Première séance du mercredi 12 mars 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- Volonté de paix
- Simplification administrative
- Reprise de l’usine Sanofi d’Amilly
- Agressions de soignants
- Situation en République démocratique du Congo
- Moyens alloués à la justice
- Attitude du groupe LFI à l’Assemblée nationale
- Demandeurs d’asile syriens
- Quart d’heure lecture
- Filière photovoltaïque
- Santé auditive
- 2. Modification de l’ordre du jour
- 3. Supprimer le vote par assis et levé
- 4. Renforcement du soutien à l’Ukraine
- Présentation
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article unique (suite)
- Amendements nos 43, 52, 46, 2, 20 et 64
- Sous-amendement no 72
- Amendement no 23, 24
- Sous-amendement no 70
- Amendements nos 66 et 8
- Rappels au règlement
- Article unique (suite)
- Rappel au règlement
- Article unique (suite)
- 5. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Volonté de paix
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
La guerre en Ukraine, après l’agression russe, a déjà fait plus de 1 million de victimes, civiles et militaires, ukrainiennes et russes. Des jeunes meurent bombardés dans les tranchées, des familles sont contraintes à l’exil, des villes entières sont réduites à néant. Face au désastre, l’Europe doit faire valoir la négociation et la diplomatie, et ne pas laisser agir seuls les États-Unis qui veulent s’arroger des droits sur le sol et le sous-sol ukrainiens.
La réponse de l’Europe ne peut consister dans les 800 milliards d’euros de plus pour la défense annoncés par Mme von der Leyen, balayant, au passage, les dogmes sacrés du traité de Maastricht.
M. Fabien Di Filippo
Ce sont les critères de Maastricht !
M. Nicolas Sansu
Ces 800 milliards gonfleront les dividendes de la mort, dont se pourlèchent par avance les actionnaires de Rheinmetall, Leonardo ou Thales, dont les cours de bourse ont déjà bondi de 50 % en un mois.
Non ! L’honorabilité politique des nations ne se mesure pas en pourcentage du PIB consacré à l’armement. La guerre, c’est la continuation de la casse sociale par d’autres moyens. On nous avait promis que l’expansion du commerce serait à l’origine d’une paix mondiale et durable. Mais c’est inéluctable : la concurrence capitaliste porte en elle-même la guerre. Aujourd’hui, l’internationale réactionnaire ouvre les voies de l’impérialisme, de Gaza au Groenland, de l’Ukraine au Panama.
M. Pierre Cordier
Maurice Thorez, sors de ce corps !
M. Nicolas Sansu
Au droit de la force, nous préférerons toujours la force du droit des Nations unies ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – M. Jean-Claude Raux applaudit aussi.)
La question n’est pas de savoir où nous trouverons les moyens de financer la guerre, mais pourquoi nous devrions céder face au délire militariste ? Nous, communistes et progressistes ultramarins, nous ne condamnerons jamais la jeunesse à ne plus percevoir les dividendes de la paix. La guerre n’est pas une fatalité. Contrairement à ce que veulent nous faire croire ceux qui profitent de la peur, défendre la paix, ce n’est pas être dans le camp de la défaite, c’est être dans celui du progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) En Ukraine comme en Palestine, la paix est le trésor de tous les peuples qui aspirent à vivre librement.
La fuite en avant guerrière ne peut se poursuivre sans l’avis des Français. Consulterez-vous nos concitoyens avant de poursuivre cette escalade militaire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP.)
Mme Clémence Guetté
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux
Je vous prie d’excuser l’absence du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, en partance pour le G7 au Canada.
Le président de la République l’a indiqué, la France se réjouit des avancées permises par les discussions qui ont eu lieu hier à Djedda entre les États-Unis et l’Ukraine, en particulier d’un possible cessez-le-feu préalable à des négociations. Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a échangé…
M. Nicolas Sansu
C’est moi qui pose la question !
M. Stéphane Peu
Tournez-vous vers nous, monsieur le ministre !
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué
...avec son homologue ukrainien à l’issue de la réunion et l’a assuré du plein soutien de la France dans ses efforts en vue d’une paix durable. La Russie doit désormais montrer qu’elle souhaite avancer en direction de la paix. La France poursuivra ses efforts de coordination avec ses partenaires, notamment européens, afin d’aboutir à une paix durable pour l’Ukraine. Cette paix, qui ne saurait se réduire à une cessation des hostilités, doit s’accompagner de garanties de sécurité fortes et crédibles pour les Ukrainiens. L’accélération du calendrier renforce notre certitude quant à la nécessité pour les Européens de faire plus et mieux, de manière cohérente pour la sécurité de l’Ukraine et celle, collective, des Français et des Européens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Simplification administrative
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Alloncle.
M. Charles Alloncle
Monsieur le premier ministre, savez-vous qu’au travail, pour changer une simple ampoule, vous devez suivre une formation obligatoire de trois jours, qui doit être renouvelée tous les trois ans, que cette règle est valable pour les ampoules dont le diamètre du culot est de 15 millimètres, mais pas pour celles à culot de 10 millimètres et que, si l’escabeau pour changer l’ampoule compte trois marches ou plus, il est inutile de tenter seul l’ascension : vous devez appeler un collègue pour vous assister et vérifier la fameuse posture réglementaire. Ceci n’est pas une brève du Gorafi, mais malheureusement la France d’aujourd’hui : cette France aux 400 000 normes, aux 10 000 articles du code du travail,…
Mme Nathalie Oziol
Et combien de morts au travail ?
M. Charles Alloncle
…aux 1 200 agences et opérateurs de l’État et aux quatre strates de collectivités territoriales. L’excès normatif coûte chaque année 4 % du PIB – nous sommes loin des 0,5 % de nos voisins européens. Cette France n’a jamais trouvé mieux pour simplifier que d’empiler les comités, commissariats, et autres autorités.
Mme Nathalie Oziol
Ok le Medef !
M. Charles Alloncle
La dernière nouveauté audacieuse de la technostructure en 2025, c’est la création, dans votre prochain projet de loi, d’un Haut Conseil à la simplification. (Sourires.) Le haut-commissaire que vous étiez ne dira pas le contraire : quand l’administration attribue le grade de « haut » ou « haute » à un nouvel organisme à financer, c’est pour mieux en masquer la vacuité. Monsieur le premier ministre, la France est tenue en laisse par des technocrates déconnectés qui ne tiendraient pas deux semaines à la tête d’une entreprise. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Aurez-vous enfin le courage d’en finir avec la bureaucratie ou resterez-vous le haut-commissaire en chef de ces petits hommes gris ? (Nouveaux applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification.
M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification
Nous avons déjà eu l’occasion de discuter des ambitions du gouvernement en matière de simplification. Ce que vous avez rappelé se produit hélas dans d’autres domaines. S’agissant d’abord du calendrier, la semaine dernière, mes collègues Éric Lombard, Véronique Louwagie et moi-même avons réuni plus de 200 chefs d’entreprise à Bercy pour évoquer le projet de loi à venir. Ce texte n’est pas le Grand Soir, nous en conviendrons tous, mais il est un début de réponse, notamment aux entreprises, en matière de simplification. Nous veillerons à travailler avec toutes les forces désireuses d’y contribuer pour l’améliorer en commission spéciale, à partir de la fin mars, et dans l’hémicycle.
Mais cela ne s’arrêtera pas là. Le premier ministre a pris des engagements. Lors de sa déclaration de politique générale, il a lui-même cité les chiffres que vous avez mentionnés – nous les connaissons tous. Nous devons nous mettre tous ensemble au travail pour, selon les cas, supprimer ou modifier ces normes qui se contredisent, qui font penser à un mauvais sketch, du domaine de l’absurde.
C’est une véritable volonté du gouvernement, défendue par tous les ministères : ceux de l’agriculture, de la culture, du travail, de l’économie, des collectivités territoriales – vous avez cité des exemples de situations que rencontrent parfois les maires. À vous de faire des propositions pour orienter le gouvernement. Nous sommes prêts à travailler avec toutes les forces parlementaires qui le souhaitent. Les Français demandent cette réforme, le gouvernement y est prêt, la volonté est là. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Alloncle.
M. Charles Alloncle
Je vous prends au mot : le groupe UDR déposera probablement un amendement visant à supprimer 100 000 normes sur les 400 000. J’espère obtenir votre approbation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme Nathalie Oziol
C’est merveilleux : vous êtes d’accord pour démanteler le droit du travail !
Reprise de l’usine Sanofi d’Amilly
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Ménagé.
M. Thomas Ménagé
Sanofi a annoncé mercredi la cession de son site de production d’Amilly, dans ma circonscription. Cette usine stratégique pour notre souveraineté pharmaceutique est la seule en Europe à pouvoir synthétiser le principe actif du Kardégic, médicament d’intérêt thérapeutique majeur. Grâce aux 27 millions de boîtes vendues chaque année, des millions de nos concitoyens sont protégés des maladies cardiovasculaires.
Le site d’Amilly produit aussi l’Aspégic, qui appartient aujourd’hui au groupe Opella. En octobre 2024, le gouvernement avait annoncé en grande pompe avoir obtenu une obligation de maintien de la production sur le territoire national pendant dix ans après la cession d’Opella au fonds américain CD&R, une participation de l’État visant à s’assurer du respect des engagements. Trois jours plus tard, le ministre de l’industrie se rendait dans l’usine française de la holding luxembourgeoise qui souhaite aujourd’hui racheter celle d’Amilly.
L’accord tripartite est caduc avant même d’avoir été appliqué : demain, l’un des trois médicaments objet de l’accord, l’Aspégic, ne sera plus géré par Opella, mais par un façonnier étranger et un commercialisateur, qui eux ne sont soumis à aucun engagement. Alors que le président de la République évoque enfin l’indépendance, notamment pharmaceutique, de notre pays après la crise sanitaire, rejoignant ainsi les préoccupations de Marine Le Pen, qui alerte sur cette nécessité depuis des années, il est temps de joindre les paroles aux actes en protégeant cet outil industriel unique en Europe.
Le gouvernement était-il au courant au moment où l’accord a été signé que celui-ci ne pourrait pas être entièrement appliqué du fait de la cession à venir ? Comment garantirez-vous que des médicaments essentiels comme le Kardégic ou l’Aspégic continueront à être produits en France ? L’État entrera-t-il au capital de la société qui le reprend ? Signerez-vous un nouvel accord ? Enfin, comment garantirez-vous aux salariés le maintien de leurs conditions de travail et des conditions de reprise acceptables ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
L’opération dont vous parlez s’inscrit en effet dans la continuité de la précédente, que vous avez évoquée ; elle obéit aux mêmes raisons stratégiques qui conduisent à des modifications de périmètre.
M. Julien Odoul
Ce n’est pas la stratégie qui nous inquiète : c’est le stratège !
M. Éric Lombard, ministre
Le site d’Amilly, qui emploie effectivement 275 salariés, produit l’Aspégic et le Kardégic, qui n’entrent pas dans la stratégie de Sanofi. Nous le savions déjà ; c’est pour cela que l’opération que vous évoquez a été menée. L’entreprise a engagé des discussions avec Astrea pharma. Ce groupe reprendrait le site d’Amilly et apporterait des volumes de production qui amélioreraient même le taux de remplissage du site. Substipharm, un acteur français, reprendrait l’exploitation des produits Aspégic, Kardégic et Cardirene. Ainsi, leur production resterait en France. Nous respectons la décision de Sanofi, qui s’inscrit donc dans la continuité de la précédente. Nous suivons la situation de très près pour veiller à ce que les engagements soient tenus.
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Ménagé.
M. Thomas Ménagé
Vous n’apportez aucune réponse en matière de souveraineté et de maintien de la production, ni aux 275 salariés, qui sont très inquiets. Venez avec moi leur expliquer : vous n’apportez malheureusement rien. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Agressions de soignants
Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Rist.
Mme Stéphanie Rist
Monsieur le ministre de la santé et de l’accès aux soins, chaque jour, chaque nuit, des milliers de Français prennent soin de nous. Chaque jour, chaque nuit, ces soignants se font agresser. Oui, cela paraît fou. Comment, dans notre société, peut-on menacer des soignants ? On ne peut pas glorifier un jour les héros en blouse blanche et s’accommoder le lendemain des violences qu’ils subissent.
M. Patrick Hetzel
Très juste !
Mme Stéphanie Rist
Devant cette triste réalité, des associations et des syndicats sont en grève aujourd’hui et manifestent. La semaine dernière, au CHU d’Orléans, un médecin était menacé de mort. Pas moins de soixante-cinq soignants sont agressés chaque jour en France. Je n’oublie pas d’ailleurs les personnels administratifs, comme les secrétaires médicales, trop souvent en première ligne des agressions. Des soignants violentés, ce sont des soignants qui perdent le sens de leur métier. Plus d’un quart des infirmiers envisageraient de quitter la profession à cause de ces agressions.
Face à cette épidémie de violence, nous avons besoin d’une réponse judiciaire adaptée et d’appliquer le volet pénal du plan gouvernemental de 2023. Il y a un an, notre assemblée adoptait à l’unanimité une proposition de loi de notre collègue Pradal visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé, aggravant les sanctions pénales et créant le délit d’outrage. Depuis, cette proposition de loi est bloquée dans les limbes de la navette parlementaire.
Je vous sais sensible à cette question, mais les soignants ne peuvent plus attendre. Ma question est donc simple : quand la proposition de loi sera-t-elle mise à l’ordre du jour du Sénat, et quand sera-t-elle appliquée pour mieux protéger les soignants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Pierre Cazeneuve
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
En ce 12 mars, Journée européenne contre la violence dans les soins de santé, votre question met en lumière ce sujet crucial. Vous avez évoqué l’agression dont les soignants du CHU d’Orléans ont été victimes – et je connais l’engagement qui est le vôtre dans cet établissement. J’ai reçu au ministère, ce matin même, le collectif du 12 mars récemment créé, avec l’ensemble des syndicats et des ordres qui se mobilisent.
Je salue le travail d’Agnès Firmin Le Bodo, qui s’était saisie de ce sujet en 2023. Depuis lors, un rapport a formulé des propositions s’agissant du suivi légistique. Grâce au ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, la proposition de loi de M. Pradal, adoptée largement ici même, intégrera, lors de son examen par le Sénat, des dispositions visant en particulier à rendre obligatoire la déclaration de ces agressions insupportables.
Le 11 janvier, lorsque je me suis rendu à Annemasse, à la demande du premier ministre, pour porter secours et assistance aux soignants, j’ai réaffirmé le principe de la tolérance zéro. Avec le ministre de l’intérieur et le garde des sceaux, nous travaillons au renforcement des peines en matière pénale, à l’obligation pour tout établissement de santé de déclarer les agressions et à l’anonymisation du dépôt de plainte, afin de mieux accompagner les soignants et d’éviter qu’ils ne soient menacés.
Enfin, n’oublions pas les agressions envers les soignants libéraux. En l’occurrence, nous comptons sur la mobilisation des élus locaux et des maires, grâce au déploiement de leur police municipale, à l’installation de caméras de vidéoprotection ou encore – comme je l’ai fait moi-même en tant que maire – à l’achat de boutons d’alerte dont nous équipons les soignants. Vous le voyez, d’ici à la fin de l’année et dès septembre 2025, le gouvernement sera pleinement engagé pour la protection des soignants. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR et HOR.)
Situation en République démocratique du Congo
Mme la présidente
La parole est à Mme Clémence Guetté.
Mme Clémence Guetté
En République démocratique du Congo, trente ans de vies brisées et des millions de morts : depuis la seconde guerre mondiale, jamais un conflit n’a été aussi meurtrier. Le M23, milice appuyée par l’armée rwandaise, poursuit son offensive. Chaque jour, des enfants sont exécutés, des femmes violées et des êtres humains torturés. Le pillage du Congo a transformé le pays en cimetière. La Commission européenne, complice, a signé l’an dernier un accord pour faciliter l’importation de minerais rwandais, dont la majorité vient de l’est du pays voisin : le coltan, l’étain, le cobalt, le tungstène ont l’odeur du sang.
Il faut un embargo, pour que cessent les dividendes de la mort et les aventures criminelles de Total et des autres multinationales présentes sur place. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – MM. Edouard Bénard et Hendrik Davi applaudissent également.) Je salue les artistes mobilisés avec Solidarité Congo, ainsi que les dizaines de milliers de citoyens et supporters qui refusent que le Paris Saint-Germain prolonge son partenariat avec le Rwanda (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), alors qu’il s’affichait encore hier soir sur toutes les télévisions du monde.
La réaction de la France, quant à elle, n’est pas à la hauteur. Les condamnations par voie de communiqués ne suffisent plus. Nous voulons rappeler cette évidence : l’action de notre pays au service de la paix et du droit international ne doit pas être à géométrie variable. (Mêmes mouvements.) En République démocratique du Congo comme partout ailleurs, les criminels de guerre doivent être poursuivis et jugés, et les frontières doivent être respectées. Patrice Lumumba a écrit : « Nous ne sommes pas seuls. L’Afrique, l’Asie, les peuples libres de tous les coins du monde se trouveront toujours aux côtés des millions de Congolais qui n’abandonneront pas la lutte tant qu’il y aura des colonisateurs et des mercenaires dans ce pays. »
Pour être aux côtés des Congolais, la France doit agir : pourquoi n’a-t-elle toujours pas convoqué l’ambassadeur du Rwanda, comme l’ont pourtant fait nos voisins ? Pourquoi n’avez-vous pas pris de sanctions économiques contre le Rwanda, comme nous vous le demandions il y a déjà plus d’un an ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux
L’offensive du M23 soutenu par le Rwanda à l’est de la République démocratique du Congo, dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, est inacceptable. Elle viole le droit international, la Charte des Nations unies et l’acte constitutif de l’Union africaine, et entraîne des conséquences humanitaires dramatiques dans une région qui compte désormais près de 7 millions de déplacés. Enfin, elle porte atteinte à la stabilité de l’ensemble de la région.
La position de la France est ferme : nous condamnons l’offensive du M23 et le soutien du Rwanda. Notre position est constante : nos interventions, depuis plus de deux ans, notamment au Conseil de sécurité des Nations unies, en témoignent. Les autorités françaises sont mobilisées sur tous les fronts pour une désescalade rapide et l’adoption d’un cessez-le-feu. Le président de la République et le ministre Barrot ont porté ce message à plusieurs reprises auprès de leurs homologues rwandais et congolais au Conseil de sécurité. La France a soutenu la résolution adoptée à l’unanimité le 21 février, qui condamne pour la première fois en des termes aussi clairs l’offensive du M23 et la présence rwandaise en République démocratique du Congo.
Mme Mathilde Panot
Et la convocation de l’ambassadeur ?
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué
C’est un message fort car unanime. À Bruxelles, nous avons soutenu l’adoption de nouvelles mesures restrictives pour faire pression sur les parties afin d’encourager un processus politique. En matière humanitaire, le ministère des affaires étrangères est mobilisé pour renforcer l’accès aux besoins élémentaires en République démocratique du Congo. S’agissant de la question de l’aide au développement au Rwanda, nous avons mis en pause la signature de nouveaux projets.
Mme Mathilde Panot
Et les sanctions ?
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué
La priorité va à l’établissement d’une solution politique. Nous n’écartons aucune option, en coordination avec nos partenaires.
Mme Mathilde Panot
Vous ne répondez pas à la question !
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué
La solution à ce conflit ne peut être militaire, elle doit être diplomatique. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est pourquoi la France apporte son plein soutien aux processus régionaux de médiation, en vue d’un cessez-le-feu et d’une reprise du dialogue politique.
Moyens alloués à la justice
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Mercier.
Mme Estelle Mercier
La semaine prochaine, nous examinerons dans l’hémicycle la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Nous partageons le constat alarmant et l’urgence de la situation parfaitement décrits dans le rapport sénatorial de notre collègue socialiste Jérôme Durain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Cette loi est ambitieuse et nécessaire mais notre justice est fragile. Sans moyens supplémentaires, elle sera inefficace.
La France est notoirement sous-dotée, avec à peine trois magistrats pour 100 000 habitants – c’est quatre fois moins que la moyenne européenne. Malgré la loi de programmation qui n’offre qu’un effet de rattrapage, notre système de justice s’embolise de jour en jour et les dossiers mettent toujours plus de temps à être traités. Au tribunal judiciaire de Nancy – dans ma circonscription –, les délais s’élèvent désormais à trois ans pour le jugement des dossiers criminels. Il manque près de dix magistrats dans le ressort de la cour d’appel et autant de greffiers ou d’assistants judiciaires.
Pourtant, nous disposons de l’une des huit juridictions interrégionales spécialisées de France – Jirs – véritable pierre angulaire dans la lutte contre le narcotrafic, mais qui travaille, elle aussi, avec des moyens trop limités. Enfin, la construction de la nouvelle cité judiciaire, annoncée en 2019 et qui devait ouvrir ses portes cette année, est au point mort. La justice se rend grâce à l’engagement sans faille des magistrats, des greffiers et des assistants, dans des salles minuscules, en sous-sol et dans un bâtiment où il pleut. Est-ce digne d’une grande démocratie ?
La justice a besoin d’un véritable plan Marshall. Monsieur le ministre de la justice, au-delà des effets d’annonce médiatiques auxquels vous nous avez habitués, quels moyens donnerez-vous réellement à la lutte contre le narcotrafic ? Que répondez-vous à tous ceux qui, à Nancy, attendent que la nouvelle cité judiciaire voie enfin le jour ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Dominique Potier
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice
Je suis heureux de constater que vous allez soutenir le texte visant à lutter contre le narcotrafic, alors qu’en commission, vous n’avez pas voté celui pourtant proposé par le sénateur socialiste Durain et par le sénateur Blanc. Le débat aura lieu la semaine prochaine dans l’hémicycle. J’espère que nous pourrons avancer ensemble pour cette cause nationale qui mérite, comme au Sénat, de réunir l’unanimité des groupes politiques responsables ou en tout cas de s’en approcher.
Pour lutter contre le narcotrafic, nous avons besoin d’un parquet national, d’un régime de détention, de techniques de renseignement et de moyens supplémentaires alloués aux magistrats. Je suis sûr que nous arriverons à vous convaincre de changer votre vote, pour le bien des magistrats et de notre population.
S’agissant de l’augmentation du nombre de magistrats en Jirs, je partage votre préoccupation. C’est pourquoi, à la demande du premier ministre, j’ai annoncé que 150 magistrats supplémentaires par rapport aux prévisions de mon prédécesseur Éric Dupond-Moretti seraient directement affectés dans les Jirs et dans la création du parquet national anti-criminalité organisée. Dès le mois de septembre prochain, une quarantaine de magistrats seront envoyés dans les huit Jirs de France, notamment à Nancy, et une soixante supplémentaire viendra les renforcer au cours de l’année 2026. L’augmentation du nombre de magistrats du parquet comme du siège, en particulier à Nancy, sera donc substantielle.
Enfin, vous posez la question de la cité judiciaire de Nancy. Comme vous le savez, je viens d’arriver au ministère de la justice, mais je sais que sa réalisation est estimée à 120 millions d’euros. La ville doit acquérir un terrain pour un montant de 2,4 millions – j’ai échangé avec M. le maire à ce sujet. Nancy est évidemment une ville judiciaire très importante et sera considérée avec intérêt, conformément aux engagements pris par la collectivité et par mon prédécesseur. J’ai dit au maire de Nancy que je reviendrai vers lui et vers l’ensemble des élus la semaine prochaine pour discuter de l’ensemble des projets de cité judiciaire – il y en a vingt et un que je dois soumettre à l’arbitrage du premier ministre, parmi lesquels Bobigny et Marseille. J’aurai l’occasion de vous consulter après ces échanges. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
Attitude du groupe LFI à l’Assemblée nationale
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Jeanbrun.
M. Vincent Jeanbrun
La France insoumise n’est pas seulement un danger pour notre pays, nos institutions et les Français,…
Mme Sophia Chikirou
Arrête, Jeanbrun, ça va !
M. Vincent Jeanbrun
…elle est aussi une véritable menace pour la démocratie et les valeurs fondamentales de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Patrick Hetzel
Il a raison !
M. Vincent Jeanbrun
La somme des affronts commis par LFI à l’égard de nos valeurs est accablante. En février 2023, un député du groupe LFI piétine l’effigie d’un ministre sur un ballon. En novembre 2023, à la suite des attentats du Hamas, des propos antisémites ont été portés contre vous, madame la présidente.
M. Christophe Bex
Ce n’est pas le sujet !
M. Vincent Jeanbrun
Jean Luc Mélenchon écrivait : « Mme Braun-Pivet campe à Tel-Aviv pour encourager le massacre. »
Mme Sophia Chikirou
Oh là là !
M. Philippe Gosselin
Scandaleux !
M. Vincent Jeanbrun
Le mois dernier, un militant pro-Hamas était candidat sur la liste de Louis Boyard dans le Val-de-Marne pour les élections municipales de Villeneuve-Saint-Georges.
Mme Sophia Chikirou
Mensonge !
M. Philippe Gosselin
C’est la réalité !
M. Vincent Jeanbrun
Récemment, Rima Hassan a fait l’apologie du terrorisme en qualifiant de légitime l’action du Hamas. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mais le comble de l’outrage et de la compromission avec l’islamisme radical ne s’arrête pas là, puisque l’Assemblée nationale, sous l’impulsion du député LFI Raphaël Arnault,…
M. Nicolas Meizonnet
Fiché S !
M. Julien Odoul
Vous l’avez fait élire !
M. Vincent Jeanbrun
…accueille une table ronde avec le Collectif contre l’islamophobie en Europe (Mme Marie Mesmeur applaudit), avatar à peine déguisé du Collectif contre l’islamophobie en France, dissous en 2020 pour propagande islamiste. Laissez-moi vous le dire : c’est une honte !
Mme Sophia Chikirou
C’est vous, la honte !
M. Vincent Jeanbrun
Nous ne pouvons plus fermer les yeux. La stratégie de La France insoumise est trop claire, c’est faire l’apologie du terrorisme et des terroristes, détruire méthodiquement nos principes républicains, semer le chaos dans notre pays en conflictualisant tout,…
Mme Karen Erodi
Ce n’est pas nous, le chaos !
M. Vincent Jeanbrun
…souiller la mémoire des victimes du terrorisme islamiste, promouvoir le séparatisme et la destruction de nos valeurs.
Mme Sophia Chikirou
Caricature !
M. Vincent Jeanbrun
Nous avons, mes chers collègues, la responsabilité de nous opposer fermement à ceux qui détournent nos institutions pour semer le chaos en France (Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et UDR),…
M. Kévin Pfeffer
C’est eux qui vous ont élu !
M. Julien Odoul
C’est de la parlotte !
M. Vincent Jeanbrun
…à ceux qui insultent nos policiers en les qualifiant d’assassins (Applaudissements sur les bancs du groupe DR), à ceux qui considèrent les membres du Hamas comme des résistants, et à ceux qui prônent l’abrogation du délit d’apologie du terrorisme.
M. Julien Odoul
Vous avez été élu par eux !
M. Vincent Jeanbrun
C’est pourquoi, sur les bancs de la Droite républicaine et autour de notre président Laurent Wauquiez, nous vous demandons, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement : quand ces propos et ces agissements de La France insoumise cesseront-ils ? Quand seront-ils sanctionnés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
M. Carlos Martens Bilongo
C’est n’importe quoi !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Mme Farida Amrani
C’est un beau pot-pourri, quand même !
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement
Le ministre des relations avec le Parlement a vocation à défendre les parlementaires. (Brouhaha sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Émilie Bonnivard
On n’entend rien, c’est insupportable !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
En effet, il ne faudrait pas que les questions au gouvernement deviennent régulièrement des questions sans réponse parce que certains ne les écoutent pas et que d’autres ne peuvent pas les entendre. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR et Dem.)
Mme Marie Mesmeur
Vous nous insultez en permanence !
Mme Émilie Bonnivard
Tais-toi !
M. Arnaud Le Gall
Le gaullisme est mort, tué par votre coalition avec l’extrême droite, les héritiers de l’OAS !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
À cet égard, je veux souligner que l’immense majorité des députés travaillent bien et recherchent des compromis, plus encore depuis que cette assemblée n’a pas de majorité évidente. Les Françaises et les Français attendent de nous plus souvent des compromis que des conflits, plus souvent des initiatives que des invectives.
Mme Hanane Mansouri
Pas de compromis avec les islamistes !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Ils attendent de nous que nous soyons à la hauteur de nos responsabilités. S’agissant des initiatives qui peuvent être prises contre tel ou tel agissement d’un député ou d’un groupe parlementaire, je rappelle qu’il s’agit de la prérogative exclusive du bureau de l’Assemblée nationale.
Quant au gouvernement, son travail quotidien doit consister à favoriser…
M. Arnaud Saint-Martin
L’extrême droite !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
…le rapprochement des points de vue…
M. Emeric Salmon
Le rapprochement avec les islamistes ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
…et le respect qui doit s’exprimer entre les uns et les autres.
Mme Marie Mesmeur
Alors, respectez-nous !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Si, parfois, une majorité n’est pas silencieuse mais contrainte de souffrir en silence, je veux néanmoins souligner qu’elle réalise un travail de très grande qualité au service des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
M. Julien Odoul
C’est pitoyable !
Mme la présidente
Pour la parfaite information de tous, je vous indique que le bureau de l’Assemblée nationale a évoqué ce matin la question des injures, insultes ou invectives qui émaillent trop souvent les débats dans notre hémicycle.
M. Nicolas Sansu
Regardez l’histoire du Parlement !
Mme la présidente
J’ai décidé de réunir l’ensemble des présidents de groupe pour aborder ce point la semaine prochaine. Je compte sur eux pour être présents personnellement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Demandeurs d’asile syriens
Mme la présidente
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
Depuis le début de ce qu’on a appelé le printemps arabe, tous les Syriens victimes de persécution pouvaient déposer une demande de visa en vue de l’asile en France. Depuis la présidence de François Hollande, et même depuis 2011, sous celle de Nicolas Sarkozy – vous voyez, je ne suis pas sectaire (Sourires) –, 45 000 Syriens ont trouvé refuge en France. Pour nombre d’entre eux, cet exil s’explique par leur appartenance à une minorité, par leur opposition au régime ou par des fragilités particulières mettant leur vie en danger.
Il existe, vous le savez, deux grands programmes d’accueil. Le premier, dit de réinstallation, s’appuie sur les territoires et le second, dit de couloirs humanitaires, sur les capacités d’hébergement de particuliers. Je tiens d’ailleurs à saluer la communauté Sant’Egidio, la Fédération protestante de France et tous les Français qui savent encore cultiver le sens de l’accueil. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Ces dispositifs ont permis de réinstaller en France plusieurs centaines de familles.
Le processus de demande d’asile débute souvent au Liban, en Jordanie ou en Turquie, quand l’exil, de fait, a déjà commencé. Dès la chute d’Assad, le 19 décembre, vous avez annoncé le gel de toutes les procédures de demande d’asile de Syriennes et de Syriens, jetant aux orties des dispositifs qui protègent pourtant les minorités persécutées. Environ 700 demandes ont alors été mises en suspens. Désormais, les minorités – principalement chrétiennes et alaouites –, notamment à Tartous et à Lattaquié, sont victimes de persécutions et d’exactions, comme les yézidis le furent avant elles. Rien que cette semaine, 1 400 personnes ont été tuées. Votre décision, soutenue par ceux-là mêmes qui, hier, versaient ici des larmes de crocodile, crée un précédent grave. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
M. Arnaud Le Gall
Ce sont des tartuffes !
M. Pouria Amirshahi
Pour la première fois, l’État français a décidé de ne plus répondre à la demande de protection des minorités persécutées en Orient. À présent, des centaines de demandes parviennent à nos consulats limitrophes de la Syrie, lesquels ne sont plus en mesure de les instruire, ni même de les recevoir, en raison de votre décision.
Ce que je dis vaut aussi pour les femmes afghanes, pour les réfugiés palestiniens et pour tous ceux qui sont victimes des tremblements du monde. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.) Quand allez-vous lever ce gel, annoncé sans en mesurer les conséquences dramatiques ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC. – Mme Martine Froger applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Vous posez une question fondamentale, puisque le droit de demander l’asile et d’obtenir le statut de réfugié est un droit exceptionnel auquel la France, en particulier le gouvernement, est attachée. Je rappelle que plus de 130 000 demandes ont été formulées en 2024 et que le taux de reconnaissance est de l’ordre de 39 % en décision définitive, après passage devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d’asile. Il n’est pas question de revenir en arrière s’agissant de l’application de la convention de Genève.
Vous soulevez particulièrement – et vous avez raison – le problème lié à la suspension de certaines procédures, fréquente dans le cas d’un changement de régime. Au vu des événements récents, la position de la France va bien sûr évoluer ; d’ailleurs, en matière de demande d’asile, les positions évoluent par nature en fonction des circonstances internationales. Il n’est évidemment pas question de prendre le moindre risque de renvoyer une personne dans son pays au péril de sa vie. L’État fait preuve d’une vigilance extrême, à commencer par l’Ofpra.
Enfin, nous travaillons à rendre possible le dépôt d’une demande d’asile auprès de la représentation diplomatique française dans un pays tiers. Nous souhaitons avancer sur ce point.
Mme la présidente
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
Il me paraît difficile de s’émouvoir du sort réservé à des populations victimes tout en leur fermant la porte. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Martine Froger applaudit également.)
Quart d’heure lecture
Mme la présidente
La parole est à Mme Géraldine Bannier.
Mme Géraldine Bannier
C’était hier le jour du « quart d’heure lecture » national, dont la quatrième édition a été marquée en soirée, pour la première fois, par une lecture au Panthéon. J’invite chacun, ici et partout en France, à multiplier ces bons quarts d’heure, ces minutes de temps suspendu, le nez plongé dans un bouquin, uniquement captivé par l’intrigue désopilante ou haletante, par l’atmosphère oppressante ou détendue, habilement tramées et imaginées par l’auteur.
Je me souviens des paroles qui fusaient ici ou là l’an passé, lorsque je vous ai posé la même question : « Quinze minutes, ce n’est rien ! » Ce n’est rien, mais c’est beaucoup, quand on a l’habitude de passer sa vie scotché au smartphone, l’attention captée par mille et une préoccupations du quotidien, sursollicité, surmené. Ces minutes de lâcher-prise, de prise de recul, sont si nécessaires quand le monde nous inquiète.
Un constat fait mal au cœur : la pratique de la lecture décroît, notamment chez les plus jeunes. L’enquête d’avril 2024 du Centre national du livre indique qu’un jeune de 16 à 19 ans sur trois ne lit pas du tout dans le cadre de ses loisirs. C’est pourtant un levier si puissant pour ouvrir la voie de tous les possibles…
M. Pierre Cordier
Il y a plein de gens qui ne savent pas lire !
Mme Géraldine Bannier
Multiplions donc les quarts d’heure lecture dans les écoles, dans les institutions ou encore dans les entreprises. Soyons-en tous les ambassadeurs. Je vois fleurir avec joie dans mon territoire des boîtes à livres et des bibliothèques, comme un antidote à la décérébration ambiante, à la réflexion nulle, plate ou sans nuance. Comment pouvons-nous amplifier le phénomène, soutenir encore davantage les bénévoles de la lecture et porter plus loin l’ambition, qui n’a jamais été si urgente, d’être un peuple de lecteurs ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture
Vous avez raison, la lecture est essentielle pour la construction citoyenne et humaine de chacun. Le quart d’heure lecture n’est pas un gadget ; c’est une initiative très utile. La quatrième édition a été lancée au Panthéon par des lectures publiques. C’est un moyen d’encourager à la lecture, d’accéder à la lecture, y compris, monsieur Cordier, pour ceux qui ne savent pas lire : pour certains, écouter une telle lecture publique constitue le premier accès à la lecture.
L’opération vise à encourager les Français à lire de plus en plus, et partout. La lecture peut évidemment avoir lieu à l’école – Élisabeth Borne et moi y travaillons –, au musée, au centre de loisirs, dans une bibliothèque, mais aussi à l’hôpital. Catherine Vautrin, Yannick Neuder et moi-même nous employons à développer la lecture à l’hôpital. En 2024, en lien avec l’AP-HP, j’ai souhaité lancer le programme dit Mots parleurs, qui propose de la lecture voix haute pour les enfants dans les hôpitaux psychiatriques. Cette opération a rencontré un vif succès ; en 2025, dix-huit hôpitaux y participeront dans toute la France.
Vous avez raison de souligner que l’action publique présente encore quelques faiblesses en matière de lecture partagée, c’est pourquoi je souhaite l’amplifier dans deux domaines. Le premier concerne la petite enfance ; toutes les études scientifiques démontrent l’influence positive de la lecture sur le neurodéveloppement des enfants, même sur celui des tout-petits qui ne savent pas encore lire par eux-mêmes. Le second concerne les jeunes de 12 à 14 ans : 75 % d’entre eux déclarent adorer qu’on leur fasse la lecture, mais à peine 11 % bénéficient de lectures partagées. C’est tout le sens de la politique que nous souhaitons continuer à mener. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Géraldine Bannier.
Mme Géraldine Bannier
Faisons en sorte que la lecture ne devienne jamais un combat d’arrière-garde ; elle rend lucide et agrandit l’âme. Je compte sur les députés présents, moins nombreux qu’hier, pour porter cette bonne parole. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes EPR et HOR. – Mme Stella Dupont applaudit également.)
Filière photovoltaïque
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac
Quelle est la politique du gouvernement en ce qui concerne les énergies renouvelables, en particulier le photovoltaïque ? Le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie se propose de diviser par trois le tarif de rachat de l’électricité et de baisser les investissements destinés au petit photovoltaïque, ce qui affectera de nombreux particuliers et de nombreux agriculteurs. Certains collègues m’ont confié que cette décision mènerait à l’arrêt de la moitié des projets photovoltaïques de leur département.
De plus, le ministère propose de rendre son décret rétroactif, ce qui conduirait à affecter certains projets déjà montés. Avouez que cela est assez injuste !
Pour terminer, il propose de baisser à 5,5 % la TVA applicable aux installations photovoltaïques, ce qui est plutôt positif. Seulement, cette mesure ne s’appliquerait qu’à partir d’octobre. Que faut-il faire, alors, entre le mois de mars et celui d’octobre ? Faut-il interrompre tous les projets ? Cela ressemble à un moratoire.
Le 6 mars, le Conseil supérieur de l’énergie a largement rejeté la proposition du ministère. Nous comprenons bien la nécessité de tenir les comptes publics, mais le remède de cheval que le gouvernement souhaite appliquer au photovoltaïque affectera des entreprises, des salariés et des petits porteurs. Ils sont d’autant plus inquiets que c’est la énième fois qu’un tel traitement – un coup d’accélérateur suivi d’un coup de frein – est appliqué à cette filière.
M. Julien Dive
Il a raison !
M. Paul Molac
Ce n’est pas là une façon de travailler. Il faut un cadre clair et pérenne. Le gouvernement a-t-il pris en considération non seulement les difficultés des investisseurs, mais aussi celles des entreprises ? Quelles mesures justes peut-il leur proposer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs des groupes SOC, DR et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Pour commencer, je rappelle – il est bon de le faire, par les temps qui courent – que la France suit une trajectoire de décarbonation de sa production d’énergie.
M. Julien Dive
Justement !
M. Éric Lombard, ministre
Nous visons toujours une énergie zéro carbone à l’horizon 2050. (M. Emmanuel Duplessy s’exclame.) Pour cela, il faudra poser plusieurs briques. On peut citer le nucléaire, qui est revenu à son niveau de production maximal et que nous continuerons à développer dans les années à venir, ou encore l’éolien, sur terre ou en mer, qui se développe rapidement.
En ce qui concerne l’énergie solaire, la précédente programmation pluriannuelle de l’énergie était, je le reconnais, trop ambitieuse ; la surproduction d’énergie auquel elle aboutissait pendant la journée conduisait à fixer des prix négatifs et représentait une surcharge financière pour l’État. La nouvelle programmation pluriannuelle vise donc à réduire la production d’énergie photovoltaïque et privilégie deux sources. La première est la production individuelle, qui bénéficiera plus largement de la TVA à 5,5 % dans le cadre de la loi de finances pour 2025. La seconde, ce sont les installations ayant atteint une masse critique leur permettant de produire de l’énergie économiquement.
Cette planification s’inscrit toujours dans la transition écologique, mais suit une logique différente. Il s’agit de concentrer davantage la production et de préserver les deniers de l’État, sans pour autant dévier de notre trajectoire de décarbonation.
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac
Je comprends votre réponse, mais vous changez les règles en cours de route. On ne change jamais de cheval au milieu du gué !
M. Alexandre Portier
Exactement !
M. Paul Molac
De nombreux projets sont déjà en place. Il ne faudrait pas que nos concitoyens soient pénalisés par votre décision ; je vous prie d’y faire attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Santé auditive
Mme la présidente
La parole est à M. François Gernigon.
M. François Gernigon
À la veille de la Journée nationale de l’audition, il est urgent de rappeler que la santé auditive reste un enjeu sous-estimé de santé publique. Dès le plus jeune âge, nous prenons soin de nos dents ou encore de notre vue, mais qu’en est-il de notre audition ? Les chiffres sont alarmants : un adulte sur quatre souffre de troubles auditifs et 15 à 18 millions de personnes sont touchées par des acouphènes ou par une hyperacousie. Cela ne concerne pas uniquement les personnes âgées : entre 3 et 5 millions de jeunes de moins de 35 ans en souffrent déjà. Pourtant, 50 % des Français n’ont jamais fait tester leur audition.
Une perte auditive non détectée peut entraîner des conséquences telles que l’isolement, des difficultés au travail ou encore le déclin cognitif. Elle pèse aussi sur les finances publiques ; le coût de la seule non-reconnaissance des acouphènes, que nous pourrions éviter si la prévention et le dépistage étaient mieux intégrés dans nos réflexes de santé, est estimé à 13 milliards d’euros par an.
Il est essentiel d’intensifier la sensibilisation. Dans cet esprit, je travaille avec la Fondation pour l’audition et l’Association nationale de l’audition ; grâce à leur soutien et à celui de la présidente de l’Assemblée nationale – Yaël Braun-Pivet, que je remercie –, nous organisons aujourd’hui un stand de sensibilisation au Palais-Bourbon. Ce stand offre notamment la possibilité d’évaluer son audition grâce à l’application Hora, promue par l’OMS, et de tous nous sensibiliser ainsi à cette question de santé publique. Je vous invite à vous rendre près du bureau de poste pour faire ce test, gratuitement et en trois minutes.
Monsieur le ministre chargé de la santé, quelles mesures le gouvernement envisage-t-il de prendre pour faire de la santé auditive une véritable priorité de santé publique et pour renforcer la prévention auprès de l’ensemble des Français ? Cette démarche passe également par la création d’un ordre des audioprothésistes, à laquelle tend la proposition de loi que je viens de déposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR. – M. Sébastien Peytavie applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
À la veille de la Journée nationale de l’audition, vous mettez en exergue, notamment par cette journée de dépistage à l’Assemblée nationale, le fléau que représentent les troubles de l’audition. L’Organisation mondiale de la santé confirme vos propos : en 2050, une personne sur quatre souffrira de déficience auditive.
Rappelons que plusieurs dispositifs existent déjà. Ainsi, les maternités proposent un dépistage néonatal des troubles de l’audition. En effet, vous l’avez dit, ils ne touchent pas seulement les personnes âgées : non seulement ils affectent 40 % des plus de 50 ans, mais entre 3 et 5 millions des jeunes sont également concernés. Il faut donc agir sur différents levers. Élisabeth Borne et moi sommes fortement mobilisés et, avec l’accord du premier ministre, nous présenterons un plan pour réarmer la médecine scolaire afin d’alerter la population, notamment au sujet des conséquences d’une exposition prolongée à une puissance sonore trop importante. Nous conduisons une action interministérielle, par exemple en traitant avec Agnès Pannier-Runacher des facteurs environnementaux. Il faut également prévoir des bilans au sein de la médecine du travail car la prévention est utile à tout âge.
En outre, le 100 % santé permet une juste prise en charge des prothèses auditives qui, selon les cas, sont remboursées à hauteur de 100 % ou de 60 % par notre système de santé, les mutuelles assurant le complément. Nous sommes donc pleinement mobilisés sur ce sujet. Celui-ci, comme les autres problèmes de santé, nous invite à prendre à bras-le-corps les questions de prévention, comme nous le faisons dans de multiples domaines dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale.
Enfin, bravo pour le dépistage que vous organisez aujourd’hui à l’Assemblée. J’avais fait de même au sujet de la prévention des risques cardiovasculaires, car de telles actions me paraissent être une bonne façon de sensibiliser le Parlement. Merci à la présidente de l’Assemblée nationale d’accepter de tels dépistages. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
2. Modification de l’ordre du jour
Mme la présidente
J’ai reçu du ministre délégué chargé des relations avec le Parlement une lettre m’informant que la proposition de loi visant à réformer le mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille était retirée de l’ordre du jour du jeudi 20 et du vendredi 21 mars. (M. Stéphane Lenormand applaudit.)
3. Supprimer le vote par assis et levé
Discussion d’une proposition de résolution
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de Mme Yaël Braun-Pivet et M. Sébastien Peytavie tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale afin de supprimer le vote par assis et levé (nos 925, 1016).
Son adoption en ferait la première modification du règlement depuis six ans.
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Peytavie, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, que je remercie pour son travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, Dem, HOR et GDR.)
M. Sébastien Peytavie, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Nous nous réunissons aujourd’hui pour nous assurer que chacun puisse remplir pleinement son rôle de député et faire vivre notre démocratie par l’exercice du vote.
Le texte que je vous présente se justifie par la nécessité de concrétiser la promesse de la loi du 11 février 2005, celle du plein exercice de la citoyenneté par les personnes en situation de handicap, à laquelle notre règlement contrevient en prévoyant des votes par assis et levé.
Cette loi, qui a redéfini nos politiques publiques à l’égard des personnes handicapées, était ambitieuse. Toutefois, vingt ans après son adoption, la déception est à la hauteur de l’espoir qu’elle a suscité, en raison du retard considérable accumulé par la France dans son application, tant en matière d’accessibilité que d’inclusion.
Je m’attacherai à en dresser un bilan complet dans le cadre de la mission d’évaluation que je mène avec ma collègue Christine Le Nabour.
Depuis vingt ans, tout a été invoqué pour autoriser des passe-droits, déroger à la règle et exclure davantage : la tradition, le caractère minoritaire des obligations et les coûts.
Au nom de ces coûts, vous avez revu à la baisse l’ambition de rendre accessibles 100 % des logements neufs. Au nom des coûts, la scolarité des enfants handicapés est accompagnée par des professionnels non formés – ou pas assez –, dépourvus de statut et mal rémunérés.
Aujourd’hui, le handicap est reconnu par la Défenseure des droits comme la première cause de discrimination. Année après année, la France est épinglée par l’ONU et l’Europe pour l’entrave persistante qu’on y observe au respect de nos droits fondamentaux. Voilà le coût du renoncement. Voilà le coût du renoncement à l’égalité des droits.
Certes, cette proposition de résolution est un symbole ; mais c’est un symbole puissant, destiné à montrer que chacun, quelle que soit sa situation, a le droit de siéger dans cette assemblée et de prendre part à notre vie démocratique.
Car l’Assemblée nationale, qui occupe ce beau bâtiment du XVIIIe siècle, n’échappe malheureusement pas aux institutions ayant pris du retard en matière d’accessibilité et d’inclusion. Malgré des progrès récents notables, des efforts restent à produire pour que la maison du peuple n’exclue pas les personnes en situation de handicap. L’accès de tous à ces lieux se heurte encore bien souvent à des normes liées au patrimoine.
De même, le règlement de notre institution a été créé, à l’image de cette assemblée, par et pour les personnes valides. L’article 63 dispose ainsi que les votes s’expriment à main levée, par assis et levé, au scrutin public ordinaire ou au scrutin public à la tribune. L’article 64 prévoit quant à lui que le vote à main levée constitue le mode de votation de droit commun en toutes matières, et qu’en cas de doute sur le résultat, il est procédé au vote par assis et levé.
Certes, la présidence de séance peut privilégier le recours au scrutin public ordinaire après une première épreuve à main levée déclarée douteuse, mais dans le cas où il s’agit de clôturer une phase de discussion, seul un vote par assis et levé permet de lever un doute.
Il en va de même en matière de peines disciplinaires : l’article 72 prévoit ainsi que la censure simple et la censure avec exclusion temporaire sont prononcées par assis et levé. Aucune autre modalité de vote n’est prévue.
Si le recours au scrutin public ordinaire est donc privilégié en cas de doute sur le résultat d’un vote à main levée, il existe donc deux cas où le règlement ne prévoit pas d’alternative au vote par assis et levé. Les personnes dans l’incapacité de se lever sont alors privées de la possibilité de participer aux scrutins concernés.
Cette situation n’a rien de théorique : je n’ai pas pu prendre part à plusieurs scrutins, malgré ma présence dans l’hémicycle. De façon totalement ubuesque, je n’ai pas non plus pu participer au vote lors de l’élection de la présidence de l’Assemblée, le 18 juillet dernier, parce que l’on refusait de descendre l’urne située en haut des escaliers.
M. Vincent Descoeur
C’est inacceptable !
M. Sébastien Peytavie, rapporteur
Cette proposition de résolution, adoptée par la commission des lois à l’unanimité, sans modifications, est l’occasion de rappeler que la rigidité des normes qui régissent notre fonctionnement peut être excluante.
Afin d’y remédier, l’article unique supprime, dans notre règlement, les modalités de vote par assis et levé, qui sont remplacées par un scrutin public ordinaire ou par un vote à main levée.
Encore une fois, ce texte est symbolique, mais il rappelle que c’est le manque d’adaptation de l’environnement qui génère un handicap, pas la situation physique d’une personne. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, Dem, HOR et GDR.)
M. Sébastien Delogu
Exactement !
M. Sébastien Peytavie, rapporteur
Cela doit interroger nos pratiques et nos habitudes. L’hémicycle n’est toujours pas représentatif des 12 millions de personnes handicapées qui composent notre pays. Pour que ces bancs soient plus à l’image de notre population, il faut adopter des modalités de vote plus inclusives, mais aussi – et surtout – donner à chacun la possibilité de participer à la vie politique et de se présenter à une élection.
Quel parti peut se targuer d’accorder tous les moyens nécessaires à la pleine inclusion des candidats et candidates, des militants et militantes en situation de handicap ? Combien de députés s’assurent que leur permanence, leurs réunions et leur site internet sont totalement accessibles ? Quel parti a un siège accessible ? Quel parti peut prétendre que chaque candidat et chaque candidate a accès à l’aide humaine et technique nécessaire pour faire campagne ?
Alors qu’un cinquième de la population est en situation de handicap, seulement 0,02 % des élus de notre pays sont handicapés. Non seulement notre assemblée doit évoluer, mais, à un an des élections municipales, nos instances politiques doivent également prendre leurs responsabilités afin qu’il y ait davantage de députés, de maires et d’autres élus en situation de handicap. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, Dem, HOR et GDR. – Mme Caroline Parmentier applaudit aussi.)
Nous avons la responsabilité de garantir l’égalité des chances au sein de nos partis pour que chacun, peu importe sa situation de handicap, puisse se porter candidat.
Cette proposition de résolution est donc une première étape, alors qu’il reste tant à faire. Je remercie Mme la présidente de l’Assemblée nationale de l’avoir signée avec moi. Je tiens à saluer aussi tous les présidents et présidentes de groupe qui ont joué le jeu et accepté de modifier le règlement de l’Assemblée.
Je formule le vœu solennel que cette proposition de résolution puisse inspirer nos collègues sénateurs et sénatrices à l’occasion de la proposition de résolution sur le règlement du Sénat qu’ils examineront en séance publique le 8 avril.
Enfin, j’ai une pensée pour la centaine d’élus en situation de handicap que compte notre pays. La majorité d’entre eux exercent leurs responsabilités à l’échelle communale. Malgré les préjugés, l’assignation et le manque de moyens, ils font bouger les lignes. Puissions-nous être plus nombreux encore l’année prochaine ! (Applaudissements sur tous les bancs. – Plusieurs députés se lèvent.)
Discussion générale
Mme la présidente
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que la discussion générale vaudrait explications de vote et que le temps de parole des orateurs serait fixé à deux minutes.
La parole est à M. Jean Terlier.
M. Jean Terlier
Après les Jeux olympiques, l’enthousiasme n’est pas retombé. Les stades étaient remplis pour encourager les para-athlètes dont des dizaines de millions de Français ont suivi les exploits à la télévision. Et après ?
Les Jeux paralympiques ont mis en lumière une contradiction. D’un côté, nous avons glorifié nos athlètes paralympiques ; de l’autre, nous constatons la persistance des problèmes d’accessibilité dont souffrent les personnes en situation de handicap.
C’est comme si nous cherchions à nous rassurer : puisque notre société n’est pas des plus accueillantes pour les personnes handicapées, nous portons aux nues les héros, les courageux et les recordmen afin de masquer nos propres carences en matière d’égalité des droits.
Et, il faut bien l’avouer, malgré de constantes évolutions, l’Assemblée nationale n’est pas encore à la hauteur de l’idéal d’égalité que nous avons gravé au fronton de la République. C’est pourquoi je remercie Sébastien Peytavie de nous donner l’occasion de faire évoluer son règlement.
La date est bien choisie, monsieur le rapporteur : non seulement la loi sur le handicap du 11 février 2005 fête ses 20 ans, mais nous fêtons aussi les 50 ans de la loi fondatrice du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées.
Je rappelle que le handicap concerne 12 millions de Françaises et de Français, ainsi que leurs 8 millions d’aidants. Il nous faut avancer point par point, faire l’économie des discours convenus et lever chacune des barrières qui empêchent encore des personnes en situation de handicap de mettre en pratique leurs droits et de participer pleinement à la vie de la société.
Le premier droit de la personne handicapée, c’est le droit à la compensation de son handicap. Ce droit est inscrit dans nos textes de loi et nous nous concentrons aujourd’hui sur sa concrétisation. Vous l’avez dit, la modification de notre règlement est un petit pas, mais c’est un pas symbolique de plus vers une société plus inclusive et solidaire.
Le groupe Ensemble pour la République votera donc sans réserve en faveur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur les bancs des commissions.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Portes.
M. Thomas Portes
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », écrivaient les révolutionnaires de 1789. Aujourd’hui, nous nous apprêtons à supprimer le vote par assis et levé, un mode de scrutin qui exclut celles et ceux qui ne peuvent pas se lever. La mesure est tellement évidente que l’on se demande pourquoi il a fallu attendre 2025 pour en débattre. Nous la soutenons et profitons de cette rare occasion pour dénoncer la relégation croissante des personnes en situation de handicap et le fossé grandissant entre inclus et exclus.
La France est régulièrement épinglée par l’ONU pour ses manquements en matière d’accessibilité, d’éducation et d’intégration sociale et le handicap reste la première cause de réclamation pour discrimination auprès de la Défenseure des droits. Malgré ces constats accablants, il n’y a aucune volonté politique réelle d’assurer une inclusion effective. Alors que les textes internationaux nous rappellent que le handicap n’est pas une caractéristique individuelle, mais qu’il est provoqué par l’inadaptation de l’environnement, notre société continue d’exclure les citoyens vivant avec un handicap.
Aller à l’école, se former, travailler, se loger, se soigner, se déplacer, vivre dignement : autant de droits encore inaccessibles pour un trop grand nombre de nos concitoyens ; autant d’étapes de la vie rendues pénibles par l’inaction des gouvernements successifs. L’austérité et la destruction des services publics aggravent ces inégalités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Le mandat d’Emmanuel Macron enferme le handicap dans une vision caritative et médicale, évitant ainsi de remettre en cause les injustices structurelles de notre société.
Pourtant, la France, septième puissance économique mondiale, a les moyens d’une politique ambitieuse. La loi de 2005 a été affaiblie et la loi Elan a limité à 20 % la part des logements neufs devant obligatoirement être accessibles. Plus de la moitié des bâtiments restent inadaptés, faute de sanctions. Le montant de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) demeure sous le seuil de pauvreté. Quant à l’école inclusive, on commencera à y croire le jour où le salaire moyen des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) sera porté au-dessus du seuil de précarité. (Mêmes mouvements.) Le handicap n’est ni une maladie, ni une affaire privée. Il est temps de reconnaître que l’inclusion de toutes et tous est l’affaire de chacun.
Cette résolution est certes un pas nécessaire, mais elle s’inscrit dans un paysage de validisme systémique. Nous demandons l’adaptation de tous les services publics, procédures et documents à tous les types de handicap. Il faut prendre des mesures concrètes et le vote de cette proposition de résolution n’absout personne dans cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur les bancs des commissions. – Mme Cyrielle Chatelain et M. André Chassaigne applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-José Allemand.
Mme Marie-José Allemand
Cette proposition de résolution nous est soumise alors que l’année 2025 marque le 20e anniversaire de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi portait en elle une grande ambition, celle d’ériger en principes l’égalité des droits et l’accessibilité à la vie citoyenne des personnes en situation de handicap.
Vingt ans après, de nombreux obstacles subsistent et, dans bien des cas, les personnes en situation de handicap restent entravées dans leur quotidien, tant en matière d’accessibilité que d’inclusion. L’Assemblée nationale n’échappe pas à ces retards et certaines de nos règles ne sont plus adaptées.
Supprimer la possibilité de voter par assis et levé relève certes du symbole, mais certains symboles comptent et je crois nécessaire que notre assemblée montre l’exemple en garantissant des modalités de vote qui n’excluent aucun de ses membres. Je veux saluer et remercier notre collègue et rapporteur, Sébastien Peytavie, qui est à l’origine de cette proposition de résolution et qui, depuis son élection en juin 2022, a su mettre en lumière le manque d’accessibilité de notre institution, nous forçant à prendre conscience du chemin qu’il reste à parcourir pour assurer la pleine égalité des personnes en situation de handicap.
La proposition de résolution nous rapproche de cet objectif, et c’est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés la soutiendra sans réserve. Nous formons le vœu que notre assemblée poursuive ce travail en faisant évoluer d’autres règles peu inclusives. Il serait par exemple souhaitable de modifier les modalités de vote à la tribune de l’hémicycle, utilisé notamment pour l’élection du président de l’Assemblée nationale, afin de garantir à chaque député qu’il puisse déposer en personne son bulletin dans l’urne, indépendamment de tout handicap qui empêcherait l’accès à la tribune. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur les bancs des commissions.)
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Marleix.
M. Olivier Marleix
Dans un discours prononcé au lendemain de l’adoption de la loi du 11 février 2005, Jacques Chirac, pour qui le handicap fut un engagement constant, eut ces mots si simples et si justes : « Le handicap fait partie de la vie. Pourtant, […] cette réalité n’est toujours pas pleinement acceptée. » Oui, le handicap fait partie de la vie. Tant qu’il ne nous touche pas personnellement, nous avons tendance à croire que le handicap, c’est les autres. C’est une réalité qui est autre, qui n’est pas nôtre. Pourtant, elle peut le devenir à tout moment, au lendemain d’un accident, au contact d’un parent vieillissant, d’un enfant, d’un ami, d’un proche, quel qu’il soit. Oui, le handicap fait partie de la vie, de nos vies.
C’est d’abord notre regard intime sur les vulnérabilités qui doit évoluer et, en conséquence, c’est le souci de l’égalité des droits qui doit s’imposer partout. Pour un regard extérieur, la suppression du vote par assis et levé pourrait sembler anecdotique. Et pourtant, qui aurait pu croire que, dans cette Assemblée nationale qui s’enorgueillit d’avoir voté les lois si importantes de 1975, de 1987 et de 2005, qui ont tant fait progresser les choses, nous pratiquions nous-mêmes une discrimination qui n’a rien fait de moins que priver un député de l’exercice de son droit de vote ?
Merci donc à notre collègue Sébastien Peytavie, dont le sourire, la bonne humeur, l’intelligence et la détermination sont toujours au rendez-vous pour nous faire progresser. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR, EPR, SOC, EcoS, Dem et LIOT.) Il l’a fait, récemment encore, en proposant la prise en charge intégrale des fauteuils roulants. Merci à lui de nous offrir, avec cette proposition de résolution, l’occasion de nous amender et de supprimer une de ces discriminations ordinaires qu’aucun citoyen ne doit subir.
La leçon qu’il faut retenir, c’est qu’il y a partout des discriminations et des atteintes à l’égalité entre les citoyens. Le valide a la chance de ne pas les voir, tant qu’il n’y est pas personnellement confronté, mais il doit apprendre à changer son regard, à s’ouvrir à l’autre et à la différence s’il veut changer la réalité. Et il reste tant à faire ! Parce qu’il a entendu cette leçon, le groupe Droite républicaine votera cette proposition de résolution avec conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et Dem ainsi que sur les bancs des commissions.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
Je m’associe, au nom du groupe Écologiste et social, aux remerciements qui ont été adressés à Sébastien Peytavie.
Supprimer le vote par assis et levé, c’est mettre fin à un système dans lequel on avait tendance à considérer que seuls les valides étaient aptes à prendre des décisions. Du reste, si Sébastien Peytavie n’avait pas déposé cette proposition de résolution, qui sait si nous aurions eu l’idée de le faire ? Il importe à la fois de consacrer la fin de cette disposition et la légitimité de ceux qui, parce qu’ils sont concernés, mènent ce combat.
Puisque ce texte fait l’unanimité, je me permettrai d’élargir un peu la focale et de parler d’une façon plus générale du handicap, qui mine encore notre société et la vie de millions de gens, malgré les promesses faites en 2005. Il reste un défi majeur pour toutes celles et tous ceux qui veulent vivre dignement, aller à l’école et travailler comme les autres.
De quoi parle-t-on, au fond ? De reconnaître l’existence sociale des personnes en situation de handicap, car c’est cette existence sociale qui est niée. Il faut, avec vigueur et au-delà de ce qui nous réunit aujourd’hui, prendre date pour faire mieux et plus pour toutes les personnes en situation de handicap, de façon inclusive, partout dans l’espace public. C’est un élu de Paris qui vous le dit : il reste beaucoup d’efforts à faire dans notre capitale.
Il faut agir pour tous les types de handicap, y compris pour le handicap mental, qui ne fait pas encore suffisamment l’objet d’une prise en considération collective. Il faut mieux le prendre en charge, mais aussi mieux accompagner les aidantes et les aidants, à qui nous devons témoigner notre reconnaissance et notre gratitude. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et DR, ainsi que sur les bancs des commissions.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Bergantz.
Mme Anne Bergantz
Il y a vingt ans, notre assemblée adoptait dans cet hémicycle la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap. Cette loi fixait des ambitions élevées pour faire avancer notre société vers l’égalité des droits. En vingt ans, nous avons évidemment progressé, mais il reste fort à faire. Et chacun de nous peut et doit participer à l’inclusion des personnes handicapées. C’est un projet de société, ce doit être l’ambition de toute une nation.
C’est dans ce contexte, monsieur le rapporteur, que votre proposition de résolution offre à l’Assemblée nationale l’occasion de donner l’exemple en rendant son propre règlement plus inclusif. Ce dernier est censé garantir à chaque député la possibilité d’exercer pleinement son mandat, quelle que soit sa condition. Et pourtant, l’article 63 contredit ce principe, en faisant du vote par assis et levé l’un des trois modes de votation possible lors de nos débats.
Comment justifier que des membres de notre assemblée, actuels ou futurs, soient exclus de l’une des modalités de délibération inscrites dans notre règlement, simplement parce qu’ils ne sont pas en mesure de se lever ? Il est temps d’affirmer qu’être en situation de handicap ne doit jamais être une entrave à la participation citoyenne, à la possibilité de s’exprimer ou de délibérer, et certainement pas ici, à l’Assemblée nationale.
Pour ce faire, joignons les actes aux paroles et supprimons le vote par assis et levé de notre règlement. Je rappelle que la disparition de ce mode de délibération n’entravera en rien la fluidité de nos débats, puisqu’il peut aisément être remplacé par le scrutin public ordinaire.
Le groupe Démocrates, qui se félicite du consensus qui s’est manifesté à ce sujet, votera évidemment pour la modification du règlement de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur les bancs des commissions. – M. Patrick Hetzel applaudit également.)
Mme la présidente
Sur l’article unique, je suis saisie par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. François Gernigon.
M. François Gernigon
Le droit de vote est l’essence même de notre mandat. Il est l’instrument par lequel chaque député participe à la décision collective et représente la voix de ses concitoyens. Pourtant, le règlement de notre assemblée maintient une procédure qui, de fait, empêche certains élus d’exercer pleinement ce droit.
Le vote par assis et levé repose sur une gestuelle simple, presque anodine pour beaucoup d’entre nous. Mais, pour d’autres, cette exigence physique constitue une véritable barrière. Comment pouvons-nous, en 2025, tolérer qu’un député se retrouve en difficulté pour exprimer son choix, simplement parce que notre institution n’a pas su s’adapter ?
Soyons cohérents avec les principes que nous défendons. Depuis des années, nous exigeons des collectivités, des entreprises, des services publics, qu’ils garantissent l’accessibilité pour tous. Pourtant, notre propre fonctionnement reste marqué par des pratiques qui ne respectent pas cet impératif. L’Assemblée nationale doit être exemplaire. Elle doit montrer que l’inclusion n’est pas un slogan, mais une exigence qui s’impose à tous, y compris à nous-mêmes. Voter cette proposition de résolution, ce n’est pas seulement moderniser nos règles. C’est affirmer une conception exigeante de la démocratie, une démocratie où chaque voix compte, sans distinction, sans restriction.
Nous avons aujourd’hui l’occasion de faire franchir à notre assemblée une étape nécessaire, afin qu’elle soit à la hauteur de ses engagements : le groupe Horizons & indépendants votera en faveur du texte. Merci, Sébastien, de ton engagement en faveur des personnes handicapées ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et LIOT ainsi que sur les bancs des commissions.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Martine Froger.
Mme Martine Froger
Vingt ans après la loi du 11 février 2005, force est de constater que l’obligation d’accessibilité reste insuffisamment respectée. Plus de 12 millions de Français sont pourtant concernés ! L’élection de députés en situation de handicap a fait ressortir le retard pris en la matière par notre assemblée. Au-delà de la question des travaux de modernisation des bâtiments, certaines de nos procédures présentent des difficultés : le vote en tribune, par exemple lors de l’élection du président de l’Assemblée, ou le vote par assis et levé, objet de ce texte. L’Assemblée nationale étant tenue à une obligation de résultat en matière d’accueil et d’inclusion des personnes en situation de handicap, il n’est plus acceptable que certains collègues ne puissent participer à ces votes dans de bonnes conditions.
Cette proposition de résolution vise à supprimer le vote par assis et levé, de toute façon peu utilisé, ce qui aura pour effet de dépoussiérer nos procédures : le groupe LIOT soutient pleinement cette avancée et tient à saluer le rapporteur pour son initiative. Nous voterons sans réserve en faveur du texte. Poursuivons notre travail de longue haleine en vue de l’intégration dans la société des personnes porteuses de handicap ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR et sur les bancs des commissions.)
Mme la présidente
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne
Disons-le d’emblée, ce texte a tout notre soutien. Nous remercions Sébastien Peytavie de ne pas s’être résigné à un fonctionnement tel que notre institution peut, contre son gré, exclure ; sa proposition de résolution a du reste le mérite de nous amener à nous interroger sur certaines coutumes, certains codes socioculturels, par exemple le fait que nous nous levons lorsque la présidente ou le président de séance entre dans l’hémicycle.
Parce que nous ne sommes pas personnellement confrontés à la difficulté, nous ne mesurons pas toujours que tel mode de fonctionnement, tel aménagement, est inadapté aux personnes handicapées : notre assemblée n’échappe pas plus à ce constat que la société dans son ensemble. C’est pourquoi, en 2018, un groupe de travail avait étudié la prise en compte du handicap dans le fonctionnement de l’Assemblée nationale et formulé de nombreuses propositions, qui restent d’actualité. Nous ne minimisons pas pour autant les efforts de l’institution, et saluons la disponibilité dont fait preuve le personnel de l’Assemblée pour aider les personnes en situation de handicap. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, EPR, LFI-NFP, SOC et EcoS. – M. José Beaurain applaudit également.)
Cependant, nous appelons de nos vœux les progrès qui ne nécessitent pas de modification du règlement. Il nous faudrait la même unanimité pour adapter celui-ci à l’évolution de la composition de notre assemblée : nous ferons plus tard des suggestions en ce sens, car il eût été malvenu de se saisir de cette proposition de résolution pour préconiser les modifications structurelles qui débarrasseraient notre règlement de ses procédures au service du parlementarisme rationalisé. Par conséquent, nous vous demandons, madame la présidente, de consentir à ce chantier urgent, auquel nous vous savons favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR ainsi que sur les bancs des commissions.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux
L’occasion nous est offerte d’envoyer un message fort, de montrer à nos concitoyens que nous tenons compte de l’impérieuse nécessité de faire évoluer l’Assemblée en dépoussiérant son règlement afin qu’il s’adapte au mieux à notre diversité ; nous pouvons d’ailleurs nous réjouir que cette mesure, au-delà des clivages politiques, soit plébiscitée par tous les groupes. Notre hémicycle étant ouvert à tous sans discrimination, sans différence entre les situations personnelles, notre devoir consiste à faire en sorte que chaque élu puisse travailler dans de bonnes conditions. Adapter notre règlement, c’est renforcer la légitimité de cette enceinte. Il s’agit d’une proposition de bon sens : le groupe UDR votera en sa faveur.
Ce texte a mis en évidence les difficultés que rencontrent, pour accéder à notre institution, les personnes souffrant de problèmes de mobilité. Ne pourrions-nous aller plus loin, prendre en compte tous les handicaps, visuels, auditifs ou autres ? Je pense à José Beaurain : merci à lui, et surtout aux huissiers qui l’aident quotidiennement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem. – MM. Xavier Breton et François Gernigon applaudissent également.) Plus largement, nous ne pouvons que déplorer le manque d’accessibilité des services publics, des transports, au sujet duquel la France a été épinglée par l’Union européenne. Beaucoup reste à faire : il importe que le gouvernement agisse, au-delà des effets d’annonce, afin que la différence devienne une force. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emeric Salmon.
M. Emeric Salmon
Depuis des années, nombre d’efforts sont faits en vue de mieux tenir compte des situations de handicap. Tous les pans de la société s’adaptent ; lorsque cela suscite des résistances, le législateur sait intervenir, notamment par la loi de 2005, afin de débloquer la situation. Notre institution a également évolué, quoique, parfois, avec un certain retard sur la société civile. Votre arrivée, monsieur le rapporteur, et celle de mon collègue José Beaurain ont permis que s’impose tout naturellement la nécessité de prendre en considération les réalités du handicap. Nous avons tous compris que votre proposition de résolution ferait l’unanimité : il est évident que tout doit être mis en œuvre pour que chaque député puisse exercer son mandat sans jamais se sentir gêné, entravé, que ce soit dans le cadre de son travail préparatoire, en commission ou dans l’hémicycle.
Permettez-moi seulement, puisque je n’ai pas obtenu de réponse en commission des lois, de réitérer la suggestion d’inscrire dans notre règlement qu’à chaque début de législature, le bureau de l’Assemblée est souverain en vue d’ajuster notre mode de fonctionnement aux contraintes d’un handicap non encore prévu, sans qu’il soit nécessaire de mettre systématiquement aux voix de nouvelles modifications du règlement. Que se passerait-il, par exemple, en cas d’élection d’un député atteint de surdité complète ? L’Assemblée devrait immédiatement s’adapter en vue de garantir à ce collègue, aussi légitime que tout autre, la possibilité d’une pleine et entière participation aux travaux des commissions ainsi qu’aux séances publiques. Voilà, chers collègues, une piste de réflexion qui pourrait aboutir à l’assentiment de tous.
En guise de conclusion, je vous confirme que le groupe Rassemblement national votera pour la suppression du vote par assis et levé. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de résolution.
Article unique
Vote sur l’article unique
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article unique de la proposition de résolution.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 183
Nombre de suffrages exprimés 183
Majorité absolue 92
Pour l’adoption 183
Contre 0
(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble de la proposition de résolution.)
(Applaudissements sur tous les bancs.)
Mme la présidente
Bravo, monsieur le rapporteur !
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures quarante-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
4. Renforcement du soutien à l’Ukraine
Discussion d’une proposition de résolution européenne
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne de M. Laurent Mazaury et plusieurs de ses collègues appelant au renforcement du soutien à l’Ukraine (nos 916, 940, 1001).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Mazaury, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
M. Laurent Mazaury, rapporteur de la commission des affaires étrangères
Je tiens avant toute chose à saluer M. l’ambassadeur d’Ukraine, qui nous honore de sa présence en cette importante journée. (Sur tous les bancs, les députés, dont beaucoup se sont levés, applaudissent longuement en se tournant vers les tribunes du public.)
Lorsque fut déposée cette proposition de résolution européenne, que nous sommes plus d’une cinquantaine de députés, membres de différents groupes, à soutenir, je n’imaginais pas qu’autant de rebondissements surviendraient avant son examen en séance publique, et qu’elle serait si tragiquement d’actualité.
J’accueille avec soulagement la décision américaine de revenir sur la suspension de l’aide militaire à l’Ukraine. Néanmoins, ces changements de position suscitent une incertitude susceptible de mettre à mal une paix durable. Nous devons donc rester en alerte et vigilants.
Cette proposition a été débattue par deux fois, d’abord en commission des affaires européennes, puis en commission des affaires étrangères. À la suite de ces échanges de qualité, très constructifs – je remercie à cet égard mes collègues commissaires –, je rappellerai quelques éléments relatifs à certains points qui y ont été soulevés.
Je parlerai d’abord des actifs russes, qui ont défrayé la chronique mais ne sont concernés que par un seul des soixante-douze alinéas que contient notre proposition de résolution. Lors de l’examen du texte en commission des affaires européennes, l’amendement no 14 défendu par notre collègue Thierry Sother a été adopté contre mon avis. Il proposait non seulement d’utiliser les intérêts des actifs russes mais également ces actifs eux-mêmes. (M. Pierre Pribetich applaudit.) Si je doutais alors qu’il fût juridiquement possible d’instaurer un tel dispositif, je n’ai aujourd’hui plus aucun doute et je valide entièrement cette option.
J’ai changé d’avis pour deux raisons. D’abord, si l’immunité des biens d’un État souverain, qui comprennent les actifs de sa banque centrale, est notamment garantie par la Convention des Nations unies sur l’immunité juridictionnelle des États et de leurs biens, ce qui rend a priori illégale l’utilisation des actifs russes gelés, cette illégalité peut être contestée en vertu de la doctrine dite des contre-mesures, qui est intégrée au droit international coutumier.
Ensuite, un tel dispositif a déjà été utilisé à plusieurs reprises par des États différents dans le passé, y compris dans un passé proche. Ainsi, en février 2022, le président Joe Biden a pris un décret permettant la saisie des avoirs de la banque centrale afghane déposés aux États-Unis, soit près de 7 milliards de dollars. En outre, en avril 2024, les États-Unis ont adopté une disposition législative autorisant la saisie des actifs russes gelés, bien qu’elle n’ait pas été appliquée jusqu’ici. Au besoin, je tiens d’autres exemples à votre disposition.
Par ailleurs, l’adhésion de l’Ukraine à l’Europe a fait l’objet de nombreux débats, relatifs en particulier au fait que le texte proposait de « faciliter » cette adhésion afin qu’elle aboutisse dans les meilleurs délais. Si la rédaction actuelle de la résolution précise bien que l’Ukraine devra respecter les critères d’adhésion en vigueur, j’ai déposé un amendement, le no 25, visant à réécrire l’alinéa concerné afin de le clarifier et de réduire les possibilités de divergence ou d’interprétation, dans la suite de nos différents travaux en commission. Cette réécriture ne remet aucunement en cause mon souhait de voir l’Ukraine nous rejoindre, dans le strict respect des conditions d’adhésion à l’Union européenne.
J’en viens enfin à l’Otan. Certains ont reproché au texte d’en appeler à une extension à l’Ukraine des garanties prévues à l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord, alors que l’Ukraine n’est pas à ce jour membre de l’Otan. Ce n’était pas du tout l’objet de l’alinéa en question. J’ai également déposé un amendement, le no 29, visant à le clarifier. Il s’agit, pour assurer une paix durable à l’Ukraine, mais également dans une démarche de sécurité collective, d’étendre immédiatement nos garanties de sécurité à ce pays, indépendamment de son éventuelle future adhésion à l’Otan, dans le respect du droit international et du principe de souveraineté des États. Nous aurons tout à l’heure l’occasion d’échanger plus avant à ce sujet.
Je souhaite revenir sur l’impératif existentiel qui nous incombe de ne pas reproduire les erreurs du passé. Nous le savons – je l’ai dit à de nombreuses reprises –, si nos garanties de sécurité ne sont pas assez fortes, la Russie continuera à nous menacer et à revendiquer, plus globalement, une sphère d’influence sur son étranger proche, comme le président Poutine l’a indiqué à plusieurs reprises.
Ne reproduisons pas le schéma qui s’est déployé lors de la seconde guerre mondiale ou, plus récemment, lors de l’annexion de la Crimée. Il ne faudrait pas voir s’appliquer à la Russie la phrase d’Henri de Kérillis, l’un des seuls en France à avoir dénoncé le traité de Munich en 1938. Je le cite : « Cette paix consacre le triomphe d’Hitler, c’est-à-dire à la fois celui de l’Allemagne et celui du fascisme international. » Nous connaissons la suite !
Souvenons-nous des conséquences de nos décisions passées ! Ensemble, disons non à l’esprit de Munich qui plane parfois au-dessus de nous ! Ne laissons pas les oblasts de Kherson, Zaporijjia, Donetsk, Louhansk, Kharkiv et Mykolaïv rentrer dans l’histoire comme les Sudètes de 1938, avec la suite funeste que nous connaissons.
Si la guerre n’est plus aux portes de la France mais de l’Europe, nous devons considérer que c’est la même chose : il s’agit bien là de nos frontières ! Voilà une grande différence qui sépare notre époque de 1938 : nous, Européens et Français, tendons à être plus soudés que jamais. Merci, monsieur Trump !
L’annonce par la Commission européenne d’un plan de 800 milliards d’euros visant à nous réarmer collectivement et de manière concertée montre que nous voulons nous défendre ensemble ! Si nous ne faisons pas bloc, il nous sera difficile d’agir contre les géants russe et, parfois – j’espère me tromper –, américain. Aller à l’encontre de l’Europe, c’est donc aller à l’encontre des intérêts de la France, n’en déplaise à certains. Notre dissuasion nucléaire constitue également un élément majeur de notre sécurité collective mais surtout, évidemment et en premier lieu, nationale.
J’en reviens au sujet précis qui nous réunit aujourd’hui. La semaine dernière, dans cet hémicycle, lors du débat sur l’Ukraine, j’accusais. Aujourd’hui, par cette proposition de résolution européenne, je condamne, j’appelle à la paix, à une justice forte, à une souveraineté retrouvée.
Je tiens à rappeler à nos collègues qui n’ont pas voté cette résolution en commission – j’espère qu’ils le feront aujourd’hui – qu’elle comporte soixante-douze alinéas et en comportera peut-être davantage à la suite de nos débats. Il ne s’agit donc pas seulement des actifs russes, de l’adhésion de l’Ukraine à l’Europe ou de l’extension des garanties de sécurité en dehors de l’Otan. Il s’agit aussi de condamner les crimes abominables commis en Ukraine – je pense par exemple au sort des enfants –, qui marqueront des générations entières ; de condamner le non-respect des droits humains les plus élémentaires et du droit international ; d’appeler à la construction d’une paix solide qui, outre qu’elle protégera l’Ukraine de futures agressions, devra également nous protéger, nous, Européens et Français. C’est pourquoi l’avenir de l’Ukraine et, par extension, celui de l’Europe ne peuvent se décider ni à Washington ni à Moscou !
Enfin, cette proposition réaffirme notre soutien indéfectible aux Ukrainiens et leur promet réparation et reconstruction. Le message suivant est pour eux : peuple ukrainien, nous vous soutenons, nous ne vous oublions pas, nous ne vous laisserons pas tomber, nous vous accompagnerons dans la reconnaissance des crimes que vous avez subis, jusqu’à ce que justice soit faite et au-delà.
Pour toutes ces raisons, je vous appelle à voter avec moi pour cette proposition de résolution ! Entrons ensemble dans l’histoire, disons non au retour du fascisme sur notre continent, non aux dirigeants d’un autre siècle, avec leurs plans d’expansion que nous pensions rangés avec les heures sombres au plus profond de nos livres d’histoire, et oui à la France, oui à l’union des pays et des peuples européens ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, DR, EcoS, Dem, HOR, GDR, LIOT et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement
Je vous prie de bien vouloir excuser Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui est en partance pour le Canada en vue de participer au G7 qui s’y tiendra, et Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe, qui se trouve à Strasbourg pour y participer à la réunion plénière du Parlement européen.
Nos échanges font suite aux débats qui se sont tenus à l’Assemblée nationale et au Sénat la semaine dernière, en application de l’article 50-1 de la Constitution. Ces échanges de grande qualité ont donné lieu, comme l’a indiqué le premier ministre, à une véritable discussion stratégique, à la hauteur des enjeux essentiels relatifs à la sécurité de la France et de l’Europe auxquels nous faisons face actuellement.
Attaché à l’association régulière et transparente des parlementaires au traitement des questions internationales, le gouvernement apprécie la poursuite de ces échanges dans le cadre de l’examen de cette proposition de résolution, dont nous partageons pleinement l’objectif principal, qui est d’affirmer plus que jamais notre entier soutien à l’Ukraine face à la guerre d’agression qu’elle subit depuis plus de trois ans et que d’aucuns sont parfois tentés de relativiser. Je salue les formulations claires, justes et équilibrées employées par le rapporteur, qui a su adopter la position de prudence nécessaire à certains égards à la préservation de la sécurité juridique des Européens et de la sécurité financière de nos concitoyens.
Notre débat intervient alors que la situation est plus évolutive que jamais, au lendemain d’une importante session de négociation qui s’est tenue à Djedda entre les États-Unis et l’Ukraine. Cette réunion a abouti à la publication d’un communiqué conjoint par lequel l’Ukraine accepte la proposition américaine d’un cessez-le-feu reconductible de trente jours. La partie américaine soumettra la même proposition aux autorités russes. Dans ce cadre, les États-Unis ont annoncé la levée de la suspension de leur assistance à l’Ukraine en matière de sécurité et d’échange d’informations. Les États-Unis et l’Ukraine souhaitent également travailler à des mesures humanitaires de confiance, portant notamment sur les échanges de prisonniers et le retour des enfants ukrainiens déplacés de force.
La France salue cette avancée, cohérente avec les efforts du président de la République visant à promouvoir une trêve accompagnée de mesures de confiance, première étape en vue d’une paix juste et durable assortie de garanties de sécurité pour l’Ukraine.
À cet effet, nos autorités ont multiplié ces dernières semaines les contacts et les initiatives, entre Européens et plus largement avec tous nos alliés, avec les États-Unis et avec l’Ukraine. La France a joué tout son rôle pour contribuer à ce résultat. Le communiqué conjoint souligne que l’Ukraine a réitéré le besoin de voir ses partenaires européens impliqués dans le processus de paix.
La France continuera d’apporter son soutien aux États-Unis dans ses efforts, en gardant à l’esprit les objectifs réaffirmés lors du dernier Conseil européen du 6 mars : pas de négociations sur l’Ukraine sans l’Ukraine ; pas de négociations sur la sécurité européenne sans la participation de l’Europe ; toute trêve et tout cessez-le-feu doivent avoir lieu dans le cadre du processus menant à un accord de paix global ; tout accord de paix doit s’accompagner de garanties de sécurité robustes et crédibles pour l’Ukraine ; le respect de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de celle-ci doit être assuré.
Nous appelons la Russie à saisir cette occasion et à mettre un terme à sa guerre d’agression contre l’Ukraine. Nous resterons aux côtés de l’Ukraine pour garantir que cette paix ne soit pas sa capitulation, qu’elle soit juste et durable et surtout qu’elle ne permette pas à la Russie de renouveler son agression dans le futur.
Hier, sous l’impulsion du président de la République, les chefs d’état-major d’une trentaine de pays alliés se sont réunis à Paris pour commencer à élaborer un plan visant à définir des garanties de sécurité crédibles pour l’Ukraine en cas de paix avec la Russie.
C’est dans ce contexte évolutif que je voudrais rappeler ce que nous sommes parvenus à faire en faveur de l’Ukraine depuis le début de la guerre. Depuis trois ans, en Européens, nous avons prouvé que nous étions capables de faire front ensemble, parce qu’avec le destin de l’Ukraine, c’est notre sécurité qui est en jeu. Nous devons désormais poursuivre la construction de notre autonomie stratégique, comme le président de la République le martèle depuis l’agenda de Versailles.
Depuis trois ans, nous n’avons eu de cesse de repousser les limites de ce que l’on pensait possible en réinventant nos instruments, en innovant et en proposant de nouveaux axes et de nouvelles idées. Ainsi, l’Union européenne et ses États membres ont apporté un soutien collectif d’environ 134 milliards d’euros à l’Ukraine depuis le début du conflit, qui inclut des volets militaire, économique, financier, humanitaire et d’accueil des réfugiés. Nous sommes le premier bailleur de l’Ukraine, devant les États-Unis.
Notre soutien militaire allie la formation – plus de 73 000 soldats ont été formés dont 15 000 par les armées françaises – à la cession de matériels – canons Caesar, chars AMX-10 RC, véhicules de l’avant blindé servant au transport de troupes, missiles Scalp, munitions de tous calibres, jusqu’aux Mirage 2000-D utilisés avec succès par les forces ukrainiennes il y a quelques jours pour contrer un lancer de missiles par la Russie.
Notre aide civile et économique est complète, adaptable et innovante, grâce à l’aide de nos entreprises, au soutien de tous les acteurs de la société civile française et au vote par la représentation nationale d’instruments novateurs, comme le fonds de soutien de 200 millions d’euros qui bénéficie à la fois à nos entreprises et à la reconstruction de l’Ukraine.
Nous avons réussi à créer des instruments inédits mettant à contribution les avoirs souverains immobilisés de la fédération de Russie au service de notre soutien à l’Ukraine. Depuis l’accord du G7 de juin 2024, les profits d’aubaine générés du fait de l’immobilisation de ces avoirs servent de garantie au financement de l’initiative du G7 relative aux prêts agréés de 50 milliards de dollars consentis à l’Ukraine, dits prêts ERA (Extraordinary Revenue Acceleration Loans for Ukraine). La France contribue à cette initiative par l’intermédiaire de l’Union européenne, dont la part de prêts s’élèvera à 18,1 milliards d’euros, décaissés en 2025.
Les propositions de la Commission européenne endossées par le Conseil européen du 6 mars constituent une traduction opérationnelle dans le domaine de la défense de l’autonomie stratégique promue par la France depuis l’agenda de Versailles de la présidence française de 2022. Les nouveaux axes et les nouveaux instruments de financement permettront à l’UE de garantir son autonomie en matière de défense et de pérenniser notre capacité de soutien à l’Ukraine.
Mesdames et messieurs les députés, il y a trois ans, la France, avec ses partenaires européens, a résolument décidé d’apporter son soutien à l’Ukraine, pour la défense de sa liberté comme de la sécurité européenne. Nous devons aujourd’hui, alors que nous vivons un tournant historique, poursuivre nos efforts, en nous montrant unis en Européens, déterminés à soutenir l’Ukraine, à nous protéger et à défendre nos valeurs et nos intérêts de sécurité. C’est dans cet esprit que le gouvernement soutient cette proposition de résolution, dont il approuve pleinement les termes, l’équilibre et les objectifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères
Face à la gravité de la situation à laquelle nous sommes confrontés, je souhaite rappeler les mots d’Albert Camus recevant son prix Nobel en 1957 : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. »
Mes chers collègues, qui peut aujourd’hui avoir l’ombre de l’esquisse du moindre doute face à la menace existentielle qui pèse sur l’Europe, y compris sur la France ? Quand on est français, que l’on a le souvenir de deux guerres mondiales, que l’on est fier de son pays, fier de son héritage construit trop souvent dans le sang, il ne peut y avoir aucun doute : on se doit de soutenir cette résolution, de soutenir l’Ukraine.
M. Jean-Paul Lecoq
Sinon, on n’est pas français ? Ces propos sont scandaleux !
M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères
Notre devoir est là : empêcher que ne se défasse notre modèle de société multilatérale, solidaire, démocratique et respectueux des libertés publiques.
Je suis né en Alsace. Chez nous, toutes les familles ont connu la guerre, la souffrance et le sacrifice, mais aussi vécu la Libération. Jamais nous n’avons oublié le prix de la paix, le prix de la liberté et celui de l’État de droit.
Aujourd’hui, la Russie nous défie.
Il faut en priorité faire taire les armes pour que cessent les massacres. Depuis hier, un nouvel espoir existe et nous devons nous en réjouir.
Ensuite, il s’agit d’assurer la pérennité de notre modèle et par là même celle du monde libre. Aujourd’hui, d’Australie, de Moldavie, du Canada, des Pays-Bas ou de bien d’autres pays, des voix s’élèvent à travers le monde pour louer le leadership de la France. Nous devons le rappeler ensemble : jamais une paix injuste, instable et violant le droit international ne doit être acceptée. Il nous faut faire de l’Ukraine un pays souverain et suffisamment fort pour qu’il ne soit plus attaqué : c’est cela, la première garantie de notre propre sécurité et de notre propre protection.
Pour ce faire, nous devons renforcer notre soutien à l’Ukraine sur tous les fronts : militairement – et la réunion d’hier entre le chef de l’État et les chefs d’état-major de plus de trente nations a démontré la mobilisation d’un grand nombre de pays pour la défense du modèle multilatéral et de respect du droit international ; économiquement, par la mobilisation de moyens jamais atteints à ce jour ; diplomatiquement, en imposant la présence sans équivoque de l’Europe aux négociations ; stratégiquement, en consolidant des garanties de sécurité pour l’Ukraine et par là même les conditions d’une paix durable.
Il est plus clair que jamais que l’Europe est notre force et notre principal bouclier. Cette proposition de résolution, à l’initiative de notre collègue Mazaury, fait la fierté de la commission des affaires étrangères et je remercie tous ses membres d’avoir accepté mon souhait de l’examiner en urgence. Je tenais en effet à ce que notre assemblée s’en saisisse au plus vite, et je ne peux imaginer qu’elle ne soit adoptée aujourd’hui.
Toutefois, notre soutien n’empêche pas la vigilance, l’exigence en matière de libertés publiques : il faut veiller à ce que le pluralisme soit garanti durablement en Ukraine et que toutes les sensibilités y soient représentées. À cet égard, il peut y avoir actuellement un certain nombre de doutes qui restent à lever.
Mais aujourd’hui, notre objectif est clair : bloquer Poutine en Ukraine, bloquer son armée, bloquer ses idées. Le seul moyen de réussir est de maintenir l’unité nationale et l’unité européenne. Dès lors, il me paraît inconcevable que tous les groupes parlementaires de cette assemblée, qui se disent fiers de leur pays et de ses valeurs, et qui disent vouloir défendre la France, ne fassent pas l’unité derrière cette résolution.
M. Richard Ramos
Il a raison !
M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères
Mes chers collègues, en votant cette résolution, c’est la France, la paix et la liberté que vous défendrez. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur les bancs de la commission.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Depuis plus de trois ans, la guerre fait rage en Ukraine, c’est-à-dire près de nous, en Europe, sur notre continent. Il y a trois ans, Vladimir Poutine a entraîné la Russie dans une guerre totale. Depuis lors, les combats font rage et les Ukrainiens luttent pour leur survie et pour leur liberté face à une offensive d’une violence inouïe frappant indistinctement les cibles civiles et militaires. Ce sont des enfants, des femmes et des hommes innocents qui sont les victimes des chars, des missiles et des tirs de l’armée russe. À Izioum, à Boutcha et dans tant d’autres localités à travers l’Ukraine, les crimes de guerre des soudards de Poutine sont nombreux. Des milliers de vies sont perdues, des villes entières détruites, des milliers d’enfants ukrainiens déportés et russifiés de force… Pourtant, le peuple ukrainien tient bon ! Il défend son territoire, son existence et ses droits, et même, ne l’oublions jamais, la sécurité de toute l’Europe.
La portée du vote auquel nous allons procéder aujourd’hui est particulièrement chargée de sens et de gravité, car nous sommes confrontés à la situation la plus incertaine que l’Europe a connue depuis des décennies. Jamais, en effet, dans notre histoire récente, nous n’avions vu une puissance belliqueuse, impérialiste et révisionniste la menacer avec autant de virulence. Jamais non plus nous n’avions vu notre allié historique, les États-Unis d’Amérique, marquer avec autant de brutalité son désengagement du continent européen. Ce qui se décide actuellement concerne bien évidemment la sécurité des Ukrainiens et même leur survie, mais aussi, j’en suis convaincu, la sécurité de toute l’Europe et donc de la France.
J’entends parfois les commentateurs dire qu’au fond, ce genre de résolution n’est que symbolique, que tout cela n’a que peu d’importance et que le sort du monde, donc celui de la France, de l’Europe ou de l’Ukraine, serait décidé ailleurs. Je crois que c’est précisément l’inverse. Car ce dont nous débattons avec ce texte, ce sont les choix dont dépend l’avenir de la France, ceux qui permettront de garantir une paix durable sur notre continent et donc aussi et surtout en Ukraine, ceux qui doivent assurer notre sécurité, notre indépendance et notre souveraineté, ceux grâce auxquels nos enfants pourront vivre sur un continent libre, prospère et sûr, tel que nous le connaissons depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Ouvrons les yeux : autour de nous, les menaces se multiplient. La Russie n’est pas belliqueuse qu’avec l’Ukraine ; elle est plus qu’une menace pour l’Europe, contre laquelle elle est déjà entrée en guerre : une guerre sournoise, dissimulée, une guerre hybride faite de désinformation, de manipulations et de tentatives de déstabiliser nos démocraties. Nous en mesurons chaque jour les effets et la France, dans ce combat, est en première ligne. Dans cette guerre, la Russie bénéficie à travers le monde, et même en France, de relais – y compris, désormais, dans certains médias : ce sont les tenants d’un nationalisme de soumission, qui réservent toujours leurs mots les plus durs pour la France et pour l’Europe, mais qui n’ont jamais la moindre critique contre les autocrates de ce monde, et en particulier contre Vladimir Poutine.
Mme Constance Le Grip
Tout à fait !
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Dans un tel contexte, un choix crucial s’offre à nous : soit nous nous montrons en mesure de bâtir maintenant une Europe souveraine, capable de défendre ses intérêts face aux pressions extérieures, soit nous subirons le choix de grands empires qui ne respectent plus aucune règle sinon celle du plus fort. L’Europe n’a donc pas d’autre choix que celui de la puissance. Le Conseil européen de la semaine dernière a posé les bases de celle-ci, mais il faut aller plus loin.
La première urgence, évidemment – et même plus que jamais, compte tenu de l’accélération des négociations de paix, qui est une bonne chose –, est de définir des garanties de sécurité crédibles afin qu’une paix solide et durable soit possible en Ukraine.
La deuxième urgence, c’est de bâtir rapidement un plan d’aide militaire à la résistance ukrainienne de sorte qu’elle puisse tenir dans la durée. Dans cette optique, monsieur le ministre, je défends la saisie des avoirs de la Russie gelés en Europe, soit 209 milliards, pour les affecter à la résistance ukrainienne. Même si j’entends le débat que cela peut susciter, je crois qu’il est dépassé dès lors que notre allié américain a fait le choix de se désengager de l’Europe et que nous avons besoin de trouver les moyens de soutenir la résistance ukrainienne dans la durée.
La troisième urgence, enfin, est de bâtir une véritable défense européenne, celle que le président de la République appelle de ses vœux depuis son premier mandat. Les Européens y sont prêts, ils en ont posé les bases la semaine passée à Bruxelles ; mobilisons des financements en commun, travaillons à un grand plan d’investissement qui permettrait de lancer des programmes militaires communs et de renforcer nos équipements, et surtout créons les conditions pour produire et acheter en Europe, afin que l’argent investi aille bien vers les industries européennes et non vers l’industrie américaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur les bancs de la commission.)
Discussion générale
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Je le dis d’entrée : le groupe LIOT soutiendra sans réserve la proposition de résolution présentée à l’initiative de Laurent Mazaury.
L’Ukraine subit depuis trois ans une agression brutale de la part de la Russie. Dans cette guerre injuste, ce sont les principes qui fondent la vie internationale, à savoir la paix, la sécurité et la souveraineté, qui sont attaqués. Notre avenir démocratique même est mis en danger. La Russie s’est transformée en pays agresseur, potentiellement dangereux pour l’intégrité territoriale de la France et des pays de l’Union européenne, et donc pour nos libertés.
Concomitamment, l’élection de Donald Trump a entraîné une redéfinition brutale des équilibres géostratégiques : au-delà de ses circonvolutions, le nouveau positionnement diplomatique des États-Unis pose un problème de fond parce qu’il remet en cause la sécurité européenne et déstabilise le monde démocratique, d’autant que la menace de guerre commerciale et les prétentions territoriales exprimées par Donald Trump font planer une ombre menaçante sur l’avenir immédiat.
La France et l’Europe sont donc confrontées à une réalité nouvelle : les États-Unis ne sont peut-être plus la garantie de sécurité et de stabilité qu’ils ont été pendant des décennies ; les personnalités de M. Poutine et de M. Trump ne peuvent qu’inspirer une grande réserve à toute personne normalement constituée.
Nous souhaitons évidemment que l’accord trouvé hier à Djedda conduise à une solution pérenne, mais on comprend qu’il ne change rien sur le fond et que, pour leur sécurité, les Européens dépendent pour l’heure de décisions qui leur échappent.
Nous devons donc nous adapter à cette situation, d’abord en continuant à fournir un soutien à l’Ukraine. Nous devons ainsi amplifier notre présence en matière d’armements, de formation et de renseignements, mais aussi continuer à fournir une aide humanitaire d’urgence, notamment en matière de soins de santé, afin de satisfaire les besoins quotidiens d’une population en souffrance. Dans l’après-guerre, il faudra consentir d’énormes efforts de reconstruction, mais pour l’heure, l’objectif doit être l’arrêt du conflit et une garantie durable de sécurité.
Plus largement, face à ce devoir de solidarité, face aussi aux menaces qui sourdent d’un monde de division, de concurrence, de fanatisme et de violence, l’Union européenne doit rechercher sa propre autonomie stratégique, renforcer vigoureusement ses capacités militaires et coordonner une politique de défense commune. Dans ce but, elle doit continuer à approfondir sa coopération militaire et diplomatique, renforcer son potentiel industriel de production et instaurer une préférence européenne.
L’Union doit donc poursuivre la construction d’un véritable pilier européen de défense en consolidant la politique de coopération structurée permanente, la Pesco, tout en recherchant une coordination et une complémentarité avec l’Otan, ce que nous espérons encore possible, et approfondissant les relations avec nos partenaires non européens. Les capacités de l’Union, en matière de démographie et de revenus, rendent possible l’édification d’une puissance militaire opposable aux principaux blocs de la planète. Il reste à mettre en œuvre, à unir, à coordonner, à vouloir !
Notre groupe adhère au plan de programmation militaire lancé par la Commission. Nous soutiendrons donc l’engagement de la France dans la part qui lui revient, sans enthousiasme particulier mais avec la volonté totale de tenir compte des leçons de l’histoire. Nous n’entendons nullement abandonner l’Ukraine dans la perspective de calmer l’ogre russe, comme nous avions en son temps abandonné la Tchécoslovaquie dans l’espoir d’amadouer Hitler.
Une telle position ne signifie nullement l’abandon d’une volonté diplomatique, bien au contraire : à la logique du rapport de force, nous préférons le dialogue. Nous attendons des autorités françaises et de nos alliés partout en Europe et dans le monde une activité diplomatique intense, susceptible d’assurer la protection actuelle et future de l’Ukraine, et plus largement de favoriser une paix durable. Pour relever les grands défis de toute nature qu’affronte l’humanité, rien ne saurait remplacer les relations apaisées, la fraternité et la coopération entre les hommes, les pays et les peuples.
Est-il naïf de rêver d’un monde de paix ? En l’état actuel des choses, certainement. Cela n’en demeure pas moins l’objectif à défendre partout et en tout lieu.
En toute hypothèse, nous aurions préféré débattre d’un soutien au budget de la santé, de l’enseignement ou de l’environnement. Les circonstances nous guident vers des choix plus complexes. Les impératifs et les inquiétudes du temps présent doivent nous conduire à des décisions courageuses et lucides.
Nous ne souhaitons pas la guerre, qui porte en elle la destruction, la souffrance et la mort. Nous avons à répondre aux menaces qui pèsent sur l’avenir de nos enfants par l’établissement d’un ordre international de justice et de paix. C’est pour nous le chemin à suivre, dont nous espérons qu’il conduira à un équilibre durable et à une situation de coopération et d’apaisement, en Europe et ailleurs dans le monde. (Applaudissements sur les bancs des commissions.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
La proposition de résolution que nous devons étudier appelle en réalité à renforcer le soutien à la guerre. Elle vise aussi à valoriser Emmanuel Macron sur la scène internationale, pour qu’il se place – ou se sente exister – aux côtés des présidents américain, russe et ukrainien. (Murmures sur les bancs du groupe EPR.)
La guerre dont il s’agit est hybride : la Russie allie opérations militaires en Ukraine et cyberattaques dans toute l’Europe. Ces dernières visent à déstabiliser les pays européens par la désinformation et la propagation d’opinions ou d’idéologies d’extrême droite et ont pour effet d’abîmer les démocraties. Selon les informations communiquées par le gouvernement, elles ciblent aussi nos entreprises et nos services publics en piratant leurs systèmes informatiques.
Nous devons être prêts à combattre les ingérences étrangères, qu’elles viennent de Russie ou de tout autre pays. Mais ni la France ni l’Europe ne sont militairement en guerre avec la Russie. La présentation de la situation faite par le président de la République revient donc à dramatiser la menace que représente ce pays. Sa seule motivation est d’effrayer la population pour préparer les esprits à la guerre.
M. René Pilato
Vous avez raison !
M. Jean-Paul Lecoq
Le monde issu de la seconde guerre mondiale avait convenu d’augmenter les dépenses sociales des États et d’établir des règles, le droit international, pour que plus jamais n’advienne ce que l’Europe venait de vivre, pour éviter une nouvelle montée des populismes et du fascisme. Pourtant, aujourd’hui, le droit international est bafoué de toutes parts. La France participe d’ailleurs à ce mouvement alors qu’en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, elle devrait faire preuve d’exemplarité.
M. Nicolas Turquois
C’est pas possible d’entendre ça !
M. Jean-Paul Lecoq
À écouter Emmanuel Macron, la paix ne peut pas être conclue sous le diktat russe. Pourtant, la France et l’Union européenne cèdent aux diktats américains.
M. Nicolas Turquois
Ce n’est pas possible !
Mme Blandine Brocard
C’est n’importe quoi !
M. Jean-Paul Lecoq
Donald Trump voulait que la France et l’Union européenne augmentent leurs dépenses militaires. Il lui a suffi de suspendre le soutien américain à l’Ukraine…
M. Laurent Croizier
C’est naïf !
M. Jean-Paul Lecoq
…et, comme par magie, l’Union européenne a débloqué 800 milliards d’euros d’aides. Puis, hier, le président Trump a rétabli son soutien à l’Ukraine.
On nous répète depuis des années qu’il n’y a pas d’argent pour notre système social. Les projets de lois de finances en attestent.
Mme Blandine Brocard
Ce sont des mensonges !
M. Jean-Paul Lecoq
Le 5 mars, Emmanuel Macron a dit aux Français qu’il ferait accroître les dépenses militaires sans augmenter les impôts. Mais alors, d’où viendra l’argent ?
M. Jean-François Coulomme
Bonne question !
M. Jean-Paul Lecoq
Faudra-t-il vider davantage les budgets de l’hôpital public ou de l’éducation ?
M. Laurent Croizier
Ce n’est pas à la hauteur !
M. Jean-Paul Lecoq
Ou rehausser encore l’âge de départ à la retraite, comme le prévoit le Medef, et abaisser les pensions ?
M. Jean-François Coulomme
Mais surtout pas taxer les riches !
M. Jean-Paul Lecoq
Le président va-t-il utiliser l’épargne des Français ? Il se pose la question.
La guerre est impérialiste, capitaliste et patriarcale. Nous ne pouvons donc défendre aucun projet de guerre ou de préparation à celle-ci. Les femmes, les enfants, les handicapés, les personnes âgées, les pauvres sont, avec l’environnement, les premiers touchés par les effets de la guerre.
Le secteur de l’armement dégage des profits titanesques en permettant à quelques dirigeants d’asseoir leur pouvoir. L’Ukraine se dit prête à la paix et l’a rappelé hier à Djedda. Dans ces conditions, pourquoi nous réarmons-nous ?
M. Charles Sitzenstuhl
Vous êtes aveugle !
M. Jean-Paul Lecoq
La France et l’Union européenne ne vont pas dépenser des centaines de milliards d’euros en armements pour qu’ils dorment sur des étagères ou dans des hangars. Ce qui sert à se défendre peut aussi servir à attaquer.
L’urgence est d’accompagner et de soutenir tous les processus de paix. La France doit être à l’initiative d’une conférence internationale sur la sécurité et la coopération en Europe, comme nous l’avons demandé la semaine dernière. Il serait dommage que notre pays soit frappé du syndrome des fabricants d’armes.
En conclusion, je veux souligner la malhonnêteté de ces débats, bien qu’elle n’ait rien de nouveau. Dans le conflit israélo-palestinien, lorsque nous ne dénonçons pas systématiquement les crimes du Hamas, nous sommes traités d’antisémites. (M. René Pilato applaudit.) Dans le cadre de la guerre en Ukraine, si nous ne défendons pas la course à l’armement de la France et de l’Europe, nous sommes accusés d’être favorables à Poutine. (Même mouvement.) Qui peut s’opposer à la libération des enfants ? Personne ici. Toutefois, si vous voulez nous faire voter l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne sans plus de réflexion, notre réponse est non. De même, nous ne pouvons pas laisser penser que nous soutiendrions l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan. En effet, au groupe GDR, il y a longtemps que nous pensons que cette organisation aurait dû cesser d’exister avec la fin du rideau de fer. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
En l’état actuel du texte, nous ne voterons pas en sa faveur. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Maxime Michelet.
M. Maxime Michelet
Au moment où, pour la première fois dans la législature en cours, l’Assemblée est invitée à délibérer sur un texte consacré à l’Ukraine, chacun mesure l’importance de notre discussion. Depuis trois ans, la guerre ravage l’Ukraine et fauche des centaines de milliers de vies dans un conflit désormais enlisé. Il s’agit d’une guerre dont la seule responsabilité incombe à la Russie de Vladimir Poutine, coupable d’une agression d’une gravité inédite aux portes de l’Europe.
Le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis a brutalement accéléré le cours de cette guerre, a précipité les événements et a redonné la vue à ceux qui refusaient de voir. Ceux qui, n’ayant sans doute pas assez lu Thucydide, refusaient de voir que les relations entre puissances sont toujours des rapports de force. Ceux qui refusaient de voir que la désintégration de l’empire russe, devenu soviétique, déstabiliserait durablement sa région. Ceux qui refusaient enfin de voir que les États-Unis ne défendraient jamais d’autres intérêts que ceux… des États-Unis.
Face à cette situation, il est possible de continuer à se payer de bons mots, par exemple en comparant Donald Trump à Néron, ce qui ne témoigne pas d’une bonne connaissance ni de Trump ni de Néron. Il est aussi possible de choisir la voie de l’émotion, voire de la théâtralisation, pour nourrir l’inquiétude des Français, comme l’a fait le président de la République dans son allocution.
Il est toutefois également possible de regarder le réel rationnellement. Oui, la menace russe à nos portes est incontestable et les pays européens doivent y faire face. Mais si l’armée russe n’a pas su faire tomber Kiev il y a trois ans, elle ne fera pas tomber Paris dans trois semaines. La menace russe est réelle mais elle n’est pas immédiate. Pour l’Europe et pour le monde, le plus grand risque réside dans l’alignement de la Russie et de la Chine, cimenté par le conflit ukrainien. Le vrai risque n’est pas pour dans trois semaines mais pour dans trois ans si, à l’occasion d’une invasion chinoise de Taïwan fixant les Américains dans le Pacifique, l’armée russe faisait la même chose dans les pays baltes.
En effet, si le désengagement des États-Unis constitue un basculement, il ne devrait surprendre personne. Avec son attirail d’excentricité et de brutalité très américaines, Donald Trump poursuit une politique en germe depuis quinze ans. Une politique qui a continûment délaissé l’Europe en faveur d’un pivot stratégique vers le Pacifique, face à la Chine.
La preuve en est que les Américains n’ont jamais cherché la victoire de l’Ukraine. En 2014, quand la Crimée tombait, quand le Donbass s’embrasait, quand la Russie violait les cessez-le-feu successifs, le président Obama décidait de ne pas agir. Face à l’invasion de 2022, le président Biden a certes choisi un soutien clair à l’Ukraine, mais en veillant toujours à ne lui accorder que la force suffisante à sa survie, non celle nécessaire à sa victoire. Seuls les États-Unis avaient la capacité matérielle et logistique de permettre cette victoire. Ils ne l’ont jamais voulue et, aujourd’hui, ils veulent la paix.
Oui ! face à l’agression effroyable qu’il subit, nous nous tenons aux côtés du peuple ukrainien, dont nous saluons le courage et la force. Mais pour vraiment l’aider, nous devons soutenir la paix et non l’escalade guerrière. Alors que jamais la paix en Ukraine n’a été aussi proche, jamais le président de la République n’a autant parlé de guerre.
Pourtant, la guerre doit impérativement s’arrêter. Malheureusement pour nous, la résolution qui nous est proposée n’est pas une résolution de paix. Deux alinéas nous paraissent particulièrement périlleux. En son alinéa 69, la proposition appelle à l’extension immédiate des garanties de sécurité occidentale, ce qui reviendrait ni plus ni moins à nous faire basculer dans la guerre.
Mme Constance Le Grip
Pas du tout !
M. Maxime Michelet
Surtout, en son alinéa 55, elle émet un soutien inconditionnel à la future adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, qui aurait pour conséquence de ni plus ni moins tuer notre agriculture et de détraquer plus encore le fonctionnement de l’Union. Le groupe de l’Union des droites pour la République a déposé des amendements de suppression de ces deux alinéas. Nous y reviendrons au cours du débat.
En attendant, dans le cadre de la discussion générale, permettez-nous de rappeler que le peuple français n’a jamais consenti ni à l’Europe de la défense prônée par Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen, ni à l’élargissement de l’Union à l’Ukraine. Au contraire, lors de la dernière consultation du peuple français sur les questions européennes, son choix a été clair et s’est porté sur la liste du Rassemblement national menée par Jordan Bardella, qui a rassemblé deux fois plus de voix que celle de la candidate du président de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Dès lors, celui-ci, défait deux fois dans les urnes cet été, ne possède aucun mandat pour avancer sur les voies qu’il a ouvertes. Toute modification des traités européens ou toute décision d’élargissement doit impérativement être soumise au peuple par référendum.
Nous ne laisserons pas les ruines de l’Ukraine servir de marchepied à une fédéralisation de l’Europe à marche forcée faite sans les peuples, voire contre les peuples. L’européisme naïf a toujours affaibli l’Europe et, plus encore, la France. C’est pourquoi les négociations se déroulent à Djedda et non à Paris. C’est pourquoi l’influence française en Europe est marginalisée.
M. Charles Sitzenstuhl
Défaitiste !
Un député du groupe RN
Non : réaliste !
M. Maxime Michelet
C’est pourquoi le Vieux Continent est devenu impuissant. Et c’est pourquoi, dans l’état actuel du texte, l’UDR ne le soutient pas et conditionne son vote final au déroulement de la discussion et au sort de ses amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian.
M. Gérard Leseul
On a pourtant déjà entendu le RN !
M. Marc de Fleurian
La proposition de résolution européenne dont nous débattons apparaît bien dérisoire au vu des évolutions rapides qui se jouent sur la scène diplomatique internationale. Alors que les États-Unis ont ouvert les négociations avec les Ukrainiens et les Russes, l’Union européenne joue à la dînette et notre assemblée s’apprête à amender un texte déjà caduc.
Depuis trois ans, certains sautent comme des cabris sur ces bancs en disant : « Soutien à l’Ukraine ! », avec pour triste bilan 1 million de victimes chez les Ukrainiens.
M. Charles Sitzenstuhl
Vous, vous soutenez Poutine depuis dix ans !
M. Marc de Fleurian
Depuis trois ans, le Rassemblement national tient ferme une position équilibrée fondée sur deux piliers. Le premier pilier…
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
C’est le soutien à Poutine !
M. Marc de Fleurian
…repose sur des valeurs et sur l’inclinaison du cœur. C’est le principe du soutien de l’agressé face à l’agresseur ;…
Mme Constance Le Grip
Ah bon ? Vous ne votez jamais les mesures de soutien à l’Ukraine au Parlement européen !
M. Marc de Fleurian
…c’est la défense de la souveraineté face à l’impérialisme ; c’est la restauration du droit international et le respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Le second pilier repose sur le pragmatisme et sur le sens des réalités. Il vise à rendre à la France sa singularité de puissance d’équilibre dans le concert des nations et à lui faire conserver son rang de puissance mondiale parmi les géants, historiques ou émergents. Il passe par le refus de l’idéologie eurobéate, qui contraint des nations indépendantes et fortes à s’enchaîner artificiellement les unes aux autres et leur retire toute capacité de manœuvre.
L’Union européenne est aussi peuplée et aussi riche que le Saint-Empire romain germanique, mais également aussi immobile et aussi impuissante.
M. Charles Sitzenstuhl
Vous êtes un mauvais historien !
M. Marc de Fleurian
Ce n’est pas parce qu’on attache deux boxeurs ensemble qu’on additionne leurs forces. Bien au contraire, on les rend immobiles et vulnérables aux coups de l’adversaire.
La diplomatie française, appuyée par une défense indépendante, doit redevenir un outil opérationnel, et non idéologique, nous permettant d’atteindre des objectifs identifiés et un état final recherché, dans le cadre d’une stratégie définie par le chef des armées et débattue au Parlement. Comme le concédait enfin Jean-Yves Le Drian il y a dix jours, elle doit avoir pour principal objet la sécurité et les intérêts de la France et de son peuple. Voilà pour le cadre général dans lequel s’inscrit cette résolution.
Pour ce qui concerne le fond de cette dernière – je m’adresse aussi à M. l’ambassadeur présent en tribune –, soyons clairs : avec tout le respect que nous devons aux Ukrainiens au vu de leur résistance héroïque, on ne nous forcera pas à voter un texte qui prévoit l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne et qui entraînerait à terme le sacrifice de nos agriculteurs, du fait de la baisse drastique des subventions et de l’accélération de la concurrence déloyale qu’ils subissent déjà en matière de prix et de normes de production. L’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne, c’est la mort de l’agriculture française. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Charles Sitzenstuhl
Une excuse !
Mme Léa Balage El Mariky
C’est trop facile !
M. Marc de Fleurian
On ne nous forcera pas non plus à voter un texte qui prévoit l’« extension immédiate des garanties de sécurité occidentales envers l’Ukraine », sans concertation et hors du cadre d’un accord de paix. Un tel geste risquerait d’accrocher la France et les Français à l’engrenage qui pourrait nous précipiter dans une guerre inutile.
Mme Constance Le Grip
Prétexte !
M. Marc de Fleurian
En raison de ces deux points bloquants, nous ne pourrons pas voter ce texte et devrons nous abstenir (Exclamations sur les bancs des groupes EPR, SOC, EcoS et Dem), malgré notre soutien sans équivoque au peuple ukrainien.
Mme Léa Balage El Mariky
Quel courage !
M. Marc de Fleurian
Depuis trois ans, au Rassemblement national, nous tenons fermement une position équilibrée, et nous continuerons à la tenir, loin des variations d’humeur et de l’inconstance d’un chef des armées en mal d’attention. La proposition défendue par Marine Le Pen d’organiser une conférence de paix internationale fait aujourd’hui la démonstration éclatante…
Mme Léa Balage El Mariky
Éclatée, surtout !
M. Marc de Fleurian
…de sa pertinence : c’est là qu’est la place de la France et de sa diplomatie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN. – Rumeurs sur les bancs des groupes EPR, SOC, EcoS et Dem.)
Ces bancs débordent de va-t-en-guerre qui ont le courage d’envoyer les Ukrainiens au front ; que n’échangez-vous vos mocassins à pampilles et vos vestons croisés contre des rangers et des gilets pare-balles ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Protestations sur les bancs des groupes EPR, SOC, EcoS, Dem et HOR.) Lorsqu’on vote la guerre, il faut être capable d’aller la mener. Vous avez des suppléants ; démissionnez, puisque nous entrons en guerre, et allez au front ! Allez passer une seule nuit dans une tranchée, dans la neige, sous les balles (Les applaudissements comme les protestations se poursuivent) ; alors vous pourrez donner des leçons aux Ukrainiens et à tous ceux qui se battent pour la liberté ! (Les députés des groupes RN et UDR se lèvent et applaudissent.)
Mme Constance Le Grip
Honteux !
M. Pierre Pribetich
Munichois !
Un député du groupe RN
Collabos !
Mme la présidente
La parole est à Mme Constance Le Grip.
Mme Constance Le Grip
Depuis hier soir, un espoir s’est levé – un mince espoir, il est vrai – puisque l’Ukraine a accepté la proposition de cessez-le-feu immédiat et provisoire de trente jours renouvelables qui lui a été faite par les États-Unis, sur la base d’un travail qui avait été mené conjointement par le Royaume-Uni et la France. Les Américains, de leur côté, ont annoncé la reprise du partage de renseignements et de leur assistance militaire à l’Ukraine. Maintenant, la balle est dans le camp de Moscou.
Voilà dix ans que l’Ukraine est confrontée à la guerre, la guerre menée par la Russie : occupation puis annexion illégale de la Crimée ; violentes opérations de déstabilisation du Donbass ; occupation des territoires ukrainiens de Donetsk et de Louhansk ; puis, le 24 février 2022, invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie. Voilà dix ans que l’Ukraine se bat, résiste, jette toutes ses forces dans la bataille pour sa souveraineté, sa liberté, son intégrité territoriale. C’est tout l’héroïque courage d’un peuple, de ses dirigeants, de son président, Volodymyr Zelensky, qu’il nous faut saluer, auquel il nous faut manifester notre respect. Ce peuple, ces dirigeants, ce président refusent la fatalité et la défaite ; ils refusent la disparition de l’Ukraine comme nation indépendante.
Cette guerre d’agression menée par la Russie à l’encontre de l’Ukraine, l’Ukraine ne l’a pas voulue, ne l’a pas provoquée. Il y a un agresseur et un agressé. Si la Russie arrête de bombarder, de pilonner les populations civiles ukrainiennes, de détruire les villes et les infrastructures de ce pays, il n’y a plus de guerre ; si l’Ukraine arrête de résister et de se battre, il n’y a plus d’Ukraine.
La proposition de résolution européenne que nous examinons aujourd’hui appelle à un renforcement de notre soutien à l’Ukraine. Comme en commission, le groupe Ensemble pour la République votera en faveur de ce texte soutenant la nation ukrainienne.
Ces dernières années, la France n’a jamais failli dans son soutien à l’Ukraine. Avec le président de la République et les gouvernements successifs, nous, parlementaires du groupe EPR, avons toujours tenu le cap, alors même que d’autres refusaient – et refusent encore – de voter le soutien à l’Ukraine, tant ici qu’au Parlement européen. Certains relativisaient – et relativisent toujours – la portée de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine ; ils répètent en boucle les éléments de langage du Kremlin et succombent à la tentation de la reddition, de la capitulation de l’Ukraine, de la paix bâclée qui n’aurait de paix que le nom.
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Elle a raison !
Mme Constance Le Grip
Répétons-le encore une fois : ce qui se joue en Ukraine, ce n’est pas seulement la liberté, l’indépendance, la souveraineté d’une nation qui aspire à un destin de liberté et de démocratie ; c’est aussi la sécurité et la liberté de l’Europe et de notre pays. Qui ne voit en effet que si nous laissons régner la loi du plus fort, si nous laissons s’installer le désordre mondial, si un pays, la Russie, peut impunément envahir son voisin, alors la paix et la sécurité ne pourront plus être garanties sur notre continent ? La question est d’autant plus brûlante que nous faisons face à un désengagement progressif des Américains des affaires de notre continent et à un rapprochement, à certains égards, des positions de l’administration Trump avec celles du maître du Kremlin.
Cette résolution, que nous soutenons, appelle donc à un renforcement de l’aide militaire de la France et des pays européens à l’Ukraine, à un durcissement des sanctions européennes contre la Russie et à un meilleur contrôle de ces sanctions. Avec ce texte, nous réitérons notre soutien à la perspective européenne offerte à l’Ukraine : nous souhaitons accompagner et faciliter le chemin européen de ce pays en vue de sa future adhésion à l’Union européenne, dans le strict respect des critères d’adhésion actuels.
Nous réaffirmons aussi la nécessité de fournir à l’Ukraine des garanties de sécurité solides, robustes et crédibles pour elle, au moment où un cessez-le-feu durable pourra être assuré et une paix, signée. Une paix solide, juste et durable qui garantira à l’Ukraine qu’elle ne soit pas à nouveau envahie par la Russie : tel est notre objectif, tel est l’objectif visé par cette proposition de résolution européenne.
Cette paix-là ne pourra jamais être la capitulation ou la reddition de l’Ukraine ; elle ne peut se faire que si l’Ukraine est dans la meilleure position possible, pourvue de solides capacités militaires, et capable de se défendre efficacement face à de nouveaux risques d’agression russe.
Je termine en évoquant la question des avoirs gelés russes, sur laquelle nous reviendrons certainement au moment de la discussion des amendements ; il y a là une voie que nous ne devons pas nous interdire d’explorer. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR, ainsi que sur les bancs des commissions.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophia Chikirou.
Mme Sophia Chikirou
Depuis trois ans, la guerre en Ukraine s’enlise. Ce sont les peuples qui souffrent : 1 million de morts et de blessés ; les privations, l’injustice, la peur, l’avenir limité, l’exil forcé, massif et douloureux – que de souffrances pour les peuples, pour le peuple ukrainien auquel j’adresse notre solidarité !
« On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels. » Ces paroles d’Anatole France au sortir de la première guerre mondiale sont plus vraies que jamais. Ainsi, les États-Unis de Donald Trump exigent de se payer, ils veulent un retour sur investissement : l’accord sur les minerais que Zelensky s’est engagé à signer hier en témoigne. Trump obtient aussi de l’Union européenne qu’elle s’engage à augmenter ses dépenses de défense à 3 %, à 4 %, voire à 5 % de PIB selon les pays. Un plan de 800 milliards d’euros de dépenses militaires, baptisé Réarmer l’Europe, est annoncé par la Commission européenne – des achats qui, vous le savez, profiteront en grande partie à l’industrie américaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.) Un plan que les peuples paieront cher : les Européens y perdront en services publics, en éducation, en santé, en culture, tandis que les grosses fortunes seront épargnées par l’effort de guerre.
L’agression russe de février 2022, illégale et illégitime, aurait dû et aurait pu être stoppée plus tôt. Elle touche désormais à sa fin, et c’est Donald Trump et son administration qui sont aux manettes, puisque c’est leur proposition d’accord que Zelensky a accepté de soumettre à la fédération de Russie.
Mme Constance Le Grip
Vous faites erreur !
Mme Sophia Chikirou
Nous refusons que la paix pour l’Ukraine se fasse sans les Ukrainiens et qu’elle se solde pour eux par une capitulation humiliante – ce ne serait pas juste –, mais nous refusons tout autant que la réponse des Européens soit la préparation de la prochaine guerre. Nous refusons cette logique de réarmement qui prétend « faire la paix en préparant la guerre », phrase répétée ad nauseam par les va-t-en-guerre, qui ont la sérénité de ceux qui savent qu’ils sont à l’abri. (Mêmes mouvements.)
M. Jean-François Coulomme
Exact !
Mme Sophia Chikirou
La proposition de résolution dont nous débattons sert à légitimer par notre assemblée cette vision et ce projet de réarmement. Cette résolution fait de la guerre, de la poursuite de la guerre et de la préparation de la prochaine guerre, l’option favorite du gouvernement, qui soutient le texte. Nous ne sommes pas d’accord avec vous.
Mme Émilie Bonnivard
Ça nous rassure !
Mme Sophia Chikirou
D’abord, les événements survenus depuis dix jours ont considérablement changé la donne : la volonté de l’Ukraine de faire la paix est actée depuis hier soir. Ensuite, nous considérons depuis le début que la voie diplomatique aurait épargné des milliers de vies (Mêmes mouvements)…
M. Charles Sitzenstuhl
Allez le dire à Poutine !
Mme Sophia Chikirou
…et que le rôle de la France est de privilégier les espaces diplomatiques comme l’ONU. Voilà pourquoi j’avais proposé, par voie d’amendement, que la France soutienne la convocation d’une conférence pour la paix sous égide de l’ONU. Cet amendement, qui a été adopté en commission, est le seul élément de cette résolution qui relève du multilatéralisme.
M. Sylvain Berrios
Et les avoirs russes, vous en parlez ?
Mme Sophia Chikirou
Nous proposons aussi de réactiver l’espace de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), où siègent à la fois l’Ukraine, la Russie, les États-Unis et les pays européens.
M. Pouria Amirshahi
C’est une bonne idée !
Mme Sophia Chikirou
C’est l’enceinte où doit se construire un processus de paix durable, celle où on doit résorber toutes les tensions et discuter des frontières.
Nous rejetons le bellicisme de l’Europe de la défense ; ce bellicisme tourne le dos au projet européen initial qui – je le rappelle à ceux qui ont la mémoire courte – était un projet de paix. De même, nous refusons l’alignement atlantiste derrière un allié que vous découvrez peu fiable – pour notre part, nous le savions déjà. C’est pourquoi nous estimons qu’il est temps de sortir du commandement de l’Otan, organisation dont l’agressivité a participé à l’escalade, et qui de toute façon est en état léthargique. (Mêmes mouvements. – Rumeurs sur les bancs du groupe EPR.)
Mme Constance Le Grip
Vous trouvez donc des excuses à Poutine, c’est bien cela ?
Mme Sophia Chikirou
La façon dont l’Europe réagit est observée dans le monde entier : si nous faisons le choix du multilatéralisme, de la diplomatie et de la désescalade, alors d’autres conflits dans le monde en bénéficieront.
Aucune guerre n’a jamais profité aux peuples. C’est à eux que nous devons penser.
M. Charles Sitzenstuhl
Ce n’est pas ça, la gauche !
Mme Sophia Chikirou
Je reçois aujourd’hui à l’Assemblée des réfugiés russes et ukrainiens. Nous défendrons une proposition de résolution pour une amnistie générale pour les opposants et réfugiés politiques, pour les objecteurs de conscience et les déserteurs – car il faut aussi penser à leur retour et au rétablissement des droits et libertés fondamentaux dans leurs pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)
Nous estimons également qu’il faut exiger des garanties pour le respect des minorités linguistiques dans les régions concernées, et lorsque les conditions seront réunies, il faudra y organiser des votes.
M. Charles Sitzenstuhl
Ce n’est pas un discours de gauche !
Mme Sophia Chikirou
Enfin, l’accord de paix doit contenir des garanties de sécurité mutuelles solides. Aussi sommes-nous favorables à l’envoi d’une force d’interposition intégrant des troupes françaises, sous l’égide de l’ONU. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Ces casques bleus onusiens devront garantir l’application de l’accord, avec un mandat clair pour la paix. La paix doit être notre boussole, mais pas à n’importe quel prix. Votre résolution n’en prend pas le chemin : elle va nourrir les hostilités et porte en elle les germes d’une nouvelle guerre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Sother.
M. Thierry Sother
Si nous ne défendons pas l’Europe, qui le fera ? Si nous ne le faisons pas maintenant, quand le ferons-nous ? Depuis trois ans que dure l’agression russe en Ukraine, les socialistes, ont été constants : constants dans la condamnation de l’invasion russe et le vote de sanctions contre la Russie ; constants dans l’appel au soutien massif de la résistance ukrainienne et au rétablissement de l’Ukraine dans ses frontières ; constants dans le soutien à l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et à la construction d’une Europe de la défense. Nous avons toujours fait de ce combat une priorité parce que nous savons que la guerre de la Russie contre l’Ukraine est une guerre contre l’Europe.
Mais en trois ans, le contexte a changé. Une chose a changé, c’est la rupture des États-Unis avec l’Europe. L’allié historique a changé de cap. Ce changement de cap était certes prévisible et annoncé depuis le pivot des États-Unis vers l’Asie, mais les attaques virulentes du président américain contre les institutions européennes, ses intentions revendiquées sur le Groenland, un territoire européen, marquent une accélération de ce bouleversement historique et changent la donne – sans parler de l’alignement avec la Russie, laquelle multiplie les opérations de déstabilisation à l’égard de nos États. Il n’est pas possible, il n’est pas acceptable de laisser Trump et Poutine choisir le destin de l’Ukraine et celui de l’Europe.
Pour Trump, la guerre est une transaction économique comme une autre, un deal comme un autre. Pour justifier ses méthodes, il épouse la rhétorique de Poutine. Nous, Européens, devons refuser ce langage orwellien. Nous connaissons le sens des mots, nous connaissons le sens de l’histoire. Il y a un agresseur, la Russie, et un agressé, l’Ukraine ; il y a une dictature et une démocratie.
Mme Sophia Chikirou
Non !
M. Jean-François Coulomme
Il ne faut pas exagérer.
Mme Constance Le Grip
Il a raison !
M. Thierry Sother
Saluons les discussions et le chemin vers une trêve. Cependant, il ne s’agit pas de conclure un deal uniquement pour conclure un deal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) La sécurité de l’Ukraine, celle de l’Europe, la nôtre appellent une paix juste et durable. Une paix juste, parce qu’elle rétablit le droit ; une paix durable, par ses garanties.
Dans cet hémicycle, les patriotes en carton, les patriotes de pacotille diront qu’ils soutiennent l’Ukraine. Leur soutien ne vaut rien : ils ont refusé les planchers de dépenses, le rapprochement avec l’Europe, les armes à longue portée, plusieurs trains de sanctions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.) Ils disent soutenir l’Ukraine, mais sont prêts à regarder les Ukrainiens se battre avec des bâtons.
Nous devons tenir un discours de vérité et de fermeté. Nous devons de toute urgence bâtir une Europe forte, capable de se défendre par elle-même.
La position des socialistes se traduit en actes, et elle ne varie pas avec le temps. Nous voulons un emprunt commun de l’Europe pour aider financièrement l’Ukraine, la souveraineté industrielle européenne en matière de défense, un grand plan de redressement stratégique de l’Europe. Nous voulons aussi que les avoirs russes gelés soient utilisés pour l’Ukraine et sa reconstruction – ayant défendu cette mesure en commission des affaires européennes, je me réjouis qu’elle soit pleinement soutenue par M. le rapporteur et figure dans cette proposition de résolution. (Mêmes mouvements.)
M. Pierre Pribetich
Bravo !
M. Thierry Sother
Sur la question des avoirs russes, essentielle pour l’avancée des réparations en Ukraine, nous attendons d’être rejoints par le gouvernement et le président de la République. Nous abstiendrons-nous de faire usage de cet argent, alors que – M. le rapporteur l’a rappelé – le droit coutumier le permet ?
Mme Constance Le Grip
En effet.
M. Thierry Sother
Un grand emprunt commun, la saisie des avoirs russes, voilà les moyens de nous protéger vis-à-vis de l’extérieur sans nous détruire de l’intérieur. Certains diront qu’il faut couper les investissements dans les services publics pour soutenir l’Ukraine. C’est un mensonge doublé d’un non-sens. Il ne peut y avoir de défense de l’Europe sans cohésion des Européens. Il ne peut y avoir d’Europe de la défense sans Europe sociale. Le modèle européen est notre référence ; il faut le protéger des ingérences, le défendre contre le développement d’une internationale réactionnaire de plus en plus inquiétante.
Jamais la menace n’a été aussi grande ; les Françaises et les Français doivent en avoir pleinement conscience. Comme représentation nationale, notre rôle est de leur dire la vérité et de leur proposer un chemin clair. En cette période qui appelle des choix cruciaux, le Parlement doit être au cœur des décisions. Pour l’Europe, il est l’heure de prendre son destin entre ses mains : demain, il sera trop tard.
Il faut saluer le courage de l’Ukraine, mais ce ne doit pas être une posture morale. Sans victoire des Ukrainiens, point de salut pour les Européens. Notre devoir envers l’avenir est donc de rendre cette victoire possible. C’est pourquoi le groupe socialiste a soutenu la proposition de résolution en commission et votera en sa faveur aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Pierre Pribetich
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à Mme Michèle Tabarot.
Mme Michèle Tabarot
L’examen de cette résolution intervient dans une situation internationale mouvante, qui nous impose de défendre des convictions claires et fortes.
Les revirements stratégiques se succèdent. Nous saluons les échanges qui, après de fortes tensions, se sont déroulés hier à Djedda, et la proposition américaine d’un cessez-le-feu de trente jours, acceptée par l’Ukraine et soutenue par la France et l’Europe. En montrant leur détermination, nos pays ont ramené les États-Unis à la table des négociations.
Ces échanges ont aussi permis la reprise de l’aide américaine et du partage du renseignement. De telles évolutions ne doivent pourtant pas nous faire oublier les bouleversements en cours et le nécessaire réveil de l’Europe. Malgré la possibilité d’une trêve, dont la conclusion dépend désormais uniquement de la Russie, l’ordre international hérité de 1945 est profondément remis en cause.
L’Europe est ainsi confrontée à deux défis majeurs : conquérir son autonomie stratégique et affirmer sa capacité à soutenir l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire. Nous le devons au peuple ukrainien qui, depuis plus de trois ans,...
Mme Constance Le Grip
Dix ans.
Mme Michèle Tabarot
...résiste vaillamment à la terrible guerre d’agression menée contre lui par la Russie.
Des infrastructures civiles sont quotidiennement attaquées ; des enfants sont arrachés à leurs familles et déplacés de force. Les viols et les actes de torture se succèdent. Les morts et les blessés se comptent par centaines de milliers. Ce que je décris, ce sont des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, dont les auteurs devront répondre.
Face à cela, le devoir de nos démocraties est de se montrer unies et résolues. L’initiative de paix devra s’accompagner de garanties de sécurité fortes, comme celles évoquées hier à Paris, durant les travaux opérationnels engagés avec les états-majors partenaires.
Si la Russie refuse une paix juste, nous devrons poursuivre et amplifier nos efforts, durcir les sanctions, réduire notre dépendance aux énergies fossiles russes et surtout renforcer le soutien européen à l’Ukraine sur les plans économiques et militaires.
M. Philippe Gosselin
Tout à fait !
Mme Michèle Tabarot
Nous sommes d’ailleurs prêts à débattre de l’utilisation des avoirs russes gelés pour financer ces efforts, car face à un agresseur qui ne comprend que le rapport de force, il faut montrer notre puissance.
Mme Émilie Bonnivard
Bravo !
Mme Michèle Tabarot
C’est d’ailleurs pour cela que nous soutenons l’augmentation de notre budget de défense : non pour partir en guerre, comme le prétendent les propagandistes russes, mais bien pour dissuader ceux qui voudraient nous attaquer. Nous dénonçons les propos de ceux qui minimisent les risques ou propagent des contrevérités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR. – M. Charles Sitzenstuhl applaudit également.)
Ceux qui nous disent que la Russie n’attaquera jamais la France ou l’Europe nous disaient, avant février 2022, que la Russie n’attaquerait jamais l’Ukraine. Ce sont les mêmes qui refusent de voir les actions malveillantes hybrides menées par la Russie, notamment en Afrique contre notre armée. Ils prétendent aussi que la guerre en Ukraine est due à l’impérialisme de l’Otan, alors que le seul impérialisme sévissant en Europe est celui du Kremlin.
M. Nicolas Forissier
Très bien !
Mme Michèle Tabarot
Les mêmes nous expliquaient encore il y a quelques jours que la Russie voulait la paix et que c’est l’Europe et l’Ukraine qui l’empêchaient, en demandant des garanties fortes. Eh bien, nous allons voir ce qu’il en est, maintenant que c’est à la Russie de décider.
Arrêtons de nous leurrer ! L’Europe ne sera pas en sécurité si nous renonçons à nos alliances. L’Europe ne sera pas en paix si elle ne se réarme pas. Elle ne sera pas plus sûre si nous abandonnons l’Ukraine.
Je veux d’ailleurs terminer ce propos en réaffirmant une conviction : après toutes ces souffrances et tous ces sacrifices, notre réponse aux aspirations européennes et démocratiques de l’Ukraine ne pourra être une porte fermée. Nous devrons proposer à l’Ukraine un chemin pour nos futures coopérations, en prenant certes les précautions nécessaires pour préserver les activités qui pourraient être fragilisées, mais sans jamais oublier que le combat des Ukrainiens est aussi un combat pour la défense de notre continent.
Aujourd’hui, c’est l’Ukraine qui a besoin de l’Europe, mais demain, c’est l’Europe qui, pour se défendre, aura besoin de l’Ukraine et de son armée, la plus puissante du continent en nombre d’hommes.
Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de cette résolution et des valeurs qu’elle porte avec force pour l’Ukraine, pour l’Europe et pour la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR et Dem, ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. Philippe Gosselin
Pour la liberté !
M. Fabrice Brun
Pour la paix !
Mme la présidente
La parole est à M. Damien Girard.
M. Damien Girard
La Russie mène une guerre d’agression depuis 2014. Elle la mène par impérialisme, en cherchant à conquérir des territoires qu’elle considère comme siens, au mépris du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Elle la mène par idéologie, en s’opposant aux régimes qui contredisent son modèle autoritaire. Elle la mène sur notre sol, en multipliant les menaces hybrides contre nos démocraties.
Face à cette menace, l’Union européenne a d’abord failli. Dès 2014, après l’annexion de la Crimée, nous aurions dû réagir avec fermeté. Dès 2014, nous aurions dû renforcer notre coopération de sécurité et de défense avec les pays frontaliers de l’Union. Dès 2014, nous aurions dû comprendre que céder une fois, c’est ouvrir la porte aux offensives suivantes. Nous avons été trop lents, trop naïfs, trop conciliants.
Le résultat est là : en 2022, Vladimir Poutine a cru pouvoir annexer un pays de 38 millions d’habitants, frontalier de l’Union européenne. Maintenant, notre devoir est d’aider l’Ukraine. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Gérard Leseul applaudit également.)
Ce texte appelle, à juste titre, à un soutien matériel renforcé. Des marges de manœuvre demeurent : nous pouvons puiser dans nos stocks de matériels obsolètes pour prouver la sincérité de notre solidarité avec l’Ukraine sans compromettre l’efficacité de notre armée.
Ce texte nous appelle aussi à tirer les leçons de nos insuffisances. De Washington à Moscou, une nouvelle donne géopolitique se dessine. Face à l’ambition des impérialismes, nous pouvons faire prévaloir les valeurs démocratiques européennes. À cet égard, l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne peut jouer un rôle important.
L’Europe est imparfaite, mais, comme espace de droit et de puissance partagée, elle constitue notre meilleur rempart. Sans elle, nous serions isolés par les impérialismes qui veulent nous soumettre. Face à l’agression russe, l’Europe peut se protéger avec une défense commune et investir dans l’indépendance énergétique pour affaiblir les régimes autoritaires qui vivent du pétrole et du gaz. (Mêmes mouvements.) Il s’agit là d’un enjeu central. L’impérialisme de Poutine se finance par la rente fossile et fissile. C’est la dépendance européenne aux hydrocarbures russes qui a retardé nos réactions. C’est l’achat de gaz et de pétrole qui nourrit l’effort de guerre russe. (Mêmes mouvements.) Oui, la transition écologique est une arme de paix !
Nous devons également renforcer nos alliances avec des États qui partagent nos valeurs et notre volonté d’indépendance. Ni Trump ni Poutine ! Cette ligne peut rassembler des pays d’Amérique, d’Afrique, d’Asie et du Pacifique, qui rejettent également les logiques impérialistes et peuvent devenir nos partenaires stratégiques dans la construction d’un monde multipolaire fondée sur le droit international.
Notre souveraineté passe aussi par une stratégie de défense claire. Le groupe Écologiste et social prône une refonte du modèle d’armée. Nos militaires doivent pouvoir faire de la défense de la nation, de celle de l’Europe et de ses frontières, une priorité.
La France ne peut pas tout, mais elle peut beaucoup, à condition de faire des choix. Nous devons renforcer nos capacités militaires, adapter notre outil de défense aux nouvelles menaces et investir davantage dans notre armée. Cela implique d’augmenter notre budget de la défense et de garantir une visibilité à notre industrie de défense. Une telle stratégie doit être débattue démocratiquement, notamment au sein de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Toutefois, nous ne financerons pas cet effort en sacrifiant notre pacte social. L’histoire nous l’enseigne : en 1914, c’est notamment par un impôt nouveau, l’impôt sur le revenu, que l’effort de guerre a été financé. Aujourd’hui, un impôt sur les grandes fortunes suffirait à renforcer notre armée, sans faire peser l’effort sur les classes moyennes et populaires. La taxe Zucman, adoptée par notre assemblée, montre que cette voie est juste et praticable.
M. Pouria Amirshahi
Très bien !
M. Damien Girard
Car nous le savons : l’austérité, c’est moins pour ceux qui n’ont déjà pas assez. C’est moins de services publics, moins d’hôpitaux, moins de centres sociaux. Ce sont des mesures qui fragilisent les plus vulnérables et rompent le lien social, faisant le terreau du populisme d’extrême droite.
Or l’extrême droite est la voix de Trump et de Poutine en France. Elle imprime, à 1,2 million d’exemplaires, des tracts sur lesquels Marine Le Pen serre la main de Vladimir Poutine, alors que la Crimée est déjà occupée. Elle minimise les humiliations infligées par Donald Trump à Volodymyr Zelensky. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.) Elle relaie la propagande du Kremlin, jour après jour, main dans la main avec les médias de Vincent Bolloré.
Mme Delphine Batho
Aujourd’hui encore !
M. Damien Girard
Aujourd’hui encore, leurs amendements à ce texte trahissent leur véritable allégeance.
Le groupe Écologiste et social votera en faveur de ce texte, mais il appelle à tirer les leçons de la tragédie ukrainienne. Une défense crédible suppose une Europe forte. La souveraineté passe par une stratégie de défense assumée et financée de manière juste. Une démocratie solide ne va pas sans justice sociale. Voilà les garanties d’une paix sûre et durable. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC, ainsi que sur les bancs des commissions.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Merci, monsieur le rapporteur, d’avoir repris une proposition de résolution dont les aléas de notre vie démocratique auraient pu nous priver. Elle permet à notre nation, dans sa diversité, d’exprimer ce qu’elle a à dire face à l’agression en Ukraine, et nous nous en réjouissons. J’ai dit à cette tribune, il y a trois ans, que nous avions affaire à une confrontation de modèles qui ne se résumait pas à des enjeux territoriaux. Nous en sommes à présent tous convaincus, il me semble ; je n’y reviendrai pas, mais permettez-moi d’en partager avec vous deux illustrations très concrètes, peu connues en France.
Le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a tenté de justifier l’invasion russe du printemps 2022, présentée à l’époque comme une opération spéciale destinée à sauver les populations du Donbass, de la manière suivante : « Si les Wallons étaient en conflit avec les Flamands, chacun comprendrait que la France prenne les armes pour soutenir la minorité française en Belgique. » Mais non, monsieur Lavrov ! Dans notre modèle européen, dans nos démocraties fondées sur la citoyenneté, les Wallons ne sont pas une minorité française en Belgique : ce sont des citoyens belges qui parlent français.
Deuxième exemple, à l’été 2022, j’étais en Ukraine quand se préparait la contre-offensive ukrainienne dans la région de Kherson. La logistique russe était en souffrance pour apporter hommes et armement de l’autre côté du Dniepr, mais cela n’empêcha pas les Russes de distribuer, dans toutes les écoles de la zone occupée, un nouveau livre d’histoire, écrit en russe et intitulé Donbass, cœur de la Russie. Voilà ! Dans le modèle impérialiste et illibéral de M. Poutine, la langue devient un outil de pouvoir – « tu parles russe, donc je suis ton chef » – et l’histoire devient une arme, aussi importante que les obus et les soldats. Alors oui, il y a bien une menace qui pèse sur nos démocraties et sur le modèle citoyen de l’Union européenne, un danger qui plane sur « la patrie de nos patries », comme la qualifiait Václav Havel.
Ce que nous construisons, ce n’est pas une armée européenne, c’est une défense collective. Nous ne sommes pas des va-t-en-guerre ! Nous sommes menacés et même agressés, et pas seulement en Ukraine. Nous sommes agressés en ce moment même à la frontière finlandaise, comme nous l’avons été, en 2021, à la frontière polonaise, par migrants interposés, et comme nous le sommes en Estonie. Or défendre et protéger, ce n’est pas agresser ! On n’attaque pas avec un parapluie : on se protège ! Quoi que l’on raconte ici ou là et quel que soit le narratif du Kremlin, nous ne changeons rien à notre doctrine nucléaire.
Ce qui change, en revanche, c’est la perception de cette doctrine par nos partenaires, en particulier allemands et polonais. Il n’y aura jamais deux doigts sur le même bouton, mais un doute plus grand s’installe chez l’ennemi ! En effet, Poutine n’écoute pas ce que nous disons : il regarde ce que nous faisons. Quand certains parlent d’escalade et de menace soudaine sur la fédération de Russie, et critiquent un prétendu partage ou pire, un abandon de souveraineté, c’est non seulement absurde et faux, mais c’est dangereux : ceux qui relaient le poison de la division et tous les à-peu-près fabriqués à l’emporte-pièce dans les fermes à trolls de Saint-Pétersbourg, ceux-là sont des irresponsables.
La Russie nous intoxique avec sa guerre narrative, sa prétendue disponibilité à faire la paix. Mais qui pousse à l’escalade ? Depuis quelques semaines, le Kremlin a doublé, triplé le pilonnage des civils, parfois à des centaines de kilomètres du front, tout en maintenant ses exigences maximales, irrationnelles.
Enfin, la nouvelle administration de Trump est transactionnelle. Dans sa frénésie de deals, qui évoque le crieur de foire plutôt qu’un architecte de la sécurité, les principes du droit international passent sous le tapis. Par exemple – c’est un élément peu connu et peu relayé en France –, en septembre 2023, un an et demi après le début du conflit, la Russie a introduit dans sa Constitution les quatre oblasts qu’elle prétend avoir annexés, dont 30 % n’ont jamais vu un char russe ! Par cette révision constitutionnelle, la Russie a rendu tout retour en arrière impossible : elle va revendiquer tous ces territoires, aujourd’hui ou dans le futur, y compris ceux qu’elle ne contrôle pas actuellement, comme les villes de Kherson ou de Kramatorsk. Accepterons-nous que l’Ukraine soit contrainte de céder des territoires que la Russie n’a pas conquis ? Laisserons-nous passer un deal qui mettrait ce sujet sous le tapis, comme une bombe à retardement pour nos démocraties ? Quelle fiabilité aurait un deal qui ne parlerait pas de la reconstruction des infrastructures civiles ni du retour des enfants déportés ?
Je salue l’ensemble des considérants de la résolution parce qu’ils rappellent le droit et le fait que nous, Européens, sommes guidés par une boussole morale autant que stratégique. Les choix géopolitiques affirmés dans cette résolution sont exigeants et rudes. Ils appellent des débats auxquels le groupe Démocrates sera attentif, car il est des temps où la facilité est dangereuse, voire destructrice. Restons les hérauts du droit international ! Au-delà du soutien militaire, économique et de celui apporté par nos sociétés civiles, c’est aussi ce que les Ukrainiens attendent de nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, sur plusieurs bancs du groupe EPR et sur les bancs des commissions. – Mme Stella Dupont et M. Frédéric Valletoux applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Bouyx.
M. Bertrand Bouyx
Voilà trois ans que l’Ukraine mène un combat existentiel pour sa souveraineté et son intégrité territoriale, trois ans que dure l’affrontement armé le plus important et le plus meurtrier en Europe depuis la seconde guerre mondiale. Ce conflit a causé des centaines de milliers de victimes militaires et des dizaines de milliers de victimes civiles, sans oublier les crimes de guerre, les violences sexuelles et les viols de masse documentés, perpétrés par les troupes d’invasion russe à l’encontre des civils ukrainiens – femmes, hommes et enfants.
Nous sommes à un moment de bascule. L’accélération de l’histoire fait peser de graves menaces, non seulement sur la sécurité de l’Ukraine, mais aussi sur celle du continent. Le désengagement américain pourrait offrir à la Russie un avantage stratégique qu’elle convoite depuis longtemps ; or une victoire russe aurait des conséquences dévastatrices, non seulement pour l’Ukraine, mais aussi pour l’Europe. L’heure n’est plus aux demi-mesures, aux tergiversations ou aux subtilités juridiques : chaque jour compte. Il est temps de prouver que l’Europe sait se défendre, qu’elle est capable de prendre son destin en main. L’invasion russe a été largement condamnée à l’échelle internationale par l’Assemblée générale des Nations unies, la Cour internationale de justice, le Conseil de l’Europe et la Cour pénale internationale.
Pourtant, nous assistons à un spectacle désolant, celui du retrait par les États-Unis de leur soutien à l’Ukraine. Le président Trump, poursuivant une politique populiste et isolationniste, engage son pays dans une rupture historique avec l’Europe. Après avoir laissé entendre que l’Ukraine portait la responsabilité du conflit, voilà qu’il espère déposséder l’Ukraine de ses ressources minières, sans aucune garantie de sécurité.
Face à une telle incertitude, l’Europe a tout de suite réagi. Nous avons posé les bases d’une réponse commune : fermeté face à la Russie, soutien économique et militaire renforcé à l’Ukraine, garanties concernant sa sécurité. Depuis le début du conflit, l’Union européenne a mobilisé 70 milliards d’euros d’aide financière et humanitaire et 62 milliards d’aide militaire, soit plus que l’aide américaine apportée à l’Ukraine ; mais elle doit faire encore mieux pour sa défense, elle en a les moyens. Avant le sommet spécial sur l’Ukraine, le premier ministre polonais Donald Tusk a souligné le paradoxe suivant : « 500 millions d’Européens demandent à 300 millions d’Américains de les défendre contre 140 millions de Russes. » Pourtant, pour peu qu’elle soit unie, l’Europe n’a aucune raison de douter de sa force.
L’Europe de la défense ne poursuit pas un but guerrier. Certains acteurs et commentateurs politiques minimisent la menace de façon irresponsable ; on peut légitimement se demander où va leur loyauté.
M. Pierre Henriet
Eh oui !
M. Bertrand Bouyx
C’est pourquoi il faut être très clair : le but, c’est avant tout la paix, mais pas au prix de la soumission. Pour assurer la paix dans un monde de plus en plus dangereux, nous devons être unis, indépendants et forts.
Les discussions qui ont eu lieu la nuit dernière entre les États-Unis et l’Ukraine prouvent que cette dernière veut la paix : la balle est maintenant dans le camp de la Russie. Le débat sur la souveraineté européenne existait avant l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, avant même l’invasion de l’Ukraine. Quelles sont les solutions qui s’offrent à nous ? De nombreuses sanctions ont été prises, mais nous devons aller plus loin. L’Europe doit se doter de moyens plus efficaces pour identifier et neutraliser les stratégies de contournement déployées par la Russie.
Une autre question essentielle est celle de la justice. La création d’un tribunal spécial, doté de ressources financières, techniques et juridiques, permettrait de garantir la pleine responsabilité de la Russie à l’égard de tous les crimes qu’elle a commis.
Il est temps que l’Europe prenne conscience de son propre pouvoir. Elle est déjà un géant économique, mais il ne tient qu’à elle de devenir une véritable superpuissance. Alexis de Tocqueville – qui était normand, comme moi – écrivait : « Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. » En votant en faveur de cette proposition de résolution, nous l’affirmons haut et fort : nous sommes debout. Le groupe Horizons & indépendants votera le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Stella Dupont.
Mme Stella Dupont
Le 24 février 2022, la Russie débutait l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, provoquant l’escalade d’un conflit commencé en 2014 avec l’annexion de la Crimée. Au nom de l’impérialisme russe, les frontières internationalement reconnues sont repoussées, les principes fondamentaux du droit international sont piétinés et les vies humaines, y compris celles des enfants déportés, sont méprisées ou anéanties.
Je veux rendre hommage au courage du peuple ukrainien, à tous ceux qui sacrifient leur vie pour l’indépendance, pour préserver les valeurs de leur pays et défendre l’humanisme que nous avons en partage. Cette proposition de résolution européenne exprime notre soutien indéfectible à l’Ukraine, et je m’associe pleinement à chacun de ses principes. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour votre initiative.
L’année 2025 est un tournant dans l’histoire de l’Occident et du monde. Les soubresauts de notre partenaire américain affaiblissent la solidarité internationale envers l’Ukraine. Solidaires des Ukrainiens tout en étant nous-mêmes affectés par le conflit, soucieux de notre liberté et de notre sécurité, nous, Européens, devons tout faire pour obtenir rapidement une paix durable et solide, pour l’Ukraine et notre continent. Alors que les Européens prennent pleinement conscience de leur vulnérabilité face aux multiples crises géopolitiques, il apparaît nécessaire à la fois d’augmenter le budget de la défense française et de construire une défense européenne.
Certains l’ont rappelé, le budget des armées françaises a été doublé en dix ans et nous avons voté une loi de programmation militaire ambitieuse pour les années 2024-2030 ; mais cela ne suffira pas. Il s’agit non de nous précipiter vers la guerre mais de poursuivre une action diplomatique résolue et de renforcer notre dissuasion, notre capacité de riposte pour assurer la paix. Le seul va-t-en-guerre, c’est Vladimir Poutine. Ne confondons pas les rôles : il y a un pays agresseur, la Russie, et un pays qui se défend, l’Ukraine,…
M. Pouria Amirshahi
C’est vrai !
Mme Stella Dupont
…avec l’appui de ses partenaires, notamment européens. Nous devrons faire des choix difficiles pour financer cet effort militaire, d’autant que nos marges de manœuvre budgétaires sont très limitées.
Le contexte international, l’état des comptes publics de la France et notre instabilité politique, ici même, imposent la responsabilité. Nous sommes amenés à adopter une proposition de résolution européenne, donc des principes forts. Mais notre tâche, en tant que parlementaires, est aussi d’assurer la crédibilité de notre engagement en faveur de l’Ukraine. Pour cela, nous nous appuierons sur les outils européens de financement et sur la mobilisation des avoirs russes, bien entendu.
Cependant, si nous ne sommes pas capables de modifier la trajectoire des finances publiques françaises en les restaurant, la crédibilité de la parole de la France s’agissant de l’aide à l’Ukraine sera fragilisée. Il y a donc urgence à examiner la question sur le plan budgétaire.
Autrement dit, soit nous sommes capables de dégager une majorité pour prendre diverses mesures fiscales et réviser nos politiques publiques en vue de réaliser des économies budgétaires, soit nous devenons des spectateurs du monde qui file devant nous, réduits au simple rôle de commentateurs, faute de pouvoir agir et peser dans les mouvements du monde. Notre responsabilité de parlementaires est immense.
Ces décisions sont essentielles si nous voulons être des acteurs dans un environnement aussi complexe. Pour cela, nous devons dès à présent travailler au projet de loi de finances. Il y a urgence nationale et urgence internationale, car l’Ukraine est en guerre. Il faut associer les partenaires sociaux, au travers d’une conférence des finances publiques, comme le propose Marylise Léon, la secrétaire générale de la CFDT. L’exercice est extrêmement difficile et je soutiens cette idée. Je souhaite que le débat ne soit pas caricaturé, polarisé, qu’il ne se résume pas, comme on a pu l’entendre, à un choix entre la défense et le social. Comment pourrions-nous faire nation si nous fragilisons la cohésion sociale ? C’est notre bien le plus précieux, dans un contexte aussi tourmenté. Il nous faut sortir des dogmes habituels, des réflexes politiciens, afin de nous concentrer sur l’essentiel et agir en responsabilité pour la France, l’Ukraine, l’Europe. Votons cette résolution et agissons. (Applaudissements sur les bancs des commissions ainsi que sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de résolution.
Article unique
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 37.
M. Charles Sitzenstuhl
Traditionnellement, les propositions de résolutions commencent par une liste de différents visas, juridiques ou de principe. En l’espèce, l’amendement tend à insérer la mention de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, un texte de portée universelle, en particulier de son article 2 qui dispose que les droits naturels et imprescriptibles de l’homme sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.
En Ukraine, la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression sont niées et refusées à la population. Il y a un an et demi, je me suis rendu dans ce pays avec Pieyre-Alexandre Anglade et Pierre-Henri Dumont : à de nombreuses reprises, les autorités ukrainiennes nous ont rappelé combien la France avait un message particulier à transmettre, du fait de la place singulière qu’elle occupe parmi les soutiens de l’Ukraine, car nous sommes le pays qui a permis de faire émerger les droits humains.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
Je comprends le sens de l’amendement, qui s’inscrit dans l’esprit du texte.
Celui-ci n’est pas parfait, tant s’en faut. Il a des failles, notamment par rapport à l’Otan et à l’Union européenne, mais il est, dans la période que nous traversons, un signal clair et indispensable adressé à la fois aux Ukrainiens et aux Russes. Les Ukrainiens doivent savoir qu’ils méritent notre soutien ; les Russes, en particulier Vladimir Poutine, doivent savoir que nous saurons nous placer aux côtés des Ukrainiens et que nous comptons désormais assurer nous-mêmes notre défense grâce à un vrai engagement européen. À toute chose malheur est bon, puisque c’est à la suite de la désertion des États-Unis, qui nous avaient pourtant toujours exprimé leur soutien, que nous avons pris cette décision.
Cependant, que les choses soient claires : la stratégie de défense ne doit pas se construire au détriment de notre modèle social et elle ne doit emporter aucune conséquence néfaste pour celles et ceux qui, chez nous, sont déjà suffisamment préoccupés par leur propre avenir. Il n’y aurait rien de plus fragilisant que d’engager tout un pays dans une stratégie encore floue, en disant que c’est d’abord sur le peuple que reposera le gros de l’effort. Il faut au contraire faire comprendre aux plus fortunés d’entre les fortunés qu’il leur reviendra de prendre leurs responsabilités et de ne pas suivre l’exemple de M. Saadé, parti à Washington faire des courbettes à M. Trump, dont il renforce de facto la stratégie militaire en mettant 20 milliards sur la table, tout cela pour défendre les data.
C’est dans cette perspective que nous nous plaçons, en gardant en tête que Poutine n’est pas notre seul adversaire. Trump et Poutine se nourrissent de leurs ambitions réciproques, prenant en étau le projet européen. Et c’est pour cette raison, Damien Girard l’a dit, que ce qui doit nous fédérer toutes et tous, sans ambiguïté, c’est : « ni Poutine ni Trump ! »
(L’amendement no 37 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 22.
M. Laurent Mazaury, rapporteur
L’amendement tend à insérer, après l’alinéa 17, l’alinéa suivant : « Vu les résolutions A/RES/ES-11/8 pour la promotion d’une paix globale, juste et durable en Ukraine et A/RES/ES-11/7 sur le chemin pour la paix, adoptées par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies le 24 février 2025 ; ».
Il s’agit d’actualiser la proposition de résolution européenne en y faisant figurer les dernières résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies portant sur le conflit ukrainien.
(L’amendement no 22, accepté par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 45.
M. Charles Sitzenstuhl
L’amendement, soutenu par tout le groupe Ensemble pour la République, tend à ajouter la mention des conclusions du Conseil européen extraordinaire du 6 mars 2025 et du document EUCO 10/25 sur l’évolution récente de la situation en Ukraine.
Cette réunion extrêmement importante, dont le président de la République française a été l’un des principaux moteurs, a permis à vingt-six États sur vingt-sept de rappeler leur soutien ferme à l’Ukraine. Vingt-six sur vingt-sept, cela signifie qu’un seul État, la Hongrie de M. Orbán, soit les amis du Rassemblement national, ne s’est pas joint à la volonté européenne de soutenir le gouvernement ukrainien. Néanmoins, nous pouvons nous féliciter qu’à une très large majorité, le Conseil européen ait exprimé cette position.
L’Union européenne a rappelé son souhait d’une paix globale, juste et durable, fondée sur les principes de la Charte des Nations unies et du droit international. Là encore, c’est important de le souligner alors que bon nombre de discours visent à inverser les responsabilités. Elle a également soutenu qu’il ne peut y avoir de négociation sur l’Ukraine sans l’Ukraine, ni sans la participation de l’Europe.
Enfin, le Conseil européen a rappelé dans ce document que le droit naturel de l’Ukraine à choisir son propre destin devait être respecté. C’est un point d’une importance cruciale puisque c’est cette aspiration à l’indépendance de l’Ukraine que la Russie de Vladimir Poutine nie et attaque depuis une dizaine d’années.
M. Jean-Michel Jacques
Il a raison.
Mme la présidente
Sur l’amendement no 45, je suis saisie par le groupe Horizons & indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Dans la mesure où l’amendement tend à actualiser la proposition de résolution européenne, avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 45.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 136
Nombre de suffrages exprimés 119
Majorité absolue 60
Pour l’adoption 79
Contre 40
(L’amendement no 45 est adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 52, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de trois amendements, nos 31, 44 et 18, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 31.
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Il tend à substituer aux mots « le 16 décembre 2024, d’un quinzième », les termes « le 24 février 2025 d’un seizième ». Il s’agit d’actualiser la proposition de résolution en y intégrant la mention du dernier train de sanctions adopté par le Conseil de l’Union européenne.
Mme la présidente
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky, pour soutenir l’amendement no 44.
Mme Léa Balage El Mariky
Il tend également à faire figurer dans cet alinéa le dernier train de mesures prises par l’Union européenne pour éviter que les sanctions économiques décidées à l’encontre de la fédération de Russie ne soient contournées. C’est l’occasion de rappeler que nous ne pouvons pas, d’un côté, sanctionner financièrement la fédération de Russie, de l’autre, refuser de saisir les 200 milliards d’euros d’avoirs russes gelés dans les banques européennes. Ceux-ci devraient servir en priorité à financer la reconstruction de l’Ukraine lorsque ce pays aura retrouvé une paix juste et durable, mais aussi à défendre et à soutenir la résistance ukrainienne.
C’est la raison pour laquelle les Écologistes déposent, depuis de nombreux mois, des résolutions en ce sens. (Mme Cyrielle Chatelain applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Sother, pour soutenir l’amendement no 18.
M. Thierry Sother
Il va dans le même sens. Il est en effet important de mentionner ce train de sanctions qui cible en particulier la flotte fantôme dont la Russie se servait pour contourner les sanctions.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Je préfère la rédaction de mon amendement, non parce qu’elle serait meilleure, mais parce qu’elle me semble plus précise.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Le seizième train de sanctions vous a été présenté par le ministre des affaires étrangères lors du débat organisé au titre de l’article 50-1 de la Constitution. Ces sanctions visent cette fois-ci le complexe militaro-industriel russe et la flotte fantôme utilisée par la Russie pour contourner les précédentes sanctions, ainsi que plusieurs industries, notamment dans le domaine de l’énergie. Elles viennent s’y ajouter. J’émettrai un avis favorable à l’amendement no 31 de M. le rapporteur, avec des égards pour les deux autres, qui vont dans le même sens. Quant à l’utilisation des avoirs gelés, nous aurons l’occasion d’en débattre.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
Ces amendements consistant en une mise à jour, le groupe GDR y est favorable. Une question demeure néanmoins : quelle a été, en trois ans, l’efficacité de ces seize trains de sanctions ? Pourquoi en a-t-il fallu seize ? Je suis député du Havre, où l’on a installé un terminal méthanier flottant pour regazéifier le gaz naturel liquéfié (GNL) issu du gaz de schiste américain, de manière à subvenir à nos besoins sans recourir au gaz russe. Depuis, seul un bateau est venu l’alimenter ! Comment l’expliquer, dans la mesure où nous avons continué à nous approvisionner en gaz ? D’où vient ce gaz ? Peut-être pas d’Algérie, peut-être de Russie, après avoir emprunté d’autres itinéraires.
Cet exemple montre bien que les trains de sanctions n’ont fait l’objet d’aucun contrôle, que leur efficacité n’a pas été évaluée. Et maintenant, le seizième ! La guerre n’aurait peut-être pas duré trois ans si nous avions, d’emblée, sanctionné la Russie au point de lui faire mettre genou à terre économiquement, de manière à faire cesser les combats. À quand le dix-septième, le dix-huitième train ? Ces questions doivent faire sourire les agresseurs de l’Ukraine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Ruffin.
M. François Ruffin
Puisqu’un seizième train de sanctions a été pris depuis le passage de la résolution en commission, nous pouvons bien le préciser dans le texte. La question de l’efficacité mérite cependant d’être posée, tout comme celle de la portée des vœux et des souhaits formulés par l’Union européenne. Cela suscite chez moi un certain malaise, dès lors que des négociations sont en cours à 5 000 kilomètres d’ici, à Djedda, en Arabie Saoudite, et qu’elles réunissent les Américains avec les Russes d’un côté et les Ukrainiens de l’autre, sans les Européens. Nous sommes mis au ban d’une guerre qui se déroule sur notre continent ! Il faudra tirer le bilan de ce naufrage diplomatique pour l’Europe comme pour la France. À ce jour, nous devons encore et toujours compter sur l’allié américain, si fragile, si versatile, pour peser en faveur de l’Ukraine et rétablir la balance. Tout se passe comme si nous cherchions à compenser notre éloignement et notre mise à l’écart des négociations en multipliant les déclarations, les résolutions, les condamnations. Nous nous contentons d’agir sur le plan symbolique à défaut de pouvoir agir sur le cours des choses ! Je regrette profondément de devoir me contenter d’un rôle de spectateur et de commentateur à distance, au lieu d’être un acteur qui, loin d’être impuissant, aurait une réelle influence. J’espère que ça changera !
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Le fait que les trains de sanctions se suivent ne prouve pas qu’ils sont inefficaces. La gradation des sanctions fait bel et bien souffrir la fédération de Russie. Ces trains successifs sont une arme à notre disposition : ce n’est pas l’arme atomique, définitive, ils accompagnent. On oublie souvent qu’ils sont aussi utilisés contre le Belarus pour obtenir des choses, faire libérer des prisonniers par exemple. La Russie sait très bien ce que signifie un nouveau train de sanctions.
Quant au malaise exprimé par M. Ruffin au sujet des négociations dont nous serions écartés : la France et le Royaume-Uni étaient bien présents lors des négociations, au travers du document préparé en commun sur lequel l’Ukraine s’est appuyée lors des négociations avec les États-Unis. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Je préfère que nous refusions d’être à la table plutôt que d’y être à moitié ; il n’est pas utile d’être à la table avec des dealers, des crieurs de foire, comme je les ai appelés tout à l’heure, avec ces gens qui changent d’avis chaque semaine sur des dizaines de milliards d’euros. La constance de la France et la fiabilité des Européens n’en sont pas moins remarquées, à Washington comme à Moscou. Le document préparé par les diplomates français et britanniques n’a d’ailleurs pas dévié de la ligne en vigueur depuis longtemps, peut-être même depuis 2017 : c’est lui qui a servi de base aux négociations, qui sont d’ailleurs un succès, quoique temporaire.
Mme la présidente
La parole est à Mme Stella Dupont.
Mme Stella Dupont
Je m’interroge également sur l’effet des sanctions sur les importations de gaz russe. Selon un rapport de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA), si l’Union européenne a réduit ses importations de GNL de 19 % en 2024, la part de GNL russe a quant à elle augmenté de 18 %, et la France figure parmi ses principaux importateurs. Quelle est donc l’efficacité des mesures que nous prenons au niveau européen ?
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Monsieur Petit, avez-vous consulté le détail des sanctions de cette seizième série ? Elles courent après les quinze trains précédents, qui n’ont pas fonctionné ! L’une des principales dispositions demande d’ailleurs aux membres de l’Union européennes de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour sanctionner ceux qui ont contourné les sanctions qu’ils avaient eux-mêmes prévues auparavant ! Nous sommes au cœur de la question soulevée par le collègue Lecoq : vos sanctions n’ont pas fonctionné. Pire : elles ont enrichi le régime poutinien. Qui vous avait avertis, à part le Rassemblement national ?
M. Aurélien Rousseau
Poutine aussi nous avait prévenus !
M. Jean-Philippe Tanguy
Je vous avais moi-même prévenus…
M. Erwan Balanant
Que ferait-on sans vous ?
M. Jean-Philippe Tanguy
…sous les huées, les accusations et les diffamations !
Plusieurs députés des groupes EPR et SOC
Hou !
M. Jean-Philippe Tanguy
Voilà, des huées de ce genre-là ! Argumentation zéro, très intéressant ! Vous avez enrichi le régime poutinien avec vos sanctions ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Ayda Hadizadeh
Ce n’est pas nous qui lui avons emprunté de l’argent !
M. Erwan Balanant
Remboursez, vous vous sentirez plus libres !
M. Jean-Philippe Tanguy
Vos insultes, vos mensonges et vos postures ne changeront rien au jugement de l’histoire, comme vous l’appelez. Vous avez été les pigeons du régime américain et du régime russe. Vos sanctions n’ont jamais aidé les Ukrainiens, vous avez échoué ; la preuve, vous n’êtes pas à la table des négociations : l’avenir de votre projet européen n’est même pas négocié par les technocrates à qui vous avez délégué la souveraineté française ! (L’orateur pointe du doigt le centre de l’hémicycle.)
M. Erwan Balanant
On ne montre pas du doigt quand on est poli !
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous avez réussi à la déléguer en Arabie Saoudite après l’avoir déléguée à Bruxelles, bravo les Européens ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud
Monsieur Petit, vous ne pouvez pas dire que la France était présente à Djedda parce qu’il y avait un bout de papier sur une table ! La France n’est pas un bout de papier sur une table, certainement pas en matière de relations internationales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ce n’est en tout cas pas la vision que nous avons de la diplomatie française. Par ailleurs, la proposition à laquelle les négociateurs sont parvenus ne correspond pas à celle qu’ont rédigée les Français et les Britanniques, à savoir un cessez-le-feu complet, ce qui n’a rien à voir avec une trêve dans les airs et sur les eaux ! Notre bout de papier était donc peut-être dans un carton de la délégation ukrainienne, mais pas la France elle-même, qui rassemblait pendant ce temps plusieurs chefs d’état-major, à Paris, afin de servir de supplétif aux États-Unis au cas où un traité de paix serait conclu : il n’y a pas de quoi être fier ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
En sanctionnant les importations de gaz russe, monsieur Tanguy, nous avons connu un choc inflationniste et un renchérissement du coût de l’énergie ; nous avons d’ailleurs légiféré pour protéger nos concitoyens de ce choc. À court terme, les sanctions ont donc effectivement augmenté les revenus de la Russie. À la longue, en revanche, train après train, la Russie s’affaiblit considérablement. (Sourires sur les bancs du groupe RN.) Ses ressources diminuent, car les pays européens, comme la France, notamment au moyen du terminal méthanier du Havre, ont entre-temps diversifié leurs sources d’approvisionnement. La seule chose qui a enrichi la Russie, ce sont les intérêts que paye le Rassemblement national sur son emprunt ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et SOC.)
M. José Beaurain
Ils osent tout !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Ce seizième train de sanctions vise précisément à empêcher le contournement, par la Russie, des quinze premiers trains. Si les précédentes sanctions ne l’avaient pas dérangée – le manque à gagner est évalué à environ 300 milliards d’euros –, elle n’aurait pas cherché à les contourner. S’il fallait une preuve de l’efficacité des sanctions et de la nécessité de poursuivre dans cette voie, en voilà une.
M. Erwan Balanant
CQFD !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Monsieur Ruffin, je comprends que vous critiquiez la portée uniquement symbolique de certains textes comme la présente résolution. Je ne cherche pas seulement à défendre le rôle du Parlement mais quand un soutien politique à l’Ukraine est affirmé au sein du Parlement européen, au Sénat ou ici même – plusieurs représentants de la diplomatie ukrainienne sont d’ailleurs présents aujourd’hui –, quand nous apportons un soutien financier ou un humain, quand nous accompagnons militairement, quand nous formons des troupes sur le terrain, nous nous montrons efficaces, nous aidons les Ukrainiens et nous progressons sur le chemin de la paix. Sans les prises de position diplomatiques, politiques et financières de l’Union européenne et de la France, l’Ukraine aurait pu tomber dès les premiers jours de l’invasion russe. Les Américains ont beau être versatiles, les parlements européens, lorsqu’ils délibèrent et votent, ont une influence à l’autre bout du continent. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Philippe Tanguy
Sur le fondement de l’article 70 concernant les mises en cause personnelles. Le Rassemblement national a été mis en cause par M. Pierre Cazeneuve pour avoir enrichi le régime russe, ce qui n’est pas vrai !
M. Aurélien Saintoul
Mettre en cause le RN n’est pas vous mettre en cause personnellement !
M. Jean-Philippe Tanguy
En dépit des provocations, je ne laisserai jamais les mensonges prospérer : jamais un euro de notre parti n’a enrichi le régime russe. Le prêt en question avait été accordé par une banque privée ; il a été remboursé. En revanche, vous, vous gouvernez avec des gens qui ont reçu de l’argent russe ! (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.) Allez voir du côté de vos alliés du groupe DR ! (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)
Mme la présidente
Vous ne répondez pas à une mise en cause personnelle.
Article unique (suite)
(L’amendement no 31 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 44 et 18 tombent.)
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 46, je suis saisie d’une demande de scrutin public par le groupe Horizons & indépendants.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 43.
M. Charles Sitzenstuhl
Notre collègue Mazaury n’était pas député sous la XVIe législature, on ne peut donc pas lui reprocher d’avoir oublié de mentionner la résolution affirmant le soutien à l’Ukraine et condamnant la guerre menée par la fédération de Russie, que l’Assemblée nationale a adoptée le 30 novembre 2022 – un moment important. Je propose de l’ajouter aux visas de la présente résolution. Je rappelle qu’à l’époque, nous n’avions pas atteint l’unanimité – je crains que ce ne soit pas le cas non plus tout à l’heure. En tout, 303 députés avaient voté en sa faveur, des communistes…
M. Jean-Paul Lecoq
Oui !
M. Charles Sitzenstuhl
…jusqu’aux Républicains ; La France insoumise et le Rassemblement national s’étaient abstenus, l’un des députés ayant voté contre.
Un député du groupe EPR
Comme par hasard !
M. Arnaud Le Gall
Ne vous fatiguez pas, passons directement au vote : ce sera pareil cette fois-ci !
M. Charles Sitzenstuhl
Nous espérions que ces trois ans vous auraient permis de mesurer la dangerosité du régime russe, pour l’Ukraine et pour la Fédération elle-même. Ce débat permettra peut-être de vous faire progresser.
Si le Rassemblement national a décidé de mettre un peu de tumulte dans l’hémicycle, c’est parce qu’il est gêné, notamment par les conclusions de la commission d’enquête qui s’est tenue en 2023 – et que vous avez présidée, monsieur Tanguy. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Car c’est bien votre parti politique qui, depuis des années, voire des décennies…
M. Jean-Philippe Tanguy
Des millénaires, même !
M. Charles Sitzenstuhl
…a été le soutien et le porte-parole actif du régime de Vladimir Poutine en France. (Mêmes mouvements.)
Mme Ayda Hadizadeh
Eh oui !
M. Emeric Salmon
Qui a accueilli Poutine à Brégançon ?
M. Charles Sitzenstuhl
Et ça continue, vous n’avez pas changé.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Je remercie M. Sitzenstuhl d’avoir rappelé que j’étais un « jeune » député, ça fait toujours plaisir. Avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain
Notre collègue Sitzenstuhl a rappelé qu’il y a trois ans, nous avions affirmé notre solidarité avec le peuple ukrainien. Nous sommes réunis aujourd’hui pour l’exprimer une nouvelle fois, mais quelque chose a changé : Donald Trump est arrivé à la tête des États-Unis.
Nous sommes confrontés au tragique de l’histoire, à des drames terrifiants sur le front russe à la suite de l’agression voulue par Vladimir Poutine ; nous devons également faire face à Donald Trump, qui a décidé de prêter main-forte à M. Poutine et qui défend lui-même un projet autoritaire, de prédation, antidémocratique. Nous devrions donc, sur tous les bancs, prendre la mesure du danger, à l’Est comme à l’Ouest.
Par ailleurs, ce qui n’a malheureusement pas changé depuis trois ans, c’est que ceux qui gouvernent choisissent encore la stratégie du choc. Je ne vois pas comment la logique que vous installez peut créer du patriotisme puisque vous demandez de faire des efforts, mais au détriment de la lutte contre les inégalités sociales et de l’engagement face à la crise climatique. Or nous ne pouvons pas dire que nous défendons un modèle social, des valeurs et des principes face aux impérialistes et à la vague d’extrême droite autoritaire si nous ne protégeons pas notre modèle de liberté, de justice, de partage des richesses et de transition écologique.
Je vous invite à réfléchir à la bascule du monde. Il change et vous n’en prenez pas la mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. Nicolas Forissier
Mais oui, bien sûr, nous ne comprenons rien !
(L’amendement no 43 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Le Gall, pour soutenir l’amendement no 52.
M. Arnaud Le Gall
Nous proposons de réécrire complètement ce texte, dépassé par les événements. Il ne prévoit ainsi aucune remise en cause du cadre atlantiste et promeut une Europe de la défense qui, en l’état, n’aura d’autre effet que de gaver l’industrie états-unienne de l’armement, donc de compromettre un peu plus notre indépendance. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) En effet, vous savez bien que les Américains peuvent nous empêcher d’utiliser, le moment venu, les armes que nous leur avons achetées.
Ce texte est hors-jeu car vous avez refusé de voir que les États-Unis se désengageraient du conflit. Des signaux émis depuis le mandat de M. Biden auraient pourtant pu vous le faire comprendre, mais vous n’avez pas voulu les lire.
Au fond, ce texte ne fait que consolider la stratégie d’un président de la République qui se complaît dans le rôle de conseiller diplomatique de Donald Trump (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EPR),…
Mme Olivia Grégoire
Quelle honte ! C’est pitoyable !
M. Arnaud Le Gall
…tout en étant régulièrement éconduit. Cela ne nous satisfait pas.
Le président de la République se sert également de la situation internationale, alors qu’il n’a aucune stratégie en la matière, pour accélérer son agenda antisocial. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Il se contente de donner au Parlement quelques miettes : des débats sans vote contraignant. Nous ne sommes pas d’accord !
Notre amendement de réécriture prévoit d’affirmer un plein soutien à l’Ukraine et de refuser le principe même d’une paix négociée entre Washington, Kiev – si toutefois les Ukrainiens parviennent à conserver leur place – et Moscou sans la France ni, plus largement, les Européens.
Ce qui s’est passé hier à Djedda est inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) La France n’est pas une feuille de papier : elle ne peut être représentée que par son chef d’État, des membres du gouvernement ou de la représentation nationale et certainement pas par une notule, transmise par je ne sais qui, que M. Trump aura tout juste consenti à consulter.
Il faut tout revoir, car notre assemblée doit s’adresser au monde ; nous ne devons pas parler uniquement entre nous, en restant dans le déni le plus total. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
J’ai bien compris qu’il s’agissait d’une réécriture totale du texte – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle je ne peux y souscrire – mais j’aimerais entrer un peu plus dans le détail.
Il nous apparaît important de préciser que les forces armées russes « se sont rendues coupables » des exactions, une mention qui disparaît bien sûr dans votre rédaction.
L’ajout que vous proposez à l’alinéa 29 ne semble pas nécessaire car les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont déjà mentionnés à l’alinéa 44.
La nouvelle rédaction supprimerait par ailleurs des alinéas importants, tels que ceux portant sur le soutien de la Biélorussie, de la Chine, de la Corée du Nord et de l’Iran aux activités russes en Ukraine, et l’alinéa 39, qui rappelle que la Russie refuse à l’Ukraine « l’exercice de sa souveraineté ».
En outre, la rédaction proposée – « condamne avec fermeté l’invasion russe de l’Ukraine » – est beaucoup moins précise que la rédaction actuelle de l’alinéa 42 : « condamne la guerre d’agression illégale, non provoquée et injustifiée menée par la Russie contre l’Ukraine depuis le 24 février 2022 ; ». Pourquoi, d’ailleurs, ne pas mentionner le caractère illégal et injustifié de cette guerre ?
De même, vous n’évoquez pas les attaques hybrides menées par la Russie en Europe. Plus généralement, vous n’appelez pas la Russie à respecter le droit international. Pourquoi ne pas évoquer des actions qui déstabilisent l’Europe ? Pourquoi ne pas attendre de la Russie qu’elle respecte le droit international ?
Dans cette nouvelle rédaction, vous vous opposez ouvertement à l’Europe de la défense, alors que celle-ci n’est jamais apparue aussi nécessaire – je comprends votre position mais ce n’est pas la mienne. J’en profite pour rappeler que l’Europe de la défense complète les politiques de défense indépendantes – et qui doivent le rester – de chacun des États membres.
M. Arnaud Le Gall
Avec quelles armes ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Enfin, la rédaction proposée supprime de nombreux autres alinéas que j’estime indispensables pour soutenir l’Ukraine.
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Le gouvernement est attaché à l’équilibre global du texte ; son avis sera donc défavorable.
En outre, la proposition de réécriture comporte plusieurs contresens. Tout d’abord, elle laisse entendre que nous souhaiterions contribuer à une escalade. Or c’est bien la Russie qui se livre à une escalade, alors que l’Ukraine, agressée, exerce son droit légitime à sa propre défense.
Par ailleurs, vous rejetez totalement l’idée d’une nouvelle forme de sécurité européenne, et les investissements qui y sont associés. Le gouvernement y est, lui, pleinement favorable et soutient toutes les initiatives prises en ce sens par l’Union européenne. Je rappelle, pour que les choses soient claires, que la France se veut force de paix – c’est bien la raison pour laquelle le gouvernement soutient cette proposition de résolution. Or dans « force de paix », il y a « force ». Il convient donc que l’Union s’arme dans les meilleures conditions.
Enfin, il manque dans cette nouvelle rédaction le point le plus important : nos exigences pour une paix juste et durable et notre volonté que l’Ukraine soit un véritable acteur et garde la maîtrise de ses choix quand on arrivera à la table des négociations.
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
J’aimerais tout d’abord dire à mon collègue Tanguy que les enjeux actuels nous dépassent, qu’ils vont bien au-delà de nos différends personnels et du cadre franco-français. Nous devrions donc rester calmes. Je vous respecte – mon expérience n’est pas la même que la vôtre mais nous pouvons en discuter – et je ne vous ai jamais pris à partie comme vous-même l’avez fait tout à l’heure.
Monsieur Lachaud, je ne sais pas quelle idée vous avez de la diplomatie lorsque vous parlez d’un bout de papier ; je vous signale que M. Zelensky et M. Trump – contrairement à ce qui a été insinué par un de vos collègues – n’étaient pas à Djedda. Deux équipes s’y sont rendues pour représenter leur administration. Côté ukrainien, les personnes envoyées sur place représentaient une force européenne – pas toute l’Europe, certes – et elles ont été entendues par l’autre côté de la table. (M. Bastien Lachaud proteste.) Préfèreriez-vous que nous négociions à la place de l’Ukraine ? Quelle est votre logique lorsque vous expliquez que c’est la France qui aurait dû être présente ? Non, c’est l’Ukraine qui doit être présente, mais elle doit aussi se sentir soutenue.
Enfin, il est un peu troublant de vous entendre dire, dans une institution de la Ve République, que le président de la République laisse « des miettes au Parlement ». Qui êtes-vous pour dire cela ? Personne ne me laisse des miettes lorsque je siège dans l’hémicycle. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, EPR et HOR.) Comme vous, je représente l’ensemble du peuple français, je vote comme je l’entends et quand je le souhaite, pour des raisons qui sont propres à ma conscience. En réalité, vous voulez simplement dire que vous êtes en minorité dans cette arène. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Eh si !
Mme la présidente
Monsieur le député, il faut conclure.
M. Frédéric Petit
Quand je suis moi-même minoritaire, je l’admets – cela m’est arrivé. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Le Gall.
M. Arnaud Le Gall
Monsieur Petit, si cela vous convient de ne jamais pouvoir prendre part à un vote contraignant sur la politique étrangère de la France, c’est votre droit. Nous considérons de notre côté qu’il serait bon que, de temps en temps, le Parlement soit saisi de cette question et s’exprime par un vote contraignant. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Clémentine Autain applaudit également. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Ce qui nous réunit aujourd’hui, ce n’est pas un vote contraignant mais un vote sur une proposition de résolution. Le président en fera ce qu’il voudra, comme c’est d’ailleurs le cas depuis le début de son premier mandat, il y a huit ans, et comme de nombreux présidents avant lui. Cessez donc de caricaturer nos propos.
Monsieur le rapporteur, au-delà de nos désaccords et des erreurs que vous avez commises – je n’ose pas employer le mot « falsifications » – à propos de notre rapport au droit international, je tiens à préciser que, bien évidemment, nous soutenons les résolutions de l’ONU sur cette question. D’ailleurs, ce n’est pas nous qui passons notre temps à quémander des choses à Trump, alors que son pays a voté à l’ONU contre la résolution, soutenue par l’Union européenne, visant à garantir l’intégrité territoriale de l’Ukraine. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il y a là un problème de cohérence.
Il me semble que le seul vrai désaccord entre nous dans ce dossier, c’est l’Europe de la défense. Vous misez tout sur elle, alors qu’elle n’existe pas et n’existera pas à horizon visible. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Nicolas Forissier
N’insultez pas l’avenir !
M. Arnaud Le Gall
Le problème n’est pas de savoir si nous y sommes favorables ou non, c’est simplement qu’il est impossible de mener une stratégie cohérente, avec des moyens adaptés, à vingt-sept, sur un continent qui ne s’est jamais posé la question de son indépendance géopolitique vis-à-vis des États-Unis. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Heureusement qu’il y a plus d’un demi-siècle, des personnes en ont décidé autrement et que nous avons aujourd’hui les moyens de notre défense nationale. (Mêmes mouvements.) Bien sûr, nous devons déployer celle-ci dans le cadre d’une solidarité avec les pays européens. En revanche, ce n’est pas en allant gaver l’industrie américaine de l’armement…
M. Erwan Balanant
On ne leur achète pas d’armes !
M. Arnaud Le Gall
…que vous obtiendrez une Europe de la défense. Oui, nous avons un désaccord très clair sur ce point.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
Tout d’abord, je m’étonne de vous entendre déplorer le faible rôle des parlementaires quand, par votre amendement, vous détricoteriez cette proposition de résolution de A à Z, lui ôteriez toute sa portée symbolique et sa force, alors même que c’est le Parlement qui est à l’initiative du texte et qu’il décidera seul de sa forme finale. C’est totalement incohérent.
M. Arnaud Le Gall
C’est une résolution !
M. Pierre Cazeneuve
D’autre part, je ne comprends pas la position de La France insoumise sur l’Europe de la défense. Alors que vous êtes opposés à toute forme de tutelle vis-à-vis des États-Unis – vous parlez volontiers du grand méchant allié atlantiste, vous vous en prenez à l’Otan –, il est paradoxal que vous vous opposiez à l’Europe de la défense, qui nous permettrait précisément de sortir de cette tutelle.
Vous êtes à la fois contre l’alliance avec les États-Unis et contre l’Europe de la défense. Vous n’avez cessé d’empêcher la France de se doter des moyens de s’émanciper, de disposer d’une autonomie stratégique et d’être une puissance en Europe. Vous avez par exemple voté contre la loi de programmation militaire : vote par vote, point par point, vous avez refusé tout ce qui permettrait aujourd’hui à la France d’être indépendante vis-à-vis des États-Unis. La France insoumise adopte la même attitude paradoxale lorsqu’elle veut à tout prix taxer les milliardaires français tout en épargnant les milliardaires et les oligarques russes, dont elle refuse de geler les avoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Arnaud Le Gall
Non !
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Sother.
M. Thierry Sother
Nous voterons contre cet amendement, qui va dans le sens inverse de la proposition de résolution. Certes, avec cette rédaction, l’invasion russe de l’Ukraine est condamnée et notre soutien à la résistance ukrainienne affirmé, comme dans la rédaction initiale, mais il n’y est plus exprimé de soutien à l’Europe de la défense. C’est le principal problème, puisque le soutien au plan de réarmement européen constitue un axe fort et que nous devons contribuer à l’émergence d’une politique européenne de la défense. (M. Gérard Leseul applaudit.)
M. Jean-René Cazeneuve
Très bien !
M. Thierry Sother
Bâtir l’Europe de la défense, ce n’est pas provoquer l’escalade, c’est s’engager dans une démarche sur le temps long, nécessaire compte tenu des évolutions géopolitiques. Nous n’en sommes qu’au début, mais si nous ne prenons pas ce chemin, nous ne pourrons jamais construire l’Europe de la défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Ruffin.
M. François Ruffin
Même si je ne voterai pas pour l’amendement de nos collègues de La France insoumise (« Ah » sur divers bancs), je pense qu’il pose une bonne question. La manière de faire ne me convient pas, monsieur le rapporteur. Le texte mélange le court terme et le long terme : il mentionne l’appui à l’Ukraine, les garanties de sécurité, le rappel de l’agression russe, la condamnation des crimes commis, mais aussi l’Europe de la défense et l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, auxquelles nous devrions automatiquement souscrire. Un tel pêle-mêle empêche l’émergence d’un consensus large dans cette assemblée et menace à terme de briser le consensus national.
Je suis plus que jamais favorable au maintien de notre appui militaire à l’Ukraine. Des pourparlers débutent. Les négociations ne doivent pas tourner à la capitulation ; le front ne doit pas être percé ; Odessa ne doit pas tomber. Nous devons faire en sorte que Kiev soit en position de défendre avec fermeté sa souveraineté lors des discussions. C’est plus utile que jamais alors qu’une offre de trêve, de cessez-le-feu, possiblement un plan de paix, sont sur la table, et que les Russes bombardent l’Ukraine et en profitent pour gagner du terrain.
Vous y ajoutez l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne. Aujourd’hui, j’y suis farouchement opposé. L’élargissement est une question sociale et économique et non de solidarité dans un conflit. Compte tenu des salaires dix fois moins élevés et des fermes cent fois plus grandes, la libre circulation des marchandises conduirait notre agriculture et notre industrie au désastre. Les élargissements à l’Est opérés il y a vingt ans ne sont toujours pas digérés ; ils engendrent encore la délocalisation des usines. Nous ne pouvons pas éternellement commettre les mêmes erreurs. Ce serait la garantie de susciter à terme un rejet de l’Europe dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.) D’autres chemins de coopération et d’entraide que le libre-échange – une concurrence libre et complètement faussée – sont possibles. Je regrette que la proposition de résolution confonde les deux questions et mélange les enjeux.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Le groupe Rassemblement national s’abstiendra sur cet amendement. (« Ah » sur les bancs du groupe EPR.)
Mme Laure Miller
Quel courage !
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous, nous sommes cohérents. (Exclamations sur divers bancs.) Je n’ai pas peur : à force de voir notre exemple, la cohérence vous parlera un jour et vous pourrez vous approprier ce mot.
M. Erwan Balanant
Mais qui êtes-vous pour donner des leçons ?
M. Jean-Philippe Tanguy
J’ai une pensée pour Lucie Castets. Je n’ose imaginer ce qu’aurait été un gouvernement de la France avec la coalition de ce tout et n’importe quoi que vous proposez en matière de diplomatie et de défense. Qu’aurait fait un gouvernement NFP soutenu par M. Attal, le groupe Horizons, Les Républicains de M. Wauquiez ? À quoi aurait ressemblé un gouvernement de la France avec une telle coalition ? Ce n’aurait pas été un grand écart, mais un écartèlement total entre les atlantistes roses et le retour des Soviets ! (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.) Qu’aurait fait un gouvernement dirigé par Mme Castets dans des circonstances aussi graves ? Vous êtes toujours dans la critique du Rassemblement national et de ce qui reste du socle commun, mais regardez-vous dans la glace !
Mme Olivia Grégoire
Allez !
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous avez proposé aux Français un gouvernement allant de M. Hollande, totalement soumis aux États-Unis, qui a largué des entreprises françaises aux États-Unis… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés des groupes RN et UDR applaudissent ce dernier.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 52.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 218
Nombre de suffrages exprimés 140
Majorité absolue 71
Pour l’adoption 20
Contre 120
(L’amendement no 52 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Bouyx, pour soutenir l’amendement no 46.
M. Bertrand Bouyx
Chers collègues, vous avez l’occasion de voter de manière éclairée sur le soutien au nouveau train de sanctions, puisque cet amendement tend à préciser les moyens par lesquels la fédération de Russie les contourne.
Je pense aux systèmes alternatifs de paiement, aux transactions en monnaies non occidentales, aux sociétés écran, aux structures offshore, aux transferts de cargaison de pétrole en mer mais aussi à la fameuse flotte fantôme. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
L’amendement rappelle utilement les différentes stratégies déployées par la Russie pour contourner les sanctions, ce qui est de nature à renforcer leur efficacité. Avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Saintoul.
M. Aurélien Saintoul
Dans ce débat, beaucoup de choses sont dites qui n’ont aucun rapport avec la réalité. M. Tanguy a pointé les contradictions au sein du NFP ; Mme Le Pen n’a-t-elle pas expliqué il y a quelque temps que la Russie n’était pas une menace, alors que M. Bardella disait le contraire ?
M. Emeric Salmon
C’est faux !
M. Aurélien Saintoul
Ce genre de contradiction doit être difficile à gérer… Mme Le Pen a dit devant la commission d’enquête que le système bancaire russe était soumis au pouvoir politique russe – on peut en déduire qu’il y avait une forme de bonne volonté de la part du pouvoir russe à l’égard du Rassemblement national –, mais cela, vous l’avez manifestement oublié.
Monsieur Cazeneuve, vous dites que nous déprécions le rôle du Parlement – nous critiquons simplement la Ve République et défendons, depuis quinze ans, une VIe République. Nous avons pris acte du fait que ce que nous faisons ici n’aurait pas de portée effective. Vous vous satisfaites des symboles ; nous, nous pensons que la souveraineté populaire doit plutôt se traduire par des effets. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous sautez sur votre chaise comme un cabri en disant « Europe de la défense », « Europe de la défense », mais vous savez qu’elle ne se fera pas par des incantations. La réalité c’est qu’aujourd’hui, les traités européens organisent la soumission à l’Otan et aux États-Unis. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) La prépondérance des États-Unis est inscrite dans le marbre des traités. Vous avez peut-être l’intention de ne pas les respecter ? Dans ce cas, vous nous emboîterez le pas et vous y désobéirez. Aujourd’hui, aucun des alliés de l’Union européenne n’a posé un acte clair de rupture avec les États-Unis. Les États qui ont commandé des F-35 se retrouveront avec des avions qui ne décolleront pas si les Américains en ont décidé ainsi. C’est votre presse qui le dit, et puisque vous lui prêtez foi, regardez la couverture du Figaro du 10 mars. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Arrêtez de dire des choses qui n’ont aucune espèce de rapport avec la réalité. Il ne suffit pas d’être dans l’incantation pour soutenir réellement l’Ukraine ; il faut proposer des choses. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je poursuis la discussion engagée par notre collègue de La France insoumise. Nous nous demandons si ce n’est pas vous qui baignez dans le surréalisme. Vous avez esquissé une argumentation qui n’est pas dénuée de tout fondement – vous prenez, entre autres, des distances avec la Russie. Sauf que tous vos actes politiques montrent l’inverse ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Lors de la discussion générale, j’ai dit à l’oratrice de votre groupe que ce n’était pas cela, la gauche.
M. Matthias Tavel
Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas !
M. Charles Sitzenstuhl
Justement, je peux le dire parce que je ne suis pas de gauche. J’observe que beaucoup de Français, y compris de gauche, sont très déstabilisés par les positions que vous prenez sur ce sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Votre intervention peut certes être convaincante sur certains points, mais pourquoi votez-vous comme l’extrême droite sur l’Ukraine ?
M. Erwan Balanant
C’est la vraie question que se posent les Français !
M. Charles Sitzenstuhl
Pourquoi, à chaque fois que nous proposons de poser un acte de solidarité vis-à-vis des Ukrainiens, certes symbolique – nous sommes dans la Ve république –, vous ne souhaitez pas vous joindre à nous ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous sommes très déstabilisés par vos positions : nous ne comprenons pas que vous soyez si tendres dans vos actes vis-à-vis d’un régime aussi menaçant que celui de Vladimir Poutine. Réfléchissez-y et apportez-nous des réponses convaincantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
J’étais déjà surpris que l’on ramène le président de la République dans l’hémicycle, c’est maintenant au tour de Mme Castets… Efforçons-nous de laisser nos petites querelles locales à l’écart du débat, chers collègues ! François Ruffin a expliqué qu’il était opposé à la demande d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne parce que le salaire moyen y était de 140 euros – c’est vrai, c’est le revenu de certains de mes amis ukrainiens. Où est la gauche ? Où est la solidarité ? (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Aurélien Saintoul
Il faut arrêter !
M. Frédéric Petit
Voilà un pays qui nous dit : nous avons une armée, une culture interculturelle, une agriculture solide, des mers, des ingénieurs ; nous pouvons apporter des choses à l’Union européenne. L’Ukraine nous demande de l’aider, comme nous avons aidé la Pologne et les Pays baltes, qui ont maintenant rattrapé la moyenne européenne. Et nous lui répondrions : non, pas de solidarité ; vous gagnez trop peu d’argent et cela pourrait déstabiliser notre petit confort ? Où est la gauche ?
M. Arnaud Le Gall
Cela suffit !
M. Matthias Tavel
La gauche, ce ne sont pas les délocalisations !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 46.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 211
Nombre de suffrages exprimés 205
Majorité absolue 103
Pour l’adoption 204
Contre 1
(L’amendement no 46 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 2.
M. Charles Sitzenstuhl
Il vise à modifier la rédaction de l’alinéa 35 pour prendre en compte les dernières évolutions de la position américaine – au moment où vous avez déposé le texte, monsieur le rapporteur, les États-Unis n’avaient pas encore fait preuve d’une telle brutalité. Mais sans doute faudrait-il encore sous-amender pour actualiser le texte.
C’est l’occasion d’évoquer l’évolution de la position de Washington vis-à-vis de l’Europe. Il est légitime de continuer à discuter avec les États-Unis, ne serait-ce que parce que, pour le moment, nous sommes avec eux dans une alliance militaire, l’Alliance atlantique, et que les États-Unis sont un acteur incontournable du conflit. Néanmoins, l’administration Trump est devenue hostile à l’Europe, pas seulement dans les mots, dans les actes aussi. Ce revirement devrait tous nous alerter.
Tout à l’heure, l’orateur du groupe RN s’est interrogé sur ce qu’aurait donné un gouvernement Castets. Mais qu’aurait donné un gouvernement Le Pen-Bardella ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Erwan Balanant applaudit également.) Nous avons la réponse : vous auriez couru tout de suite au Kremlin. (Mêmes mouvements. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.) C’est la vérité ! C’est d’ailleurs ce qu’a fait le président de votre parti, il y a quelques jours, en se joignant, en février, au rassemblement du mouvement conservateur. Il est légitime que le chef de l’État discute avec le président des États-Unis, mais on peut se demander pourquoi le président d’un parti d’opposition a eu besoin d’accourir auprès de l’extrême droite américaine ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Emeric Salmon
Ce n’était pas clair !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
L’amendement a été repoussé ce matin par la commission. De plus, il n’est plus guère à jour, compte tenu des derniers développements de l’actualité. Enfin, le rapprochement bilatéral entre les États-Unis et la Russie est évoqué un peu plus loin. C’est pourquoi je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
Mme la présidente
Maintenez-vous votre amendement, monsieur Sitzenstuhl ?
M. Charles Sitzenstuhl
Je le retire.
Mme Delphine Batho
Je le reprends !
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
M. Emeric Salmon
Il n’y a pas de nouvelle discussion quand l’amendement est repris !
Mme Delphine Batho
On ne peut pas écrire dans cette résolution : « Considérant que des négociations de paix sont actuellement souhaitées par le gouvernement des États-Unis d’Amérique dont le président a annoncé vouloir mettre fin au conflit dans les plus brefs délais » – comme si nous étions au garde-à-vous devant les desiderata de Donald Trump. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Après le discours de Munich, après le vote avec la Russie à l’ONU, après le savon passé à Zelensky dans le Bureau ovale, il est temps d’admettre qu’il s’agit d’un renversement d’alliance.
M. Erwan Balanant
Exactement !
Mme Delphine Batho
Cet alinéa 35 doit donc, au minimum, être réécrit comme le propose notre collègue. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
On m’a fort justement fait remarquer que je ne devais pas vous donner la parole, s’agissant d’un amendement repris. Ce n’est pas grave, vous avez pu vous exprimer.
M. Fabien Di Filippo
On ne pleure pas sur le lait renversé !
(L’amendement no 2 est adopté.)
M. Jean-Philippe Tanguy
Ah, vraiment, bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 20.
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Il répondait au précédent, ce qui tombe bien. Il s’agit en effet d’introduire le rapprochement diplomatique entre les États-Unis et la Russie. Il aurait donc été suffisant mais la redite est inhérente au monde diplomatique et ce qui s’énonce plusieurs fois se comprend parfois mieux.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Avis favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Monsieur Sitzenstuhl, vous êtes un proche de M. Le Maire,…
M. Fabien Di Filippo
C’est même son fils spirituel !
M. Matthias Tavel
…ministre des affaires européennes dans le gouvernement qui, en 2008, a ramené la France dans le commandement intégré de l’Otan : vous pourriez au moins avoir le souci de la décence et de la cohérence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Vous découvrez que Donald Trump n’est pas l’ami des Européens, mais pardon : l’Otan et l’administration Biden précédente ne défendaient rien d’autre que les intérêts des Américains, certainement pas les intérêts des Européens et encore moins des Français. (Mêmes mouvements.) C’est bien pourquoi le général de Gaulle avait choisi depuis longtemps d’être indépendant.
M. Thibault Bazin
Vous avez de bonnes références !
M. Matthias Tavel
Vous semblez découvrir cette situation. Avec M. Macron, c’était tapis rouge pour Poutine à Versailles et pour Trump lors de l’inauguration de Notre-Dame il y a seulement quelques semaines. (Mêmes mouvements.) Avec vous comme avec le Rassemblement national, c’est donc et Trump et Poutine. Avec nous, c’est ni Trump ni Poutine. (Mêmes mouvements.) C’est l’indépendance de la France que nous défendons, alors que vous la défendez bien mal : si vous voulez vraiment une défense indépendante, avant même de parler de défense européenne, qu’attendez-vous pour nationaliser Vencorex ? (Mêmes mouvements.) Parler de défense européenne quand on n’est même pas capable de défendre l’industrie stratégique nationale des Français, c’est quand même fort de café !
De la même façon, si on veut une France forte, capable d’incarner une voix de la paix non alignée, donc indépendante, il faut être capable d’assurer la cohésion du peuple français. Ce ne sont certainement pas les provocations macronistes de M. Dufourcq ou de M. Cette, qui veulent que les pensions des Français servent à payer des canons,…
M. Erwan Balanant
Qui a dit cela ?
M. Matthias Tavel
…ni la remise en cause toujours plus grande des acquis sociaux pour payer l’économie de guerre (Mêmes mouvements),…
M. Erwan Balanant
Mais qui le dit ? Personne !
M. Matthias Tavel
…qui vont donner au peuple français une parole indépendante et forte sur la scène internationale – parole à laquelle nous sommes profondément attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Erwan Balanant
Si on veut un débat, il faut se baser sur des vérités !
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Je remercie notre collègue du groupe La France insoumise d’avoir rappelé que certaines mesures se décident bien au Parlement. Nationaliser ou proposer des évolutions de l’industrie de l’armement relève de décisions qui se prennent ici – nous sommes d’accord. Nous attendons vos propositions de loi en la matière…
M. Matthias Tavel
Elles sont prêtes !
M. Arnaud Le Gall
Encore faut-il qu’elles soient mises à l’ordre du jour !
M. Frédéric Petit
Nous attendions donc votre vote positif sur la loi de programmation militaire qui l’intégrait, mais vous avez voté contre !
Ma deuxième remarque concerne le volet climatique. Je veux partager avec vous un souvenir qui m’avait beaucoup frappé. Entre 2014 et 2022, l’un des leviers dont l’Ukraine disposait pour porter au niveau des instances internationales le conflit et la guerre qui se déroulaient déjà sur son sol était le forum économique et environnemental de l’OSCE – en effet, la Russie étant membre de l’Organisation, on ne pouvait pas évoquer le conflit au sein du conseil permanent. L’Ukraine y exposait les risques environnementaux autour de Donetsk, liés notamment au bombardement de la centrale de traitement des eaux. C’est pourquoi, même si les préoccupations environnementales sont vécues différemment lorsque son territoire est attaqué, le souci de l’environnement est une dimension qui peut être intégrée à une stratégie de défense.
(L’amendement no 20 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 64 qui fait l’objet du sous-amendement no 72.
M. Charles Sitzenstuhl
Nous souhaitons rappeler que, le 7 mars dernier, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé qu’il souhaitait la paix. Il ne s’agit pas simplement d’une mise à jour sémantique du texte de la résolution, mais d’un rappel politique très fort. En effet, le débat public français sur l’Ukraine est en train de dériver depuis quelques jours. Nous entendons dans une partie de la presse et au sein de forces politiques – à l’extrême droite, pour être très clair – que les responsables de la guerre seraient en réalité les Ukrainiens,…
M. Emeric Salmon
Qui a dit cela ?
M. Charles Sitzenstuhl
…lesquels seraient eux-mêmes les va-t-en-guerre. Nous devons absolument rétablir la vérité dans notre débat de ce jour. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Ce sont les éléments de langage du Rassemblement national, des amis de M. Zemmour, des médias et des éditorialistes qui les soutiennent : il y aurait, dans cet hémicycle même, au sein du Parlement européen et en Ukraine, des va-t-en-guerre. Or les seuls va-t-en-guerre qui existent sont au Kremlin, à Moscou. Ce sont vos amis, que vous avez soutenus pendant des décennies et qui vous ont en partie financés – la commission d’enquête que vous avez présidée l’a prouvé. (M. Jean-Philippe Tanguy s’exclame.) Nous devons donc rappeler que l’agresseur est la Russie, que l’agressé est l’Ukraine et que nous défendons ici le sort des Ukrainiens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme Manon Bouquin
Vous mentez !
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 72.
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Il vise à prendre également en considération la réunion qui a eu lieu hier en Arabie Saoudite, en insérant donc la date du 11 mars.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Avis favorable à l’amendement ainsi sous-amendé.
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian.
M. Marc de Fleurian
Votre intervention, monsieur Sitzenstuhl, me permet de préciser mon propos. Quand je dis que vous êtes des va-t-en-guerre, je parle de la guerre totale. Dans une telle guerre, on mobilise toutes les forces d’une nation jusqu’à l’épuisement de l’un ou de l’autre camp. Or ce que vous proposez à l’Ukraine – et c’est cela qu’on vous reproche – c’est de rétablir sa souveraineté et sa liberté par une guerre totale que l’Ukraine ne peut pas gagner, ne serait-ce que d’un point de vue démographique.
Vous pouvez leur fournir tous les missiles, tous les chars, toute la cyberdéfense et tout le renseignement que vous voulez : les Ukrainiens ne pourront pas gagner une guerre totale contre les Russes, à moins que vous ne vouliez engager le peuple français et les peuples des nations d’Europe pour inverser le rapport de force démographique contre les Russes. C’est très simple. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Charles Sitzenstuhl
Vous auriez mieux fait de vous taire !
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
C’est une inversion totale des valeurs : qui mène une guerre totale, brutale et massive depuis maintenant plus de trois ans ?
M. Jean-Philippe Tanguy
Ce n’est pas ce qu’il a dit !
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
C’est la Russie de Vladimir Poutine, que vous avez soutenue (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – Mme Ayda Hadizadeh applaudit également), vous opposant à tous les paquets de sanctions votés par cette assemblée et par le Parlement européen. Qui a refusé le soutien à la résistance ukrainienne ? Le Rassemblement national. Ne venez pas, sous couvert de la paix, nous expliquer que si nous avions cessé de soutenir à l’Ukraine, nous serions arrivés à la paix. Au contraire, l’Ukraine aurait été écrasée par la Russie de Vladimir Poutine et la guerre se déroulerait aujourd’hui probablement sur le territoire de l’Union européenne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) N’inversons pas les valeurs, rappelons que dans cette guerre, l’agresseur est la Russie de Vladimir Poutine et l’agressé, l’Ukraine, et que nous soutenons la résistance ukrainienne.
M. Erwan Balanant
C’est la résistance totale, pas la guerre totale !
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Chers collègues du groupe Rassemblement national, vous faites peu de cas de l’état-major ukrainien : c’est lui qui décide de la guerre qu’il fait. Il faut rendre hommage à l’armée ukrainienne dans son ensemble, mais aussi et en particulier à son état-major qui compte d’ailleurs de nombreuses femmes – plus que chez nous. En aucun cas, il ne nous appartient de dire à l’Ukraine la guerre qu’il faut faire.
Mme Ayda Hadizadeh
Bien sûr, ils résistent !
M. Frédéric Petit
Puisque vous êtes un ancien militaire, monsieur de Fleurian, je veux parler d’une chose que j’ai vue dans les formations communes que nous avons menées avec l’armée ukrainienne : c’est la tactique russe du « hachoir à viande ». Petit à petit, depuis 2014 et les crises du Donbass, les Ukrainiens ont appris à dépasser cette tactique pour cultiver le respect de la vie de chaque soldat, au contraire des Russes. Ceux-ci, s’ils disposent d’un bataillon d’infanterie de 150 hommes alors que l’autre camp n’en compte que 100, considèrent que si autant de soldats sont tués de chaque côté, ils gagneront car il leur en restera 50.
Les armées ukrainiennes, grâce à cette fraternité d’armes qui se construit dans ces formations, commencent à évoluer différemment et y parviennent, notamment par le décrochage – vous êtes un expert et connaissez tout cela mieux que moi. La guerre totale, comme vient de le dire le président de la commission des affaires européennes, est donc du côté russe. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et EPR.)
M. Jean-Michel Jacques
Exactement !
Mme la présidente
La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain
Je voudrais faire remarquer aux bancs de l’extrême droite ce point tout à fait fascinant : nous aurions pu penser qu’en quelques mois ou quelques semaines, l’armée russe allait écraser les Ukrainiens ; en réalité, trois ans plus tard, il n’y a pas de victoire militaire. Le fait absolument marquant, c’est à la fois l’énergie considérable des dominés, des agressés à se défendre et notre aide qui a permis aux Ukrainiens de tenir. Vous ne pouvez donc pas raconter n’importe quoi.
M. Erwan Balanant
Exactement !
Mme Clémentine Autain
Pour ce qui est de cet amendement, je trouve un peu étrange de vouloir préciser et écrire noir sur blanc que Volodymyr Zelensky veut la paix : les Ukrainiens ont été agressés, ils n’ont rien demandé, ce n’est pas eux qui ont voulu la guerre.
Enfin, si nous parlons des va-t-en-guerre, considérons tous les va-t-en-guerre. Quand nous disons, sur tous les bancs de la gauche, ni Poutine ni Trump, c’est que nous ne sommes pas aveugles au fait que l’idéologie défendue par Donald Trump, son ambition impérialiste, sa volonté de prédation sur le Groenland et le Canada, cette prétendue paix qui n’est rien d’autre qu’un désir de se partager le monde selon la loi du plus fort, constituent une logique de guerre, certainement pas une logique de paix. Ne soyons pas aveugles !
Donc, ni esprit munichois ni engrenage guerrier ! Et pour qu’il n’y ait pas d’engrenage guerrier, il faut être lucide à l’égard de ceux qui ne peuvent plus être nos alliés. Je ne partage pas le terme d’alliés que M. Sitzenstuhl a utilisé il y a un instant à propos des États-Unis. Peut-on affirmer sérieusement que les États-Unis de Donald Trump peuvent être nos alliés dans la bataille pour notre vision du monde et pour les principes du droit international ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
(Le sous-amendement no 72 est adopté.)
(L’amendement no 64, sous-amendé, est adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 66, je suis saisie par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d’une demande de scrutin public.
Sur l’amendement no 8, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir les amendements nos 23 et 24, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée, ce dernier faisant l’objet du sous-amendement no 70.
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Ces deux amendements, ainsi que le sous-amendement de M. Castellani, constituent trois mises à jour car les événements se sont précipités pendant que nous préparions l’examen de la proposition de résolution. L’amendement no 23 vise à rendre compte des propos tenus par M. Zelensky le 4 mars 2025, l’amendement no 24, de l’évolution des négociations entre les présidents américain et ukrainien, et le sous-amendement no 70 – auquel je suis favorable – tend à y mentionner les événements du 11 mars.
(L’amendement no 23, accepté par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
Le sous-amendement no 70 de M. Michel Castellani est défendu.
(Le sous-amendement no 70, accepté par le gouvernement, est adopté.)
(L’amendement no 24, sous-amendé, accepté par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 66.
M. Charles Sitzenstuhl
Il vise à rappeler que la construction européenne est un projet de paix. J’en profite pour répondre à Mme Autain : si j’ai déposé cet amendement ainsi que l’amendement no 64, qui tendait à rappeler que le président Zelensky veut la paix, c’est parce que le débat sur ces questions en France est en train de dériver.
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Il a raison !
M. Charles Sitzenstuhl
Depuis quelques jours, des forces politiques, médiatiques ou intellectuelles affirment que l’Ukraine a déclenché la guerre, que Zelensky est va-t-en-guerre et que l’Union européenne veut la guerre avec la Russie.
Mme Ayda Hadizadeh
C’est l’empire Bolloré !
M. Charles Sitzenstuhl
Cela montre que le débat public relatif à l’Ukraine ne se déroule pas dans de bonnes conditions. Il faut faire preuve d’une grande vigilance. C’est pourquoi j’ai souhaité faire ces rappels. J’ai repris les mots prononcés par le président Zelensky – il a dit « vouloir la paix dès que possible » – et rappelé que la construction européenne est un projet de paix.
Moi qui suis député d’Alsace, je comprends bien pourquoi l’Union européenne a été construite. L’Alsace a subi pendant cent cinquante ans les rivalités des États, les dégâts du nationalisme, les millions de morts et les destructions qu’il a causés. Comme de nombreux Alsaciens, je suis donc attaché à la construction européenne, d’abord parce qu’il s’agit d’un projet de paix et de coopération entre les nations. Tel est l’objet de mon amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
La commission est favorable à l’amendement. À titre personnel, par rapport à la proposition de résolution, j’y suis défavorable, même si je m’associe aux propos que vient de tenir M. Sitzenstuhl.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
Le problème, c’est que vous soyez obligé de rappeler que l’Union européenne est un projet de paix. Si le rappel est nécessaire,…
M. Emeric Salmon
C’est parce que ce n’est pas clair !
M. Jean-Paul Lecoq
…c’est peut-être parce que l’histoire ne s’est pas déroulée ainsi.
M. Matthias Tavel
Absolument !
M. Jean-Paul Lecoq
À l’origine, les citoyens européens avaient accepté l’idée d’une construction européenne fondée sur la paix ; en cela, je partage votre analyse. Certains responsables, peut-être, voulaient surtout y voir le marché unique ou la libre circulation des capitaux, mais l’adhésion des citoyens, elle, reposait sur la paix. Si vous êtes obligé de l’inscrire dans le texte, c’est parce qu’à notre époque, l’Union européenne n’est plus synonyme de paix. (Mme Ségolène Amiot et MM. Arnaud Le Gall et Matthias Tavel applaudissent.)
M. Charles Sitzenstuhl
Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Paul Lecoq
Si elle l’était, vous n’auriez pas besoin de l’écrire : ce serait évident car elle serait associée à la paix dans les esprits, comme à son origine. L’amendement n’a donc pas sa place dans le texte. Il vise à faire apparaître votre projet européen comme un projet de paix ; pourtant, dépenser 800 milliards d’euros pour financer le surarmement de l’Europe ne fait pas vraiment penser à la paix ! Les diverses déclarations récentes, y compris celles qu’a faites le président de la République la semaine dernière pour inquiéter les Français, ne font pas penser à la paix ! Voilà pourquoi vous vous sentez obligé d’ajouter cette phrase.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je suis très déstabilisé par ce que je viens d’entendre.
M. Jean-Paul Lecoq
Oh !
M. Charles Sitzenstuhl
Je ne peux pas laisser passer vos propos selon lesquels l’Union européenne n’est pas synonyme de paix. Le projet européen est un projet de paix !
M. Jean-Paul Lecoq
Il devrait !
M. Charles Sitzenstuhl
Les autres continents du monde le savent et c’est précisément ce qui pose un problème aux dictateurs, aux despotes – en particulier à M. Poutine –, et peut-être au régime qui se prépare aux États-Unis. Quelle guerre l’Union européenne a-t-elle jamais engagée ? Quel conflit a-t-elle jamais lancé ? (Mme Sophia Chikirou s’exclame.) Aucun ; au contraire, les institutions européennes – je ne parle pas des États membres – sont profondément pacifiques. Elles sont profondément attachées au respect de l’État de droit, au respect des droits fondamentaux et des droits humains. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Matthias Tavel
C’est ça…
M. Charles Sitzenstuhl
Si nous devons, hélas, nous réarmer, c’est parce que nous sommes menacés sur le flanc Est. C’est parce que le pouvoir russe, au terme d’une dérive entamée il y a des années, ne se contente plus de rhétorique belliciste mais déclenche des guerres. Il veut s’en prendre à nous, à certains États membres qui sont nos amis et nos frères et qui se retrouveront dans son viseur après l’Ukraine. Je ne veux donc pas laisser passer vos propos sans réagir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Je crois important de réaffirmer que la construction européenne est une construction de paix. Au cours du débat, il nous a été rappelé que l’histoire de l’Union européenne datait d’avant sa création ; elle inclut les écrits de Victor Hugo pour défendre les États-Unis d’Europe, elle est aussi marquée par l’après-guerre et la reconstruction d’un continent détruit. L’Union européenne incarne l’espoir que les pays européens ne se feront plus jamais la guerre entre eux.
C’est ce que l’amendement vise à rappeler : la raison profonde pour laquelle les peuples européens ont accepté l’Europe, c’est pour faire la paix. C’est le devoir de l’Union européenne que de rester un espace de paix et de défendre cet idéal au niveau européen. Oui, nous sommes parfois déçus ; oui, il est vrai que l’Union européenne ne s’est pas toujours montrée à la hauteur. Face à la crise que connaissait la Grèce, elle n’a pas été à la hauteur ; lorsqu’elle se contente d’être un espace d’échange de marchandises, elle n’est pas à la hauteur.
M. Matthias Tavel
En effet !
Mme Cyrielle Chatelain
C’est précisément pour cela qu’il faut inscrire cette phrase dans le texte : nous devons nous rappeler que l’Union européenne, pour devenir l’Europe des peuples européens, peut et doit être bien plus qu’une structure commerciale. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et EPR.)
M. Matthias Tavel
Elle ne doit pas favoriser la guerre économique ni la guerre sociale !
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Le Gall.
M. Arnaud Le Gall
Il existe entre nous un désaccord fondamental sur ce point. Vous vivez dans l’idée que l’Union européenne aurait par elle-même, intrinsèquement, fait advenir la paix, mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Après la seconde guerre mondiale, la situation géopolitique était telle que les deux superpuissances, dans des conditions très discutables, ont imposé l’absence de guerre. Ce n’est pas la même chose.
En conséquence, on s’est abrité derrière un parapluie, on a vendu du rêve, on s’est intoxiqué soi-même… Je dis « on », mais je pense surtout aux partisans de cette Union européenne-là. Désormais, ils se trouvent complètement perdus, sans boussole géopolitique, sans capacité et sans puissance, et se lancent sans aucune préparation dans une économie de guerre complètement improbable. Ils s’apprêtent à acheter des armes à quelqu’un qui, si cela lui chante, pourra les débrancher depuis l’autre côté de l’Atlantique. Il faut arrêter de se mentir : en se racontant des fables, on ne prépare pas l’avenir.
J’en viens au Rassemblement national. Vous nous donnez des leçons sur ce qu’aurait été un gouvernement Lucie Castets, mais enfin, quand Bardella hésite et doit attendre qu’il y ait un salut nazi pour quitter une conférence de fascistes à Washington, on voit bien ce qu’aurait donné un gouvernement qu’il aurait dirigé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.) Pour le savoir, il suffit de regarder le chemin que suit Meloni. Comme le pouvoir en place à Washington vous plaît – vous avez même dit à la radio l’autre jour que Biden vous dérangeait mais pas Trump –, vous êtes redevenus atlantistes ! Jean-Marie Le Pen le disait dans les années quatre-vingt : « Je suis le Reagan français. » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) On voit très bien quelle voie vous suivrez – il suffit de regarder ce que fait Meloni en Italie : vous serez à la remorque de Trump et de Poutine. Nous, c’est l’indépendance absolue. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Je suis quelqu’un de concret. Je ne me raconte pas de fables, je rappelle simplement des événements historiques.
Quand l’Union européenne a été créée, la Sarre était française. La Sarre, ce n’était pas le Donbass, mais cela chauffait quand même. Elle est restée française, en conflit, pendant quinze ans. Si nous avons pu sortir de cette situation sans refaire la guerre, c’est parce que nous faisions déjà partie des instances européennes.
M. Bastien Lachaud
La Sarre a été rattachée à l’Allemagne en janvier 1957, soit avant la création de la CEE !
M. Frédéric Petit
Je rappelle aussi que si la guerre à la frontière irlandaise s’est arrêtée un jour, c’est parce que les belligérants se sont trouvés du même côté. Quand y a-t-il eu de nouveau des morts à la frontière irlandaise ? Six mois après le Brexit. Voilà ce qu’il faut dire.
Je rappellerai enfin deux faits historiques peu connus, qui concernent ma circonscription des Français de l’étranger. Je considère qu’il y a des proto-Unions européennes : la construction européenne que nous connaissons est peut-être la plus aboutie, la moins imparfaite, mais il y en a eu d’autres dans l’histoire. Je pense d’abord à la république de Voïvodine, dans laquelle de nombreux Serbes, fuyant devant les Turcs, ont trouvé refuge sans devoir faire la guerre. Je pense surtout à la plus belle proto-Union, qui s’est appelée république des Deux Nations – peut-être l’Union européenne est-elle, au fond, la république des vingt-sept nations. Pendant plusieurs siècles, cet État s’étendant de la mer Baltique à la mer Noire, composée de terres de Lituanie, de Pologne, du Bélarus ou encore d’Ukraine, où coexistaient quatre religions et cinq ou six langues, a vécu en paix avec une capitale commune et des administrations croisées.
De telles expériences forment l’identité européenne : nous avons beau être différents, nous pouvons travailler avec ceux que tout porterait à être nos ennemis. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Sother.
M. Thierry Sother
L’Europe s’est effectivement construite autour de la notion de paix. À Strasbourg d’où je viens, cela est essentiel. De chez moi, je vois le Rhin, ce fleuve de sang devenu un fleuve de paix entre la France et l’Allemagne. La politique européenne n’est pas parfaite, c’est vrai, et nous pouvons tous reconnaître qu’il y a des dérives, mais la construction européenne s’est bien faite sur la paix. Nous devons l’affirmer et le réaffirmer. Cela fait partie de l’ADN de l’Europe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Frédéric Petit applaudit également.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 66.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 221
Nombre de suffrages exprimés 122
Majorité absolue 62
Pour l’adoption 121
Contre 1
(L’amendement no 66 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian, pour soutenir l’amendement no 8.
M. Marc de Fleurian
Il tend à supprimer les mots « notamment dans les scrutins moldave, géorgien et roumain », à la fin de l’alinéa 48.
Nous condamnons toute ingérence par principe, quelle que soit sa provenance, car elle va à l’encontre de la souveraineté des États. Nous ne devons pas nous voiler la face et imaginer que les seules ingérences en Europe sont le fait de la Russie. La France, par exemple, connaît également des ingérences américaines ou chinoises. Il est d’ailleurs fréquent de voir d’anciens députés siéger dans des conseils d’administration,…
M. Charles Sitzenstuhl
Thierry Mariani, par exemple, eurodéputé du Rassemblement national !
Plusieurs députés du groupe RN
Et Castaner !
M. Marc de Fleurian
…voire d’anciens premiers ministres prendre la parole pour se faire le relais d’intérêts étrangers. Les ingérences peuvent venir de partout. Il ne faut pas croire que les Russes sont les méchants et tous les autres les gentils. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
La commission est favorable à l’amendement. Pour ma part, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée nationale.
L’alinéa 48, dans sa rédaction actuelle, condamne les ingérences russes dans le processus démocratique de l’Union européenne et dans ceux de son voisinage. Nous avons précisé « notamment dans les scrutins moldave, géorgien et roumain ». Même sans cette mention spécifique, ces trois pays sont déjà couverts par l’alinéa.
Je précise qu’il ne s’agit pas ici simplement d’influence étrangère, mais bien d’opérations d’ingérence directe, c’est-à-dire technique, par exemple informatique. L’ingérence consiste pour un État à s’immiscer directement dans la politique intérieure d’un autre État. Je comprends ce qu’a voulu dire M. de Fleurian, mais l’alinéa ne vise pas les proxys qui relaieraient l’influence d’une puissance étrangère par leur position au sein d’un conseil d’administration ; nous parlons d’ingérence technique.
Pour reprendre l’exemple donné par M. Chenu dans l’exposé sommaire de l’amendement, les autorités roumaines parlent d’ingérence russe notamment en matière cyber. Nous pouvons donc faire confiance à notre partenaire roumain lorsqu’il dénonce des ingérences russes sur son territoire. En ce qui concerne l’élection présidentielle roumaine, les investigations sont cependant toujours en cours. Je souhaite néanmoins préciser que le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) a produit une analyse détaillée des accusations portant justement sur l’élection présidentielle en Roumanie et a présenté notamment le détournement de l’algorithme de recommandation de TikTok pour augmenter très nettement la popularité du candidat Georgescu. Certes, le commanditaire n’est pas encore précisé directement par les autorités roumaines mais, vous en conviendrez, il s’agit d’opérations complexes qui nécessitent des moyens très importants. Par ailleurs, je vous rappelle que le candidat était, de manière très claire, pro-russe.
Néanmoins, comme nous n’avons pas récupéré les preuves d’investigation des résultats de ces enquêtes, je vous renvoie à votre conscience quant à la décision que vous prendrez. Dans le cas présent, n’ayant pas les preuves, même si j’ai accusé, je ne peux pas condamner ; cela étant, les suspicions sont quand même très fortes.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Je ne voudrais pas qu’en retirant trois exemples qui illustrent la nécessité de faire preuve de vigilance à l’égard des ingérences étrangères et en particulier des ingérences russes, nous montrions de la faiblesse, une forme de naïveté ou de fausse naïveté, en considérant que les Russes ne sont pas les seuls à intervenir. En l’occurrence, un certain nombre d’éléments sont parfaitement documentés.
Je compléterai le propos du rapporteur qui ne pouvait pas disposer de l’ensemble des informations. Plusieurs documents ont été déclassifiés en Roumanie au mois de décembre.
M. Jean-Philippe Tanguy
Ce n’est pas l’amendement !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Alors que nous arrivons au terme de l’enquête, il ne fait plus de doute qu’effectivement, les commanditaires, qui ont agi par le biais de l’intervention du Parti libéral national, étaient bien d’origine russe.
Hier, la présidente moldave, en visite officielle en France, a attesté elle-même que son administration avait clairement identifié l’intervention d’opérateurs russes dans le processus électoral de son pays.
De la même façon, s’agissant de la Géorgie, le rapport de l’OSCE est implacable. Je ne crois donc pas qu’il faille hésiter ou faire semblant d’hésiter pour identifier des exemples d’une guerre hybride qui est bien conduite par la fédération de Russie et à laquelle nous nous efforçons de résister.
L’avis du gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Sacha Houlié.
M. Sacha Houlié
Monsieur le rapporteur, l’avis que vous avez donné, selon lequel vous vous en remettez à la sagesse de l’Assemblée, est parfaitement incompréhensible en ces circonstances. En effet, l’amendement du groupe Rassemblement national est signé et il méprise les faits.
Les faits sont notamment exposés dans un rapport des services de renseignement qui établit, au terme de seize pages, les méthodes utilisées par la Russie pour truquer le scrutin moldave. Pour la Roumanie, le rapport de Viginum établit clairement – à la page 10, pour ceux qui seraient intéressés – l’origine russe des manipulations caractéristiques et réitérées en matière de trafic de réseaux sociaux, d’utilisation des plateformes pour manipuler l’opinion, comme la Russie a l’habitude de le faire. En Géorgie, les observateurs du Parlement européen ont dénoncé des bourrages d’urnes, des avantages financiers et l’achat de voix. Ces faits sont volontairement dissimulés par le groupe Rassemblement national – c’est pour cela qu’il souhaite retirer du texte la mention de ces trois exemples. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
Constance Le Grip, rapporteure de la commission d’enquête sur les ingérences étrangères en France, l’a établi dans son rapport : le Rassemblement national est la courroie de transmission de la Russie en France. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC et EcoS. – Protestations sur quelques bancs des groupes RN et UDR.) C’est un travail du Parlement français corroboré par la délégation parlementaire au renseignement (DPR). Il y a des adversaires de la République, des gens qui collaborent avec la Russie de Vladimir Poutine. Ce parti, c’est le Rassemblement national. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR, LIOT et GDR. – Protestations sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Je vais dans le sens de ce que vient de dire Sacha Houlié : monsieur le rapporteur, il est absolument incompréhensible que vous vous en remettiez à la sagesse de l’Assemblée. L’amendement déposé par le groupe Rassemblement national est un amendement de soumission à une puissance étrangère. (Protestations sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Thibault Bazin
Il y a les Insoumis et les soumis ! (Sourires.)
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Il tend à exonérer la Russie des tentatives de déstabilisation et d’ingérence qu’elle mène contre trois pays qui se battent pour leur liberté, leur souveraineté et leur indépendance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Protestations sur les bancs du groupe RN.) Il vise à exonérer le Rassemblement national de la guerre sournoise, hybride, mesquine, totale, que la Russie mène contre notre démocratie. La guerre qu’elle mène contre l’Ukraine est aussi une guerre contre l’Europe et ses valeurs. Étant donné les tentatives de déstabilisation, d’intimidation, d’attaques cyber qu’elle mène contre l’ensemble des démocraties européennes et contre la France, nous devrions tous nous élever contre ce genre d’amendements et dénoncer avec la plus grande fermeté cet amendement de trahison nationale déposé par le groupe Rassemblement national. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe EPR. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Iordanoff.
M. Jérémie Iordanoff
J’irai dans le sens des trois dernières interventions. Nous pouvons nous demander si l’amendement no 8 ne constitue pas en lui-même une ingérence russe. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) On ne peut pas fermer les yeux sur ce qui se passe, sur la tentative de déstabilisation par les Russes de la démocratie européenne. Si la Moldavie, la Géorgie et la Roumanie sont mentionnées, c’est précisément parce que s’y sont produits des faits qui ont été prouvés – cela a été rappelé par le ministre et par M. Houlié. Dans ces pays, il s’agit bien d’ingérences de la Russie qui déstabilise les processus démocratiques autour de l’Ukraine.
Je ne comprends pas moi non plus la position du rapporteur : il faut être très ferme et très précis et non fermer les yeux car il s’agit d’une question de souveraineté.
Enfin, je ne comprends pas : le Rassemblement national nous parle du soir au matin de souveraineté, mais, pour lui, quand il s’agit d’une ingérence russe ou américaine, il n’y a plus de souveraineté du tout. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Colombier. (Le micro de l’oratrice ne fonctionne pas.)
M. Jean-Paul Lecoq
C’est une ingérence russe ! (Sourires.)
M. Thibault Bazin
Ou chinoise ! (Sourires.)
Mme la présidente
Je n’y suis pour rien ! (Sourires.)
Mme Caroline Colombier
Je suis extrêmement étonnée, choquée, par ce que je viens d’entendre de la bouche de M. Sacha Houlié – nous nous connaissons parce que nous étions ensemble à la dernière réunion de la DPR, ainsi que Mme Le Grip. Vous êtes en train de dire que les renseignements que vous avez proviennent directement de la délégation parlementaire au renseignement qui, si je ne m’abuse – et j’en fais partie – est tenue par le secret. C’est un scandale total. (Mme Olivia Grégoire s’exclame.) Vous savez très bien que vous avez écrit des choses absolument fausses dans votre rapport. En outre, vous venez de dire à l’instant que vous avez eu ces informations par la DPR. J’en prends note et j’en parlerai. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Rappels au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Philippe Tanguy
Mon intervention se fonde sur l’article 70, alinéa 2. Nous avons été très gravement mis en cause. (Protestations sur les bancs des groupes EPR et SOC.) Vous savez, votre surenchère permanente dans les insultes et la diffamation ne nous fera jamais peur. Nous ne baissons pas les yeux devant vous. Ce qui a été dit est très grave. C’est très grave pour la vérité. (Protestations sur les bancs du groupe EPR.) Si vous aviez un tout petit peu de courage, vous auriez porté plainte, car il y a plein de dispositions dans le code pénal pour lutter contre les ingérences. Pourtant, vous ne faites rien contre le Rassemblement national : vous beuglez, vous insultez, vous diffamez, mais vous ne saisissez jamais la justice, parce qu’il n’y a pas de faits. Tout cela est vide. Moi, j’ai saisi le procureur trois fois pour des ingérences étrangères ; vous zéro. Moi, quand je parle, c’est sérieux (Rires et exclamations sur les bancs des groupes EPR, SOC et LIOT), tandis que vous, quand vous parlez, ce ne sont que des délires ; c’est n’importe quoi. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Protestations sur les bancs des groupes EPR et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Cazeneuve
Je me fonde également sur article 70, alinéa 3. Je m’exprimerai de manière claire et rapide. Pour faire un rappel au règlement pour une mise en cause personnelle, il faut qu’il y ait eu une mise en cause personnelle.
M. Aurélien Lopez-Liguori
Castaner, agent du Parti communiste chinois !
M. Pierre Cazeneuve
À chaque fois que nous tenons un propos politique à l’égard de ce que pense le Rassemblement national (Protestations sur les bancs du groupe RN) – et vous avez disposé d’un long moment pour dire ce que vous pensez –, il y a un rappel au règlement de M. Tanguy. Ce n’est pas acceptable. Quand on vous accuse d’être soumis à Vladimir Poutine, ce n’est pas une attaque personnelle, mais l’expression de la réalité, de ce que pense et de ce que défend votre groupe politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Caroline Parmentier
Ce n’est pas un rappel au règlement !
Article unique (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Lachaud. (Brouhaha.)
Seul M. Lachaud a la parole, et j’aimerais pouvoir l’entendre.
M. Bastien Lachaud
D’abord, nous pourrions rappeler aux macronistes qui s’offusquent que ce sont eux qui ont décidé de nommer des membres du groupe Rassemblement national à la DPR et de les doter de l’habilitation au secret-défense. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Nous voterons évidemment contre l’amendement no 8 car il faut dénoncer partout et tout le temps les ingérences russes. Cependant, il faudra que vous soyez au rendez-vous quand viendra le temps de dénoncer les ingérences de vos amis américains, celles que mènent Elon Musk, avec Twitter (Mêmes mouvements), au Royaume-Uni ou en Allemagne, en intervenant dans le processus électoral. Nous serons vigilants sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Emeric Salmon, pour un rappel au règlement.
M. Emeric Salmon
Il se fonde sur l’article 70, alinéa 3, que je lis pour M. Pierre Cazeneuve, car cet alinéa précise : « Qui se livre à une mise en cause personnelle, qui interpelle un autre député ou qui adresse à un ou plusieurs de ses collègues… ».
M. Pierre Cazeneuve
Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Emeric Salmon
Quand vous attaquez le groupe Rassemblement national, vous attaquez plusieurs députés. C’est pour cela que nous faisons des rappels au règlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Pierre Cazeneuve
C’est nul !
Article unique (suite)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 8.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 220
Nombre de suffrages exprimés 218
Majorité absolue 110
Pour l’adoption 71
Contre 147
(L’amendement no 8 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Mes chers collègues, nous avons examiné seize amendements depuis le début de la discussion du texte et il nous en reste quarante-huit. Je donne très largement la parole, mais vous la prenez bien souvent pour tenir des propos qui n’ont pas de rapport avec les amendements en discussion. Je pense que nous pourrions envisager d’accélérer nos débats et je limiterai donc davantage les prises de parole. Je vous demande de bien vouloir défendre effectivement les amendements présentés.
Sur les amendements nos 58 et 59, je suis saisie d’une demande de scrutin public par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires.
Sur l’amendement n° 65, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir les amendements nos 57 et 58, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Jean-Paul Lecoq
C’est toujours très agréable d’être le premier à parler juste après l’annonce de restrictions. (Sourires.) Je propose de défendre les deux amendements en une seule prise de parole pour vous faire plaisir, madame la présidente, et parce qu’ils sont liés.
L’amendement no 57 invite les pays de l’Union européenne à « résister à la […] surenchère guerrière », parce que trop de discours en ce moment invitent à cela, ou pourraient se traduire par cela, ou pourraient être compris comme cela.
L’amendement no 58 rappelle les valeurs fondamentales de nos pays, telles que le respect des droits de l’homme, la paix, la démocratie, la liberté.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
L’amendement no 57 est repoussé par la commission. J’y suis également défavorable puisqu’il fait référence à une Europe guerrière.
L’amendement no 58 a été accepté par la commission et j’y suis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
L’amendement no 57 ne peut pas recevoir l’assentiment du gouvernement parce qu’il n’y a pas de « tentation d’entraîner l’Union européenne dans une surenchère guerrière » – je tiens à le redire à M. Lecoq. Ce n’est ni la position du gouvernement ni – je le crois profondément – celle de l’Union européenne.
En revanche, l’avis du gouvernement est favorable sur l’amendement no 58 qui ressemble fort, d’ailleurs, à un amendement de repli. C’est un très bel amendement de repli…
M. Jean-Paul Lecoq
C’est gentil ! (Sourires.)
M. Patrick Mignola, ministre délégué
…qui fait référence aux valeurs européennes.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Nous soutenons les amendements de nos collègues communistes, en particulier l’amendement no 58 qui rappelle que les peuples sont attachés à ce que la construction européenne soit bien au service de la paix, de la dignité, des droits de l’homme. Si j’insiste sur ce sujet, c’est parce que, comme cela a été trop peu dit précédemment, il faut bien mesurer l’écart qu’il y a entre la volonté de paix des peuples européens et ce qu’en fait l’Union européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) en tant qu’institution bien davantage occupée à étrangler le peuple grec il y a quelques années ou à organiser la concurrence économique et sociale entre les peuples européens (Mêmes mouvements) au profit de quelques multinationales, et qui, au lieu d’encourager à la paix, fait tout l’inverse. Ce sont plutôt ces actes qui poussent malheureusement les peuples à croire parfois que c’est dans l’opposition aux autres peuples qu’ils pourraient avoir un avenir, alors qu’au contraire c’est dans la paix et dans la coopération qu’il y a un avenir pour les peuples européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Aujourd’hui, malheureusement, la concurrence économique et sociale organisée par les institutions et les traités de l’Union européenne est le carburant du nationalisme, alors même que cette dernière devrait être un rempart fidèle aux valeurs de Victor Hugo, de Jean Jaurès et d’Aristide Briand. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Michel Jacques.
M. Jean-Michel Jacques
Permettez-moi de souligner les propos contradictoires tenus par les Insoumis et les communistes, en particulier par M. Lecoq.
Vous reprochez à l’Europe de ne pas être une puissance face aux États-Unis et à la Russie, mais quand elle veut lancer un plan de réarmement de 800 milliards d’euros, vous craignez qu’elle ne s’engage dans une course au surarmement.
Ce n’est pas pour agresser un pays qu’elle le fait mais pour faire valoir ses droits, s’émanciper et devenir elle-même une puissance. Vous rappelez les valeurs européennes, à raison, mais l’Europe a besoin de dissuader la Russie de mener d’autres agressions.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 57.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 207
Nombre de suffrages exprimés 197
Majorité absolue 99
Pour l’adoption 98
Contre 99
(L’amendement no 57 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 58.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 197
Nombre de suffrages exprimés 192
Majorité absolue 97
Pour l’adoption 183
Contre 9
(L’amendement no 58 est adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 65 de M. Charles Sitzenstuhl est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 65.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 192
Nombre de suffrages exprimés 111
Majorité absolue 56
Pour l’adoption 111
Contre 0
(L’amendement no 65 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Charles Sitzenstuhl
Je propose de compléter l’alinéa 52 par la mention des relais d’opinion que possède la fédération de Russie dans les pays européens. Je pense à des partis politiques souvent d’extrême droite : l’AFD – Alternative für Deutschland – en Allemagne, le FPÖ – Freiheitliche Partei Österreichs – en Autriche, la Ligue du Nord en Italie et le Rassemblement national en France.
M. Jean-François Coulomme
Et Bolloré en France !
M. Charles Sitzenstuhl
La commission d’enquête présidée par un député du Rassemblement national en 2023 l’a prouvé, c’est écrit noir sur blanc.
M. Aurélien Lopez-Liguori
Et les contrats russes de Benalla ?
M. Charles Sitzenstuhl
Son rapport, largement voté à gauche, à droite et au centre, a explicité ce que nous voyions depuis longtemps : le Rassemblement national est une courroie de transmission du régime russe, de son idéologie et de sa propagande.
On aurait pu penser que la guerre en Ukraine vous aurait fait changer d’avis mais, en réalité, vous persévérez dans l’erreur, que ce soit dans l’hémicycle ou dans les médias. Votre président, en voyage à Washington, a lui-même propagé les mensonges et la rhétorique russes, fondés sur une inversion de la culpabilité.
Du matin au soir, vous traitez l’Europe et l’Ukraine de va-t-en-guerre : cela montre que la fédération de Russie a toujours des porte-parole ici, en France, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, et ils siègent à l’extrême droite. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Thibault Bazin
C’est inquiétant, si c’est vrai !
Mme Olivia Grégoire
Bravo !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Avis favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Saintoul.
M. Aurélien Saintoul
L’amendement est hémiplégique, si vous me passez l’expression. En France, l’espace bolloréen est désormais un espace poutinien. Le pacte, documenté par Le Monde, qui existait entre Macron et Bolloré, sent le brûlé. Manifestement, il y a eu une erreur dont vous vous repentez aujourd’hui.
Rappelons-nous, comme l’a dit notre collègue Lachaud, que nous sommes aussi menacés par les ingérences des géants du numérique, les Big Tech.
Il y a quelques semaines, nous avons déposé une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête pour examiner la nature, les objectifs et les implications des ingérences provenant des multinationales des technologies de l’information et de la communication.
Quelle est notre vulnérabilité ? Quelle est notre dépendance à l’égard de ces outils numériques qui manipulent, transforment et façonnent l’opinion publique, de façon illégitime ?
Lors de la commission d’enquête sur la télévision numérique terrestre (TNT), nous aurions pu agir, mais vous avez freiné des quatre fers. Aujourd’hui, êtes-vous prêts à créer cette commission d’enquête ? À faire venir les responsables de Twitter France et à leur demander le contenu de leurs algorithmes ?
M. Charles Sitzenstuhl
Et ceux de TikTok !
M. Aurélien Saintoul
À vous demander pourquoi nous sommes tous soumis aux messages du milliardaire Elon Musk et à la propagande des conservateurs américains ? Engagez-vous à lancer cette commission d’enquête et nous verrons si vous êtes vraiment capables de lutter contre toutes les formes d’ingérence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Sylvain Berrios
Vous utilisez bien Twitter, quand même !
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Permettez-moi de remettre à sa place la notion de va-t-en-guerre. La première chose à dire, c’est ce que l’on croit ; en l’occurrence, c’est dire non. J’ai beaucoup admiré le président Zelensky qui a été seul à dire non, il y a quelques semaines à Munich.
En 1938, dans ce même hémicycle, trois collègues démocrates seulement ont voté contre les accords de Munich. Le lendemain, ils ont écrit une tribune affirmant que le meilleur moment pour dire non, c’est le premier.
Faisons-le et protégeons-nous, comme nous sommes en train de le faire. Nous avons réfléchi à nos valeurs, nous refusons l’impérialisme, nous voulons faire respecter le droit international et éviter un nettoyage ethnique.
Dire non, cela signifie simplement prendre des risques pour ses valeurs. Nous ne sommes donc pas des va-t-en-guerre : nous sommes agressés et nous cherchons à nous défendre, ainsi que nos petits-enfants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem. – Mme Stella Dupont applaudit aussi.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Cette référence aux relais russes d’influence en Europe est intéressante, parce que vous avez omis de mentionner un relais prouvé et documenté. Vous l’auriez su si vous aviez lu le rapport de la commission d’enquête, cher collègue.
M. Charles Sitzenstuhl
Si, je l’ai lu !
M. Jean-Philippe Tanguy
Dans mon avant-propos, j’ai prouvé que vous aviez passé une demi-heure à lire un rapport de 300 pages. Vous détenez donc le record du monde de la lecture – 700 pages à l’heure ! Ceux qui étaient avec vous n’avaient même pas lu le rapport, à l’exception de M. Ramos, du Modem, qui n’a pas voté le rapport car il désapprouvait l’instrumentalisation politique qui en était faite. Tout ce que vous dites est donc totalement faux.
Vous avez également omis de mentionner M. Gerhard Schröder, longtemps payé par Gazprom. Vous l’avez fait sans doute parce qu’il est socialiste, comme vos amis avec lesquels vous gouvernez l’Europe.
Vous confondez toujours la poutre que vous avez dans l’œil et la paille – imaginaire ! – qui est dans celui de votre voisin. Vous ne la regardez jamais, mais elle existe peut-être, cette poutre.
M. Aurélien Saintoul
Et Mariani ?
M. Jean-Philippe Tanguy
J’ajouterai que, lors de cette commission d’enquête, vous avez convoqué Marine Le Pen. Sous serment, elle a démenti toutes vos accusations, une par une. L’avez-vous attaquée pour parjure ? Jamais ! Car elle a dit la vérité, contre vos mensonges !
Vos petits pièges minables se retournent toujours contre vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Vous n’avez rien contre nous, alors que nous avons été innocentés par les services secrets français, par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et par toutes les autorités de l’État. Il ne vous reste que votre mensonge et votre indignité. Bon courage pour vivre avec eux ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Le groupe Écologiste est favorable à cet amendement car il y a bien des relais d’opinion russes dans la société française. Je pense aux chaînes de Bolloré qui relaient sans arrêt la propagande pro-russe. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Le plus grave, c’est que ces relais se trouvent aussi ici, dans cet hémicycle. Quand Marine Le Pen a pris la parole lors des débats sur l’Ukraine, elle a répété les demandes de Vladimir Poutine, dont l’une est, depuis plusieurs années, la remise en cause les frontières de l’Otan. Marine Le Pen l’a fait pour les Russes, à cette tribune. (M. Jean-Philippe Tanguy s’exclame.)
Monsieur Tanguy, je vous conseille d’écouter votre présidente de groupe. Pourquoi reprend-elle plusieurs fois les arguments de Vladimir Poutine ? Pourquoi n’arrive-t-elle pas à prononcer le mot « Trump » et à condamner l’humiliation de Volodymyr Zelensky dans le Bureau ovale ?
Parce qu’il faut regarder qui a financé le Rassemblement national : l’accord entre Le Pen, Bardella et Schaffhauser. Ce dernier a négocié pour le Rassemblement national un prêt obtenu en 2014 auprès d’une banque tchéco-russe, en lien direct avec le Kremlin.
Comme le dit bien le dicton, « qui paye, décide ». Quand les Russes financent le Rassemblement national, ils décident de sa politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Emeric Salmon
Non, ils ne l’ont pas financé !
(L’amendement no 3 est adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 38, par les groupes Ensemble pour la République et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires ; sur l’amendement no 56, par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires ; sur l’amendement no 9, par le groupe Rassemblement national ; et sur les amendements identiques nos 33, 49 et 54, par les groupes Ensemble pour la République et UDR.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je vous propose de prendre, pour chaque amendement, une prise de parole pour et une prise de parole contre, à l’exception des sujets importants, notamment les avoirs et les sanctions.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir les amendements nos 59 et 60, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Jean-Paul Lecoq
Le premier amendement propose aux États membres et aux alliés de l’Union européenne et de l’Otan d’œuvrer pour aboutir à une paix rapide, juste et durable en Ukraine.
Le second demande aux mêmes États de toujours privilégier l’apaisement à l’engrenage de la violence, dans l’intérêt des peuples ukrainien et russe, ainsi qu’européens.
Comme le dit notre groupe : si tu veux la paix, prépare la paix. La priorité doit donc être donnée à cette démarche.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Avis favorable au premier amendement et défavorable au second.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Je suis les avis du rapporteur. Avis défavorable à l’amendement no 60 car, pour reprendre l’argument de M. Lecoq au risque de l’affaiblir, si l’on veut faire la paix, il faut rester une force qui compte. En revanche, j’ai le sentiment que, cette fois, c’est le premier venant en discussion, l’amendement no 59, qui est de repli, celui auquel, donc, je suis favorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 59.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 203
Nombre de suffrages exprimés 202
Majorité absolue 102
Pour l’adoption 175
Contre 27
(L’amendement no 59 est adopté.)
(L’amendement no 60 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes, pour soutenir l’amendement no 38.
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Il s’agit de poursuivre et de renforcer le soutien de notre pays à la résistance ukrainienne. Alors que la Russie, qui n’a en rien renoncé à ses objectifs militaires, poursuit ses bombardements quotidiens sur les civils ukrainiens, qui subissent déjà les bombes russes et l’avancée des chars de Vladimir Poutine depuis plus de trois ans, alors que notre partenaire américain fait le choix du désengagement vis-à-vis de l’Europe et réduit son soutien militaire à la résistance ukrainienne, il importe que nous, Européens, continuions à soutenir l’Ukraine. Il faut lui permettre de résister dans la durée et surtout la placer dans les meilleures conditions possible pour qu’elle puisse ensuite négocier la paix lorsqu’elle l’aura choisi. Il faut absolument éviter qu’elle se retrouve dans une position de faiblesse et c’est pourquoi il importe que nous ne nous désengagions pas à notre tour. Mon amendement vise à réaffirmer notre soutien à la résistance ukrainienne dans la durée.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophia Chikirou.
Mme Sophia Chikirou
Il s’est quand même passé quelque chose, hier ! Désormais, c’est l’Ukraine qui propose à la fédération de Russie d’ouvrir des négociations pour un accord de paix et un cessez-le-feu de trente jours. C’est l’Ukraine, c’est Zelensky lui-même, qui fait cette proposition. Et ce cessez-le-feu proposé par l’Ukraine à la fédération de Russie, nous espérons qu’il sera accepté, parce que, comme Zelensky, nous souhaitons un cessez-le-feu. Les modalités de son application vont être discutées, les discussions sont en train de s’engager et nous avons tous reçu l’alerte que la rencontre entre le président américain et le président russe était imminente.
Nous avons tous travaillé à cette proposition de résolution, à nos argumentaires et à nos amendements ; le rapporteur y a sans doute consacré ses jours et ses nuits ces dernières semaines ; mais, en réalité, ce texte est déjà obsolète et chaque heure qui passe renforce cette impression. Cet amendement, qui dit qu’il ne doit pas y avoir de cessez-le-feu à n’importe quelle condition, nous pouvons le voter, parce que nous sommes tous d’accord avec cela, mais il ne correspond plus à la réalité.
Mon impression, c’est qu’on se retrouve finalement dans un débat plutôt franco-français, dans lequel les macronistes et l’extrême droite s’invectivent pour essayer de se différencier (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe EPR), ce qui n’a pas vraiment de sens. Reconnaissez que certains amendements sont un peu dépassés et qu’il est temps de passer à autre chose, et évitez les invectives qui ne servent absolument à rien sur un tel sujet. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 38.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 208
Nombre de suffrages exprimés 191
Majorité absolue 96
Pour l’adoption 191
Contre 0
(L’amendement no 38 est adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 56 de M. Jean-Paul Lecoq, qui fait l’objet du sous-amendement no 67, est défendu.
Le sous-amendement no 67 de M. le rapporteur est défendu.
(Le sous-amendement no 67, accepté par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 56, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 206
Nombre de suffrages exprimés 201
Majorité absolue 101
Pour l’adoption 180
Contre 21
(L’amendement no 56, sous-amendé, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian, pour soutenir l’amendement no 9.
M. Marc de Fleurian
Il s’agit d’encourager l’organisation d’une conférence internationale pour la paix, selon des modalités qui pourraient être discutées – nos collègues de LFI et de l’extrême gauche proposent par exemple de le faire dans le cadre de l’OSCE –, où la France et toutes les nations d’Europe seraient présentes. Puisque l’Union européenne est absente, ce serait une bonne chose que les nations d’Europe, elles, soient présentes à la table des négociations. Aujourd’hui, à Riyad, je préférerais avoir Marine Le Pen qu’un mémo. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
J’émettrai un avis défavorable sur cet amendement, même si je partage votre position, parce que l’alinéa 72 prévoit déjà l’organisation d’une conférence internationale.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
Cette conférence, nous insistons pour qu’elle soit du niveau de celle d’Helsinki. Elle ne doit pas porter sur le cessez-le-feu, qui fera l’objet des négociations, mais travailler à la paix, à la sécurité et à la coopération dans ce grand territoire qui va de Vladivostok jusqu’au Havre.
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Et même jusqu’à Brest ! (Sourires.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 9.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 210
Nombre de suffrages exprimés 195
Majorité absolue 98
Pour l’adoption 70
Contre 125
(L’amendement no 9 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 33, 49 et 54.
La parole est à M. Maxime Michelet, pour soutenir l’amendement no 33.
M. Maxime Michelet
Le groupe UDR demande la suppression de l’alinéa 55, dont les termes ne sont pas innocents. M. le rapporteur en a lui-même conscience, puisqu’il va proposer de le modifier, mais cela ne saurait suffire.
Cet alinéa entend faciliter le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, afin qu’« il aboutisse dans les meilleurs délais ». Nous nous opposons résolument à cet alinéa car nous nous opposons résolument à l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne. Cet alinéa n’est rien d’autre qu’une déclaration de soutien à cet élargissement, au nom de la représentation nationale, donc de la France. Or la facture de cet élargissement, ce serait encore et toujours aux Français de la payer ; ce serait à nos agriculteurs de la payer, et très cher, avec l’arrivée dans l’Union d’un pays qui, avant la guerre, produisait 85 millions de tonnes de blé – alors que la France en a produit 34 millions en 2024. Ce serait à nos travailleurs, à nos entreprises, de la payer très cher, avec l’arrivée d’un pays dont le salaire mensuel moyen est de 189 euros.
Une fois encore, avec cet alinéa, vous voulez imposer votre vision d’un élargissement de l’Europe à marche forcée, sans la consultation des peuples souverains. Or permettez-moi de vous rappeler que la dernière fois que le peuple français a été consulté de manière souveraine sur cette question, en 2005, il a dit non. Et puisque seul le peuple peut défaire ce que le peuple a fait, ce non vaut toujours.
En construisant une Europe sans les peuples, sans cesse élargie, sans cesse déséquilibrée, sans cesse complexifiée, vous construisez une Europe faible. Vous pensez que cet élargissement renforcera et défendra l’Ukraine et l’Europe, mais vous allez nous affaiblir collectivement. D’ailleurs, permettez-moi de vous mettre en garde : le 18 février dernier, le porte-parole du Kremlin a déclaré que la Russie ne s’opposerait pas à l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne.
M. Jean-Philippe Tanguy
Eh oui !
M. Maxime Michelet
Cela montre bien que le Kremlin y voit une forme d’affaiblissement. Si vous ne voulez pas faire la politique du Kremlin, votez pour cet amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l’amendement no 49.
Mme Sophia Chikirou
Nous proposons également de supprimer l’alinéa 55. Je crois que nous aurions pu nous passer de mentionner, dans cette proposition de résolution, la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, sur laquelle nous ne pourrons jamais nous mettre d’accord. La France insoumise pense qu’il ne faut pas élargir davantage l’Union européenne. Nous considérons que l’Ukraine a le droit, car c’est sa souveraineté, de vouloir rejoindre l’Union européenne, et nous respectons tout à fait cette volonté de l’État ukrainien. Mais nous, nous avons aussi le droit, et c’est notre souveraineté, de dire que nous ne voulons pas, au sein de l’Union européenne, d’un pays où le smic est à 200 euros, où le niveau de corruption est tellement élevé qu’il pose un véritable problème de fonctionnement démocratique, et où le système judiciaire n’est pas séparé du système politique.
J’étais tout à l’heure avec des réfugiés ukrainiens, qui ont fui la guerre et qui fuient aussi la répression dont ils sont victimes en Ukraine. Ils m’ont rappelé que les syndicats ne peuvent pas s’exprimer en Ukraine et que les partis politiques d’opposition, notamment de gauche, ne peuvent pas s’exprimer légalement et sans prendre de risques. (M. Jérôme Legavre applaudit.) L’Ukraine, et c’est encore plus vrai après ces trois années de guerre, n’est pas un pays que nous pouvons intégrer au sein de l’Union européenne, car elle ne remplit pas les critères démocratiques, économiques et sociaux qui s’imposent. C’est une mauvaise idée, monsieur le rapporteur, d’avoir insisté pour maintenir cet alinéa dans votre résolution. C’est pourquoi je propose de le supprimer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Maurel, pour soutenir l’amendement no 54.
M. Emmanuel Maurel
L’alinéa 55 pose un problème. Je m’adresse aux auteurs de cette proposition de résolution qui, je le sais, veulent que le plus grand nombre de députés possible expriment leur soutien politique et financier à l’Ukraine. Or cet alinéa constitue clairement une ligne rouge pour un très grand nombre d’entre nous, mais aussi pour un très grand nombre de Français. Je crois qu’il faut le dire solennellement : le soutien à l’Ukraine n’entraîne pas automatiquement le soutien à l’élargissement de l’Union européenne à l’Ukraine.
M. Thibault Bazin
Il a raison ! C’est exactement cela !
M. Xavier Breton
Très bien !
M. Emmanuel Maurel
D’abord, la rédaction même de cet alinéa est problématique car vous laissez entendre qu’il faudrait une sorte de procédure accélérée pour l’adhésion de l’Ukraine. Or une adhésion a un rythme propre et se fonde sur un certain nombre de critères. La procédure prend du temps et des tas de pays attendent d’entrer dans l’Union européenne. Je ne vois pas au nom de quoi, sur cette question précise, l’Ukraine bénéficierait d’un traitement préférentiel.
Par ailleurs, cet alinéa pose également des problèmes de fond. Un tel élargissement suppose un vrai débat devant le pays car les questions qui se posent – dumping social intra-européen, question agricole, etc. – sont existentielles. Je rappelle que sur les questions européennes, les Français ont été largement échaudés : on se souvient du vote sur le référendum de 2005… Sur une question aussi importante que l’élargissement de l’Union européenne à un pays comme l’Ukraine, cela vaudrait donc le coup de demander son avis au peuple français. Pour toutes ces raisons, je vous demande de supprimer cet alinéa : il sera beaucoup plus simple, pour un certain nombre d’entre nous, de voter cette proposition de résolution si tel est le cas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Avis défavorable. Mon amendement no 25, qui sera examiné dans un instant, précisera encore les choses. Je proposerai notamment de remplacer le mot « faciliter » par le mot « accompagner » et, afin qu’il soit clair que l’Ukraine devra respecter des critères d’adhésion stricts, je proposerai aussi d’ajouter le terme « impératif ». Nous avons eu ce débat en commission et je tiens une nouvelle fois à rassurer tout le monde : il ne s’agit pas de faire entrer de force l’Ukraine dans l’Union européenne, mais seulement d’envoyer un signal positif en vue d’une éventuelle adhésion.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Le rapporteur vient de le dire : l’amendement no 25 va corriger, modérer, limiter la portée de l’alinéa 55. Vous savez bien que ce n’est pas ce soir que le Parlement va être appelé à se prononcer sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne : si elle a lieu, ce sera au terme d’un processus très long et très exigeant, que l’amendement no 25 va encore contribuer à encadrer. Comme Mme Chikirou l’a justement souligné, il s’agira d’abord d’un choix souverain de l’État ukrainien si, le moment venu, il se déclare candidat à l’adhésion à l’Union européenne, et ce sera une aspiration légitime.
J’entends vos réticences, vos réserves, mais la position du gouvernement reste néanmoins celle qui consiste à soutenir l’aspiration légitime d’un peuple en guerre. Sous réserve et au profit de l’adoption de l’amendement no 25, qui suit ces identiques, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Iordanoff.
M. Jérémie Iordanoff
Vous le savez, les écologistes sont très attachés à la construction européenne, aujourd’hui à un moment crucial – à une Europe politique, sociale, exigeante en matière d’environnement. Notre position de principe est la suivante : élargir pour élargir risque de diluer. Cela dit, la menace actuelle pèse sur l’ensemble de l’Europe, car l’empire russe ne s’arrêtera pas à l’Ukraine ; il en résulte une remise en cause de toutes nos idées touchant le périmètre européen. La suppression de cet alinéa serait dramatique : politiquement, elle enverrait le signal que nous sommes prêts à abandonner l’Ukraine.
M. Emmanuel Maurel
Oh !
M. Jérémie Iordanoff
Nous devons être prêts à envisager la question de l’adhésion ukrainienne, mais ce n’est pas ce soir que nous la trancherons ; d’ailleurs l’alinéa précise bien que le processus serait conduit « dans le respect des critères d’adhésion en vigueur »,…
M. Jean-Paul Mattei
Très bien !
M. Jérémie Iordanoff
…ce qui signifie qu’il mettrait du temps à aboutir. En revanche, je le répète, le signal politique importe : la question européenne implique de ne pas fermer les yeux sur le territoire ukrainien. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Jacobelli.
M. Laurent Jacobelli
Il me semble – ce n’est qu’une impression – que ce débat est politiquement quelque peu instrumentalisé en vue de faire de ce texte quelque chose qui rassemble tout. Pour soutenir l’Ukraine,…
M. Christophe Bex
Vous ne voulez pas soutenir l’Ukraine !
M. Laurent Jacobelli
…il faudrait absolument vouloir qu’elle intègre l’Union européenne ! D’ailleurs, le peuple ukrainien le veut-il ? Quelle est cette nouvelle ingérence ? Tout se passe comme si vous aviez inclus dans le texte cette pomme de discorde afin que certains ne votent pas en sa faveur et paraissent ainsi refuser leur soutien à l’Ukraine. Du reste, nos collègues et néanmoins amis du groupe Les Républicains ont affirmé à tous les médias, des années durant, être opposés à tout nouvel élargissement de l’Union ; il est évident qu’ils ne refusent pas pour autant d’aider l’Ukraine. J’espère donc qu’ils feront preuve de cohérence car cette discussion, je le répète, sent la manœuvre, ce qui n’est pas à la hauteur de son sujet. Quant aux Ukrainiens, c’est justement parce que nous les voulons souverains que nous leur conseillons de ne pas adhérer à l’Union ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Nous soutiendrons évidemment les amendements de la collègue de notre groupe et du collègue communiste. Qu’il soit question dans le texte, monsieur le rapporteur, de faciliter ou d’accompagner le processus d’adhésion, l’objectif reste le même : partir de ce qui nous rassemble, le soutien à l’Ukraine, pour tenter d’imposer au peuple français des mesures dont il ne veut pas. C’est là tout le propos du président de la République : coupes dans les budgets sociaux, abandon des revendications que soit abrogée la réforme des retraites, élargissement de l’Union sans harmonisation sociale et fiscale préalable, – ce qui n’élargira que le champ du dumping, des délocalisations industrielles, de la concurrence agricole déloyale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Croyez-vous que les quelques oligarques en possession des fermes usines ukrainiennes s’abstiendront d’attaquer l’agriculture française ?
C’est pourquoi nous ne sommes pas favorables à l’adhésion de l’Ukraine, sans que cela ait aucun rapport avec le soutien que nous lui devons face à l’agression de l’armée russe. J’ajouterai qu’aux termes de la Constitution, la ratification d’un traité d’adhésion doit être approuvée de préférence par référendum (Mêmes mouvements) ; la solution parlementaire ne vient qu’en second et, de toute façon, vous ne disposez pas de la majorité qualifiée requise. Votre discours est donc au mieux un bavardage inutile, au pire une provocation inacceptable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
Suivant votre raisonnement, cher collègue, l’écart de développement que ces pays présentaient à l’époque avec la Communauté économique européenne aurait dû en fermer les portes à l’Espagne et au Portugal ! (Mme Dominique Voynet applaudit.) Ce que vous dites est scandaleux : parce que les Ukrainiens sont pauvres, nous devrions les laisser à leur pauvreté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Nous voulons au contraire étendre au plus grand nombre la promesse européenne, l’espoir de la paix, de la justice sociale ! (Brouhaha.)
Mme la présidente
Chers collègues, un peu de calme !
M. Jean-René Cazeneuve
Il ressort du texte qu’il n’est pas question de passer outre les critères d’adhésion, ce qui implique que le processus sera long et que nous demanderons évidemment à nos amis ukrainiens de respecter leurs engagements ayant trait à la justice, aux libertés, au développement économique. Vos réticences laissent percer une certaine nostalgie de l’Union soviétique (« Ah ! » et exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR) : vous ne voulez pas répondre à l’aspiration du peuple ukrainien, lequel souhaite rejoindre l’Europe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
La discussion dérive : restons-en aux amendements, qui ne vous posent problème qu’en raison de la manière dont vous considérez le Parlement. Supposons en effet que ces amendements soient rejetés, l’alinéa maintenu : l’exécutif s’empressera de répandre partout l’idée que la représentation nationale est favorable à l’adhésion ukrainienne, qu’elle en a validé le principe. (MM. Jean-René Cazeneuve, Sylvain Maillard et Jean-Paul Mattei protestent.) Or ce n’est pas le cas.
M. Sylvain Maillard
Mais ils sont déjà candidats !
M. Jean-Paul Lecoq
Si vous entendez soutenir l’Ukraine, supprimez l’alinéa, afin de rallier davantage de monde – à moins que vous ne cherchiez à diviser notre assemblée, comme vous le faites depuis le début, pour paraître assumer seuls ce soutien. Désolé, mais nous sommes tous en faveur de l’Ukraine et de la paix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. Emmanuel Maurel
Très bien !
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 33, 49 et 54.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 245
Nombre de suffrages exprimés 241
Majorité absolue 121
Pour l’adoption 119
Contre 122
(Les amendements identiques nos 33, 49 et 54 ne sont pas adoptés.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : par le groupe Rassemblement national sur les amendements nos 55 et 10 et par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires sur l’amendement no 4 et sur le sous-amendement no 69.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement no 25 de M. le rapporteur a déjà été défendu.
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
Les résultats du dernier scrutin public font ressortir – ce qui, en France, n’a rien de nouveau – le caractère à la fois essentiel et clivant du rapport à l’Union européenne. Il y a là un beau débat ; pour avoir été, en 2005, l’un des porte-parole du « non » de gauche au traité établissant une Constitution pour l’Europe, je peux en connaissance de cause inviter nos collègues à ne se tromper ni d’époque ni de périmètre. Mon ami Emmanuel Maurel, ancien député européen, sait bien qu’un processus d’adhésion ne se décide pas par résolution du Parlement européen et n’aboutit pas en vingt-quatre heures.
En 2005, notre opposition à l’élargissement tenait aux raisons mêmes que certains viennent d’invoquer, entre autres le refus de la concurrence déloyale. Or, en l’espèce, le processus supposera non seulement des paquets, des négociations, des clauses de revoyure qui en accroîtront la durée, mais des exigences : si nous craignons, y compris pour eux, que les salariés ukrainiens soient exploités, notre rôle consiste précisément à obtenir que l’Ukraine rehausse sa protection sociale. (Mme Sophia Chikirou s’exclame.)
Mme la présidente
Chers collègues, s’il vous plaît !
M. Pouria Amirshahi
Par ailleurs, le référendum constitue une évidence, dont nous reparlerons le moment venu. Il s’agit d’envoyer un signal : si nous pouvons, non, certes, faciliter, mais accompagner l’adhésion des Ukrainiens, ceux qui ne souhaitent même pas en discuter n’ont qu’à aller le leur dire ! (M. Jérémie Iordanoff applaudit.)
M. François Hollande
C’est bien, Pouria !
(L’amendement no 25 est adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 26 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 26, accepté par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 55 de M. Jean-Paul Lecoq est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 55.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 216
Nombre de suffrages exprimés 169
Majorité absolue 85
Pour l’adoption 28
Contre 141
(L’amendement no 55 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 10 et 35, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Marc de Fleurian, pour soutenir l’amendement no 10.
M. Marc de Fleurian
Premièrement, tous les amendements émanant du groupe Rassemblement national ont reçu un avis favorable de la commission – le rapporteur omet parfois de le préciser, mais il n’y met pas de malice. Si je le rappelle, c’est pour observer que ceux qui, dans cet hémicycle, souhaitent la guerre n’étaient pas capables de participer aux travaux de la commission dès 9 heures du matin. Il faudrait savoir si le sujet est important ou pas. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Le débat ne porte pas sur la présence en commission, monsieur de Fleurian. Voudriez-vous en revenir à votre amendement ?
M. Marc de Fleurian
C’est le président Hollande qui l’a dit ce matin !
Mme la présidente
Ce soir, c’est la présidente Braun-Pivet qui vous demande de défendre votre amendement, s’il vous plaît. (MM. Jean-René Cazeneuve et Christophe Bex s’exclament.)
M. Marc de Fleurian
Je réserve donc pour plus tard le deuxième point de mon propos et je passe au troisième – soyez patients ! Cet amendement vise à rétablir la vérité en remplaçant, à l’alinéa 56, la mention de l’Union européenne par celle de ses États membres. Le texte évoque l’Union comme s’il s’agissait d’une entité souveraine ; ce n’est même pas une entité du tout. En soi, elle n’existe pas. Le jour où vous la rencontrerez, montrez-la-moi ! En revanche, comme vous, je vois la nation française tous les jours, dans la rue. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 35.
M. Charles Sitzenstuhl
Il vise à compléter la rédaction de l’alinéa 56, ainsi qu’à l’harmoniser avec l’alinéa 55. S’agissant de défense, il est indispensable que les États membres soient mentionnés, d’autant que je ne suis pas certain que le rapporteur les ait volontairement passés sous silence. Les institutions européennes les accompagnent, la Commission s’exprime, prend des décisions, mais sur mandat du Conseil européen, dont il importe de toujours lire les conclusions.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Je confirme, cher collègue de Fleurian, qu’il n’y a eu aucune malice dans mes oublis. Je donne un avis défavorable à l’amendement no 10, bien qu’il ait été accepté par la commission, afin de donner la priorité au no 35, plus efficace d’un point de vue rédactionnel et auquel je suis donc favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis : l’amendement de M. Sitzenstuhl, par son adoption, satisferait largement celui de M. de Fleurian. En outre, je rappellerai à ce dernier que l’Union européenne existe (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR), ne lui en déplaise, qu’elle constitue une entité, qu’il est tout à fait légitime que l’Assemblée nationale, dans le cadre d’une proposition de résolution européenne, puisse l’interpeller. Si l’on ajoute à sa mention, comme le souhaite M. Sitzenstuhl, celle des États membres, nous pourrions même nous retrouver.
En réponse au début de son propos, je veux lui dire une chose simple : ne nous dites pas que nous voulons faire la guerre. Ce n’est pas vrai : nous ne voulons pas faire la guerre. Nous voulons que la France soit forte, que l’Union européenne soit forte, précisément pour défendre l’Ukraine, pour arrêter la guerre et pour faire en sorte que nos concitoyennes et nos concitoyens, demain, n’aient pas à la subir. Même si nous sommes en désaccord, nous devons pouvoir nous retrouver sur ce point et nous abstenir de caricaturer nos propos respectifs.
M. Marc de Fleurian
À ce sujet, je suis d’accord !
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud
Ce débat est éclairant : la présente proposition de résolution omet complètement les États membres et confie la compétence de la défense nationale aux institutions de l’Union européenne. Mais sur quel fondement ? Quel est le traité européen qui prévoit que des compétences en matière de défense soient dévolues à la Commission européenne ou à l’Union européenne ? (M. Aurélien Saintoul applaudit.) Il n’y en a aucun !
Vous avez forcé le vote des Français en 2005 et imposé le traité de Lisbonne par une véritable forfaiture, mais même ce traité ne comporte aucune clause relative à la défense. Ainsi, depuis 1997, depuis que l’Union européenne s’arroge peu à peu des compétences en matière de défense, elle le fait contre les traités européens, contre les peuples, d’une manière totalement antidémocratique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous vous êtes sentis obligés d’insérer à l’alinéa 56 les mots : « et ses États membres », comme pour dire qu’il ne faut quand même pas aller trop loin. Malgré cela, vous allez trop loin ! La défense nationale est une affaire de souveraineté et la souveraineté est nationale : il n’y a pas de souveraineté européenne pour la simple raison qu’il n’y a pas de peuple européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 10.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 213
Nombre de suffrages exprimés 194
Majorité absolue 98
Pour l’adoption 69
Contre 125
(L’amendement no 10 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 35 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 4, qui fait l’objet du sous-amendement no 69.
M. Charles Sitzenstuhl
Cet amendement vise à prolonger le débat – important – relatif à la défense européenne. À titre personnel, je considère que l’Union européenne et ses États membres doivent avancer plus vite, plus fort et plus loin. Si les États et les peuples le décident, ces efforts aboutiront peut-être un jour à la constitution de forces armées européennes. Elles seront bien sûr complémentaires des forces armées nationales des États membres puisque les questions militaires et de défense sont bien au cœur de la souveraineté des États.
La défense de cet amendement me donne également l’occasion de réfuter certains arguments assénés par les députés du groupe La France insoumise et par ceux du groupe Rassemblement national. Il existe bel et bien des textes européens qui autorisent les institutions européennes et les États membres à travailler sur la défense. Le traité de Maastricht, approuvé par référendum en France, le traité d’Amsterdam et les traités qui suivent prévoient une politique étrangère et de sécurité commune.
M. Bastien Lachaud
Mais pas de défense !
M. Charles Sitzenstuhl
Vous pouvez bien répéter matin, midi et soir (Mme Sophia Chikirou s’exclame) que, lorsque l’Union européenne travaille sur ces sujets, elle le fait illégalement, cela n’en demeure pas moins faux. Le Conseil européen donne mandat à la Commission européenne pour le faire et les États membres, le Parlement européen sont bien dans leur droit lorsqu’ils avancent au sujet de la défense européenne et de la sécurité commune. (« C’est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Je considère – peut-être l’ensemble de l’hémicycle ne partage-t-il pas encore mon opinion – qu’il faut à présent aller plus loin. Nous voyons bien que le déclenchement de la guerre à grande échelle en Ukraine constitue un tournant pour notre continent, que nous avons besoin de nous protéger et que c’est en mettant en commun nos forces armées, nos armes et nos moyens de renseignement que nous serons plus forts, demain, pour dissuader de potentiels agresseurs.
Mme Sophia Chikirou
Non !
Mme la présidente
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir le sous-amendement no 69.
Mme Constance Le Grip
Je souscris à l’ambition, fruit de la situation géopolitique et géostratégique très nouvelle dans laquelle nous nous trouvons, de faire avancer l’Union européenne et les pays européens sur le chemin non seulement de notre autonomie stratégique, mais également de la création d’une Europe de la défense, d’une défense européenne.
Je souhaite néanmoins sous-amender l’amendement no 4 de notre collègue Sitzenstuhl afin qu’il fasse explicitement référence tant à la Boussole stratégique européenne en matière de sécurité et de défense qu’aux conclusions de la dernière réunion extraordinaire du Conseil européen, qui s’est tenue le 6 mars, invitant au renforcement de l’autonomie stratégique européenne. Il s’agit de pouvoir faire face ensemble aux menaces et aux défis existentiels qui pèsent sur nous.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
La commission a repoussé l’amendement mais j’y suis personnellement favorable sous réserve de l’adoption du sous-amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Le gouvernement est très favorable au sous-amendement qui rappelle l’attachement de la France à l’autonomie stratégique européenne. Mme Le Grip replace utilement les orientations mentionnées par l’amendement de M. Sitzenstuhl dans la perspective réitérée à maintes reprises par le gouvernement.
Aussi, sous réserve de l’adoption du sous-amendement, le gouvernement est-il favorable à l’amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian.
M. Marc de Fleurian
Votre amendement ne va pas, monsieur Sitzenstuhl, pour deux raisons. D’une part, vous ne définissez pas les termes du sujet, d’autre part, vous les mélangez. Vous parvenez à transformer la politique étrangère et de sécurité commune en une défense européenne. Vous allez, s’il vous plaît, définir devant nous les termes du sujet, afin que nous sachions de quoi vous parlez, parce que, j’y insiste, vous mélangez les mots, ce qui est très mal !
Mme Olivia Grégoire
Ça ne va pas, non ? Vous vous prenez pour un professeur ?
M. Marc de Fleurian
J’évoquerai ensuite de la brigade franco-allemande. Depuis sa création il y a trente-six ans, en 1989 – l’année de ma naissance –, elle n’a jamais été projetée. En effet, elle n’est pas opérationnelle du fait que les cultures militaires de ceux qui la composent sont différentes et les militaires allemands et français n’ont pas envie d’y servir parce qu’ils obéissent à des doctrines d’emploi différentes et que leurs nations respectives n’ont pas les mêmes objectifs.
La défense européenne que vous appelez de vos vœux ne fonctionnera donc pas. Ce ne sera qu’une coquille vide inemployable. Vous allez nous réduire à l’impuissance, comme cela se produit à chaque fois que l’Union européenne s’empare d’un sujet. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Cher collègue Sitzenstuhl, répéter un mensonge n’en fait pas une vérité. L’existence d’une politique étrangère et de sécurité commune n’implique pas que l’Union européenne soit habilitée à mener une politique de défense. Nous n’y avons jamais consenti.
Par ailleurs, en 2005, les Français ont clairement indiqué qu’ils ne voulaient de l’organisation de l’Union européenne telle qu’elle se construit contre eux depuis cette date. Notre collègue Lachaud a rappelé la forfaiture qu’a constituée la ratification par le Congrès du traité de Lisbonne. Non, les Français n’ont jamais indiqué qu’ils étaient d’accord pour que soit menée une politique de défense commune européenne, moins encore pour que soit créée l’armée européenne que vous voulez voir évoquée dans le texte que nous examinons. (M. Charles Sitzenstuhl s’exclame.)
Au demeurant, avec qui proposez-vous de former une armée commune européenne ? Avec Viktor Orbán, dont vous dénonciez tout à l’heure l’alignement sur la Russie ? Avec Giorgia Meloni, qui prend ses ordres auprès de Donald Trump ? Voilà la réalité de l’armée européenne que vous voulez construire ! Au mieux, elle sera impuissante ; au pire, elle renforcera notre soumission aux ingérences étrangères que vous prétendez combattre. En tout état de cause, elle finira par acheter du matériel américain, c’est-à-dire par renforcer la diplomatie militariste des États-Unis au lieu de défendre la paix, le non-alignement et l’indépendance de la France, à laquelle nous sommes si attachés, nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabine Thillaye.
Mme Sabine Thillaye
Vous avez évoqué la brigade franco-allemande, cher collègue du groupe Rassemblement national, mais je crois que vous n’avez pas examiné ses évolutions récentes. S’agissant du passé, vous n’avez pas tort, mais nos deux ministres, Sébastien Lecornu et Boris Pistorius, ont signé une lettre d’intention. (« Ah ! » et rires sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
Alors, on est sauvé !
Mme Sabine Thillaye
Écoutez : pendant trois ans, la brigade franco-allemande sera mise à la disposition de l’Otan, bénéficiera durant cette période d’une formation et pourra agir sur le flanc Est de l’Alliance atlantique. C’est une sacrée avancée ! Vous devriez suivre ces évolutions ! (Brouhaha sur les bancs du groupe RN.)
M. Bastien Lachaud
Bravo ! Elle est belle, l’autonomie stratégique ! Elle est belle, votre armée européenne !
Mme Sabine Thillaye
Quant à la défense européenne, il faut examiner de plus près les traités : nombre de ses aspects relèvent de l’échelon intergouvernemental. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 69.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 210
Nombre de suffrages exprimés 150
Majorité absolue 76
Pour l’adoption 114
Contre 36
(Le sous-amendement no 69 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 4, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 208
Nombre de suffrages exprimés 202
Majorité absolue 102
Pour l’adoption 110
Contre 92
(L’amendement no 4, sous-amendé, est adopté.)
Mme la présidente
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de résolution européenne appelant au renforcement du soutien à l’Ukraine ;
Discussion de la proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences eau et assainissement ;
Discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires ;
Discussion de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra