de grandes puissances agricoles, telles que les États-Unis, l’Ukraine et le Brésil, dont le modèle agricole est plus extensif, productiviste et souvent bien plus dépendant des intrants et des produits pharmaceutiques que le nôtre.
En sus, les accords de libre-échange signés contribuent toujours un peu plus à la perte de compétitivité de nos agriculteurs : les clauses miroirs y sont rares et, lorsqu’elles existent, leur application est insuffisamment contrôlée. La systématisation des mesures miroirs et des contrôles, pour éviter les trop nombreux contournements actuels, n’est plus une option, c’est un impératif !
En outre, la proposition de résolution pointe à juste titre le double standard instauré par le principe de tolérance sur les limites maximales de résidus. En principe, les LMR s’appliquent de manière indifférente aux denrées produites dans l’Union européenne et à celles qui sont importées de pays tiers. Cependant, il arrive que la Commission européenne relève ces limites, au titre d’une tolérance à l’importation. Pire, ces LMR ne rendent pas nécessairement compte de l’ensemble des produits phytosanitaires utilisés dans le processus de production.
Deux raisons à cela : premièrement, tous les produits phytosanitaires utilisés dans la production végétale ou animale ne produisent pas de résidus dans les denrées qui sont commercialisées ; deuxièmement, certains importateurs recourraient à des produits « masquants », destinés à empêcher la détection des résidus lors des tests de produits agricoles. Bref, il y a là aussi une injustice à laquelle il faut remédier.
Nous partageons en outre la volonté de ne pas ratifier en l’état l’accord avec le Mercosur. Rappelons qu’à ce stade, seule Ursula von der Leyen l’a signé, et qu’il doit encore être voté par le Conseil de l’UE : nous avons donc encore la possibilité de constituer une minorité de blocage.
À plus long terme, les pistes indiquées dans la présente proposition de résolution, tel que l’inversion de la charge de la preuve, permettraient d’évoluer vers un système plus juste.
Parce qu’il est juste que l’Union européenne assure à nos agriculteurs un marché commun protecteur qui leur permette de vivre de leur travail, le groupe LIOT votera en faveur du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem ainsi que sur ceux des commissions.)
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
L’examen de la proposition de résolution intervient dans un contexte difficile pour les agriculteurs français. Pour une large part, ce texte vient décliner les recommandations – pleinement partagées par le groupe GDR – issues de la commission d’enquête dont vous avez présenté le rapport, monsieur Potier, en décembre 2023. Il y a urgence à définir les outils efficaces pour faire face au volume croissant de produits importés qui ne respectent pas les normes européennes en matière environnementale ou sanitaire.
L’insuffisance des contrôles à l’entrée des produits sur le territoire de l’UE est un problème bien connu – notamment du député du Havre que je suis –, tant au regard des critères employés que de leur ampleur. Un rapport d’information sur la sécurité alimentaire dans l’Union européenne, présenté par mon collègue André Chassaigne le soulignait déjà en 2020. Quant à la clause de sauvegarde qui permet de bloquer l’entrée d’un produit dans l’UE, elle n’est que rarement utilisée et ne pourra être, dans l’attente de règles strictes et opérationnelles sur les clauses miroirs, que transitoire.
Je regrette par ailleurs que le texte ne fasse pas figurer la protection sociale des actifs agricoles parmi les normes de production essentielles.
Ce texte entend lutter contre les distorsions de concurrence, qui tendent à s’aggraver. Quelles en sont les causes profondes ? Elles viennent de loin et résultent de choix politiques qui ont progressivement conduit à affaiblir notre souveraineté alimentaire. Appliquée sans retenue au secteur agricole, la douloureuse théorie des avantages comparatifs, soutenue par tous les libéraux ces dernières décennies, a produit ses effets : l’ouverture du commerce international et la dérégulation ont diffusé la logique de la compétitivité-prix, qui renforce la spécialisation internationale et régionale des productions, uniformise les systèmes de production et l’alimentation, pousse au recours massif aux intrants et aux produits phytopharmaceutiques, abaisse la qualité des produits ainsi que la sécurité sanitaire alimentaire.
Malgré de nombreuses initiatives pour soutenir la rémunération des producteurs et une meilleure certification de leur production en termes de qualité, d’origine et d’impact sur leur environnement, quarante années de néolibéralisme appliquées au secteur agricole ont fait des dégâts : jamais la concurrence entre des productions n’ayant pas les mêmes standards de qualité ni les mêmes conditions de production n’aura été aussi forte ; jamais la part des importations alimentaires dans la consommation des Français et des Européens n’aura été aussi élevée ; jamais nos agriculteurs n’auront été autant soumis à la pression d’opérateurs commerciaux, usant du chantage à la substitution par des produits importés comme d’un puissant levier de leur course à la rentabilité.
Face à ce constat, il y a effectivement deux grandes écoles de pensée, chers collègues. La première, tout en faisant mine de prêter attention à la profession agricole, considère que le plus urgent serait d’aligner les normes vers le bas, afin que nos productions nationales et européennes puissent épouser au plus vite les cours mondiaux. C’est le choix de la fuite en avant. Nous venons d’en avoir un exemple parfait il y a deux jours au Sénat, avec l’adoption par la droite de la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » – un titre aussi démagogique que le contenu est régressif. C’est malheureusement la voie que semble choisir le gouvernement.
La seconde école de pensée veut réaffirmer l’exigence d’une régulation des marchés, d’une vraie coopération agricole internationale, d’une amélioration pour tous de la qualité sanitaire et nutritionnelle de l’alimentation. Un tel projet nécessite un changement d’orientation politique. Il impose d’adopter des normes communes, d’instaurer les protections et les outils de contrôle nécessaires pour que nos agriculteurs puissent vivre dignement de leur travail, sans subir de concurrence déloyale. C’est tout le sens de ce texte – malgré son caractère technique – et de l’engagement de ses signataires. Je suis convaincu que notre pays doit défendre ces exigences sur le plan européen plutôt que de faire montre d’une résignation qui accentuera la spirale décrite à l’instant, menant à toujours plus de pression à la baisse sur les prix des productions, donc à la baisse de la rémunération du travail agricole. (Applaudissements sur les bancs des commissions.)
M. le président
La parole est à M. Maxime Michelet.
M. Maxime Michelet
Cette proposition de résolution semble frappée au coin du bon sens. Alors que les normes européennes pèsent lourdement sur le quotidien de nos agriculteurs déjà exposés à une concurrence extra-européenne déloyale du fait de l’absence de réciprocité de ces normes, l’exigence de clauses miroirs dans nos rapports commerciaux avec des pays tiers semble en effet relever du bon sens le plus élémentaire.
Par ce texte, nous apportons notre soutien aux agriculteurs dans le combat courageux qu’ils mènent depuis tant d’années pour protéger et garantir notre modèle agricole. L’Union des droites pour la République votera donc naturellement en sa faveur.
L’agriculture, comme toute entreprise – nos agriculteurs sont aussi des entrepreneurs ! –, a besoin de compétitivité, c’est-à-dire de débouchés, qu’ils soient nationaux, européens ou internationaux. Hélas, notre compétitivité a été affaiblie par le cumul d’un excès de zèle normatif au niveau national et d’un excès de naïveté commerciale au niveau européen. Notre économie s’en est trouvée désavantagée au profit de pays plus pragmatiques, qui ont profité de la trop grande non-réciprocité des normes régissant les échanges commerciaux.
En 1986, Ronald Reagan résumait la mauvaise gestion de l’économie par l’administration : « Si ça bouge, taxez. Si ça bouge encore, réglementez. Si ça s’arrête, subventionnez. » Nombre de nos exploitants et de nos entrepreneurs n’auront malheureusement pas de mal à se retrouver dans ces propos. En France et dans l’Union européenne, la réglementation est en effet devenue une discipline olympique : nous nous imposons à nous-mêmes des normes toujours plus contraignantes, qui faussent la concurrence à bien des niveaux. La France en particulier va toujours bien au-delà des exigences européennes en matière de produits phytosanitaires, interdisant certaines substances souvent trop tôt, souvent toute seule, et sans solution alternative sérieuse.
Nos agriculteurs, contraints de recourir à des solutions phytosanitaires plus coûteuses et moins performantes que leurs voisins européens, se retrouvent affaiblis non seulement sur le marché mondial mais aussi en Europe. En Espagne, en Allemagne ou en Pologne, des substances interdites en France permettent à nos partenaires européens, néanmoins concurrents, de produire à moindre coût sur le même marché, tandis que nous y laissons entrer des produits agricoles venus de pays tiers aux pratiques totalement interdites en Europe. L’excès de normes fausse la compétitivité à l’intérieur de l’Europe et dans le monde entier, partout ! De telles distorsions de concurrence n’appellent qu’un constat de la part de la représentation nationale : nous marchons littéralement sur la tête ! Cela coûte d’ailleurs cher au commerce et au PIB français.
Cette politique normative insensée, cette folie de la bureaucratie dans un seul pays, bien qu’elle soit condamnée dans de nombreux discours, n’en continue pas moins de prospérer au sein des institutions européennes. Je ne citerai qu’un exemple, en dehors du monde agricole : la directive CS3D sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité imposera dès 2027 à ces dernières des obligations strictes qui feront peser d’importants risques juridiques et financiers. Les organisations patronales françaises et allemandes mettent déjà en garde quant aux conséquences de cette directive : nos entreprises pourraient à nouveau être contraintes de quitter certains marchés mondiaux, laissant le champ libre aux concurrents, notamment chinois ou américains, libres de tels carcans.
Combien de temps continuerons-nous à nous affaiblir nous-mêmes, à organiser à nos frais la sortie de l’histoire de notre pays et de notre continent ?
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Oh là là !
M. Maxime Michelet
Dans le monde qui est le nôtre, une régulation qui ne s’applique qu’à l’UE n’est pas un progrès : c’est un suicide, un abandon de puissance économique. Nous voterons donc en faveur de la proposition de résolution pour protester contre les politiques insensées qui asphyxient nos producteurs. Mais nous le ferons sans naïveté. Cette résolution n’a en effet aucun caractère contraignant puisque la Commission détient le monopole de l’initiative législative au sein de l’Union européenne. Ce monopole nous transforme en chambre d’Ancien Régime, n’ayant d’autre droit que celui d’enregistrer ou de protester, certainement pas celui de proposer. (Mme Constance Le Grip s’exclame.) Au reste, nous savons que cette protestation aura bien peu d’écho à Bruxelles, après sept années de macronisme durant lesquelles notre place et notre influence n’auront cessé de s’affaiblir.
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
C’est faux !
M. Maxime Michelet
Les clauses miroirs auront été l’un des nombreux combats européens perdus d’Emmanuel Macron.
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
C’est faux !
M. Maxime Michelet
Pour retrouver le chemin du bon sens en Europe, retrouvons tout d’abord le chemin de la puissance en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Frexiter !
M. le président
La parole est à Mme Yaël Ménaché.
Mme Yaël Ménaché
Depuis la conclusion du projet d’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur en 2019, un dispositif a pris une place prépondérante dans le débat public : les clauses miroirs. Ce concept traduit une évidence en droit international, tant il est absurde et profondément injuste d’autoriser l’importation de produits fabriqués dans des conditions interdites sur notre territoire. Comment accepter qu’un agriculteur européen, tenu de respecter certaines des normes les plus strictes au monde, se retrouve en concurrence avec un homologue d’un pays où ces normes sont bien plus laxistes ? Or c’est précisément ce qui se passe.
L’Europe est un modèle en matière de régulation, qu’il s’agisse de l’encadrement des exploitations agricoles, des restrictions sur les produits phytosanitaires et les antibiotiques, des normes environnementales ou du bien-être animal. Cette proposition de résolution européenne met en lumière un enjeu crucial, celui de la protection de notre agriculture face à la concurrence déloyale des produits agricoles importés après avoir été traités avec des substances phytosanitaires interdites dans l’UE. Il est en effet inadmissible que des produits issus de pratiques jugées dangereuses pour la santé publique et l’environnement puissent entrer sur notre marché et mettre en péril les efforts de nos agriculteurs, lesquels respectent des règles très strictes au détriment de leur compétitivité.
Dans un étonnant paradoxe, la politique idéologique constante de la Commission européenne a fait de nous les champions d’un libre-échange forcené où toute forme de protectionnisme semble taboue. Alors que la ratification de l’accord entre l’UE et le Mercosur se profile, la présente résolution invite le gouvernement français à soutenir, auprès de la Commission, l’introduction de conditions d’importation garantissant des normes de production équivalentes entre les produits européens et ceux qui sont importés. Les négociations sont à un tournant stratégique : la Commission mise sur une conclusion rapide de l’accord tandis que la France conditionne son approbation à l’intégration de clauses miroirs s’imposant aux Sud-Américains.
Nous soutenons cette résolution car il est essentiel de manifester notre fermeté face à cette concurrence déloyale qui met en péril l’ensemble des filières agricoles françaises. Il est impensable d’exiger de nos agriculteurs qu’ils respectent des standards élevés tout en tolérant que leurs concurrents soient soumis à des règles beaucoup moins strictes. La réalité nous oblige cependant à reconnaître qu’il est pour l’heure illusoire d’imposer des mesures miroirs effectives à des partenaires commerciaux n’offrant aucune traçabilité fiable de leurs conditions de production, à l’instar du système autodéclaratif prévu dans l’accord avec le Mercosur, qui ne garantit aucune protection sérieuse des intérêts de nos producteurs.
En réalité, pour garantir de façon cohérente une concurrence équitable, il faudrait rejeter tout accord incluant des réductions ou des suppressions de droits de douane sur des produits ne respectant pas nos normes, et revoir ou dénoncer les accords de ce type déjà signés. C’est ainsi que nous pourrons rendre aux agriculteurs la dignité qu’ils méritent.
La Commission européenne envisage de séparer l’accord en deux volets, l’un politique, l’autre commercial. Le volet commercial pourrait être adopté à la majorité qualifiée des États membres, avec l’approbation du Parlement européen, sans passer par les parlements nationaux. Cette restriction du débat démocratique soulève de nombreuses interrogations. Les conséquences de la dissolution se font encore sentir,…
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Ce sont les effets de la censure qui se font sentir !
Mme Yaël Ménaché
…et la France semble désormais privée du poids politique nécessaire pour bloquer l’accord, tandis que l’Allemagne et l’Espagne soutiennent fermement sa signature. De plus, la Commission a proposé de repousser l’entrée en vigueur du règlement européen sur la déforestation, qui interdit la commercialisation dans l’Union européenne de produits issus de terres déboisées.
Pourquoi accélérer la conclusion de l’accord avec le Mercosur, alors qu’il représente une source d’incertitude pour l’agriculture française ? Ses partisans affirment qu’il permettrait à l’Union de diversifier ses partenaires commerciaux, de réduire ses dépendances et de limiter l’influence de la Chine en Amérique latine. Pour apaiser les préoccupations légitimes de la filière agricole, la Commission propose un fonds d’accompagnement doté de 1 milliard d’euros. Toutefois, ce fonds, activable uniquement en cas de distorsion de concurrence avérée, ne saurait suffire à rassurer les agriculteurs, car il ne prend pas en compte l’ensemble des difficultés auxquelles ils risquent d’être confrontés. Cet accord répond-il réellement aux attentes de l’Europe ?
Enfin, il est crucial que l’Union européenne fasse preuve de vigilance et de rigueur dans le contrôle des importations. En appelant à l’instauration de mesures miroirs, cette proposition de résolution plaide pour une éthique de la réciprocité. Dès lors, comment veiller à ce que cette exigence soit fermement défendue au niveau européen, afin que les importations ne compromettent plus la sécurité alimentaire des citoyens ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Constance Le Grip.
Mme Constance Le Grip
L’Union européenne, en tant que premier exportateur mondial et troisième importateur de produits agroalimentaires, occupe une position stratégique dans la transition vers des systèmes alimentaires plus durables. Cependant, cette position expose les agriculteurs européens à des distorsions de concurrence insupportables, face à des produits importés qui ne respectent pas les mêmes normes de production et de traçabilité. Le groupe Ensemble pour la République estime que la France, en tant que pays fondateur et moteur du projet européen, doit soutenir toutes les initiatives visant à renforcer la compétitivité de notre filière agricole et à harmoniser les normes environnementales, à l’intérieur de l’Union comme avec nos concurrents.
Nous saluons et soutenons plusieurs avancées contenues dans cette proposition de résolution européenne.
En premier lieu, le renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne, qu’ils soient douaniers, vétérinaires ou phytosanitaires, apparaît comme une mesure indispensable pour garantir la qualité et la sécurité des produits entrant sur le marché intérieur. De même, l’inscription souhaitable, dans le droit européen, des fameuses mesures miroirs, qui imposent aux produits importés le respect de normes équivalentes dans l’utilisation de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires ou en matière de bien-être animal, était une priorité de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. L’interdiction de substances favorisant la croissance animale – tels les antibiotiques utilisés comme promoteurs de croissance –, renforcée par des contrôles rigoureux, représenterait une avancée significative en matière de sécurité alimentaire. Enfin, l’extension à de nouvelles catégories de produits des dispositions concernant l’indication de l’origine constituerait un progrès notable en faveur de la transparence et de la traçabilité, permettant aux consommateurs de faire des choix éclairés et conformes à leurs attentes.
Cependant, nous tenons à appeler l’attention sur plusieurs points. Tout d’abord, nous souhaitons garantir une harmonisation équitable des normes à l’intérieur même de l’Union européenne, entre les États membres. Cette harmonisation, essentielle pour assurer à la fois l’égalité de traitement entre les producteurs européens et la cohésion du marché intérieur, ne doit pas prendre en compte les éventuelles surtranspositions nationales.
M. Dominique Potier
Je suis d’accord !
Mme Constance Le Grip
Par ailleurs, une clarification du périmètre des produits interdits d’importation sur le marché intérieur européen semble nécessaire, afin d’éviter toute confusion et divergence d’interprétation entre les pays membres.
Cette proposition de résolution comporte des avancées notables et louables, que nous soutenons. Néanmoins, nous souhaiterions que soient apportées quelques précisions et que soient levées certaines incertitudes. Nous avons ainsi déposé quelques amendements, qu’il nous semble souhaitable d’adopter. Nous nous étions abstenus lors de la mise aux voix de la proposition en commission des affaires européennes. Mais à la suite de plusieurs discussions, compte tenu de l’évolution du contexte politique européen et après la déclaration du gouvernement portant sur l’accord avec le Mercosur du 26 novembre, qui a été largement approuvée, nous souhaitons désormais avancer avec vous.
Nous désirons accompagner votre démarche et voter en faveur de cette proposition de résolution européenne – amendée, si possible, afin de concilier les standards de production qui s’imposent à nos agriculteurs avec le respect des engagements internationaux de l’Union européenne.
Il est nécessaire de réguler le commerce international. À l’heure où certains veulent relancer une guerre commerciale, nous sommes plus que jamais conscients que le développement économique, la prospérité, le bien-être et l’élévation du niveau de vie de tous, ainsi que la défense d’une agriculture européenne durable et de notre sécurité alimentaire, passent par des échanges économiques justes, loyaux et équilibrés. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Alexandre.
M. Laurent Alexandre
Notre discussion est attendue par le monde agricole. Notre assemblée doit prendre la mesure de la colère des agriculteurs et des problèmes qu’elle pose à notre pays : le renouvellement des générations agricoles et la souveraineté alimentaire. Vous connaissez nos principales propositions pour y répondre : garantir des prix rémunérateurs aux paysans et protéger nos producteurs de la concurrence déloyale. Dans ce contexte, la signature de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur par la présidente de la Commission européenne constitue une trahison des intérêts agricoles de la France et de l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous payons aussi les ambiguïtés d’Emmanuel Macron, qui a soutenu les négociations sur le Mercosur dès 2019. En 2023, le ministre macroniste du commerce extérieur, Olivier Becht, déclarait qu’il fallait conclure cet accord. Dans mon département de l’Aveyron, où l’élevage représente 78 % de la production agricole, l’opposition à cet accord est unanime. Et pour cause : il prévoit un quota d’importations de 99 000 tonnes de viande de bœuf détaxées, auxquelles s’ajoutent 60 000 tonnes d’un autre type de viande bovine et 180 000 tonnes de volailles exemptées de droits de douane. L’urgence est de doter la France d’une position ferme et cohérente pour bloquer la ratification de ce traité UE-Mercosur et le renvoyer aux oubliettes. La France doit dire « stop » et non laisser penser que des aménagements sont possibles. (Mêmes mouvements.)
C’est cette position que notre assemblée sera appelée à adopter tout à l’heure, lors de l’examen de la proposition de résolution européenne déposée par le groupe La France insoumise-NFP. La multiplication des traités de libre-échange est-elle souhaitable ? Non. L’UE n’a eu de cesse d’ouvrir son marché. Résultat : une majorité d’agriculteurs ne peut pas résister à la concurrence déloyale de fermes de centaines d’hectares. Mercosur, Nouvelle-Zélande, Chili, Mexique, Kenya, Vietnam : au total, l’Union européenne a signé quarante-six accords internationaux sans consulter les parlements nationaux. Stop ! Nous ne souhaitons pas aller plus loin dans le libre-échange généralisé, quelles qu’en soient les conditions !
Cette proposition de résolution européenne du collègue Potier entend assurer une meilleure réciprocité des normes au moyen de mesures miroirs. Vous proposez d’inclure ces mesures miroirs dans la législation européenne afin que les standards européens s’appliquent à l’ensemble des produits importés depuis des pays tiers. Cependant, cela ne permettra pas de s’opposer aux accords de libre-échange et à la concurrence déloyale auxquels nos agriculteurs sont confrontés. Les clauses et les mesures miroirs permettent-elles de limiter le libre-échange ? Non. Les clauses et les mesures miroirs sont-elles efficaces pour protéger notre production agricole de la concurrence déloyale ? Non. Elles sont trop facilement contournables, surtout dans le cadre vicié des règles commerciales de l’Union européenne. En outre, changer les règles européennes requiert de suivre une procédure très lourde qui ne peut aboutir à court terme.
C’est pourquoi nous considérons cette proposition de résolution européenne comme insuffisante. En modifier le titre, comme le propose un amendement, n’y changera rien. Lors de l’examen en commission, mon groupe avait mis en garde contre la trop grande importance conférée dans le texte aux mesures miroirs. Nous avions déposé plusieurs amendements : l’un, réclamant l’activation des clauses de sauvegarde, a été adopté ; l’autre, visant à refuser catégoriquement l’accord avec le Mercosur, quand bien même il serait assorti de clauses miroirs, a été rejeté.
Collègues, notre agriculture ne va pas bien. Choisissons une voie claire et cohérente vers un modèle agricole qui permette aux paysans de vivre dignement de leur travail, et de bien nous nourrir tout en protégeant le vivant. (Mêmes mouvements.) Faisons le choix de diminuer notre dépendance alimentaire à l’importation et régulons les marchés agricoles. Permettons ainsi aux paysans de fournir des productions de qualité et d’en vivre. C’est comme cela que nous agirons efficacement en faveur d’une économie plus juste, pour créer des emplois agricoles, pour améliorer les revenus paysans, pour l’écologie et pour notre souveraineté alimentaire. Nous devons diminuer nos importations et relocaliser les productions nécessaires à notre alimentation.
Le groupe LFI-NFP propose donc des réponses claires : assumer un protectionnisme solidaire et s’opposer à tout accord UE-Mercosur, quelles qu’en soient les clauses (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupe LFI-NFP et EcoS) ; instaurer une taxe kilométrique et un prix minimum d’entrée sur certains produits agricoles, dans le cadre de mesures antidumping ; recourir à tous les outils à notre disposition, tels que les mesures de sauvegarde spéciales prévues par les accords de l’OMC ; garantir des prix planchers rémunérateurs aux producteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de résolution européenne.
Article unique
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 4 et 13, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 4.
M. Dominique Potier
Il vise à actualiser le texte puisque, depuis sa présentation en commission des affaires européennes et son examen en commission des affaires économiques, une déclaration du gouvernement a eu lieu, le 26 novembre, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
L’approbation par l’Assemblée, à une très large majorité, de cette déclaration souligne avec force notre opposition au traité entre l’Union européenne et le Mercosur – avec l’accord, que j’espère sans ambiguïté, du gouvernement –, ainsi qu’à sa scission.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 13.
M. Charles Sitzenstuhl
Il est quasiment identique à l’amendement précédent, à la différence près qu’il ne s’insère pas au même endroit du texte. À la lecture, je trouve l’amendement de M. Potier plus fluide et j’appelle l’ensemble des collègues à l’adopter – mon amendement tombera en conséquence.
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure, pour donner l’avis de la commission.
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Cette précision est utile. Nous pouvons être fiers d’avoir organisé ce vote consultatif à l’Assemblée. L’approbation de la déclaration rappelle que nous sommes, dans notre immense majorité, opposés à la conclusion de l’accord UE-Mercosur. C’est l’occasion de réaffirmer notre opposition à toute scission de cet accord, qui reviendrait à contourner de façon inadmissible les parlements nationaux et leur souveraineté.
La mention de cette déclaration réaffirme notre attachement au respect des droits du Parlement, l’Assemblée ayant exprimé sa position avec beaucoup de clarté. Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Le gouvernement ne voit aucune difficulté à ce que cette précision soit apportée, après la déclaration et le débat qui s’est ensuivi. Avis favorable.
(L’amendement no 4 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 13 tombe.)
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 7.
M. Dominique Potier
Notre assemblée, à l’unanimité, a demandé la fin de l’accord avec le Mercosur et exprimé sa ferme opposition à sa scission en deux parties. Cet accord est mixte : il nécessite l’approbation de l’Union européenne comme de l’ensemble des parlements nationaux, ainsi que l’unanimité au sein du Conseil.
Cet amendement vise donc à rappeler notre opposition à l’attitude de la présidente de la Commission européenne. À Montevideo, elle a représenté la France sur un accord qui, s’il ne nous engage pas juridiquement, est politiquement à rebours de l’esprit des traités européens et du Traité établissant une Constitution pour l’Europe.
Il est important de rappeler tout à la fois l’unanimité de notre assemblée et notre condamnation de l’action unilatérale de la présidente de la Commission.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
J’ajoute que Mme Ursula von der Leyen, lors de la conférence de presse du 6 décembre, a présenté la signature de cet accord comme une victoire pour l’Europe. Il est opportun de rappeler que, si la présidente de la Commission a le pouvoir de négocier, elle n’a pas le pouvoir de ratifier un tel accord et de conclure les négociations. Les États restent souverains.
Si cet accord a été conclu à Montevideo, il peut encore être bloqué au cas où il n’obtiendrait pas l’approbation du Parlement européen ou d’un nombre suffisant d’États membres. En ce moment stratégique, nous devons le réaffirmer avec force.
Le déplacement d’Ursula von der Leyen, contre l’avis de la France, témoigne d’une pratique de la politique à laquelle nous ne souscrivons pas. L’Europe est fondée sur le respect des valeurs démocratiques, et doit tenir compte de la voix de chacun de ses membres. Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Permettez-moi de préciser que, à strictement parler, aucun accord n’a été conclu à Montevideo. C’est pourquoi ce que la Commission y a annoncé n’engage ni le Conseil ni les États membres. Pour reprendre les mots du président de la République devant les ambassadeurs : la messe n’est pas dite. Nous ne sommes pas au bout des discussions et des négociations sur ce texte.
Mme Constance Le Grip
Eh oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Comme aucun accord n’a été conclu, il n’est pas non plus nécessaire d’ajouter la mention prévue par l’amendement ; je m’en remets toutefois à la sagesse de l’Assemblée.
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Hignet.
Mme Mathilde Hignet
Cet amendement indique que la France s’oppose fermement à l’accord de l’Union européenne avec le Mercosur. Ce qui nous dérange, c’est que la position que la France affiche n’est pas celle d’une opposition de principe, mais d’une opposition à la signature de l’accord en l’état. Nous ne pouvons pas, du fait de cette ambiguïté qui demeure, soutenir l’amendement.
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Il n’y a en effet pas eu d’accord conclu, monsieur le ministre ; mais tout a été fait, dans la mise en scène de la signature du 6 décembre à Montevideo, pour le laisser croire. Il faut donc que nous rappelions, par ce texte, que nous souhaitons que le débat se poursuive, au Parlement français comme au Parlement européen.
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Vos propos, madame la députée Hignet, témoignent d’une différence majeure entre nous, au-delà du rejet, unanime, du texte de l’accord : vous vous opposez, de manière systématique, aux accords commerciaux.
M. Jean-Paul Lecoq
Aux accords de libre-échange !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Pour le gouvernement, la précision « en l’état » est essentielle, car nous croyons aux échanges commerciaux. Le texte pourrait s’avérer favorable, comme d’autres, aux filières exportatrices françaises – d’où l’importance de préciser que la France ne l’accepte pas « en l’état ».
Mme Françoise Buffet
C’est ça !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je vous remercie presque d’avoir mentionné ce point : le gouvernement, comme beaucoup d’entre vous ici je crois, n’est pas systématiquement opposé aux échanges internationaux et aux accords commerciaux – tout dépend de ce qu’ils contiennent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Pierre Cazeneuve
Très bien monsieur le ministre !
M. Benoît Biteau
C’est n’importe quoi !
(L’amendement no 7 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 11.
M. Charles Sitzenstuhl
Cet amendement vise à ajouter à la liste des visas la déclaration issue du sommet européen des 10 et 11 mars 2022 dont tout le monde, je pense, se souvient. La France présidait alors le Conseil de l’Union européenne et ce sommet, qui s’est tenu à Versailles, était une réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. S’il est important de mentionner cette déclaration, c’est qu’elle abordait d’importants enjeux alimentaires. Son point 21 indique que « nous améliorerons notre sécurité alimentaire en réduisant notre dépendance aux importations des principaux produits et intrants agricoles. »
Cela fait écho à l’objectif de cette proposition de résolution. Nous devrions avoir, dans cette Assemblée, un débat sur le devenir de la déclaration de Versailles, qui a bientôt trois ans – il n’est pas certain que tout ce qu’elle comportait ait été correctement mis en ?uvre par les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne. Cette déclaration a suscité des attentes, et l’Union européenne doit maintenant respecter ses engagements.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Je vous remercie : la mention du sommet de Versailles ajoute une forme de solennité dans le texte de la proposition de résolution. Elle rappelle les engagements pris par les dirigeants européens et cela ne peut qu’aller dans le bon sens. Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Avis favorable.
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Il est salutaire de vouloir réduire nos importations et d’essayer d’aller vers davantage de souveraineté alimentaire.
Je perçois aussi, dans cet hémicycle, la volonté de continuer à faire de l’Europe et de la France des puissances exportatrices. Mais c’est le principe des vases communicants : toutes les surfaces que l’on mobilisera pour exporter des denrées agricoles seront autant de surfaces qui ne seront plus disponibles pour la production de denrées destinées à une consommation locale.
Sauf à compter les territoires ultramarins, on ne sait pas produire, dans l’hexagone ou en Europe, de cacao ou de bananes : il faudra, bien sûr, continuer à commercer avec le reste de la planète. Mais, une fois que l’on a compris ce principe des vases communicants, on doit imaginer des accords commerciaux qui comportent une exception agriculturelle, excluant les denrées essentielles à l’alimentation – un besoin primaire. La nourriture ne doit plus être une variable d’ajustement ou une monnaie d’échange pour vendre de grosses voitures ou des avions à l’autre bout de monde. (M. Arthur Delaporte applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
C’est le moment de montrer ce qui nous rassemble, comme les points vers lesquels nous avons encore à converger. Toutes les études prospectives le montrent – je pense notamment à celle d’Agrimonde, conduite par l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et un consortium d’une dizaine d’universités à l’échelle mondiale : si nous voulons pouvoir nourrir 10 milliards d’habitants, il faudra échanger juste ce qu’il faut et de façon juste. La règle est simple, et je rejoins en cela Benoît Biteau.
Il ne sert à rien d’échanger ce que chacun sait déjà faire des deux côtés de l’Atlantique, comme du lait ou de la viande bovine. Les échanges avec le Maghreb, en revanche, sont structurels au regard de l’économie et de la démographie méditerranéennes.
M. Benoît Biteau
Je suis d’accord !
M. Dominique Potier
Il existe également des produits singuliers que nous continuerons d’importer des tropiques, comme nous continuerons d’exporter notre savoir-faire gastronomique.
À nos collègues de La France insoumise : je ne désespère pas que nous puissions parvenir à des accords structurels entre l’Union européenne et d’autres parties du monde, fondés sur le respect des limites planétaires et des droits humains. Cela passe, nous aurons l’occasion d’y revenir, par des directives européennes, auxquelles nous avons travaillé et qui sont aujourd’hui menacées.
Cela passe également par des mesures miroirs, qui ne sont pas, contrairement à ce que disait tout à l’heure notre collègue du groupe La France insoumise…
M. Bastien Lachaud
Il s’appelle Laurent Alexandre !
M. Dominique Potier
…des miroirs aux alouettes. Elles peuvent fonctionner : on en a la démonstration dans la filière biologique dont les certifications, à l’échelle européenne, garantissent la sécurité. C’est également le cas du commerce équitable, fondé sur un système de certification privé qui fonctionne, même s’il n’est pas encore suffisamment garanti par la puissance publique.
Nous proposons donc d’étendre ailleurs ce qui a marché dans ces laboratoires. Là où il y a, monsieur le ministre, une nuance entre nous, c’est que nous pensons qu’il est nécessaire que la certification du respect des normes soit confiée à des organismes tiers, eux-mêmes certifiés par l’Union européenne, faute pour cette dernière de pouvoir envoyer des fonctionnaires partout dans le monde. Tous les audits de la Commission européenne rapportent en effet que, dès lors qu’on se déplace – au Canada ou au Brésil par exemple – les filières ne sont pas conformes : biostimulants pour la viande bovine, moyens de la lutte antimicrobienne, etc.
Cela a certes un coût pour les opérateurs ; mais ce n’est pas de la bureaucratie, c’est du contrôle. S’il a un prix, celui-ci est bien moins important que celui de la destruction de nos écosystèmes et de l’atteinte à la santé humaine. Il existe donc une voie raisonnable, non bureaucratique, de contrôle de nos échanges : c’est le chemin que nous devons suivre.
Je vous propose, au nom du groupe socialiste, de nous mettre ensemble autour de la table, avec peut-être le ministère de l’agriculture, pour que nous puissions étudier la manière dont ces mesures miroirs pourraient effectivement garantir notre sécurité sanitaire et la protection des biens communs écologiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Benoît Biteau applaudit également.)
M. Jérôme Guedj
Bravo, il est brillant !
M. Pierre Cazeneuve
Très bon amendement !
(L’amendement no 11 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 6.
M. Dominique Potier
Au moment même où nous essayons de nous prémunir contre l’accord avec le Mercosur et, de manière plus universelle, contre le commerce inéquitable, qui détruit la dignité humaine et nos biens communs écologiques, l’Union européenne, sous l’impulsion des États membres – c’est une honte pour la France et son gouvernement – demande une remise en cause de deux directives, fruits d’un très long travail, témoignages d’une démocratie exemplaire.
L’idée que les multinationales devraient être astreintes à un devoir de vigilance est née dans l’esprit des ONG et des syndicats français et européens. Ce long combat a d’abord été mené sur le terrain par la société civile. C’est elle qui a entendu le cri de la terre, le cri des pauvres et qui, la première, a affirmé que les multinationales sont responsables de leurs chaînes de production mondialisées. Cette idée a été reprise au Parlement par la gauche, par le groupe Socialistes et apparentés (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC), mais également par des écologistes, des centristes et même quelques membres du groupe Les Républicains. Au bout de cinq ans de combat, elle a débouché sur une loi pionnière.
M. Arthur Delaporte
Exactement !
M. Dominique Potier
Quelques années plus tard, cette loi pionnière a inspiré à son tour une directive européenne, la directive CS3D. À présent, je reçois des invitations pour me rendre au Canada, en Corée du Sud ou au Japon – le monde entier s’intéresse à notre invention. Pour reprendre les mots de Mireille Delmas-Marty, c’est la force du droit qui doit protéger l’irréductible dignité du travail, partout dans le monde. (M. Arthur Delaporte applaudit.)
Nous disposons d’une loi pour refuser le travail des enfants, les Rana Plaza où qu’ils se trouvent, l’insécurité généralisée, la menace sanitaire qui plane sur les travailleurs brésiliens exposés aux épandages de pesticides, lutter contre la déforestation. Au nom de la compétitivité, et en raison de la panique suscitée par la renaissance du trumpisme, l’Union européenne entend remettre en cause ces dispositions protectrices en passant par une procédure omnibus.
M. Arthur Delaporte
Tout à fait !
M. Dominique Potier
Tout le monde s’accorde à dire que la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dont Gérard Leseul est l’un des spécialistes, mérite d’être simplifiée. Monsieur le ministre, nous sommes d’accord sur ce point : il faut simplifier pour aller à l’essentiel, sans amputer le texte de la protection de la biodiversité, du climat et des droits humains.
En revanche, inclure le devoir de vigilance, qui relève de la responsabilité civile – on parle de vies humaines, de travail des enfants, de travail forcé, d’esclavage moderne, d’exploitation des Ouïghours – dans la directive omnibus, c’est le faire passer dans une lessiveuse. Dans le contexte politique actuel, il risque d’y perdre son âme – et toute l’Europe court le même risque.
M. le président
Merci de conclure !
M. Dominique Potier
Face au trumpisme, nous devons au contraire réaffirmer les valeurs de l’Europe. Les normes que nous défendons en matière de respect des droits humains et sociaux seront notre seul bouclier face à l’agressivité américaine, à l’agressivité commerciale chinoise et à tous nos compétiteurs.
M. le président
Merci de conclure, cher collègue !
M. Dominique Potier
Nous devons retrouver notre boussole éthique et en faire une force dans la mondialisation. Il faut remettre d’actualité ces directives. Je peux l’annoncer car cela m’a été confirmé par Boris Vallaud à l’instant : le groupe Socialistes et apparentés dépose une demande de déclaration du gouvernement suivi d’un débat au titre de l’article 50-1 de la Constitution pour que le sort de ces directives auxquelles nous avons ouvert la voie ne se règle pas lors de négociations entre des lobbys de BusinessEurope et Bercy, mais soit débattu dans cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
Je rappelle que, pour le bon déroulement de nos travaux, les prises de parole sont limitées à deux minutes. (Sourires.)
M. Arthur Delaporte
C’est parce que nous avons annoncé demander un débat au titre de l’article 50-1 !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Monsieur Potier, je suis favorable à cet amendement qui complète les motivations pour lesquelles nous avons œuvré en faveur de cette proposition de résolution européenne. Nous nous opposons vivement à la tentative dite omnibus de revenir sur des textes déjà entrés en vigueur. Ce projet de législation, défendu en premier lieu par Ursula von der Leyen, remet en question les directives importantes que vous avez citées – relatives au pacte vert et à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises – et que nous sommes nombreux à défendre. Notre rôle de parlementaires nationaux consiste aussi à tirer la sonnette d’alarme lorsque des décisions contreviennent au sens de l’histoire.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Il sera défavorable, mais davantage pour des raisons de forme que de fond. La simplification du secteur agricole et la législation omnibus sont deux sujets distincts.
M. Dominique Potier
Certes !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je ne suis donc pas favorable à la mention de la procédure omnibus dans la proposition de résolution.
Vous avez cependant raison d’ouvrir le débat. Vous avez dit que nous avions perdu notre boussole éthique. Je ne pense pas que ce soit le cas. Nous devons nous obliger à concilier simplification et efficacité d’une part, durabilité et vigilance d’autre part ; je crois que nous pouvons nous accorder sur ce point. Chercher à simplifier la vie de nos entreprises pour continuer à associer compétitivité et croissance en Europe tout en étant pionniers en matière de résilience et de durabilité, ce n’est pas un renoncement.
Mme Constance Le Grip
Exactement !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Si vous considérez que les deux volets sont antinomiques, je vous invite à relire le rapport Draghi et tous les autres travaux qui ont montré que la réglementation européenne telle qu’on la produit actuellement peut nous faire perdre 10 points de compétitivité. Ce ne sont pas des fantasmes, et cela n’a rien à voir avec l’arrivée du nouveau président américain – c’est factuel.
Les avancées en matière de durabilité et de droit de vigilance sont souhaitables et nécessaires. La France, pionnière de ces réglementations, doit continuer à les défendre. Mais on ne peut pas se priver de la recherche permanente de simplification ; elle est indispensable pour que les entreprises, notamment les petites et moyennes et celles de taille intermédiaire, puissent rester compétitives ; elles ne doivent pas être entravées par un fardeau réglementaire qui les empêche non seulement de gagner en compétitivité sur leur propre marché, mais aussi d’exporter. Cet effort de simplification relève de la responsabilité européenne. Si l’Europe s’y refuse, elle peut décrocher.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
C’est ce que défend la note des autorités françaises à la Commission européenne, et pas autre chose. Nous ne proposons de renoncer ni au devoir de vigilance, ni au reporting de durabilité. Nous proposons que les entreprises, en premier lieu les PME et les ETI, soient davantage protégées, et que la réglementation porte surtout sur les grands groupes, notamment en ce qui concerne le devoir de vigilance. S’agissant du reporting de durabilité, il doit y avoir un plafonnement, en particulier dans la chaîne de sous-traitance. Voilà en quoi consiste la proposition de la France : ce n’est pas un renoncement.
En France, nous devons rechercher un consensus. Il nous faut pouvoir concilier la boussole éthique que vous prônez, que la France défend au niveau européen et que l’Europe défend au niveau mondial, et la recherche permanente de compétitivité et de croissance. À défaut, notre débat restera théorique. Or nous avons besoin d’une Europe qui soit une puissance industrielle et commerciale. Il faut donc rendre nos entreprises et nos industries compétitives dans cet environnement mondial, nonobstant la nouvelle administration américaine – c’est un sujet qui doit de toute façon être abordé. Écoutez les entreprises françaises et européennes : elles ont besoin d’un choc de simplification en matière de réglementation.
M. Sylvain Maillard
C’est sûr !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
L’intention qui a inspiré cette réglementation est bonne et nous devons la défendre. Elle peut cependant non seulement devenir un frein à la compétitivité, mais aussi poser un risque de décrochage pour nos entreprises. Nous devons prendre en compte ces deux aspects qui sont clés pour l’avenir de l’Europe en tant que puissance industrielle et commerciale. Encore faut-il que ce soit notre souhait commun – mais je le crois.
Il nous faut donc entendre ces alertes, tout en défendant notre modèle en matière de durabilité et de résilience, modèle qui a inspiré la réglementation dont nous parlons.
Nous nous rejoignons sur beaucoup de sujets, mais je tiens quand même à nuancer ce que vous avez dit, monsieur Potier. N’opposez pas vigilance et durabilité d’une part, et croissance et compétitivité d’autre part. Si l’Europe faisait sienne cette opposition, elle aurait tort face à la nouvelle compétition économique, et donc aussi agricole, à laquelle elle est confrontée.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
La commission des affaires économiques est favorable à cet amendement. Vous avez pu le lire dans la presse : il existe des tentatives, y compris du gouvernement français, pour affaiblir à Bruxelles certaines règles contenues dans les directives CS3D et CSRD.
De quoi parlez-vous quand vous parlez de simplification ? Le devoir de vigilance, qu’est-ce que c’est ? Ce sont des règles de l’Union européenne dont le but est d’éviter que les multinationales s’appuient sur le travail des enfants ou l’esclavage. Si la simplification, c’est d’accepter que des multinationales bénéficient du travail des enfants, disons-le tout de suite ! La commission des affaires économiques pense qu’il est important de réaffirmer que ces progrès réalisés à l’échelle de l’Union européenne ne doivent pas être détricotés dans les mois à venir. C’est le sens de l’avis favorable de la commission à cet amendement.
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
L’objectif de cette proposition de résolution européenne est d’envoyer depuis la France, depuis cet hémicycle, un message à l’Union européenne au sujet des mesures miroirs – et non des clauses miroirs, qui ne désignent pas exactement la même chose. Les mesures miroirs sont scellées dans le marbre, ou plutôt dans le granit – les Bretons préfèrent cette expression.
Notre démarche vise à appeler l’attention de l’Union européenne dans le contexte des discussions de la PAC post-2027. L’idée est d’inscrire ces mesures miroirs dans la réglementation de la PAC, notamment dans le règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles, pour mettre un terme à ce débat et protéger définitivement la compétitivité des agriculteurs.
Monsieur le ministre, vous parlez de boussole éthique, de compétitivité et de croissance, mais votre raisonnement est biaisé. Ce qui nous rassemble aujourd’hui dans cet hémicycle, c’est l’agriculture. Or ce qui menace l’agriculture de demain, la souveraineté alimentaire, la productivité de la ferme Europe et donc le revenu des agriculteurs, c’est le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité ! (MM. Jean-Claude Raux et Arthur Delaporte applaudissent.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je me suis exprimé sur l’amendement de M. Potier !
M. Benoît Biteau
Il ne sera plus question de croissance et de compétitivité quand on aura laissé le climat se dérégler de façon irréversible, quand la biodiversité ne sera plus là pour assister les agriculteurs dans leurs gestes de production. Nous avons besoin de ces mesures miroirs, non pour laver plus blanc que blanc ici en Europe, mais parce que l’Union européenne doit montrer le chemin que doit emprunter la planète pour s’attaquer frontalement au dérèglement climatique et préserver notre souveraineté alimentaire.
M. le président
Merci de conclure !
M. Benoît Biteau
Votre raisonnement est donc biaisé.
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Je suis heureux que nous ayons ouvert ce débat, qui est appelé à se poursuivre puisque nous avons demandé une déclaration du gouvernement suivi d’un débat au titre de l’article 50-1 de la Constitution.
Avec Boris Vallaud, nous avons écrit au premier ministre François Bayrou cette semaine au sujet de la note administrative française dont l’existence a été révélée par Politico et Mediapart. Le ministère de l’économie conteste les informations de ces médias quant au contenu de la note. Faites la clarté sur ce point : que dit la note de l’administration française à Bruxelles au sujet du devoir de vigilance et de la directive CSRD ?
Ne faisons pas de procès d’intention. Je vous le dis les yeux dans les yeux, cher Laurent Saint-Martin : personne ici ne souhaite défendre l’impunité pour ceux qui font travailler des enfants, personne ici ne souhaite le rétablissement et la victoire de Shein ni l’oubli des victimes du Rana Plaza.
Je le dis avec une certaine gravité, mais il faut prendre les choses au sérieux. La remise en cause de la CS3D par la procédure omnibus signe la fin de cette directive dans son essence. En effet, les majorités politiques au sein des États membres comme du Parlement mettent en péril cette directive, cruciale pour protéger des vies humaines et mettre fin à l’esclavage moderne. Une réforme de niveau 2, soit, mais une réforme de niveau 1, à l’échelle européenne, ce n’est pas un détail – cela change tout. Il est encore temps de sauver le devoir de vigilance et de réformer intelligemment le reporting extra-financier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Monsieur le député Biteau, je suis d’accord avec vous ! Ce n’est pas moi qui ai déposé cet amendement qui est en quelque sorte un cavalier – il ne traite pas des sujets agricoles, mais de la procédure omnibus. C’est pour cette raison que j’ai émis un avis défavorable. J’ai eu la courtoisie de répondre sur le fond, ne me le reprochez pas ! Par ailleurs, je suis d’accord avec ce que vous avez dit sur les mesures miroirs.
M. Benoît Biteau
Bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
C’est pour cette raison que le gouvernement est favorable à cette proposition de résolution européenne.
Permettez-moi de revenir sur les propos de la présidente Trouvé. De grâce, épargnez-nous les caricatures ! En ce qui concerne les multinationales et le travail des enfants, j’ai indiqué que la France avait justement proposé à la Commission européenne de concentrer les efforts en matière de devoir de vigilance sur les grands groupes, afin d’épargner à nos plus petites entreprises un fardeau réglementaire trop lourd. N’allez pas me dire que ce sont les PME de nos régions qui sont concernées par la problématique du travail des enfants, vous savez parfaitement que ce n’est pas le cas ! Nous nous demandons comment faire en sorte qu’une réglementation, légitime quand elle concerne de grandes entreprises, ne vienne pas alourdir le quotidien des PME et des ETI de nos régions. Voilà ce que c’est, la simplification.
La simplification n’est pas le détricotage ; nous devrions le reconnaître tous. Vous soutenez toujours que s’adapter à la réalité des patrons de PME dans nos régions constitue une reculade sur les droits de l’homme, les avancées environnementales ou sanitaires. Je ne suis pas d’accord. Si nous appauvrissons notre tissu de PME et ETI, si nous l’affaiblissons en maintenant des contraintes administratives insupportables pour elles, elles ne pourront plus être compétitives et générer de la croissance – vous le savez vous-mêmes, puisque vous écoutez les chefs d’entreprise dans vos régions. Si nous ne savons pas adapter une réglementation qui devient insoutenable pour eux, ils mettront la clef sous la porte.
M. Sylvain Maillard
Ils partiront !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…et ils partiront.
Mme Anne Le Hénanff
C’est la réalité !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Il ne s’agit pas d’une idéologie du ministre au banc, ni du gouvernement en général ; il ne s’agit pas d’une idéologie du tout mais d’une réalité. Nous devons simplement entendre…
M. Arthur Delaporte
…Bernard Arnault !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je ne savais pas que Bernard Arnault était patron de PME. Tant que vous vous en tiendrez à de telles caricatures, tant que vous traiterez de façon équivalente les petites entreprises et les multinationales, vous ne comprendrez pas la vie des PME. Les patrons de PME ne peuvent tout simplement pas subir la lourdeur administrative et réglementaire qui leur est imposée actuellement. Si vous ne redonnez pas d’oxygène au tissu entrepreneurial français, il sera détruit. Peut-être est-ce votre objectif politique, mais je sais que ce n’est pas celui de M. Potier.
Pour clore ce sujet et revenir aux questions agricoles, je vous demande sincèrement d’entendre le cri d’alarme des patrons de PME et d’ETI dans nos régions, qui nous appellent à adapter les réglementations à leur quotidien pour rester compétitifs et à conserver leur capacité de croissance. C’est nécessaire pour l’emploi et les territoires. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
M. le président
Je donne la parole à un dernier orateur, M. Charles Sitzenstuhl, pour conclure le débat, suffisamment long et éclairant, sur l’amendement no 6.
M. Charles Sitzenstuhl
Certes, la discussion a été longue, mais l’alinéa 7 de l’article 100 du règlement de l’Assemblée précise bien qu’un orateur d’opinion contraire doit pouvoir s’exprimer.
Ce débat est important – ce n’est pas pour rien qu’il fait l’objet d’un intérêt croissant dans la presse depuis plusieurs mois. Tous les groupes politiques veulent y participer.
Néanmoins, je m’interroge sur la pertinence de le faire figurer dans cette proposition de résolution. Nous voterons donc contre l’amendement no 6, non parce que nous refuserions le débat sur ce sujet important, mais parce que nous pensons qu’il n’a pas sa place dans ce texte. Vous voulez glisser cet alinéa entre les alinéas 19 et 20, alors que l’alinéa 19 porte sur les viandes et les produits à base de viande et que l’alinéa 20 concerne le traitement des cultures avec certaines substances. En somme, la proposition de résolution porte essentiellement sur l’alimentation et l’agriculture, tandis que le nouvel alinéa que vous proposez s’inscrirait dans un débat de politique économique et industrielle. (Mme Constance Le Grip applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Vous pouvez penser qu’il s’agit d’un cavalier législatif. Cependant, quand nous travaillons avec le monde agricole dans nos territoires, nous constatons que l’économie est globale et qu’il faut prendre en considération non seulement les emplois directs dans le secteur agricole mais aussi les emplois indirects. Les débats sur la concurrence déloyale, notamment au sujet de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, posent également des questions concernant les multinationales ou les directives européennes et leur impact sur le secteur agroalimentaire. Nous restons donc dans le sujet.
Certes, le groupe socialiste se saisit de cette occasion pour faire passer son message et annoncer qu’il demande au gouvernement de faire, sur ce sujet, une déclaration suivie d’un débat, au titre de l’article 50-1 de la Constitution. Néanmoins, il s’agit d’un tout, qui demande une réflexion globale. Il est important de ne pas désosser cette réflexion, utile à l’ensemble du monde agricole que nous défendons et à la ruralité en général.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Il se trouve que la commission des affaires économiques reçoit des grands et des plus petits patrons presque chaque semaine, voire plusieurs fois par semaine. Ces auditions sont très instructives. Or je ne les ai pas entendus remettre en cause le devoir de vigilance.
Hier, nous avons reçu Patrick Martin, mais aussi les dirigeants de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et de l’Union des entreprises de proximité (U2P). J’ai surtout entendu qu’ils voulaient une meilleure protection aux frontières. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Ils demandent une plus grande régulation des donneurs d’ordre à l’égard des sous-traitants, c’est-à-dire des multinationales à l’égard des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME). Ils veulent également que les aides aux entreprises soient davantage dirigées vers les TPE. Je pourrais aussi parler du blocage des prix de l’énergie, une revendication très ancienne des TPE et PME. (Mêmes mouvements.)
(L’amendement no 6 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 8.
M. Dominique Potier
Il est plus technique que le précédent. Il vise à insérer ce visa après l’alinéa 19 : « Vu la réforme envisagée par le commissaire européen en charge de l’agriculture de l’organisation commune des marchés telle que régie par le règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés de produits agricoles, ».
Des eurodéputés se saisissent en effet de notre proposition de résolution européenne sur la systématisation des mesures miroirs pour l’introduire dans la réforme de l’organisation commune des marchés (OCM). Cette réforme sera défendue, je l’espère, par nombre de groupes parlementaires « frères » dans l’Union européenne.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Oui, il faudra prendre en considération les besoins des agriculteurs français lors de la révision, prochaine, du règlement OCM. Avis favorable.
(L’amendement no 8, accepté par le gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 9 rectifié.
M. Dominique Potier
C’est un amendement technique, mais d’une grande portée. Nous avons mené un long combat pendant les débats sur la loi Egalim, avec des rebondissements épiques, pour interdire l’exportation des produits phytosanitaires que nous avons interdits dans l’Union européenne.
La constitution de l’être humain est la même en Europe, au Nigeria ou au Nicaragua. Unité de la planète oblige, nos écosystèmes sont affectés de manière similaire par certains produits… Par conséquent, si des produits sont mauvais pour nous, ils le sont également pour des pays tiers. Nous ne pouvons pas – comme nous le faisons pourtant actuellement en France ou en Allemagne – interdire un produit chez nous et cependant l’exporter.
J’insiste sur la réciprocité, car les principes que nous défendons ne sont pas souverainistes. Il est possible, au prix d’une contradiction, d’être souverainiste d’un côté et libre-échangiste de l’autre, mais nous, nous défendons un principe de souveraineté solidaire et équilibrée. Si nous nous opposons à l’importation de produits que nous avons interdits chez nous, nous devons également nous interdire de les exporter, en vertu d’un principe de justice universelle.
L’article 83 de la loi Egalim de 2018 présente une faille que les décrets n’ont su, ni voulu, corriger : nous avons interdit l’exportation de produits, non de molécules. Nous apportons ici une précision pour interdire l’exportation de « substances actives ». En effet, ce terme recouvre à la fois les molécules et les produits qui sont fabriqués en y ajoutant des adjuvants ou en procédant à des mélanges.
(L’amendement no 9 rectifié, accepté par la commission et le gouvernement, est adopté.)
M. le président
Sur la proposition de résolution, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l’amendement no 3, qui fait l’objet du sous-amendement no 18.
Mme Constance Le Grip
Il s’agit d’un amendement rédactionnel qui vise à préciser le périmètre des interdictions d’importation sur le marché commun, pour éviter les divergences d’interprétation ou les confusions. L’amendement tend à préciser que les produits et substances dont nous interdisons l’importation sont celles qui sont « interdites par le droit communautaire ». Je suis consciente de l’imperfection sémantique, mais vous aurez compris l’objet.
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir le sous-amendement no 18.
M. Dominique Potier
En commission des affaires économiques, nos collègues du groupe LFI ont proposé et obtenu que les mesures miroirs incluent l’interdiction des substances « les plus dangereuses ».
Notre collègue Constance Le Grip apporte une précision importante : la mention « les plus dangereuses » ne correspond pas à une catégorie juridique, tandis que les substances « interdites par le droit communautaire » ont bien une existence juridique. Cet apport est donc très précieux.
Pour rendre hommage à l’origine de l’amendement, nous proposons de compléter ainsi la rédaction : « en raison de leur dangerosité telle qu’établie par les autorités compétentes ». Cela permet de réconcilier sur ce sujet toutes les parties.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Avis favorable à l’amendement no 3 de Mme Le Grip, sous réserve de l’adoption du sous-amendement no 18 de M. Potier. Viser strictement les substances interdites par le droit communautaire, comme le suggère Mme Le Grip, serait utile mais exposerait la proposition de résolution au risque d’une mécompréhension. La nouvelle rédaction reconnaît aux autorités compétentes la capacité de désigner les substances dangereuses devant être interdites par le droit communautaire. Nous devons nous opposer fermement à l’importation des substances interdites par ce même droit.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Avis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.
(Le sous-amendement no 18 est adopté.)
(L’amendement no 3, sous-amendé, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 12, qui fait l’objet de deux sous-amendements.
M. Charles Sitzenstuhl
Il tend à susciter un débat, même bref, sur la vocation de l’Union européenne en matière agricole. L’Union européenne, grâce aux succès de la politique agricole commune, est une puissance mondiale majeure du commerce agricole et agroalimentaire. En 2023, l’Union européenne a réalisé un excédent alimentaire de 70 milliards d’euros ; c’est un record.
Je souhaite que nous rappelions la puissance de fait de l’Union européenne en matière agricole et agroalimentaire car on se rend compte que les normes, qui partent de bonnes intentions, créent parfois des difficultés et entravent le travail de certaines filières. Je ne souhaite pas que la réflexion intéressante lancée par nos collègues soit entièrement dissociée des réalités économiques et de la nécessité de conserver à l’Europe son rôle de puissance mondiale en matière agricole.
M. le président
Je suis saisi de deux sous-amendements identiques, nos 15 et 16.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir le sous-amendement no 15.
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Le sous-amendement n’obère pas la portée de l’amendement no 12. Nous n’avons pas de difficulté à rappeler que l’Union européenne est une grande puissance agricole avec des moyens et un savoir-faire unique. Nous proposons de modifier la suite, car être une grande puissance exportatrice n’a pas la même valeur si nous conservons, pour certaines filières, de grandes dépendances vis-à-vis de l’extérieur. La réduction des dépendances et la croissance économique de nos filières sont deux facteurs clés de notre souveraineté. La rédaction que nous proposons rappelle notre fierté d’être une puissance agricole majeure ainsi que la nécessité de maintenir les conditions d’un juste échange. Cette formulation me semble englober les différentes vocations de notre agriculture.
Sous réserve de l’adoption du sous-amendement no 15, avis favorable.
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir le sous-amendement no 16.
M. Dominique Potier
Il abonde dans le sens de l’amendement no 12 tout en le précisant. L’Europe sera puissante si elle est une puissance de production : ce point devrait tous nous rassembler et mérite d’être réaffirmé. L’Union européenne doit aussi être une puissance normative, édictant le droit en fonction de ce qui est important pour elle, selon sa propre boussole. Les deux vont ensemble. C’est la raison pour laquelle je propose de préciser, par ce sous-amendement, que l’Union européenne n’est pas seulement un exportateur de produits agricoles et agroalimentaires, mais un producteur majeur.
L’Europe doit produire intensément et de manière écologique – cela s’appelle l’agroécologie –, adopter une logique de commerce équitable, combattre la concurrence déloyale et garantir sa souveraineté alimentaire, ainsi que celle des pays tiers, dans une logique de coopération plus que de compétition destructrice – c’est notre capacité à nourrir le monde qui est en jeu.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée pour les sous-amendements et je donne un avis favorable sur l’amendement no 12. Je ne partage pas l’opinion du député Benoît Biteau sur les vases communicants : il est possible de renforcer la souveraineté alimentaire tout en exportant. De nombreux pays appliquent cette stratégie dans des secteurs variés ; la France le fait dans les domaines agricole et agroalimentaire.
Je souscris donc totalement aux propos du député Charles Sitzenstuhl : ces dix dernières années, grâce aux accords commerciaux, l’excédent agricole et agroalimentaire de l’Union européenne a connu une hausse de 40 %, passant de 50 à 70 milliards. Nous devons donc continuer de promouvoir les routes commerciales favorables à nos industries agroalimentaires et à nos agriculteurs. Le renforcement de notre puissance exportatrice – la France est le sixième exportateur mondial – est la condition sine qua non de notre prospérité et de notre souveraineté alimentaire.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Nous avons tous, je crois, la volonté de trouver un accord sur cette proposition de résolution. Je voterai donc en faveur de ces sous-amendements, qui nuancent et complètent mon amendement – merci à la rapporteure et à M. Potier de les avoir présentés.
(Les sous-amendements identiques nos 15 et 16 sont adoptés.)
(L’amendement no 12, sous-amendé, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 10.
M. Dominique Potier
C’est le dernier que je défends, mais ce n’est pas le moindre ! Nous avons longuement évoqué les normes sociales, environnementales et sanitaires. En commission des affaires économiques, nos collègues du groupe Ensemble pour la République se sont émus du manque de définition des normes sociales : allons-nous imposer à nos partenaires commerciaux le smic européen, le régime des retraites européen ou français ? Nous souhaitons être clairs : il ne s’agit pas de projeter notre système social dans les négociations commerciales ; nous nous référons à la Charte sociale européenne et aux recommandations de l’Organisation internationale du travail (OIT).
Cher Jean-Paul Lecoq, lorsque nous parlons des travailleurs de la terre, nous pensons à tous les travailleurs de la terre : les entrepreneurs, les agriculteurs, les exploitants, les salariés agricoles et de l’agroalimentaire – ces derniers, que nous ne mentionnons pas assez, sont aujourd’hui plus nombreux que les paysans. La Charte sociale européenne et les recommandations de l’OIT ne font pas de distinction selon le statut : elles défendent les droits de la personne humaine en général, qu’il s’agisse de sa sécurité, de ses garanties, de sa dignité ou de sa sécurité au travail.
L’amendement permet d’éviter les recommandations évanescentes en précisant les normes sociales européennes dont nous parlons. J’ajoute que les directives européennes relatives au devoir de vigilance et à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises visent à appliquer des recommandations onusiennes formulées il y a une dizaine d’années. La France s’honore d’être pionnière dans leur mise en œuvre effective.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
En commission des affaires économiques, les filières nous ont alertés sur les conséquences sociales d’un accord comme celui qui a été signé avec le Mercosur. Nous n’en sommes encore qu’aux débuts de la réflexion sur l’intégration de paramètres sociaux dans les mesures miroirs, mais nous souhaitons que les ouvriers agricoles et les paysans sud-américains bénéficient des mêmes droits que leurs homologues français et européens. Des échanges existent déjà : j’ai parlé à des laitiers du Finistère qui voyagent au Brésil pour se former, apprendre et découvrir.
Monsieur Lecoq, oui, nous devons renforcer la protection des producteurs et des salariés agricoles. Ce sujet est fondamental pour le monde agricole.
(L’amendement no 10, accepté par le gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l’amendement no 2.
Mme Constance Le Grip
Nous devons continuer de progresser sur le chemin d’une harmonisation équitable des normes au sein de l’Union européenne, afin d’éviter les distorsions de concurrence ou la concurrence déloyale entre États membres. Cette harmonisation est importante pour garantir l’égalité de traitement entre les producteurs européens, mais aussi pour renforcer la cohésion et la cohérence du marché intérieur. Elle doit se fonder sur les textes européens eux-mêmes, sans intégrer les éventuelles surtranspositions des États membres.
M. le président
Sur l’article unique, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 2 ?
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Je partage votre souhait d’une harmonisation interne à l’Union européenne, mais l’alinéa 54 de la proposition de résolution l’évoque déjà : il invite la Commission européenne « à encourager un processus d’harmonisation dans la mise en œuvre des normes environnementales et sanitaires entre les États membres, en documentant les écarts dans l’application des procédures nationales d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, afin de chercher à les réduire ». Votre amendement, qui n’apporte qu’une précision marginale, est donc satisfait.
Nous souhaitons recentrer le débat sur la concurrence déloyale et les distorsions imposées par les pays tiers. Je vous invite à les combattre avec moi en soutenant la proposition de résolution. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 2 est retiré.)
M. le président
Je mets aux voix l’article unique, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 90
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l’adoption 77
Contre 0
(L’article unique, amendé, est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EPR, EcoS et Dem.)
Titre
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 5.
M. Dominique Potier
Je remercie tous ceux qui ont contribué à ce que ce texte soit voté à l’unanimité, après le travail de fond mené à la suite de l’échec des politiques de réduction des pesticides. Pour protéger le pacte vert pour l’Europe et la transition agroécologique qui sauvera la terre et l’humanité, nous avons besoin de justice économique et de protection. Tel est le sens du titre que nous proposons et qui rappelle notre opposition à l’accord UE-Mercosur et notre engagement en faveur d’échanges justes, qui garantissent la souveraineté agricole et alimentaire, ici et ailleurs. Ce titre manifeste notre fierté française et son dessein universaliste.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
L’ambition principale de la modification du titre est d’afficher notre combat collectif contre l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, afin de lui donner de la lisibilité et de permettre aux citoyens de mieux s’en saisir. Ce titre réaffirme notre engagement sans faille en faveur d’une véritable souveraineté alimentaire au sein de l’Union européenne et de l’intérêt général européen.
Pour nous faire entendre auprès de l’exécutif européen, nous avons notre parlement national et le soutien des parlementaires européens, mais nous avons aussi besoin d’un titre de combat. Je compte sur votre soutien. Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. Le titre initial était plus large, mais je respecte votre choix de faire référence au cas particulier du Mercosur.
Avant de passer au prochain texte, je remercie la rapporteure et M. Potier pour leur travail utile, qui contribue à renforcer notre position en France et en Europe. Je ne m’étonne pas qu’il ait recueilli l’unanimité de l’Assemblée.
Nous devons cesser de considérer la norme européenne comme un frein à la compétitivité. C’est vrai pour le monde agricole, mais aussi pour le monde industriel et commercial. Très prochainement, nous aurons un combat commun à mener, en France et en Europe, dans la compétition économique mondiale qui se dessine.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Comme je ne sais pas si j’aurai encore l’occasion d’intervenir sur ce texte, je tiens à saluer la qualité du travail réalisé en commission des affaires économiques, comme en commission des affaires européennes, et aujourd’hui en séance publique.
En commission des affaires économiques, nous avons introduit deux dispositions fondamentales : la possibilité d’activer des clauses de sauvegarde qui existent dans le droit international et l’interdiction totale de l’importation de produits traités avec les substances les plus dangereuses.
(L’amendement no 5 est adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix la proposition de résolution.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 93
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l’adoption 79
Contre 0
(La proposition de résolution est adoptée.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS, ainsi que sur les bancs des commissions.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures quarante.)
M. le président
La séance est reprise.
2. Refus de ratifier l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur
Discussion d’une proposition de résolution européenne
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne invitant le gouvernement de la République française à refuser la ratification de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur (nos 608, 695).
Présentation
M. le président
La parole est à Mme Manon Meunier, rapporteure de la commission des affaires étrangères.
Mme Manon Meunier, rapporteure de la commission des affaires étrangères
Oui, en France, nous avons encore des normes environnementales contraignantes pour le respect des paysages. Oui, en France, nous avons encore un droit du travail contraignant pour le respect des travailleurs. Oui, en France, nous avons encore un modèle agricole familial, et neuf éleveurs sur dix comptent moins de cent vaches dans leur troupeau. Nous sommes dans la période charnière où ce modèle agricole français pourrait basculer. Et où nous, politiques, devons faire un choix.
Premier scénario : nous continuons votre politique, collègues macronistes. À savoir : soumettre l’agriculture, comme n’importe quelle autre marchandise, aux traités de libre-échange,…
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
C’est faux !
Mme Manon Meunier, rapporteure
…écraser les agriculteurs et les agricultrices sous une concurrence mondiale déloyale et, au bout du compte, être obligés de s’aligner sur les normes environnementales et sociales moins-disantes de l’international.
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Ce n’est pas vrai !
Mme Manon Meunier, rapporteure
Et pour cause : nos élevages familiaux français de cent vaches ne résisteront pas aux fermes de 10 000 bœufs aux hormones du Brésil. Ce scénario, malheureusement, est déjà bien engagé.
Chez moi, en Limousin, l’élevage extensif bovin et ovin est majoritaire et il est d’excellence. C’est ce qui permet la conservation de nos paysages bocagers typiques. Dans le nord de la Haute-Vienne, où se trouve ma circonscription, l’élevage ovin résiste encore. Mais, en réalité, sous le coup de la concurrence internationale, nous avons perdu 350 000 brebis depuis les années 1990. Et, derrière ce chiffre, c’est une ferme par jour en moins que compte le Limousin depuis dix ans. Si le traité avec le Mercosur est ratifié, l’élevage bovin s’attend à connaître le même déclin.
De nouvelles fermes commencent à voir le jour. Parfois, ce sont les industriels de l’énergie qui les tiennent debout ; parfois, c’est l’agro-industrie qui rachète les terres. En tout cas, la transformation est en marche, et c’est au détriment des paysans. Ce scénario, même s’il est déjà bien engagé, n’est pas inexorable. Il n’est pas inévitable. Il est la conséquence de choix politiques, de vos choix politiques. Or il existe une autre solution, et c’est un gros mot pour vous : cela s’appelle le protectionnisme.
Oui, nous conserverons nos normes sociales et environnementales contraignantes, qui font de l’agriculture française ce qu’elle est encore aujourd’hui : un modèle familial qui fait vivre nos territoires ruraux et préserve nos paysages. Mais si nous imposons cela aux agriculteurs et aux agricultrices, nous leur devons une politique protectionniste. Nous leur devons d’arrêter de considérer l’agriculture comme une variable d’ajustement. Nous leur devons d’arrêter d’échanger les vaches et les cultures contre des voitures. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Je ne parlerai même pas du troisième scénario qui se dessine à l’extrême droite de cet hémicycle, qui souhaite un mélange étrange des deux systèmes que je viens de décrire. Le Rassemblement national entend en effet protéger notre système agricole de l’international tout en s’alignant sur ses normes catastrophiques. Ses députés ont proposé des amendements en ce sens, auxquels je m’opposerai bien évidemment.
Je ne donnerai qu’un chiffre : 99 000 tonnes, c’est la masse de viande bovine que le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur prévoit de laisser importer en Europe. Emmanuel Macron n’a rien fait et ne fait rien pour s’opposer à ce traité de libre-échange. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Ce n’est pas vrai !
Mme Manon Meunier, rapporteure
En réalité, Emmanuel Macron a même participé au premier accord obtenu en 2019. Il saluait alors un bon accord, respectant nos normes environnementales et sanitaires. En 2023 encore, le gouvernement invitait à ne pas jeter l’accord à la poubelle et estimait qu’il fallait le conclure.
Il est vrai que depuis l’explosion de la colère agricole, le discours gouvernemental a un peu changé. Vous dites soudainement ne plus vouloir de l’accord, mais « en l’état » : c’est-à-dire que vous le laisserez passer lorsque vous aurez obtenu de Bruxelles deux ou trois clauses miroirs. Or vous savez aussi bien que nous que ces clauses sont inefficaces : l’Union européenne a dernièrement révélé que les mesures miroirs en vigueur avec le Mercosur n’étaient pas respectées. En raison de l’insuffisance des contrôles, parfois de la corruption de contrôleurs, l’Union importe déjà du bœuf aux hormones, pourtant interdit ! (« Scandale ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
La position de La France insoumise est claire depuis le début : clauses miroirs ou pas, nous ne voulons pas de traité de libre-échange avec le Mercosur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il importait que l’Assemblée nationale l’établisse sans ambiguïté, invite à une opposition ferme et définitive, demande à la Commission européenne de soumettre l’accord à un vote à l’unanimité des États membres, afin que la France conserve un réel pouvoir. Tout cela, qu’Emmanuel Macron aurait dû faire depuis longtemps, constitue l’objet du texte que nous vous présentons. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Hignet, au nom de la commission des affaires européennes.
Mme Mathilde Hignet
J’aurai avant toute chose une pensée pour les habitants d’Ille-et-Vilaine, et en particulier de ma circonscription, touchés par les inondations. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS. – Mmes Sophie Mette et Stella Dupont applaudissent également.) Je salue les équipes de secours, pompiers, municipalités, ainsi que les citoyens qui, depuis des jours, viennent en aide à leurs voisins.
Je pense également aux agriculteurs du département dont les fermes ont été inondées. Ces inondations, qui résultent de l’artificialisation des sols et du changement climatique, mettent en évidence la nécessité de repenser l’aménagement du territoire. La préservation des haies, des talus, est primordiale ; la capacité des prairies à limiter les phénomènes de ruissellement nous invite à soutenir les pratiques vertueuses des éleveurs en plein air, à accompagner la transition agroécologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme la rapporteure applaudit également.) Or comment assurer cette dernière si, dans le même temps, l’agriculture est sacrifiée aux accords de libre-échange ?
Les agriculteurs nous nourrissent ; ils contribuent à la préservation de la biodiversité, des sols, des paysages. Il importe donc de les protéger de la concurrence que tendent à imposer ces accords. Cette proposition de résolution nous donne l’occasion de clarifier la position de la France à l’égard du traité avec le Mercosur, ce que n’a pas fait, le 26 novembre 2024, la déclaration du gouvernement Barnier sur ce point : il en est ressorti une opposition à l’accord « en l’état », autrement dit à sa version actuelle. Dans nos circonscriptions, ce n’est pas un accord révisé ou amélioré que réclament les agriculteurs : ils ne veulent pas d’accord du tout !
Ce texte invite le gouvernement français à refuser la ratification de l’accord avec le Mercosur, quels que soient les termes retenus. (Mêmes mouvements.) Contrairement à ce que vous avez essayé de faire croire lors du précédent débat, nous ne sommes pas opposés aux échanges commerciaux, mais celui de nos aliments, biens de première nécessité, contre des voitures n’est pas acceptable.
M. Matthias Tavel
Très bien !
Mme Mathilde Hignet
Ces accords déstabilisent la production française et européenne, exposée par la fin de l’exception agricole à la concurrence de produits importés moins-disants, que ce soit en matière de respect de l’environnement, de rémunération des travailleurs ou de bien-être animal. (M. Matthias Tavel applaudit.) Les normes appliquées par les pays du Mercosur sont bien moins exigeantes que les nôtres. C’est pourquoi il est souvent fait mention de clauses miroirs, de mesures miroirs, visant à ce que les produits importés respectent ces dernières. Mais outre le fait que la conformité à ces clauses est difficilement vérifiable, la production alimentaire relève de la souveraineté nationale : un État ne peut imposer de contraintes qu’à ses propres producteurs.
Près d’un tiers des produits phytosanitaires utilisés au Brésil sont interdits dans l’Union européenne ; quant à l’Argentine, elle est devenue l’emblème de l’agriculture industrielle, bien loin du modèle vertueux promu sur notre territoire. De fait, cet accord néfaste à notre agriculture le serait tout autant aux paysans argentins, qui connaissent depuis des années un phénomène de concentration économique et d’érosion de l’agriculture paysanne au profit des grandes cultures.
S’il devait aboutir, le traité avec le Mercosur s’ajouterait donc à la longue liste des accords de libre-échange qui autorisent l’importation de produits moins-disants par milliers de tonnes, dans l’espoir de contreparties économiques, mais pour quelles retombées sociales ou environnementales ? Les négociations ayant débuté il y a vingt-cinq ans, leur résultat ne correspond nullement aux enjeux actuels : lutte contre le réchauffement, soutien à l’installation d’exploitants, relocalisation de la production, maintien de l’élevage herbager. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Mme la rapporteure applaudit également.)
Sous couvert de compétitivité et de mondialisation, les dirigeants qui se sont succédé durant un quart de siècle ont livré les agriculteurs à un marché vorace. Un tel accord nous éloignerait davantage de l’objectif de souveraineté alimentaire défini par La Via Campesina. Le modèle de société que nous voulons suppose une agriculture à taille humaine, qui valorise les territoires ruraux. Les pouvoirs publics doivent tout faire pour sauvegarder les industries agroalimentaires de taille intermédiaire, les abattoirs de proximité, les ateliers de transformation, qui maillent notre territoire et créent des emplois. C’est pourquoi, je le répète, cette proposition de résolution vous donne l’occasion de vous prononcer sans ambiguïté pour ou contre un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Mme la rapporteure applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger
L’Assemblée a choisi d’inscrire une nouvelle fois à son ordre du jour un sujet essentiel de nos discussions commerciales : l’accord d’association entre l’Union européenne et les pays du Mercosur. Nous ne voulons pas de cet accord en l’état. Le président de la République l’a déclaré dans des termes qui ne souffrent ni équivoque ni interprétation. (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Le précédent gouvernement a pris l’initiative, sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution, d’une déclaration visant à présenter la position de la France, à l’Assemblée le 26 novembre, au Sénat le jour suivant. Celle-ci étant suivie d’un débat et d’un vote, l’Assemblée a pu exprimer son rejet massif de l’accord tel qu’envisagé alors par la Commission. Je ne m’attarderai pas sur ce que vous savez déjà : l’opposition française à l’accord tient à des motifs à la fois environnementaux et agricoles. D’un point de vue environnemental, tout accord doit respecter les objectifs européens.
M. Matthias Tavel
Ce n’est pas possible !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Du point de vue agricole, la version actuelle du texte menace l’avenir de nos filières. Notre combat en faveur de celles-ci dépasse toutefois largement ce cadre : les mesures miroirs constituent un enjeu majeur, comme l’a rappelé le président de la République. En Europe, dans tous les secteurs, nous imposons aux producteurs, aux industriels, aux citoyens, au nom de la protection de l’environnement, des normes de plus en plus exigeantes – je vous renvoie au débat que nous venons d’avoir. Nous ne pouvons faire entrer sur notre marché des produits moins-disants en la matière : c’est là une question de cohérence, de compétitivité, d’acceptabilité pour nos concitoyens des décisions prises à l’échelle européenne.
Ces considérations, vous les connaissez. Qu’est-ce qui a donc changé depuis le 6 décembre, date de l’annonce par la présidente de la Commission de la conclusion des négociations entre l’Union et le Mercosur ? Le texte issu de ces négociations, et qui devrait être présenté au Conseil de l’Union européenne, ne nous convient toujours pas. Le président de la République l’a rappelé : la messe n’est pas dite. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Nous avons encore devant nous un délai pour négocier, dans un premier temps au sein du Conseil.
Permettez-moi une parenthèse concernant la forme de l’accord. Le gouvernement est particulièrement attentif au respect du mandat de 1999, donné à la Commission par le Conseil en vue d’un accord d’association mixte. Un changement de forme serait contraire aux termes de ce mandat, et nous nous réservons toute possibilité d’action juridique sur ce point.
Se préparant à toutes les éventualités, le gouvernement s’emploie à réaffirmer notre position, à communiquer nos arguments à nos homologues européens, à convaincre. À l’heure actuelle, la majorité des États membres soutiennent apparemment l’accord, mais plusieurs s’inquiètent fort, comme nous, de ses conséquences environnementales et agricoles. Nous sommes régulièrement en contact avec eux, de même qu’avec la Commission : j’ai ainsi souhaité, pour mon premier déplacement en tant que ministre en charge du commerce extérieur, me rendre à Bruxelles, afin d’y rappeler notre position au nouveau commissaire européen au commerce. Notre combat en faveur d’une politique commerciale ambitieuse dans l’intérêt de nos entreprises, de nos relations bilatérales, équilibrée dans l’intérêt de nos filières, notamment des plus sensibles, durable dans l’intérêt de tous, n’est pas achevé.
Ne nous y trompons pas – peut-être est-ce là que réside notre divergence majeure : lorsqu’ils répondent à ces critères, les accords de commerce sont favorables à notre économie. Ils contribuent à ouvrir de nouveaux marchés à nos entreprises, quelles qu’elles soient,…
M. Arnaud Le Gall
Non, pas quelles qu’elles soient !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…à diversifier nos approvisionnements, à sécuriser nos chaînes de valeur. Par ailleurs, l’accès au marché intérieur européen, très attractif, représente un puissant levier d’influence. La France est une grande puissance exportatrice ; ses agriculteurs le savent mieux que quiconque.
M. Matthias Tavel
Ça dépend lesquels !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
La politique commerciale constitue également un atout géopolitique : tant pour maintenir une certaine stabilité géostratégique que pour assurer la résilience de nos chaînes d’approvisionnement, nous avons besoin de partenariats étroits avec un certain nombre d’États. Par conséquent, nous ne pouvons soutenir la proposition de résolution, qui placerait la France dans une position d’opposition systématique en matière commerciale. Au sujet de l’accord avec le Mercosur, je partage votre point de vue, et vous pouvez compter sur ma détermination pour continuer la lutte ; mais le repli sur soi n’est pas la solution.
M. Arnaud Le Gall
Personne ne parle de repli sur soi !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Cette politique protectionniste créerait de l’inflation et ferait perdre du pouvoir d’achat ; elle irait à rebours de nos ambitions de souveraineté (Mme Clémence Guetté s’exclame), de réindustrialisation ; elle mettrait en péril des filières et des territoires, y compris agricoles, qui profitent largement de l’export, voire en vivent. Elle nuirait à nos produits, à nos savoir-faire, à nos territoires, à nos emplois. Nous n’en voulons pas.
Le gouvernement partage la position que l’Assemblée a exprimée le 26 novembre dernier au sujet de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. De toute évidence, elle ne souhaitait pas alors promouvoir un protectionnisme qui risquerait de compromettre les avantages d’une politique commerciale ambitieuse, durable et équilibrée.
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Une nouvelle fois, l’évidence s’impose : l’Assemblée nationale, dans un très large consensus, s’oppose, de même d’ailleurs que le Sénat, à l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur – comme nous l’avions déjà fait, le 13 juin 2023, en adoptant une proposition de résolution sur ce sujet, puis en soutenant, en novembre dernier, la déclaration du gouvernement. Nous le redisons ce matin, aucun traité ne saurait être conclu sans un strict respect de l’accord de Paris, sans clauses miroirs, sans équité commerciale.
M. Benoît Biteau
Devoir de vigilance !
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Bien sûr, au moment où certaines puissances entendent relancer la guerre commerciale, ce partenariat entre deux grands marchés profiterait à nombre de secteurs – automobile, chimie, pharmacie, textile, services, même certains pans de l’agriculture. Soyons objectifs : l’Europe en sortirait très largement bénéficiaire.
M. Arnaud Le Gall
Qui, en Europe ?
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Ce serait toutefois globalement au détriment des filières agricoles française et européenne. C’est pourquoi, en finalisant les négociations, en décembre, à Montevideo, la Commission a agi contre les intérêts de la France. Ce n’est pas acceptable.
Pas acceptable, tout d’abord, car cet accord créerait les conditions d’une concurrence déloyale des exploitants sud-américains, avec des conséquences graves sur les salaires, les conditions de travail, l’emploi et le niveau de vie des agriculteurs européens.
Pas acceptable, ensuite, en raison des risques que cet accord fait peser sur l’environnement, car il entraînerait une augmentation des émissions de gaz à effet de serre et un accroissement de la déforestation. Il irait, bien évidemment, à l’encontre des objectifs environnementaux et sociaux défendus par la France et l’Europe. Et tandis que des voix s’élèvent un peu partout dans le monde contre la lutte pour le climat, nous ne devons rien céder sur ces principes essentiels. Au nivellement par le bas, préférons l’ajustement par le haut. Imposons nos exigences, non pas parce que ce sont les nôtres, mais parce qu’elles sont justes. L’Union européenne en a les moyens et la possibilité. Nous devons donc marteler ce message à Bruxelles.
Ce n’est pas acceptable, enfin, car les conditions démocratiques et politiques ne sont pas réunies. La France s’oppose, par la voix du président de la République, celle du premier ministre actuel – comme de ses prédécesseurs –, ainsi que celles du gouvernement et du Parlement, à la conclusion de cet accord. En tant qu’État fondateur et central dans l’architecture européenne, la France ne peut être ignorée dans les discussions menées par Mme von der Leyen. Sa position doit être entendue par la Commission européenne et par ses partenaires européens.
Ce débat nous donne l’occasion de vous rappeler, monsieur le ministre délégué, de ne rien céder sur les réglementations européennes. Nous l’avons évoqué au cours de la précédente discussion : l’opposition de plusieurs États membres concernant le devoir de vigilance ou la directive CSRD, relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, ne va pas dans le bon sens. Oui, il faut simplifier, mais pas déréguler ! J’y insiste parce que ces avancées ont été obtenues de haute lutte par la France ces dernières années – nous étions pionniers – et il ne faut rien céder sur ces sujets ; il ne serait pas acceptable de remettre en cause des réglementations et des normes existantes.
M. Jean-Paul Lecoq
Très bien !
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Enfin, il ne faut rien céder sur l’impérative nécessité d’accélérer la révision de notre politique de commerce. L’Europe représente un marché de 450 millions d’individus. Il s’agit d’une force immense, qui doit nous permettre d’obtenir plusieurs avancées. Tout d’abord, pour protéger notre santé, en appliquant strictement nos standards sanitaires. Ensuite, pour défendre notre modèle social, en faisant respecter nos standards sociaux. Enfin, pour conforter nos ambitions climatiques, en défendant nos standards environnementaux.
Si nous ne le faisons pas, notre continent sera celui qui impose les normes les plus exigeantes au monde en matière de climat, d’environnement ou encore de droits sociaux – et c’est une bonne chose ; nous devons continuer à le faire –, mais qui, par sa politique commerciale, importe des produits ne respectant ni les mêmes normes ni nos propres exigences. Une partie des Français, en particulier les agriculteurs, ne comprennent plus cette incohérence. Pour être en accord avec nos ambitions, nous devons repenser profondément notre politique commerciale. Au-delà de notre débat sur le Mercosur, c’est ce combat que la France doit mener à Bruxelles. (Mme Constance Le Grip applaudit.)
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Aurélie Trouvé.
Mme Aurélie Trouvé
Nous vous proposons aujourd’hui de prendre une position claire contre l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur et d’envoyer un message simple et sans équivoque. Non à l’accord, quelles que soient les conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Non, avec ou sans clauses miroirs. Non, avec ou sans mention de l’accord de Paris. Non, en l’état actuel du texte ou pas. Voilà ce qu’est la clarté, monsieur le ministre délégué !
M. Matthias Tavel
Eh oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Cela s’appelle le protectionnisme !
Mme Aurélie Trouvé
Cela fait des mois que dure la saga de la France qui s’oppose à ce traité, avec des « si », avec des « mais ». Pour aboutir à quoi ? La présidente von der Leyen s’est hâtée, le 6 décembre, de filer à Brasilia fêter la conclusion des négociations !
M. Matthias Tavel
Honteux !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
C’était à Montevideo !
Mme Aurélie Trouvé
Les agriculteurs avec lesquels j’ai échangé ont une question en tête : comment se fait-il que l’Europe soit à deux doigts d’entériner cet accord de libre-échange avec le Mercosur qui menace la survie même de leur production ? (Mme la rapporteure applaudit.)
M. Arnaud Le Gall
Eh oui !
Mme Aurélie Trouvé
La réponse est simple : depuis vingt ans, les gouvernements français soutiennent que cet accord pourrait être vertueux. C’est pourquoi ils ont laissé la Commission européenne négocier, pour faire plaisir aux banques et aux multinationales françaises, qui lorgnent sur les marchés sud-américains. (Mme la rapporteure applaudit.) Voilà où nous en sommes !
Le président Macron estime que cet accord pourrait être avantageux et que la France pourrait négocier, grâce à une formule magique : celle des clauses miroirs, qui permettraient, comme par enchantement, que les élevages français d’une centaine de vaches tiennent le coup face aux usines d’engraissement, ces fameux feed-lots qui regroupent des milliers de bêtes et dont les terres ne coûtent quasiment rien, en raison de la déforestation.
Par ailleurs, connaissez-vous le montant du salaire minimum au Brésil ? Il est de 220 euros. Il est de 320 euros en Argentine et de 340 euros au Paraguay. Par conséquent, les clauses miroirs ne permettront en rien d’effacer l’énorme écart entre les coûts de production en France et ceux du Brésil ou du Paraguay – il va de un à dix. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Surtout, ces clauses miroirs ne fonctionnent pas, comme vient de le concéder la Commission européenne : du bœuf traité aux hormones de croissance en provenance du Brésil ou du Canada entre déjà dans l’Union européenne, parce que nous sommes incapables de le contrôler techniquement – ce sera pire encore si l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur est signé.
Il n’y a donc pas de mesures de réciprocité qui permettent d’aboutir à un bon accord de libre-échange. D’ailleurs, comme son nom l’indique, un accord de libre-échange a pour but de libéraliser les échanges des deux côtés – c’est la définition donnée par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en première page de son site.
Pourquoi avoir fait croire, au printemps dernier, que les négociations étaient suspendues alors que la Commission poursuivait tranquillement les pourparlers ? Pourquoi n’avoir jamais demandé un réexamen du mandat de négociation approuvé il y a vingt-cinq ans entre les vingt-sept États européens ? Pourquoi n’avoir pas suspendu le processus de négociation ? Pourquoi n’avoir pas cherché, bien plus tôt, des alliances au sein du Conseil ? Il est loin, très loin, le temps où le président de Gaulle décidait de pratiquer la chaise vide pour préserver les intérêts des citoyens, en particulier sur le plan de la souveraineté alimentaire. Il est très loin ce temps de la chaise vide à Bruxelles, alors que se joue la survie non seulement de l’agriculture familiale, mais aussi de notre alimentation. (Mme la rapporteure applaudit.)
Rendons-nous compte ! Voyons à quel degré d’impuissance les gouvernements successifs ont conduit la France depuis vingt ans ! À l’impuissance organisée, orchestrée, des législateurs nationaux, c’est-à-dire de nous-mêmes, qui ne pesons plus qu’à la marge sur les choix économiques de notre pays, qui regardons passer les trains de la libéralisation sans avoir les moyens politiques de les stopper. Dès lors, nous appelons la représentation nationale à prendre une position forte et claire contre cet accord.
Enfin, permettez-moi une mise en garde : la propension des gouvernements du président Macron à signer des accords de libre-échange à tour de bras remettra les agriculteurs et les citoyens dans la rue !
Un député du groupe LFI-NFP
C’est vrai !
Mme Aurélie Trouvé
Il en sera de même si vous tentez de faire passer un accord de libre-échange avec la Thaïlande, qui menace la pêche artisanale française, avec l’Inde ou avec l’Australie, comme vous venez de le faire avec la Nouvelle-Zélande, ou si vous privez l’Assemblée nationale d’un vote sur l’accord de libre-échange avec le Canada, alors même qu’il vient d’être rejeté par le Sénat. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Vous ne voulez aucun accord à venir !
Mme Aurélie Trouvé
Nous voulons non pas le repli, mais une protection intelligente et des échanges coopératifs, loyaux et équilibrés. Regardez les résultats de votre politique de libéralisation tous azimuts des marchés et l’état lamentable de notre économie ! Il est vraiment temps d’y mettre fin. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Mme Marietta Karamanli
La proposition de résolution européenne dont nous débattons vise à inviter le gouvernement, et indirectement la Commission européenne, à décliner le projet de traité de libre-échange entre l’Union européenne et les cinq États d’Amérique latine qui forment le Mercosur.
La présidente de la Commission européenne a annoncé le 6 décembre la conclusion des négociations en vue de cet accord, qui doit encore être ratifié. Il autoriserait les pays sud-américains concernés à exporter vers l’Europe des denrées telles que de la viande, du sucre, du riz, du miel ou encore du soja.
À bien des égards, le secteur agricole français et européen est utilisé comme monnaie d’échange par rapport à d’autres intérêts commerciaux, certes légitimes, mais qui ne peuvent s’imposer au détriment de la ruralité. La réduction des droits de douane satisfait les industries européennes de l’automobile, des machines ou des produits pharmaceutiques, mais elle engendre de nouvelles fragilités pour les agriculteurs français, qui devront faire face à l’importation de produits respectant des normes sociales, sanitaires et environnementales bien moins rigoureuses que les nôtres.
Notre assemblée s’est déjà penchée sur les conséquences de certains accords internationaux sur le secteur agricole. Il y a quelques instants, elle a adopté la proposition de résolution européenne de notre collègue Dominique Potier sur le respect à l’importation de normes de production. Cette résolution vise à prévoir, dans tous les traités commerciaux de l’Union européenne, des mesures de réciprocité garantissant la qualité et la sécurité des produits agricoles importés – les clauses miroirs –, ainsi qu’un processus permettant d’en assurer l’effectivité grâce à l’instauration d’une certification « CE » attestant de la conformité aux normes européennes.
En ce qui concerne l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, sa dynamique pose une question plus large : celle de la mise en concurrence quasi systématique de petites entités économiques avec de très grandes entreprises économiques, sur le plan national comme sur le plan international. En creux, cette question renvoie aux incohérences de la politique en faveur des petites entreprises, notamment agricoles. Rappelons que, dans le système actuel, les aides directes, calculées en fonction des surfaces et non plafonnées, favorisent les grandes exploitations. Les petits producteurs, quant à eux, font face à des coûts de production souvent supérieurs aux prix de vente de leurs produits. Sans oublier l’explosion des marges brutes des industries agroalimentaires, passées de 28 % à 48 % entre 2021 et 2024.
Les négociations entre l’Union européenne et le Mercosur durent depuis longtemps et les parlements nationaux comme le Parlement européen n’en possèdent pas toutes les clefs, ce qui pose un problème de démocratie et de transparence. Si, par définition, la négociation suppose d’avancer au fil des discussions, il n’en est pas moins vrai que les clauses principales, les dispositifs additionnels ou les annexes, souvent techniques, ne sont ni connus ni transmis au cours du processus. À bien des égards, les députés n’ont donc aucune vision de ce qui se passe, ce qui accroît leurs doutes quant aux bénéfices de l’accord mis en avant par l’exécutif européen. En réalité, le débat dépasse la simple question agricole.
La position des députés du groupe Socialistes et apparentés est constante depuis 2018. Nous insistons sur plusieurs points, et tout d’abord sur la régulation demandée par les États en voie de développement, qui contestent la façon dont les prix des matières premières sont fixés et la différence entre les prix d’achat et les prix de vente en Europe, qui génère d’immenses bénéfices pour quelques firmes. Nous insistons ensuite sur la nécessité de prévoir un traitement différencié pour certains produits de première nécessité, en matière alimentaire ou sanitaire par exemple. Enfin, nous soulignons la nécessaire ratification de ces accords de nouvelle génération par les parlements nationaux, après la ratification par le Parlement européen. Nous estimons également indispensable de disposer d’avis indépendants et spécialisés concernant l’impact des traités.
Notre assemblée a conforté la position du gouvernement en apportant un soutien net et majoritaire à sa position de refus, en l’état, du projet d’accord – par 485 voix. Les députés du groupe Socialistes et apparentés soutiendront également la présente proposition de résolution européenne en appelant au respect de la transparence, des pouvoirs publics et politiques nationaux, des clauses miroirs et de l’unicité de l’accord. Notre première demande, formulée au cours des travaux de la commission des affaires européennes, a été prise en considération. C’est pourquoi nous maintenons notre position. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à M. Guillaume Lepers.
M. Guillaume Lepers
Nous sommes de nouveau réunis pour discuter de l’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur. Pourtant, il y a deux mois, le 26 novembre 2024, nous avons débattu du même sujet, à l’issue d’une déclaration du gouvernement qui exprimait très clairement son rejet de l’accord en l’état. Pour une fois, et parce que le Mercosur nous inquiète tous, cette déclaration a été suivie d’un vote de notre assemblée. Celui-ci a été sans appel : 485 députés ont voté dans le sens du gouvernement. Tous les bancs de cet hémicycle ont voté en faveur de cette déclaration, à l’exception de 69 députés, tous membres du groupe La France insoumise !
Nous avions l’opportunité d’envoyer un message d’unité à nos partenaires européens et de donner davantage encore de poids à cette position. Il est dommage que vous, les 69, n’ayez pas saisi cette occasion ! Entre-temps, la censure a écarté Michel Barnier, qui était pourtant le plus qualifié pour défendre les intérêts de la France au niveau européen. Malheureusement, mais sans surprise, Mme von der Leyen a profité de l’instabilité politique pour, dès les jours suivants, conclure les négociations avec les pays du Mercosur.
Deux mois plus tard, nous nous retrouvons donc pour examiner une proposition de résolution de rattrapage de nos collègues de La France insoumise. La position du groupe Droite républicaine, qui est très claire, n’a pas varié depuis notre dernier débat sur le sujet. La question qui se pose aujourd’hui est celle de l’avenir que nous voulons pour notre pays : quel modèle pour notre agriculture et quelle souveraineté alimentaire ?
Chaque traité de libre-échange doit nous amener à nous poser ces questions et à lutter contre les distorsions engendrées par des accords inéquitables. Nous ne pouvons plus accepter de voir s’installer librement dans nos assiettes du poulet gonflé aux antibiotiques, du maïs traité à l’atrazine et du bœuf issu de la déforestation massive. Quand ces accords ne respectent pas nos principes environnementaux, sanitaires et sociaux, ils doivent être refusés, d’autant plus qu’ils mettent en péril l’existence même de l’agriculture française, qui, elle, est soumise à des règles – probablement les plus drastiques au monde.
Je citerai un seul exemple, qui devrait tous nous faire bondir. Ma circonscription du Lot-et-Garonne est le siège de la plus grosse coopérative française de producteurs de noisettes. Nos vergers sont en train de mourir parce qu’il n’est plus possible, en France, de lutter efficacement contre les parasites depuis l’interdiction de l’acétamipride. Ce produit, dont aucune étude n’a pu prouver la nocivité, reste autorisé dans tous les pays d’Europe et du monde. Voyez l’aberration : la France, quatrième pays consommateur de noisettes au monde, importe 95 % de sa consommation – donc des noisettes traitées. Et pendant ce temps, elle laisse disparaître l’outil de travail de ses propres producteurs, dans une hypocrisie absolue. Non, on ne protège pas les consommateurs français. Mais oui, on laisse crever nos agriculteurs.
Nous devons prendre conscience du fait que notre agriculture est en train de mourir. Depuis vingt ans, 200 000 exploitations ont disparu, et ce n’est pas fini ! À chaque fois qu’un exploitant met la clé sous la porte, c’est un clou de plus planté dans le cercueil de notre souveraineté alimentaire. Notre balance commerciale agricole se dégrade à grande vitesse. Notre compétitivité s’affaiblit, notre souveraineté est menacée et la vitalité de nos territoires ruraux est directement affectée.
La situation est critique, mais elle n’est pas une fatalité. Elle doit nous inciter à nous retrouver autour de certaines évidences, au-delà des positions politiciennes de principe qui ne font jamais avancer les choses. Cette proposition de résolution en est un bon exemple. Elle ne devrait pas exister – nos collègues de La France insoumise auraient dû voter en faveur de la déclaration du gouvernement. Elle ne devrait pas non plus dévoyer un sujet aussi important pour en faire une tribune contre tous les échanges internationaux sans distinction.
Non, le commerce international n’est pas un adversaire total. Il demande des garde-fous, certes, mais il est absolument nécessaire à notre économie. Le groupe Droite républicaine ne rejoint donc pas les signataires de la proposition de résolution dans leur discours antilibéral, qui nuit à la position de défense de notre agriculture. Il nous paraît toutefois essentiel de ne pas brouiller le message que nous envoyons sur le Mercosur. Chaque fois que nous aurons l’occasion de dire notre opposition à ce traité, nous le ferons. Nous défendrons donc des amendements sur cette proposition de résolution afin d’envoyer un message lisible d’unité de la représentation nationale à la Commission européenne et au Conseil européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Quelle satisfaction de constater, dans cette assemblée, la volonté unanime de s’opposer à l’accord d’association avec les pays du Mercosur. Dans une autre vie, j’ai été député européen. Pendant cinq ans, c’était un autre hémicycle, une autre ambiance :…
Mme Constance Le Grip
C’est sûr !
M. Benoît Biteau
…la partie centrale, engoncée dans ses logiques économiques libérales, soutenait les accords de libre-échange, y compris ceux avec les pays du Mercosur ; la partie droite n’avait pas d’avis ; seule l’aile gauche était opposée sans équivoque aux accords de libre-échange. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme la rapporteure applaudit également.) Nous avions cinq ans pour agir : adopté sur le principe en 2019, l’accord a été signé le 6 décembre 2024. Pendant ces cinq années, nous aurions pu négocier les mesures miroirs, mais surtout identifier les incohérences, les menaces, les dérives de l’accord. Où étaient, pendant ces cinq années, les chevaliers blancs qui, aujourd’hui résistants de la dernière heure, sont tous contre le Mercosur ?
Nous avions cinq ans pour faire reculer la perspective d’importer de la viande, du lait et du sucre que nous savons produire et qui menacent les productions européennes, et pour stopper net le saccage du poumon de la planète, la forêt amazonienne, ainsi que la destruction des peuples autochtones. Nous avions cinq ans pour convaincre la Commission de ne pas tenter, malgré ses arguments, le passage en force, en dissociant les parties commerciale et non commerciale du traité afin de contourner la règle de l’unanimité au Conseil de l’Union européenne – donc la démocratie. (Mme la rapporteure applaudit.)
Je souhaite aussi appeler votre attention sur la multiplication des accords de libre-échange entre la zone européenne et d’autres zones de la planète : cette multiplication est le symptôme de la spécialisation de la planète ; notre sécurité alimentaire dépend désormais des échanges à l’échelon planétaire. Les accords de libre-échange sont aussi le symptôme de la disparition du multilatéralisme.
M. Macron nous a fait la promesse de rejeter l’accord avec le Mercosur « en l’état ». Ce « en l’état » reste une trahison qui ouvre la porte à un accord quand même (Mme la rapporteure applaudit), avec toutes les dérives environnementales, économiques et sociales que nous connaissons.
L’accord avec le Mercosur démontre, une fois encore, que nous devons sortir l’agriculture des accords de libre-échange, établir une exception agriculturelle et cesser d’utiliser l’agriculture – la nourriture – comme une variable d’ajustement et une monnaie d’échange pour vendre de grosses voitures et de gros avions. Nous devons intégrer enfin et définitivement que se nourrir est un besoin primaire qui ne peut être l’otage du cynisme et de l’indécence des logiques commerciales libérales.
Tous ensemble, avec les autres pays européens, mettons la pression sur la Commission européenne et exigeons de sortir immédiatement de cet accord de libre-échange, qui, même si des améliorations étaient introduites, conduirait notre agriculture dans une impasse et aggraverait une crise qui dure depuis trop longtemps sur le continent européen. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
M. le président
La parole est à M. Éric Martineau.
M. Éric Martineau
Le 26 novembre dernier, l’Assemblée nationale a approuvé par un vote la déclaration du gouvernement portant sur les négociations en cours relatives à l’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur. Mon collègue Pascal Lecamp avait alors défendu la position du groupe Les Démocrates.
À l’occasion de cette déclaration, le gouvernement a rappelé son positionnement constant et clair : la France s’oppose à la ratification du projet d’accord avec le Mercosur en l’état. Cette position publique est connue de la Commission européenne, avec qui les échanges se poursuivent, malgré la signature du projet d’accord le 6 décembre dernier, lors du 65e sommet du bloc latino-américain à Montevideo.
L’accord de principe de 2019, au cœur des négociations, a donné lieu à un texte qui prévoit une baisse massive des droits de douane de part et d’autre de l’Atlantique, moyennant des quotas pour les produits agricoles les plus sensibles. Je pense à la filière bovine : le projet d’accord donnerait la possibilité aux éleveurs sud-américains d’exporter chaque année en Europe 160 000 tonnes de bœuf avec des droits de douane réduits ou nuls, ce qui expose nos agriculteurs à un risque de concurrence déloyale. L’augmentation des quotas d’exportation de bovins vers l’Europe pourrait par ailleurs pousser les pays du Mercosur, Brésil en tête, à augmenter leurs capacités de production, ce qui nécessiterait de créer des pâturages en déboisant la forêt amazonienne. Les risques sont donc aussi environnementaux. Nous ne pouvons l’accepter.
Face à cela, la France n’est pas restée sans rien faire. Elle n’a eu de cesse de réclamer des clauses miroirs qui garantissent que les contraintes de production pesant sur les agriculteurs européens s’appliquent aussi à leurs concurrents du Mercosur. La réciprocité des normes sanitaires et environnementales est nécessaire, incontournable et essentielle. Ce combat, qui a été érigé comme priorité au cours de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE), doit être poursuivi et amplifié.
L’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur doit encore être ratifié par chaque État membre avant d’entrer en application. Si l’accord est scindé en deux volets, l’un relatif aux investissements et l’autre purement commercial, le second s’appliquerait après un vote positif à la majorité qualifiée des États membres et un feu vert du Parlement européen. Cela n’est bien sûr pas souhaitable puisque les parlements nationaux n’auraient pas à se prononcer. Ces accords commerciaux revêtent un enjeu démocratique sur lequel nous devons nous interroger.
En s’exprimant à 485 voix pour et à 69 voix contre la déclaration du gouvernement le 26 novembre dernier, les députés ont eu l’occasion de s’opposer à la ratification de l’accord. Le groupe LFI, à l’origine de la présente proposition de résolution, est le seul à s’être opposé à cette déclaration. Vous tentez aujourd’hui de le justifier par cette proposition de résolution européenne.
Au risque de me répéter, la position de la France relative aux accords commerciaux, en particulier celui avec le Mercosur, reste inchangée et nous la soutenons. Cet accord inacceptable avec le Mercosur ne saurait par ailleurs servir de prétexte à une remise en cause des échanges commerciaux : ils sont une nécessité pour notre pays, pour ses acteurs économiques et pour ses agriculteurs. Avec ou sans accord commercial, les échanges augmentent. Nous avons besoin de plus d’échanges et de plus de coopération pour faire face aux dérèglements géopolitiques et climatiques. Il serait dès lors dommageable de renoncer à commercer sur une base équilibrée avec des pays qui partagent nos intérêts. Il nous faut sécuriser l’approvisionnement de la France, de l’Europe et du monde afin de concourir à la sécurité alimentaire.
Cela n’empêche pas de considérer chaque accord de libre-échange de façon distincte : aucun accord ne conditionne la signature d’un autre. La France n’hésite pas à s’opposer à ceux qui contredisent les objectifs environnementaux et sociaux de l’Union européenne, comme elle le fait avec le Mercosur. L’objectif est plutôt de conclure des accords européens et d’en faire évoluer le contenu pour réformer les chapitres relatifs au développement durable, protéger les savoir-faire grâce aux indications géographiques, garantir un traitement équitable pour les investisseurs européens, renforcer les clauses de sauvegarde et intégrer des sanctions en cas de non-respect des engagements.
Cette proposition de résolution s’apparente à une session de rattrapage pour justifier votre vote contre lors de la déclaration du gouvernement le 26 novembre. Vous instrumentalisez le Mercosur, contre lequel toute la classe politique, unie, mais sans vous, s’est déjà mobilisée et exprimée. Le groupe Les Démocrates considère que votre proposition de résolution européenne est déjà satisfaite. Nous ne prendrons donc pas part au vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à Mme Isabelle Rauch.
Mme Isabelle Rauch
Le groupe Horizons & indépendants partage l’opposition ferme de la France, de la majorité des parlementaires et du président de la République à l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur signé le 6 décembre. En l’état, il représente un danger à la fois pour nos agriculteurs et pour le respect de nos objectifs environnementaux. Les normes de production relatives aux pesticides et au bien-être animal dans les pays du Mercosur sont largement inférieures à celles de l’Union européenne, ce qui expose nos agriculteurs à une concurrence déloyale. Ses coûts environnementaux sont aussi difficilement acceptables, notamment l’accroissement de la déforestation et des émissions de gaz à effet de serre liées aux importations agricoles.
La Commission européenne aurait dû revoir sa copie et privilégier un commerce respectueux des citoyens, de l’environnement et des filières agricoles européennes. L’accord signé en décembre ne satisfait pas ces conditions, d’abord parce que l’inscription du respect de l’accord de Paris comme engagement contraignant n’est assortie d’aucun objectif spécifique et quantifié. De même, l’engagement des parties d’arrêter la déforestation à l’horizon 2030, inscrit dans l’accord de libre-échange, quoique louable, donne suffisamment de marge aux pays du Mercosur pour s’en affranchir.
En somme, c’est donc le même accord qui nous est présenté, dans un paquet masquant les mêmes défauts sous une façade d’engagements vertueux. Comme un tel accord ne passerait pas l’étape de la ratification par chacun des parlements des États membres, la Commission se réserve le droit de le scinder en deux. Elle pourrait ainsi faire adopter la partie commerciale, qui relève de la compétence propre de l’Union européenne, par les seules voix du Conseil – à la majorité qualifiée – et du Parlement européen. Nous ne pouvons pas accepter que l’accord soit ainsi découpé, ce qui priverait notre parlement d’un vote nécessaire à sa ratification. Le cas échéant, il faudra que la France rassemble une coalition d’États membres afin de constituer une minorité de blocage.
Cela étant dit, nous nous interrogeons sur la pertinence de la proposition de résolution présentée aujourd’hui. En effet, notre assemblée s’est déjà prononcée sur la question en novembre dernier et a approuvé par 485 voix contre 69 la déclaration du gouvernement, qui s’est engagé à s’opposer à l’accord en l’état. Cette proposition de résolution européenne est donc en grande partie déjà satisfaite.
M. Benoît Biteau
C’est « en l’état », le problème !
Mme Isabelle Rauch
Cette proposition de résolution n’est qu’un prétexte pour les députés du groupe La France insoumise de justifier leur vote contre la déclaration du gouvernement en application de l’article 50-1 de la Constitution. Cela n’étonnera donc personne de voir dans ce texte une opposition idéologique à tous les accords de libre-échange sans distinction.
M. Benoît Biteau
Bien sûr que non !
Mme Isabelle Rauch
C’est évidemment une position à laquelle nous ne pouvons pas adhérer. À quelles valeurs cette idéologie obéit-elle si elle accomplit exactement le contraire de ce qu’elle clame ? C’est en effet le même groupe qui, non content de priver le gouvernement Barnier d’une légitimité supplémentaire dans son combat, a décidé de le censurer quelques jours plus tard, éliminant ainsi un dernier obstacle à la signature de l’accord en décembre. C’est à se demander, chers collègues insoumis, si vous avez vraiment à cœur de protéger nos agriculteurs : vos actions ne font qu’affaiblir la position de la France quand elle cherche à les défendre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Eh oui !
Mme Isabelle Rauch
Nous refusons donc de participer à ce qui s’apparente à une session de rattrapage pour expliquer votre manque de cohérence. Le groupe Horizons & indépendants ne prendra pas part au vote sur cette proposition de résolution européenne.
M. le président
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Le 6 décembre 2024, au terme de négociations qui ont duré un quart de siècle, l’Union européenne et le Marché commun du Sud ont fini par conclure un accord de libre-échange de première grandeur, puisqu’il intéresse près de 300 millions de personnes. La France qui, en l’état, est opposée à la ratification, cherche à former une coalition de blocage. Elle avait imposé à la ratification du traité trois conditions qui demeurent toujours valables : ne pas augmenter la déforestation, indirectement importée dans l’UE ; mettre l’accord en conformité avec l’accord de Paris sur le climat signé en 2015 ; instaurer des mesures miroirs en matière sanitaire et environnementale. Pour l’heure, ces conditions n’ont pas été ou ont été mal respectées.
Comme 622 autres parlementaires, j’ai signé une tribune contre l’accord actuel du Mercosur, qui rappelle les oppositions, de tous les bords politiques, exprimées par les différentes assemblées. Rappelons aussi qu’en juin 2023, notre assemblée avait adopté une résolution déclarant que les conditions économiques, sociales, environnementales et démocratiques à l’adoption d’un accord avec le Mercosur n’étaient pas réunies. Cette proposition de résolution européenne nous invite à reconsidérer l’examen du traité du Mercosur. L’objectif de cette initiative consiste très certainement à renforcer la protection du secteur agricole français. Le débat est donc ouvert et il est vif, à la hauteur des énormes enjeux engagés.
Dans l’esprit, nous ne pouvons que reprendre ce que nous défendions en novembre dernier. Sur le plan de l’analyse théorique, la science économique a promu l’ouverture toujours plus grande des frontières commerciales. Parallèlement à la croissance des échanges internationaux, elle s’est éloignée continûment de l’apologie du protectionnisme engagée par le mercantilisme. Dès lors, l’accent a été mis sur les bénéfices des rendements d’échelle liés à l’ouverture du commerce : cette influence idéologique a validé la constitution des grands marchés intégrés de notre planète et est à l’origine de la croissance continue du commerce mondial.
Face à cette domination idéologique, bien des critiques ont été formulées et bien des résistances se sont exprimées. Les débats sur le projet d’accord entre le Mercosur et l’Union européenne illustrent parfaitement l’opposition entre ces deux approches contradictoires et l’affrontement d’arguments opposés.
Les choses sont complexes puisque l’accord se veut global : il couvre naturellement le commerce des biens, mais aussi les échanges de services et de propriété intellectuelle. Au-delà de ces aspects directement matériels, il engage des décisions politiques, visant à protéger l’environnement et à garantir les droits humains. On peut naturellement mettre en avant les avantages que l’on peut attendre de cet accord : l’intérêt de diminuer les droits de douane à destination d’un marché en devenir, notamment pour des produits industriels, voitures, produits de luxe, mécaniques ou chimiques ; l’intérêt de s’ouvrir à une zone regorgeant de matières premières essentielles.
Tout cela est bien réel et doit être pris en compte. Il n’en demeure pas moins qu’en l’état actuel des choses, l’application de l’accord plongerait nos agriculteurs dans une situation de distorsion concurrentielle liée notamment aux différences entre les normes environnementales et les conceptions du bien-être animal. Pour ne citer que quelques exemples, plus du tiers des produits phytosanitaires utilisés au Brésil sont interdits dans l’Union européenne. Cette situation inégalitaire n’est pas ce que nous souhaitons pour nos agriculteurs ; c’est pourquoi l’introduction de clauses miroirs est naturellement une condition sine qua non à l’entrée en vigueur du traité.
Cet accord dénote également un manque de considération pour les défis environnementaux qui s’imposent à nous. Les émissions de gaz à effet de serre pourraient fortement augmenter à la suite de la déforestation de l’Amazonie. Si cet accord peut apparaître économiquement intéressant, c’est aussi parce que les prix de marché n’intègrent pas les externalités négatives liées au climat. Le respect de l’accord de Paris est donc la première condition de l’accord avec le Mercosur. Enfin, rappelons-le, la déforestation mettrait en grand danger l’existence des peuples autochtones d’Amazonie, déjà très affaiblis par l’accaparement des terres.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera pour cette proposition de résolution. Nous souhaitons que l’accord de libre-échange soit prochainement adopté en intégrant les réserves que je viens d’énumérer. Les pays européens pourront alors pleinement bénéficier de la suppression ou de l’allègement des droits de douane dans des secteurs clefs actuellement en difficulté.
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
Il y a un an et demi, en juin 2023, notre assemblée avait adopté une proposition de résolution relative à l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur. Ce texte demandait au gouvernement de réaffirmer auprès de la Commission européenne l’opposition de la France à l’adoption de cet accord. En dépit de l’hostilité d’une large majorité de notre parlement, réaffirmée lors d’un débat organisé en novembre 2024, la présidente de la Commission européenne a signé le 6 décembre dernier l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur.
Ce coup de force d’Ursula von der Leyen témoigne du fossé grandissant entre les intérêts nationaux et du délitement de la coopération européenne en matière agricole. Elle illustre une forme d’obstination à refuser aux peuples la possibilité d’agir pour construire leur destin commun sur d’autres bases que la compétition économique et financière. Lors d’une audition récente au Sénat, le président de Michelin, Florent Menegaux a exprimé en quelques mots ce qui constitue aujourd’hui le nœud du problème : « Les règles de la concurrence en Europe ont été bâties sur l’idée qu’il faut que le consommateur puisse acheter le moins cher possible, même au détriment des industries locales. »
Ce qui vaut pour l’industrie vaut a fortiori pour l’agriculture : autoriser l’entrée sur le marché européen de 99 000 tonnes de viande bovine produite à 11 000 kilomètres, de 180 000 tonnes de volaille en franchise de droits, de 16 millions de tonnes de sucre, de 60 000 tonnes de riz n’a aucun sens, sinon de favoriser la fuite en avant dans le moins-disant social et environnemental.
Comme nous le soulignions en novembre dernier, l’accord avec le Mercosur est une imposture agricole et alimentaire qui méprise nos agriculteurs et nos éleveurs. Il vide de sens leur travail puisque sa seule justification est un troc avantageux pour d’autres secteurs, comme celui de l’automobile. C’est l’accord qu’on appelle dans les couloirs de Bruxelles – vous l’avez probablement entendu vous-même, monsieur le ministre – « viande contre bagnoles » – bagnoles allemandes, si possible – et qui fait de l’agriculture une simple variable d’ajustement.
M. Arnaud Le Gall
Eh oui ! Les moteurs, ça ne se mange pas !
M. Jean-Paul Lecoq
Que pèsent aujourd’hui, dans les orientations de la politique européenne, la juste rémunération de nos agriculteurs, les millions de tonnes de CO2 et les millions d’hectares supplémentaires sur lesquels s’étend la déforestation ? Les accords de libre-échange négociés au fil des ans traduisent tous, sans exception, le mépris cynique des tenants du libre-échange à l’égard des défis humains et environnementaux vitaux qui nous attendent. Ils traduisent encore plus un mépris effarant des peuples et de la démocratie.
La Commission a non seulement renié de longue date, sous la pression des multinationales et de certains États, sa promesse d’une nouvelle génération d’accords qui incluraient des engagements sociaux et environnementaux, mais elle a aussi tout fait pour tenir les citoyens et leurs représentants élus le plus éloignés possible du contenu des négociations. Cacher, avancer et faire adopter de force : voilà le triptyque sur lequel s’appuie la Commission européenne.
Certes, la signature intervenue en décembre dernier ne vaut pas ratification. Mais en coulisse, on s’avance tranquillement vers le vote du Conseil à la majorité qualifiée, puis au Parlement européen à la majorité simple. En novembre dernier, le gouvernement nous assurait que la France était prête non seulement à faire usage de son droit de veto au Conseil européen, mais aussi qu’elle refusait tout découpage de l’accord en deux parties – l’une politique et l’autre commerciale –, qui ouvrirait la possibilité d’une adoption sans le vote des parlements nationaux. Où en sommes-nous dans la construction du rapport de force européen avec les États prêts à réunir une minorité de blocage au Conseil ? Comment entendez-vous agir pour empêcher la présidente de la Commission de poursuivre son agenda en méprisant les agriculteurs européens et français ?
Nous attendons du chef de l’État et de votre gouvernement qu’il lève toute ambiguïté sur la position française quant à un rejet ferme et définitif de l’accord et qu’il obtienne un vote à l’unanimité des États membres au Conseil, puis un vote au Parlement européen et une ratification par l’ensemble des parlements des États membres avant l’entrée en vigueur de l’accord : nous ne nous souvenons que trop que l’Accord économique et commercial global – le Ceta – est déjà appliqué, alors même qu’il n’a pas encore été ratifié.
Dites-nous clairement que la France n’acceptera jamais l’application de l’accord avec le Mercosur avant sa ratification. C’est le sens de la proposition de résolution présentée par nos collègues, à laquelle le groupe GDR s’associe. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Mme la rapporteure applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Maxime Michelet.
M. Maxime Michelet
Le 26 novembre 2024, nous disions non à l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Aujourd’hui, à l’occasion de la discussion de cette proposition de résolution, nous le redirons, tant que la volonté souveraine de la France n’aura pas été convenablement entendue et tant que cet accord scandaleux n’aura pas été abandonné. Il est tout d’abord un scandale agricole et économique. Il met nos agriculteurs en danger, en les exposant à une concurrence toujours plus déloyale. Nous avons largement abordé la question de la non-réciprocité des normes dans le débat de la précédente résolution, et la dangereuse absurdité de cette distorsion de concurrence fait l’unanimité.
Comme un aveu sidérant de sa mauvaise conscience, la Commission européenne évoque d’ailleurs un fonds de 1 milliard d’euros pour atténuer les effets délétères de l’accord. Mais nos agriculteurs ne veulent pas de charité : ils veulent des prix, des revenus, des débouchés et de la compétitivité. Aujourd’hui, un agriculteur français gagne en moyenne 8,41 euros par heure et seulement 34 % de son revenu provient de son activité agricole. Voilà la situation dans laquelle des décennies d’abandon ont conduit notre agriculture, qui n’a pas besoin de la générosité hypocrite ou de l’intérêt bien tardif de ceux qui l’ont continûment sacrifiée depuis trente ans.
L’accord avec le Mercosur, s’il venait à être adopté à la majorité qualifiée, serait aussi un scandale démocratique et politique. En effet, la Commission menace de contourner la volonté des États membres en excluant l’accord des conditions exigeant l’unanimité. Mme von der Leyen, portée à la présidence de la Commission par Emmanuel Macron – nous ne le rappellerons jamais assez –, travaille à organiser une procédure lui permettant d’imposer ce traité au forceps, et la France paraît malheureusement incapable de s’y opposer.
Cet accord n’est que la pointe émergée de l’iceberg de nos renoncements et de nos défaites à Bruxelles. En sept ans pourtant passés sous la présidence du plus européiste de nos présidents, notre influence au sein des institutions européennes s’est réduite comme peau de chagrin. Cette marginalisation est aussi cruelle que criante dans les négociations de l’accord avec le Mercosur. Regardons la réalité en face : nous pouvons nous agiter, protester, froncer les sourcils, Mme von der Leyen ne nous écoutera pas tant que nous n’assumerons pas vraiment le rapport de force avec la Commission. Contrairement à ce qu’affirmait hier le ministre des affaires étrangères lors des questions au gouvernement, la diplomatie ne saurait se réduire aux bons sentiments, au dialogue ou à la concertation.
En 1965, confronté à l’abandon de la règle de l’unanimité au profit de celle de la majorité qualifiée, le général de Gaulle n’a pas hésité à faire usage de tout le poids de la France au sein de la Communauté européenne. Au prix d’une politique de fermeté, il a permis à la France d’être entendue. D’aucuns dans cet hémicycle auraient sans doute qualifié ses méthodes d’anti-européennes et auraient affublé le général du titre de « frexiter ». Mais a-t-il affaibli l’Europe ? L’a-t-il détruite ? Non, il l’a fondée, et fondée sur de meilleurs rails (Mme Nadine Lechon applaudit), en imposant en 1966 le compromis de Luxembourg, sur lequel la construction européenne devait prospérer, en particulier la politique agricole commune (PAC).
Pour peser en Europe, la France doit se vivre en grande puissance et assumer le rapport de force. En dehors de cette voie, tout n’est que discours, tout n’est qu’intention, tout n’est que palabre. Si le gouvernement voulait vraiment s’opposer au Mercosur, il pourrait pratiquer la politique de la chaise vide, comme en 1965. Il aurait pu conditionner la nomination d’un nouveau commissaire européen à des contreparties significatives lorsque Mme von der Leyen s’est permis de renvoyer M. Breton. Il pourrait enfin suspendre la part excédentaire de sa contribution au budget de l’Union européenne tant que sa voix n’est pas convenablement entendue. Nous n’avons pas à financer, à nos propres frais, la mort de notre agriculture.
Ce débat nous permet de rappeler que la marginalisation de la France à Bruxelles n’est pas une fatalité, mais la conséquence des choix naïfs et idéologiques opérés en Europe depuis sept ans. Nous voterons cette proposition de résolution afin de réitérer notre opposition au Mercosur, mais nous le ferons sans illusion, car nous savons que le gouvernement actuel ne parviendra pas à défendre les intérêts de la France en Europe.
D’ailleurs, ceux qui disent non au Mercosur sans avoir jamais cessé de dire oui à l’Europe d’Emmanuel Macron sont des tartuffes. À trop vouloir penser en Européens, ils ont oublié de penser en Français. L’Europe qui veut nous imposer l’accord avec le Mercosur, c’est celle que le macronisme a construite en l’imposant au peuple français. Alors, pour que la France retrouve toute sa place et toute sa puissance en Europe, vivement l’alternance ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
La parole est à M. René Lioret.
M. René Lioret
Il y a cinquante ans, la France comptait plus d’un million d’exploitations agricoles ; elle en compte désormais 400 000. Derrière cet effondrement dramatique, il y a des familles qui ont dû baisser les bras parce qu’elles ne s’en sortaient plus, des centaines de milliers d’exploitants qui ont disparu après avoir été contraints d’abandonner des terres transmises de génération en génération, étranglés par les charges, par les normes et par la concurrence déloyale venue d’ailleurs.
Les agriculteurs se sont révoltés par deux fois l’année dernière. Cela fait des années qu’ils manifestent leur détresse et leur ras-le-bol. Ils sont à bout, et on les comprend : ils ont des revenus de misère, des journées de travail interminables, et sont soumis à des normes françaises et européennes toujours plus strictes tandis que les produits que nous importons ne subissent ni les mêmes contraintes, ni les mêmes contrôles.
Les lois Egalim du 30 octobre 2018 et du 18 octobre 2021, dites Egalim 1 et 2, n’ont jamais tenu leur promesse d’une juste rémunération. Elles sont restées des coquilles vides faute de réels moyens de contrôle et de sanctions. En l’absence de véritables clauses miroirs, nous continuons de laisser entrer sur le marché français des marchandises vendues à bas coût et produites dans des conditions sanitaires et environnementales interdites chez nous. Les paysans subissent la surtransposition de normes européennes dans le droit français, qui va toujours plus loin que les exigences de Bruxelles. À cela viennent s’ajouter des tracasseries administratives à répétition et des contrôles inopinés, parfois musclés.
Dans ce contexte explosif, que propose l’Union européenne ? Un accord commercial avec les pays du Mercosur dont l’objectif est de faciliter les échanges de biens et de services. On veut nous vendre un nouveau mirage, celui d’un grand marché qui serait profitable à tout le monde. Eh bien non ! Cet accord, c’est la porte ouverte à de nouvelles importations massives de viande et de denrées agricoles ne respectant pas nos normes sanitaires, environnementales et sociales. Cet accord, c’est l’arrivée sur les tables françaises de viande bourrée d’hormones et d’antibiotiques, ainsi que de soja et de céréales génétiquement modifiées.
Concrètement, cet accord c’est le renforcement de la concurrence déloyale, des risques pour la santé des consommateurs – du fait de l’utilisation de standards sanitaires bien en deçà des nôtres et de l’importation de produits interdits chez nous – et l’augmentation de la pression pesant sur les agriculteurs, qui sont déjà dans une situation dramatique. À cela vient s’ajouter la question du fameux filet de sécurité, une réserve de 1 milliard d’euros destinée à soutenir les agriculteurs européens au cas où l’accord commercial aurait un impact négatif sur eux. Pardonnez-moi, mais je ne comprends pas : pourquoi signer un accord dont les conséquences risquent d’être si dramatiques pour les agriculteurs que nous prévoyons déjà un énième fonds de secours pour leur survie ?
Par ailleurs, les conditions de négociation et de signature de cet accord sont loin de l’idéal démocratique : la présidente de la Commission européenne fait fi des revendications de nos agriculteurs et part en catimini à Montevideo pour annoncer la conclusion des négociations.
Face à cet accord insensé, notre groupe, tant à l’Assemblée nationale qu’au Parlement européen, a depuis longtemps tiré la sonnette d’alarme. Ainsi, ma collègue Hélène Laporte a déposé en septembre 2024 une proposition de résolution visant à s’opposer à un accord avec le Mercosur, mais la conférence des présidents s’est opposée à son examen.
L’agriculture n’est pas un secteur industriel comme un autre, car elle touche à la santé et à l’indépendance nationale. Pour cette raison, elle doit être sacralisée. Nous défendons la préservation du modèle agricole français, qui repose sur des exploitations familiales à taille humaine, porte une attention particulière au bien-être animal, obéit à des normes sanitaires exigeantes et produit une agriculture de qualité, respectueuse de l’environnement et des terroirs. Voilà pourquoi nous réclamons une exception agriculturelle française dans les traités internationaux : nous souhaitons soustraire l’agriculture à des règles commerciales pensées avant tout pour favoriser le libre-échange, souvent au détriment de la qualité des produits.
Alors oui, nous refusons catégoriquement l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Après une année 2024 ayant vu la fièvre catarrhale bovine et ovine décimer les troupeaux et les inondations diviser par deux les récoltes, cet accord serait le dernier clou planté dans le cercueil de notre secteur agricole.
Pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement national votera en faveur de cette proposition de résolution européenne invitant le gouvernement à refuser la ratification de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Nous chercherons à enrichir le texte par trois amendements, nos 9 rectifié, 10 rectifié et 11 rectifié, afin de nous assurer que la Commission ne contourne pas la volonté de la France. Ces amendements visent respectivement à demander que notre pays s’oppose formellement à la scission de cet accord en deux volets, l’un commercial et l’autre politique, à demander l’avis préalable de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur la ratification de cet accord en cas de scission, et à demander un recours en annulation de l’accord si la Commission choisit la scission. Le vote de ces amendements permettra de juger de la volonté du gouvernement de s’opposer réellement à l’accord avec le Mercosur.
Il est nécessaire que la France agisse par tous les moyens dont elle dispose. Nos terroirs, nos éleveurs, nos concitoyens méritent mieux qu’un grand marché sans garde-fou. C’est cela, la vraie souveraineté alimentaire ! C’est cela que nous défendons au Rassemblement national ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
La proposition de résolution européenne déposée par les députés Insoumis concerne un débat important, celui qui a trait à l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur. J’indique d’emblée que le groupe Ensemble pour la République a fait le choix de s’abstenir sur ce texte, car nous considérons que les objectifs visés par les auteurs sont largement satisfaits. En effet, le 26 novembre 2024, l’Assemblée nationale a approuvé à une écrasante majorité la déclaration du gouvernement s’opposant à l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. À cette occasion, les ministres alors présents ont rappelé l’opposition ferme de la France, position tenue depuis des années par les autorités nationales.
Pour notre groupe, l’accord n’est toujours pas acceptable en l’état ; nous souscrivons aux déclarations du gouvernement en ce sens. Ce traité suscite un rejet massif dans le monde agricole français, et pas seulement dans le secteur de l’élevage. Comme je l’ai souvent entendu chez moi en Alsace, l’accord avec le Mercosur est la goutte de trop, car les agriculteurs en ont assez d’être la variable d’ajustement des accords de commerce. La Commission européenne ne peut faire la sourde oreille ; d’ailleurs, monsieur le ministre, nous vous invitons à relayer encore une fois ce sentiment auprès de la nouvelle Commission.
Nous demandons donc que cet accord soit révisé de manière substantielle sur plusieurs points. Il doit garantir le respect des normes environnementales – notamment de l’accord de Paris –, comporter des engagements relatifs à la déforestation et à la préservation des populations autochtones, instaurer des garanties concrètes quant aux contrôles sanitaires dans les exploitations sud-américaines, renforcer les contrôles sanitaires aux frontières de l’Union sur les produits agroalimentaires en provenance du Mercosur et intégrer des clauses miroirs. Ce sont les demandes du gouvernement français, et ce sont aussi celles de notre groupe.
Notre abstention est également motivée par les orientations économiques et les préjugés antilibéraux de cette proposition de résolution, auxquels nous ne pouvons souscrire. Nous ne dénonçons pas comme les auteurs du texte le principe même du commerce international et des traités de libre-échange. Nous sommes pour le commerce entre les nations et pour la liberté des échanges. L’économie française ne peut vivre en autarcie. Le marché national et même le marché européen ne suffisent pas à l’expansion de l’économie française. La France a besoin de marchés mondiaux pour exporter ses produits, mais aussi pour importer ceux dont elle manque car elle ne possède pas les ressources naturelles ou la capacité industrielle de les produire. Se couper du commerce mondial, ce sera la ruine de l’économie française.
De la même manière, les agriculteurs français ont besoin, eux aussi, d’exporter à l’international. Il faut le rappeler, car ce point est souvent passé sous silence dans le débat agricole.
M. Benoît Biteau
On peut exporter sans accord !
M. Charles Sitzenstuhl
Ceux qui vendent le repli national aux paysans français ne leur rendent pas service. La France est une grande nation agricole d’exportation. Les filières nationales des céréales, des vins, des produits laitiers, du sucre, sont toutes largement exportatrices. Les couper du monde revient à les saboter. Il est donc dangereux pour l’agriculture de dénoncer tous les accords de commerce comme le fait le texte. L’excédent agroalimentaire de l’Union européenne en 2023 était de 70 milliards d’euros ; celui de la France s’élevait à 5 milliards d’euros, ce qui, sans être satisfaisant, reste largement positif. (M. Arnaud Le Gall s’exclame.) Les pays vis-à-vis desquels la balance commerciale agroalimentaire française est déficitaire ne sont d’ailleurs pas des États tiers, mais d’autres membres de l’Union européenne, ce qui souligne la nécessité de rester en contact avec les marchés extra-européens.
Si l’accord avec le Mercosur est inacceptable en l’état, notre débat ne doit pas éluder pour autant les difficultés agricoles franco-françaises. Pour redonner de la compétitivité à notre agriculture, commençons par laisser nos agriculteurs produire ! Cela implique d’alléger les normes administratives, de baisser les cotisations sur le travail ou encore d’améliorer la structuration des filières. Abstraction faite du Mercosur, les inquiétudes et les problèmes de l’élevage sont connus depuis des années. (M. Matthias Tavel s’exclame.)
La fragilité de la filière bovine n’est pas nouvelle. Je tiens tout de même à souligner que celle-ci est plus puissante et plus productive que ne le disent certains. Elle doit aller de l’avant ; les éleveurs ne doivent pas baisser les bras. Pour cette raison, il nous semble indispensable que le plan de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage lancé par l’ancien ministre Marc Fesneau aille jusqu’à son terme. Plus largement, nous devons garder confiance dans les forces de l’agriculture française.
M. le président
La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de résolution européenne.
Sur cet article, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Article unique
M. le président
L’amendement no 12 de M. Charles Sitzenstuhl est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Manon Meunier, rapporteure
L’amendement fait référence à la fameuse déclaration du gouvernement du 26 novembre 2024 sur les négociations de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Je rappelle que c’est La France insoumise qui a demandé la tenue d’un débat sur l’accord commercial avec le Mercosur lors de sa niche parlementaire de novembre dernier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Nous étions donc les premiers à mettre le sujet sur la table !
M. Kévin Pfeffer
Allez, tu auras une médaille en chocolat !
Mme Manon Meunier, rapporteure
Le gouvernement de M. Barnier a jugé notre proposition de résolution irrecevable, avant d’organiser un débat une semaine plus tard ! Nous n’avons pas souhaité approuver sa déclaration car elle n’affirmait pas nettement son opposition à l’accord. Or c’est ce dont nous avons besoin, et nous l’avons rappelé le 26 novembre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Il faut s’opposer clairement à cet accord, quelles que soient les clauses miroirs. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Avis favorable. Madame la rapporteure, vous cherchez des excuses. La position de la France est claire et nette : c’est une opposition ferme à l’accord avec le Mercosur. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Sophia Chikirou
Pas du tout !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Cela vous met peut-être en difficulté, mais la réalité, c’est que le débat a eu lieu.
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Bien sûr !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Sans doute, pour des raisons politiques, préférez-vous faire adopter votre propre proposition de résolution. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Mais la position de la France et celle du gouvernement n’ont absolument pas bougé.
Mme Caroline Parmentier
Mais si, vous avez changé d’avis !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Par cohérence, vous devriez donc être favorable à l’amendement.
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Très bien !
(L’amendement no 12 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Lionel Vuibert, pour soutenir l’amendement no 8.
M. Lionel Vuibert
Je profite de ce débat pour appeler votre attention sur les graves conséquences de la fièvre catarrhale ovine (FCO), notamment dans mon département des Ardennes. Les retards dans l’autorisation, la commande et la livraison des vaccins ont permis à la maladie de se propager rapidement, entraînant une surmortalité dramatique dans les élevages. La mortalité des brebis et des agneaux a atteint respectivement 13 % et 10 % des troupeaux. Dans certains élevages, la mortalité a été multipliée par neuf, tandis que celle des veaux a bondi de 14 %.
Cet amendement vise à mieux anticiper et à adapter les réponses publiques lors des crises sanitaires animales. L’État doit apporter des réponses aux épizooties, élargir les indemnisations et soutenir l’acquisition de vaccins contre d’autres variants,…
Mme Sophia Chikirou
Et leur gratuité !
M. Lionel Vuibert
…car ces maladies menacent nos élevages et leur pérennité économique.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Manon Meunier, rapporteure
Je vous rejoins sur le fond et j’apporte mon soutien à tous les éleveurs victimes de la FCO et de la mauvaise gestion du gouvernement. Toutefois, je vous invite à le retirer, car il est hors sujet par rapport à notre débat.
(L’amendement no 8, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 13 de M. Charles Sitzenstuhl est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Manon Meunier, rapporteure
Vous ne pouvez pas dire qu’importer 99 000 tonnes de viande bovine « peut exposer » des agriculteurs à la concurrence déloyale. C’est un fait : ils sont exposés à cette concurrence déloyale. Avis défavorable.
(L’amendement no 13, accepté par le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Guillaume Lepers, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Guillaume Lepers
Il s’agit de mentionner la concurrence fiscale en complément des distorsions de concurrence liées aux normes environnementales et sociales.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Manon Meunier, rapporteure
La France a une fiscalité spécifique, qu’il faut protéger, tout comme notre système de cotisations sociales. Vous oubliez de mentionner les fortes disparités fiscales entre les agriculteurs eux-mêmes – entre les grandes exploitations et les autres notamment. Votre amendement est hors sujet. Avis défavorable.
(L’amendement no 3, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 14.
M. Charles Sitzenstuhl
Il s’agit de préciser que la libéralisation des échanges de produits agricoles peut créer des opportunités d’exportation sur les marchés mondiaux pour les agriculteurs français et européens. C’est la différence fondamentale entre votre proposition de résolution – et votre point de vue sur le commerce international et les accords de libre-échange – et notre vision. Pour notre part, nous considérons qu’il ne faut pas tout rejeter en bloc et que nos entreprises agricoles doivent pouvoir accéder aux marchés internationaux.
Nous avons la chance d’être riches d’une production agricole variée, dont d’autres pays ne disposent pas. Ces derniers sont très heureux d’acheter les produits agricoles français. Nous ne devons pas fermer nos frontières commerciales.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Manon Meunier, rapporteure
C’est étonnant : vous nous expliquez que notre proposition de résolution ne sert à rien car elle reprend la déclaration du gouvernement du 26 novembre, puis vous soulignez la différence fondamentale entre les deux !
Mme Manon Meunier
Oui, vous avez raison, il y a une différence fondamentale entre le libéralisme à outrance soutenu par le macronisme et le protectionnisme que nous défendons.
Certes, la balance commerciale agricole de la France est excédentaire et nos exportations rapportent de l’argent. (M. Charles Sitzenstuhl acquiesce.) Mais ces revenus profitent-ils équitablement à tous les agriculteurs de France ? Non, seule une petite poignée en bénéficie. En outre, un rapport de FranceAgriMer – Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer –, publié en mai 2024 indique que l’excédent commercial de la France a reculé de 43 % en 2023 en raison du contexte géopolitique tendu. Les revenus d’exportation sont donc instables ! Ce n’est pas en nous appuyant sur nos exportations que nous pourrons asseoir notre souveraineté alimentaire et protéger nos agriculteurs de la concurrence déloyale.
C’est toute la différence entre vous et nous : nous ne voulons pas d’un accord avec le Mercosur qui permette à quelques-uns d’exporter massivement, par cargos, et d’en tirer des profits. Nous voulons protéger les agriculteurs et les éleveurs de France, qui forment le socle de notre souveraineté alimentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Madame la rapporteure, je vous remercie pour cette réponse très claire, qui a le mérite d’illustrer votre plaidoyer en faveur du repli. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Benoît Biteau
Mais non, quelle caricature !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Soyez honnêtes, vous êtes pour le repli sur soi.
Mme Sophia Chikirou
Allez le dire aux agriculteurs français ! Tous les jours, il y a des suicides !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Vous refusez tout accord commercial avec un pays tiers ou avec une région du monde alors que certains de ces accords peuvent bénéficier aux filières françaises – en l’espèce, à la filière agricole. Entre 2014 et 2024, les exportations agricoles françaises ont augmenté de 40 % : elles sont passées de 50 à 70 milliards d’euros. (Mme Karen Erodi s’exclame.) Vous vous inquiétez régulièrement du fait que notre balance commerciale est déficitaire et que notre pays s’appauvrit, mais quand une filière est excédentaire – et elle l’est de plus en plus –, vous plaidez pour la fermeture des routes commerciales. (M. Charles Sitzenstuhl applaudit.) Vous êtes parfaitement incohérents !
M. Matthias Tavel
Quelle caricature !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Ce n’est pas caricatural ! La rapporteure l’a affirmé : vous êtes contre les accords commerciaux internationaux. Ayez au moins la cohérence de l’assumer jusqu’au bout et dites-le aux agriculteurs français – quelle que soit d’ailleurs la taille de leur exploitation. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Karen Erodi
Et les suicides ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Dites-leur que vous êtes contre les exportations françaises et que vous voulez renoncer aux 70 milliards de richesses qu’elles créent en France !
M. Philippe Lottiaux
Combien d’exploitations détruites ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je l’ai dit lors de l’examen de la proposition de résolution de M. Potier : pour vous, la recherche de la souveraineté alimentaire – un objectif que nous partageons tous – et l’amélioration de la balance commerciale, grâce à l’augmentation des exportations de la filière agricole, sont antinomiques. Mais ce n’est absolument pas le cas – les vases ne sont pas communicants !
M. Benoît Biteau
Et les surfaces, vous les trouvez où ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Monsieur Biteau, n’y a-t-il pas des pays qui ont réussi à améliorer leur souveraineté alimentaire en faisant progresser leur solde commercial agricole ?
M. Benoît Biteau
Évidemment…
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Évidemment que oui, et ce doit être l’agenda français. Au moment où le protectionnisme et les barrières tarifaires risquent de nous empêcher de continuer de prospérer sur la scène internationale, heureusement que nous n’appliquons pas votre politique à l’agriculture, ni à l’ensemble des filières d’ailleurs !
M. Philippe Lottiaux
Vous avez tué l’industrie !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
J’émets un avis favorable à l’adoption de l’amendement.
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Hignet.
Mme Mathilde Hignet
Notre débat illustre deux visions de l’agriculture. Quant à nous, nous ne souhaitons pas que l’agriculture s’appuie sur l’exportation pour se développer, car cela fragilise les filières – regardez la viticulture. Nous ne souhaitons pas que les agriculteurs entrent en compétition, ni à travers le monde, ni à l’échelon national. Nous préférons qu’ils coopèrent sur un même territoire et produisent des aliments afin de nourrir leurs voisins. C’est aussi une question de fierté ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Quand deux paysans boulangers travaillent ensemble, ils ne sont pas dans une logique de compétition, mais de coopération : ils cherchent à nourrir un maximum de gens autour d’eux.
Plusieurs députés du groupe RN
Allez, c’est bon, merci ! (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Mathilde Hignet
Avec vos accords de libre-échange, vous mettez sur un pied d’égalité la production agricole et celle de voitures ou de pièces automobiles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Plusieurs députés du groupe RN
On a compris ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Je vais essayer d’être pédagogue et d’écarter un biais. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) À vous entendre, on a l’impression que les accords de libre-échange sont l’alpha et l’oméga et que, sans eux, les échanges planétaires n’existeraient pas. Je viens d’une région qui produit du cognac – il s’avère que je ne suis pas fâché avec cette boisson. (Sourires.) Pensez-vous que les producteurs de cognac, qui exportent 98 % de leur production, ont attendu les accords de libre-échange pour prospérer ? C’est bien la preuve que l’on peut commercer sans !
Ne cherchez pas à nous enfermer dans cette caricature – nous serions opposés aux échanges planétaires. Ne sommes-nous pas capables d’imaginer des échanges qui ne seraient pas forcément orchestrés par des accords de libre-échange ? Certes, l’excédent agroalimentaire français s’élève à 5 milliards d’euros, mais de quoi s’agit-il ? D’exportations de tournesol, de maïs ou de blé, ainsi que de produits qu’on pourrait qualifier de produits de luxe, avec lesquels, je le répète, je ne suis pas fâché – cognac, vins de Bordeaux ou de Bourgogne, champagne. Simultanément, nous importons des fruits et légumes. Si l’on s’en tient aux besoins alimentaires primaires, notre balance commerciale est donc quasi nulle.
Vous avez parlé de vases communicants. Je vais insister, monsieur le ministre : je suis moi-même agriculteur et les surfaces agricoles sur lesquelles je produis du blé, du tournesol et du maïs qui pourraient être exportés, ne produisent pas des lentilles, du pois chiche ou du tournesol grâce auquel on pourrait fabriquer de l’huile locale. Si nous ne suivons que des logiques exportatrices, nous nous rendons forcément dépendants d’importations et votre balance commerciale, elle ne tient plus. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je suis à nouveau d’accord avec l’essentiel de ce que vous venez de dire, monsieur Biteau. Vous avez raison : l’export n’attend évidemment pas les accords de libre-échange. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Par contre, les filières que vous mentionnez demandent des accords de libre-échange, à commencer d’ailleurs par la filière du cognac. Ce n’est pas parce qu’on peut exporter sans accord de libre-échange que ces accords ne sont pas susceptibles de servir l’intérêt de ces filières. Et si vous croyez que le cognac, c’est seulement Bernard Arnault (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) – vous ne parlez que de lui depuis le début de la séance –, allez donc rencontrer les producteurs pour voir si c’est vrai.
Je vous invite à répondre précisément à l’amendement : oui ou non la libéralisation des échanges de produits agricoles peut-elle créer des opportunités en matière d’exportations ? Si vous répondez non, c’est de la mauvaise foi et cela signe votre volonté de repli sur soi – je crois que c’est bel et bien votre projet politique.
(L’amendement no 14 n’est pas adopté.)
M. le président
Sur les amendements nos 6, 10 rectifié, 9 rectifié et 11 rectifié, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Guillaume Lepers, pour soutenir les amendements no 4 et 5, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée. L’amendement no 5 fait l’objet du sous-amendement no 15 de Mme la rapporteure.
M. Guillaume Lepers
Tout le monde va être d’accord avec les amendements nos 4 et 5. Le premier vise à supprimer, à l’alinéa 24, le mot « petites ». Nous estimons en effet que les petites exploitations ne sont pas les seules concernées par ce considérant et que le sont également les exploitations de taille intermédiaire, souvent abîmées par l’accord.
L’amendement no 5 vise quant à lui à insister sur les conséquences néfastes de l’accord avec le Mercosur sur notre souveraineté alimentaire. Je serai en outre favorable au sous-amendement à l’amendement no 5. J’espère donc que vous voterez ces deux amendements à l’unanimité.
M. Benoît Biteau
Rien que ça !
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure pour donner l’avis de la commission sur ces amendements et soutenir le sous-amendement no 15.
Mme Manon Meunier, rapporteure
J’émets un avis favorable à l’amendement no 4. Je rejoins votre analyse, monsieur Lepers : c’est l’ensemble des exploitations – petites et de taille intermédiaire – qui seront touchées par l’accord de libre-échange dont il est question.
J’en profite pour vous poser une question, monsieur le ministre : combien avons-nous perdu de fermes au cours de dix années de politique Macron ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Nous avons perdu 100 000 exploitations agricoles. Et c’est précisément parce que vous alignez les traités de libre-échange et que vous soumettez nos agriculteurs et nos agricultrices à cette concurrence déloyale, que nous continuons à perdre des agriculteurs et des agricultrices en France – soit l’inverse de ce qu’il faut faire pour relever le défi de la souveraineté alimentaire.
Pour ce qui est du second amendement, c’est votre jour de chance, monsieur Lepers, puisque mon avis est également favorable, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement qui vise à supprimer le mot « démesurée » à l’alinéa 2, dès lors que nous considérons que la libéralisation des échanges de produits agricole pose problème. Encore une fois, la nourriture ne doit pas être considérée de la même manière que l’automobile.
M. Benoît Biteau
Bravo ! Elle est vraiment bonne, cette Manon Meunier !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Favorable aux amendements, défavorable au sous-amendement.
(L’amendement no 4 est adopté.)
(Le sous-amendement no 15 est adopté.)
(L’amendement no 5, sous-amendé, est adopté.)
M. le président
Sur l’amendement no 7, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marine Hamelet, pour soutenir l’amendement no 7.
Mme Marine Hamelet
Le présent amendement vise à alerter le gouvernement sur les conséquences de l’accord avec le Mercosur sur notre souveraineté alimentaire. Autrefois deuxième exportateur mondial de produits agricoles, la France a dégringolé au sixième rang. Nous sommes de plus en plus dépendants des importations, au détriment de notre agriculture et de notre souveraineté alimentaire. Notre balance commerciale agricole fond comme neige au soleil.
Plusieurs collègues ont rappelé que l’excédent commercial était de 5 milliards d’euros. Ils ont toutefois oublié qu’en 2011 il était de 12 milliards. Et si nous restons excédentaires, c’est en bonne partie grâce aux filières des boissons alcoolisées. Est en cause un empilement de traités de libre-échange défendus par une Union européenne schizophrène : toujours plus exigeante envers nos agriculteurs mais borgne quand il s’agit d’importer.
L’accord euro-méditerranéen conclu avec le Maroc en 1996 est un cas d’école de traité de libre-échange instituant une concurrence déloyale. En libéralisant les importations de tomates, la France est ainsi devenue le troisième importateur mondial en vingt ans.
Avec le Mercosur, ce sont plusieurs milliers de tonnes de bœuf et de volailles qui inonderont bientôt nos marchés. C’est donc maintenant qu’il faut agir. Or vous ne prenez aucune disposition concrète, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Manon Meunier, rapporteure
Nous venons d’adopter un amendement de M. Lepers qui va exactement dans le même sens. Je demande donc le retrait du vôtre, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. Kévin Pfeffer
C’est votre avis personnel mais quel était celui de la commission ?
Mme Manon Meunier, rapporteure
Il était favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Même avis que la rapporteure.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 7.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 64
Nombre de suffrages exprimés 64
Majorité absolue 33
Pour l’adoption 31
Contre 33
(L’amendement no 7 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Guillaume Lepers, pour soutenir l’amendement no 2.
M. Guillaume Lepers
Jamais deux sans trois ! Nous voulons supprimer l’alinéa 28 que nous trouvons quelque peu excessif et qui n’a pas forcément sa place dans cette proposition de résolution. On ne peut nier l’impact environnemental des échanges, mais un complet repli sur soi dans certains domaines est inconcevable. Nous pouvons imaginer une croissance dynamique durable sans que les échanges commerciaux fassent l’objet de considérations aussi virulentes.
(L’amendement no 2, repoussé par la commission et accepté par le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Laurence Robert-Dehault, pour soutenir l’amendement no 6.
Mme Laurence Robert-Dehault
Les agriculteurs sont au bord de la surdose normative, pouvait-on lire, il y a bientôt dix ans, dans un rapport sénatorial. Elle est aujourd’hui largement atteinte et elle est responsable de la disparition de nombreuses exploitations françaises et de la détresse de celles qui ont survécu. Quelle que soit l’activité considérée, les normes qui pèsent sur les agriculteurs sont foisonnantes : interdiction du taillage des haies entre les mois de mars et d’août, sous peine de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende ; interdiction de certains produits phytosanitaires pourtant autorisés dans de nombreuses régions du monde ; règles de la politique agricole commune ; pacte vert pour l’Europe, et j’en passe.
L’administration européenne administre. En 1965, le code rural comptait 755 pages contre plus de 3 000 en 2022. Le nombre des pages du code de l’environnement a été multiplié, lui, par onze en vingt ans.
M. Jean-Paul Lecoq
Et le nombre de pages de l’annuaire de La Poste ?
Mme Laurence Robert-Dehault
Sur les 55 heures moyennes de travail hebdomadaires, les agriculteurs en consacrent une dizaine à la paperasse administrative. Environ 80 % des normes proviennent directement de l’Union européenne. L’UE est en effet ambitieuse. Le pacte vert vise à la neutralité carbone pour 2050. Sa stratégie, ingénieusement dénommée « de la ferme à la fourchette », vise à réduire de 50 % l’utilisation de pesticides. Dans le même temps, elle continue d’empiler les traités de libre-échange avec des régions du monde dont les normes sociales et environnementales sont bien éloignées des nôtres.
Voilà qui pose la question des véritables objectifs poursuivis par l’Union européenne. Où est la cohérence quand elle vise la neutralité carbone et met tout en œuvre pour faire exploser notre bilan carbone dû à l’importation ?
Aussi le présent amendement vise-t-il à inciter l’Union européenne à établir un audit de ces normes qui plombent la compétitivité de notre agriculture et qui entravent la vie de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Manon Meunier, rapporteure
Nous sommes en présence de deux blocs. Le bloc macroniste, qui veut poursuivre la libéralisation, donc l’alignement des normes environnementales et sociales sur le moins-disant international. Et un autre bloc composé de la gauche, qui souhaite au contraire protéger l’agriculture française et qu’on établisse les normes environnementales, sociales et sanitaires les plus exigeantes. Et puis nous avons le Rassemblement national, qui souhaite à la fois protéger les produits agricoles français et appliquer les normes environnementales et sociales les pires au monde. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Matthieu Bloch
Quelle caricature !
Mme Manon Meunier, rapporteure
L’amendement le démontre : on veut protéger tout en conservant le pire. Je n’en vois pas l’intérêt. Je suis fière, pour ma part, d’avoir une agriculture française qui respecte des normes sociales et environnementales exigeantes et je crois que les agriculteurs en sont fiers également.
Mme Caroline Parmentier
Non, ils en ont marre !
Mme Géraldine Grangier
Ils ne veulent plus de vous !
Mme Manon Meunier, rapporteure
Ils demandent simplement à pouvoir vivre de leur travail et à être protégés économiquement de ces honteux accords de libre-échange. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Jean-Claude Raux applaudit également.)
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Défavorable.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 6.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 71
Nombre de suffrages exprimés 71
Majorité absolue 36
Pour l’adoption 34
Contre 37
(L’amendement no 6 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Yaël Ménaché, pour soutenir l’amendement no 10 rectifié.
Mme Yaël Ménaché
Vous avez affirmé, monsieur le ministre, que la France se réservait l’usage de tout moyen institutionnel pour empêcher la Commission européenne d’aller au bout de l’accord commercial entre l’UE et le Mercosur. Votre parole est très rassurante et nous demandons donc que le texte transmis au Conseil de l’UE soit rendu public. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Manon Meunier, rapporteure
Si la commission a donné un avis favorable aux amendements nos 10 rectifié, 9 rectifié et 11 rectifié, j’émettrai, à titre personnel, un avis défavorable sur ces trois amendements. Ils sont en effet redondants avec la fin du texte de la proposition de résolution. Vous vous opposez à la dissociation de l’accord, mais nous aussi puisque nous demandons un vote de l’ensemble des États membres, qui rendrait de fait suffisant le veto de la France pour mettre fin au traité.
M. Yoann Gillet
Dès lors, donner un avis défavorable est incohérent ! Si c’est pour dire ça, vous feriez mieux de vous taire !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. Je répète ce que j’ai dit à la tribune tout à l’heure : je confirme l’opposition de la France à la méthode de dissociation.
M. Yoann Gillet
Eh bien, alors qu’on vote l’amendement !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 10 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l’adoption 35
Contre 38
(L’amendement no 10 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Yaël Ménaché, pour soutenir l’amendement no 9 rectifié.
Mme Yaël Ménaché
Vous serez cohérent, monsieur le ministre, si vous vous exprimez en faveur de ces amendements puisque vous vous opposez à la dissociation. Ils sont en outre d’actualité puisque nous demandons à la Cour de justice de l’Union européenne de s’exprimer sur la validité de cette dissociation. Nous souhaitons que la France se saisisse de ce moyen dès à présent en vertu de l’article 218, alinéa 11, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Mme la rapporteure a déjà indiqué qu’elle était défavorable à titre personnel à l’amendement, tandis que la commission avait donné un avis favorable.
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Il sera défavorable aux deux derniers amendements, tout simplement parce que ce qu’ils sous-entendent n’est pas acceptable. Ce n’est pas la question de la dissociation en soi, mais son résultat, qu’ils visent. Je m’en suis remis à la sagesse de l’Assemblée pour le précédent amendement, en cohérence avec l’opposition française à la possibilité de scinder l’accord, mais mon avis est défavorable sur ces deux derniers amendements qui ne disent pas la même chose.
Mme Yaël Ménaché
Soyez cohérent, monsieur le ministre !
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Quelle hypocrisie ! L’extrême droite en appelle à la Cour de justice de l’Union européenne alors qu’elle ne cesse de mettre en cause l’ordre juridique européen,…
Mme Yaël Ménaché
Changez de disque !
M. Charles Sitzenstuhl
…qu’elle ne cesse d’attaquer la justice européenne et ses juges, qu’elle ne cesse de vouloir organiser des référendums et de vouloir changer la Constitution. Vous êtes une bande d’hypocrites !
Mme Yaël Ménaché
Nous sommes contre l’accord avec le Mercosur !
M. Charles Sitzenstuhl
Je voterai avec plaisir contre ces amendements ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 9 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l’adoption 34
Contre 39
(L’amendement no 9 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Yaël Ménaché, pour soutenir l’amendement no 11 rectifié.
Mme Yaël Ménaché
Monsieur le ministre, il faut que vous soyez cohérent :…
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je le suis !
Mme Yaël Ménaché
…ces amendements sont de simples amendements de bon sens. Allez au bout de vos idées et opposez-vous jusqu’au bout à l’accord avec le Mercosur pour sauver nos agriculteurs et notre souveraineté alimentaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Manon Meunier, rapporteure
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Kévin Pfeffer.
M. Kévin Pfeffer
Votre discours est incohérent. Vous nous expliquez que vous vous opposerez à la scission jusqu’à la fin, mais si le texte était réellement scindé, vous n’iriez pas plus loin : vous n’envisageriez ni de saisir la CJUE, ni de déposer un recours en annulation.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Il faut savoir comment fonctionne la CJUE, pas seulement faire semblant !
M. Kévin Pfeffer
Vous faites les choses à moitié : la scission, vous vous y opposez avec des mots, mais quand elle aura lieu, parce que nous savons tous que ce sera le cas, vous ne ferez rien – comme d’habitude ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
On connaît votre expertise en matière de droit européen ! Des amateurs !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 11 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 78
Nombre de suffrages exprimés 78
Majorité absolue 40
Pour l’adoption 38
Contre 40
(L’amendement no 11 rectifié n’est pas adopté.)
Vote sur l’article unique
M. le président
Je mets aux voix l’article unique de la proposition de résolution.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 77
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l’adoption 77
Contre 0
(L’article unique, amendé, est adopté, ainsi que l’ensemble de la proposition de résolution.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, ainsi que sur les bancs des commissions.)
3. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, lundi 3 février, à seize heures :
Éventuellement, discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de finances pour 2025 ;
Discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures trente-cinq.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra