Deuxième séance du mercredi 19 mars 2025
- Présidence de M. Xavier Breton
- 1. Sortir la France du piège du narcotrafic
- Discussion des articles (suite)
- Article 23 quinquies (appelé par priorité - suite)
- Amendement no 857
- M. Vincent Caure, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice
- Amendements nos 423, 405, 409, 349, 537 rectifié, 350, 165, 212, 315, 160, 178, 608, 798, 812, 213, 316, 729, 226, 609, 725 et 813
- Sous-amendements nos 972, 971 et 991
- Amendements nos 348, 410, 179, 726, 727, 214, 317, 347, 730, 799 et 814
- Sous-amendement no 976
- M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- Amendements nos 731, 167 deuxième rectification, 592 deuxième rectification et 166
- Suspension et reprise de la séance
- Rappel au règlement
- Article 23 quinquies (appelé par priorité - suite)
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Xavier Breton
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Sortir la France du piège du narcotrafic
Suite de la discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic (nos 907, 1043 rectifié).
Discussion des articles (suite)
M. le président
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement no 857 à l’article 23 quinquies.
Article 23 quinquies (appelé par priorité - suite)
M. le président
Je vous propose, mes chers collègues, de passer à un rythme plus soutenu dans la discussion des articles, avec seulement un orateur pour et un orateur contre sur chaque amendement. Nous sommes sur l’article 23 quinquies depuis un long moment et nous devons avancer dans l’examen du texte.
M. Emeric Salmon
Très bien !
M. le président
Si besoin, nous pourrons déroger à titre exceptionnel à cette règle pour approfondir le débat sur tel ou tel amendement.
La parole est à M. Vincent Caure, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir l’amendement no 857.
M. Vincent Caure, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
En l’état du dispositif, la décision de placement dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée (QLCO) peut être renouvelée si les conditions restent réunies, mais il sera possible à tout moment de mettre fin à cette affectation en tenant compte de nouveaux éléments ou des circonstances – nous en avons longuement discuté lors de la séance précédente.
Le présent amendement tire les conclusions de l’avis du Conseil d’État du 14 mars 2025 et propose d’ajouter au dispositif une obligation de réexamen de la procédure d’affectation dans deux cas précis : lorsqu’est ordonnée la fin de la détention provisoire qui a justifié le placement en QLCO mais que la personne reste détenue pour une autre cause ; lorsque la personne détenue est jugée pour les faits ayant justifié le placement.
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice
Avis favorable.
(L’amendement no 857 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 423.
M. Antoine Léaument
Il vise à faire primer les droits en supprimant la fin de l’alinéa 13, ce qui apparaît nécessaire à la lecture dudit alinéa : « La décision d’affectation au sein d’un quartier de lutte contre la criminalité organisée ne porte pas atteinte à l’exercice des droits de toute personne détenue prévus au livre III du présent code, sous réserve des aménagements qu’imposent les impératifs de sécurité et des restrictions prévues à la présente section. »
Nous vous proposons de supprimer les mots : « sous réserve des aménagements qu’imposent les impératifs de sécurité et des restrictions prévues à la présente section ». En effet, dès lors que vous entendez garantir des droits, vous ne pouvez pas prévoir des exceptions à leur exercice ; ou alors ce ne sont plus des droits.
M. Frédéric Petit
C’est dans la loi !
M. Antoine Léaument
Mais non, collègue ! Écrire « sous réserve des aménagements qu’imposent les impératifs de sécurité et des restrictions prévues à la présente section » revient à dire que l’on peut faire passer n’importe quoi avant les droits. Or nous, nous faisons passer les droits avant le reste, conformément au principe de sûreté que j’évoquais tout à l’heure en référence à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, c’est-à-dire à la fois la sécurité de la personne et la sécurité d’exercice de ses droits.
M. le président
Sur les amendements identiques nos 405 et 409, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 423 ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Vous souhaitez supprimer la fin de l’alinéa 13. Sur la forme, vous jugez cette formule trop imprécise, mais elle existe déjà en droit ; c’est même celle qui prévaut en ce qui concerne les unités pour détenus violents, les UDV, et les quartiers de prise en charge de la radicalisation, les QPR. Sur le fond, je ne peux y être que défavorable puisqu’en en supprimant cette mention, vous videz de sa substance le dispositif et supprimez l’intérêt de ces nouveaux quartiers.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Nous parlons des droits des personnes détenues, en particulier de ceux mentionnés dans le code pénitentiaire, et ils n’ont rien d’extravagant. Mais on voit bien qu’à chaque fois qu’une exception est introduite dans le code au nom de la sécurité, elle devient la norme. Je vous disais précédemment, monsieur le ministre, que je me suis rendu au centre pénitentiaire d’Annœullin,…
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
C’est bien.
M. Ugo Bernalicis
…où des tensions existent entre le corps médical et l’administration pénitentiaire en raison des contradictions entre les besoins d’extraction pour motif médical et les exigences de la surveillance. Certes, le détenu a droit à une extraction médicale, mais ce qui prend le pas, à la fin, c’est la sécurité. La cheffe d’établissement me l’a dit en ces termes : « Pour moi, c’est la sécurité d’abord. »
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
C’est une bonne cheffe d’établissement.
M. Ugo Bernalicis
Peut-être, mais ne pas reconnaître le droit du détenu à une extraction médicale pour être soigné, c’est aussi le mettre en difficulté et faire monter le niveau de tension dans la détention, le détenu refusant de réintégrer sa cellule, etc. Et quand la cheffe d’établissement m’a dit que qu’elle ne pouvait accepter l’extraction médicale pour des raisons de sécurité, monsieur le ministre, cela ne faisait pas référence à l’éventuelle dangerosité de la personne : « J’aurais un agent en moins sur la coursive durant le temps de l’extraction, ce n’est pas possible. » Voilà de quoi nous parlons… Et à la fin, l’exception finit par devenir la règle.
(L’amendement no 423 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 405 et 409.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 405.
M. Ugo Bernalicis
Cet amendement de mon collègue Léaument concerne les unités de vie familiale (UVF). Vous expliquez que, dans ce nouveau régime de détention, il n’y en aura pas, un point c’est tout. Votre seule concession est la dérogation à l’hygiaphone obligatoire quand il y a des enfants, et on comprend bien pourquoi : il y va de l’intérêt supérieur de l’enfant, garanti par nos textes ; vous ne le faites donc pas en vertu des droits du détenu. Mais en refusant les unités de vie familiale, vous déliez le lien familial, qui est pourtant le premier facteur de désistance, je le rappelle. Toutes les études montrent, et pas uniquement en France, que le meilleur moyen d’éviter qu’une personne récidive est de lui permettre de développer ses liens familiaux.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Vous avez raison, c’est important.
M. Ugo Bernalicis
Je sais bien qu’il y a eu des agressions d’agents à l’entrée ou à la sortie de l’unité de vie familiale – j’ai quelques exemples en tête remontant à l’avant-dernière législature –, mais la violence de quelques-uns n’est pas une raison pour priver tout le monde de l’UVF. La préservation du lien familial est, je le redis, le meilleur moyen de prévenir la récidive. Et ce n’est pas seulement un droit pour le détenu : c’est aussi un droit pour ses enfants, sa famille, sa compagne ou son compagnon.
M. le président
L’amendement no 409 de M. Ugo Bernalicis a été défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Vous voulez supprimer les alinéas 14 à 16 qui concernent les fouilles, le parloir, l’hygiaphone et l’usage du téléphone, ce qui reviendrait, là encore, à vider de sa substance l’article.
S’agissant des fouilles, un ajustement du texte est en effet nécessaire pour tenir compte de l’avis du Conseil d’État. Je vous renvoie donc à mon amendement no 812 que nous examinerons dans quelques minutes et qui vise à mettre en conformité le texte avec ledit avis.
Vous évoquez les unités de vie familiale. Il est difficile de déterminer le bon enchâssement de ce dispositif dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée. L’avis du Conseil d’État est clair : l’autorité administrative est tenue de prendre en considération les situations particulières ou les circonstances exceptionnelles, et c’est ce que nous visons dans le texte, mais décliner toutes les modalités de fonctionnement des unités de vie familiale dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée, c’est s’éloigner de manière déraisonnable de l’objectif. Avis défavorable.
M. Ugo Bernalicis
On parle de deux ans renouvelables, pas de quinze jours !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme Béatrice Roullaud.
Mme Béatrice Roullaud
Le groupe LFI s’inquiète de la disparition de certains droits durant la détention des personnes incarcérées pour narcotrafic. La gauche s’émeut que ces délinquants et criminels dangereux se voient privés d’unités de vie familiale et imposer des fouilles systématiques après parloir au motif que ces mesures porteraient atteinte à la dignité, seraient attentatoires aux droits fondamentaux et à la protection de la vie familiale. Mais pensez-vous que la mère de Soukaïna a eu droit, elle, à la protection de sa vie familiale et que ses droits fondamentaux, notamment le droit à la vie, ont été respectés ? Certainement pas ! Pour Soukaïna, l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, le droit à la vie, a été bafoué.
M. Anthony Boulogne
Bravo !
Mme Béatrice Roullaud
Au fond, de quoi parle-t-on avec cet article 23 quinquies ? Il prévoit des mesures sécuritaires spéciales pour un certain type de personnes extrêmement dangereuses : des personnes qui ont froidement abattu deux agents pénitentiaires, pères de famille, en bloquant, en pleine journée, un péage d’autoroute ; des personnes qui ont ôté la vie d’une jeune étudiante en droit alors qu’elle étudiait tranquillement dans sa chambre, morte d’une balle perdue. Écoutez la douleur de cette mère trouvant son enfant gisant dans une mare de sang et osez lui parler de l’absence de vie familiale en prison et de la crainte de pratiquer des fouilles au corps parce que cela serait indigne : vous verrez sa réaction, ainsi que celle de tout un peuple qui ne souhaite qu’une seule chose, aller et venir en toute sécurité. Car c’est le premier des droits fondamentaux et il doit être protégé. Tel est l’objet de cette proposition de loi.
M. le président
Je vous prie de conclure.
Mme Béatrice Roullaud
Or dans les quartiers sous l’emprise des narcotrafiquants, on ne peut ni aller ni venir en toute sécurité, ni même maintenant rester chez soi en toute sécurité ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
Collègues du bloc central, monsieur le garde des sceaux : vous devriez vous interroger sur le fait que les dispositions les plus dures ne sont défendues que par le Rassemblement national.
On vous a dit tout à l’heure comment certains amendements font de la peine un châtiment. Mes collègues viennent à l’instant d’expliquer de manière implacable que ces dispositions dégradantes et humiliantes sont attentatoires aux principes fondamentaux de notre droit.
Vous vous êtes fixé l’objectif, que nous partageons, de créer des prisons qui ne soient pas l’objet de débordements, où les gardiens ne travaillent pas la peur au ventre. Toutefois, je veux vous rappeler les événements survenus lors la pandémie du covid-19, lorsqu’on a contraint à un point exceptionnel et inédit les droits des détenus et des prisonniers. Des dispositifs dits d’ordre public se sont imposés dans l’impréparation, pour des raisons sanitaires, mais qu’ont-ils provoqué, dans un silence médiatique assourdissant ? Plus d’une quarantaine de prisons ont été le théâtre de mouvements collectifs de protestation, dont seize ont pris la forme de mutineries. À Maubeuge et à Béziers,…
M. Julien Gabarron et M. Michaël Taverne
C’est chez nous !
M. Pouria Amirshahi
…les surveillants ont même dû sortir des fusils à pompe – des vidéos en témoignent. À Uzerche, 200 détenus ont rendu hors d’usage deux bâtiments et 333 détenus ont dû être transférés. Je ne poursuivrai pas cette énumération, mais comprenez bien qu’en plus de porter atteinte à des principes fondamentaux, certains dispositifs auront pour effet de dégrader les conditions du maintien de l’ordre public au sein même des établissements pénitentiaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 405 et 409.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 139
Nombre de suffrages exprimés 137
Majorité absolue 69
Pour l’adoption 50
Contre 87
(Les amendements identiques nos 405 et 409 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 349 et 537 rectifié.
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 349.
Mme Sandra Regol
Les fouilles sont évidemment utiles pour éviter que des objets ou des substances entrent dans une prison ou en sortent. L’amendement no 349, dans la continuité de l’amendement no 409 que nous venons d’examiner, tend à remettre en cause le caractère systématique de ces fouilles.
Pour rappel, Robert Badinter disait : « Être mis à nu devant un autre, c’est la première étape de la dégradation du sujet. » (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. Pouria Amirshahi
Elle a raison !
Mme Sandra Regol
C’est parce que je cite Badinter que vous protestez ? Vraiment ? Voulez-vous vraiment jouer ce jeu-là ? (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Hervé de Lépinau
Oh, ne commencez pas !
M. Thierry Tesson
C’est du terrorisme intellectuel !
Mme Sandra Regol
Il me semble que nous pourrions élever un peu le niveau, chers collègues !
Reprenons. La France a déjà été sanctionnée en 2011 pour avoir imposé, de façon répétée, des fouilles intégrales. Souhaitons-nous réellement que cette proposition de loi, qui tend à l’efficacité, se fasse immédiatement retoquer ? Si vous répondez par l’affirmative, vous n’avez qu’à maintenir ce dispositif et son caractère systématique. Si, au contraire, vous voulez que des fouilles aient lieu pour surveiller ce qui entre et sort des prisons, ne les rendez pas systématiques !
Les deux prisons choisies par le ministre pour y regrouper les narcotrafiquants les plus dangereux offrent des solutions alternatives. Toutes deux disposent de scanners très puissants, qui permettent de vérifier qu’aucun objet n’est dissimulé sous les vêtements des personnes qui y entrent et qui en sortent. Ces solutions existent déjà et il n’y a donc pas lieu de dépenser le moindre euro supplémentaire.
M. Pouria Amirshahi
C’est vrai !
Mme Sandra Regol
Par conséquent, pourquoi vouloir systématiser la fouille intégrale ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. – Mme Mathilde Feld applaudit également.)
M. le président
L’amendement no 537 rectifié de Mme Émeline K/Bidi est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Nous sommes tous d’accord sur le besoin de disposer, grâce aux quartiers de lutte contre la criminalité organisée, d’un régime de détention qui permette d’éloigner les détenus et d’empêcher tout contact avec leur organisation criminelle. Mais je crois aussi, comme vous, que nous devons trouver un équilibre aussi juste que possible entre cet objectif et le respect des engagements internationaux de la France et des décisions du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel.
Je défendrai donc un amendement tendant à préciser le régime des fouilles dans les QLCO et accordant une place bien plus grande à l’autorité administrative, pour rendre les dispositions du texte conformes à l’avis du Conseil d’État. Je suis donc défavorable à ces amendements, qui suppriment entièrement l’alinéa relatif aux fouilles intégrales, et je vous invite à soutenir l’amendement no 812 à venir.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Madame Regol, je suis en partie d’accord avec vous. Dès lors que le régime de détention permet l’utilisation d’un hygiaphone et que le chef des services pénitentiaires ou le directeur interrégional des services pénitentiaires (DISP) peut décider si des fouilles sont nécessaires, dès lors aussi que des scanners à ondes millimétriques sont disponibles, nous pouvons considérer qu’il ne faut pas rendre les fouilles systématiques.
Je rappelle que les scanners à ondes millimétriques permettent de détecter des objets transportés sous les vêtements, mais pas les substances et les objets qui seraient incorporés. Nous devrions d’ailleurs solliciter l’autorisation de l’Agence nationale des fréquences (ANFR) pour leur utilisation.
Je soutiendrai l’amendement no 812 du rapporteur, dont la rédaction me semble meilleure et qui tend à supprimer le caractère systématique des fouilles en confiant leur organisation aux chefs des services pénitentiaires en cas d’isolement du détenu.
Des moyens technologiques supplémentaires seront adjoints aux établissements de Vendin-le-Vieil et de Condé-sur-Sarthe. Des travaux de trois mois, après déplacement des détenus, permettront l’installation des scanners à ondes millimétriques, en cours d’achat. Le centre de Condé-sur-Sarthe est déjà équipé d’un tel scanner, mais il n’est utilisé que pour contrôler les personnes qui y entrent – nous devons en installer un deuxième pour contrôler les détenus. À Vendin-le-Vieil, nous devrons en installer deux. Cette prison sera la première à accueillir les narcotrafiquants visés par la proposition de loi.
La présence d’hygiaphones et de scanners à ondes millimétriques permet d’éviter les fouilles systématiques, qui seraient dégradantes pour les détenus – vous avez raison de le rappeler. Pour conclure, je suis d’accord avec vous sur le principe, mais j’émets un avis défavorable sur votre amendement au profit de celui du rapporteur.
M. le président
La parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin
Je suis assez satisfaite de ces dernières déclarations, car à la lecture de la proposition de loi, j’avais d’abord été étonnée que vous n’ayez pas envisagé le recours aux scanners à ondes millimétriques, pourtant souvent évoqués pendant l’examen des lois relatives à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Ces scanners ont été installés pour surveiller l’entrée des stades et certains sont toujours en place et utilisés ; il aurait été surprenant de ne pas les utiliser comme solution alternative à la fouille intégrale.
Je suis d’autant plus satisfaite que je vous ai entendu admettre le caractère dégradant des fouilles systématiques. La question est d’autant plus importante qu’elle conditionne l’accès des détenus à des cours, à la bibliothèque ou à d’autres activités importantes et nécessaires.
M. le président
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
Collègues de gauche, il semble que vous n’ayez pas compris le but du texte.
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est cela, oui !
M. Pierre Pribetich
Nous, on ne comprend jamais rien !
M. Michaël Taverne
Il traite du haut du spectre du narcotrafic, c’est-à-dire d’individus dangereux qui peuvent mettre un contrat sur une tête !
Vous parlez de la systématisation des fouilles intégrales, mais dans son avis relatif à la prise en charge des personnes détenues membres de la criminalité organisée et sur l’usage accru des moyens de télécommunication audiovisuelle, le Conseil d’État souligne que « la Cour a jugé que […] des fouilles intégrales peuvent s’avérer nécessaires pour garantir la sécurité à l’intérieur des prisons ou pour prévenir des troubles ou des infractions ». Des fouilles systématiques sont donc possibles.
Pensez-vous sincèrement que les agents pénitentiaires prennent plaisir à réaliser des fouilles intégrales ?
M. Ugo Bernalicis
Justement !
M. Michaël Taverne
On ne parle pas de fouilles systématiques, mais de fouilles nécessaires.
M. Jean-Paul Lecoq
Il est question de fouilles intégrales systématiques !
M. Michaël Taverne
Si le quartier est sécurisé, une seule fouille sera nécessaire, il n’y aura pas besoin d’en faire tout le temps. Vous trahissez une méconnaissance du régime de détention !
M. Jean-Paul Lecoq
Et vous, une méconnaissance du texte !
M. Michaël Taverne
Monsieur Bernalicis, jamais vous ne verrez ce que j’ai vu à la prison de Loos, qui a fermé, mais que j’ai connue – j’étais déjà sur le terrain !
M. Emmanuel Fouquart
On a affaire à des Mickeys sur les bancs d’en face !
M. Ugo Bernalicis
Je n’étais pas né !
M. Michaël Taverne
Des individus plaçaient des lames de rasoir sous leurs aisselles et parfois sous leur peau. Des scanners à ondes millimétriques ne les auraient pas détectées et ils ne parviennent d’ailleurs pas à détecter les armes céramiques. De fait, une fouille intégrale, une fois réalisée, assure la sécurité des autres détenus et des agents pénitentiaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
(Les amendements identiques nos 349 et 537 rectifié ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de quatre amendements, nos 350, 165, 212 et 315, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 165, 212 et 315 sont identiques.
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l’amendement no 350.
Mme Danielle Simonnet
C’est un amendement de repli, qui tend à assouplir le régime des fouilles à nu et à supprimer leur caractère systématique.
M. Yoann Gillet
Ce n’est pas un amendement de repli, c’est un amendement de bêtise !
Mme Danielle Simonnet
Monsieur le ministre, vous venez d’exprimer votre accord de principe sur cette nécessité. Il s’agit de faire des fouilles intégrales une exception et de les organiser en fonction d’une justification spécifique et non en vertu d’un principe général. L’amendement tend à garantir le caractère individualisé et proportionné des fouilles ; son objectif, clair, est d’éviter qu’une pratique exceptionnelle ne devienne une routine automatique et injustifiée.
Le principe d’individualisation des mesures défavorables – la fouille en est une – est fondamental en droit pénitentiaire. Or la systématisation des fouilles intégrales, introduite par la proposition de loi, rompt avec ce principe et instaurerait une suspicion généralisée qui porterait atteinte à la dignité des personnes détenues et de leurs proches.
Nous convenons de la nécessité de lutter contre l’introduction d’objets illicites en détention, mais cette lutte ne doit pas être menée au détriment des droits fondamentaux. Des solutions alternatives, notamment les scanners à ondes millimétriques, permettent une détection efficace sans recours à des fouilles intrusives et dégradantes. Nous pourrons en équiper les centres pénitentiaires.
M. le président
La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 165.
M. Paul Molac
Il vise à apporter des garanties au régime des fouilles intégrales dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée. Nous avons évoqué la dignité des personnes emprisonnées et le désagrément causé aux gardiens de prison. S’il est possible d’employer d’autres méthodes, tant mieux !
La fouille intégrale est dégradante pour les gardiens et les prévenus. L’amendement vise donc à prévoir que la fouille systématique après chaque contact physique avec une personne en mission ou en visite dans l’établissement soit justifiée et motivée. L’administration et le gardien seront laissés libres d’en apprécier le caractère nécessaire ou non.
M. le président
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 212.
Mme Colette Capdevielle
Je rejoins mes collègues, notamment M. Molac. Il faut d’abord penser au personnel pénitentiaire et à ses difficiles conditions de travail – cette profession a déjà du mal à recruter. Demander aux agents de pratiquer systématiquement des fouilles corporelles intégrales serait particulièrement dégradant, d’abord pour eux, ensuite pour ceux qui les subissent. Or nous disposons aujourd’hui de la technologie adéquate pour éviter des traitements aussi barbares et inhumains.
M. Michaël Taverne
Ce n’est pas le cas !
Mme Colette Capdevielle
Par cet amendement, nous souhaitons apporter des garanties au régime de fouilles envisagé, afin que ces dernières ne soient réalisées que lorsqu’il existe des raisons sérieuses de soupçonner l’introduction d’objets ou de substances interdits ou menaçants ; sans quoi le système serait disproportionné. La France a d’ailleurs déjà été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) – dans l’affaire Fréro –, qui a estimé que les fouilles, en vertu du principe de proportionnalité, devaient être motivées. Soyons fidèles à ce principe.
M. le président
L’amendement no 315 de Mme Eléonore Caroit est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Je demande leur retrait, pour les mêmes raisons qu’évoquées précédemment. À défaut, j’y serai défavorable. Je recherche sincèrement une position équilibrée. Mon amendement no 812 est conçu en ce sens : la référence aux articles L. 225-1 et L. 225-5 du code pénitentiaire permettra de satisfaire votre demande – si je la comprends bien – de proportionnalité : les fouilles ne seront possibles que si une première fouille ou palpation, ou encore l’utilisation des moyens de détection électronique, s’avèrent insuffisants.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme Émilie Bonnivard.
Mme Émilie Bonnivard
Le groupe DR votera contre ces amendements, car les fouilles intégrales systématiques visent uniquement des individus appartenant au haut du spectre de la criminalité organisée. Les collègues qui viennent de s’exprimer ne vivent pas dans le monde réel. Madame Capdevielle, avez-vous rencontré des surveillants de prison ? (M. Arthur Delaporte proteste.) Ceux avec lesquels j’ai parlé au centre pénitentiaire d’Aiton m’ont dit regretter l’absence de systématicité des fouilles, qui rend leur travail plus difficile et plus dangereux.
L’amendement du rapporteur permettra de bien cadrer le régime de fouilles. L’interdiction des fouilles intégrales systématiques est disproportionnée et crée un risque maximal pour nos agents pénitentiaires. Ces derniers demandent que la systématicité soit de nouveau la norme.
Nous ne devons pas vivre dans la même réalité ; en tout cas vous ne vivez pas dans la même réalité que les agents pénitentiaires : vos arguments ne répondent pas à leurs attentes.
M. le président
La parole est à Mme Sandra Regol.
Mme Sandra Regol
Madame Bonnivard, nos arguments sont ceux du Conseil d’État, entre autres. Les avis auxquels nous nous référons ne sont pas établis au doigt mouillé…
Mme Émilie Bonnivard
Avez-vous entendu les organisations syndicales ?
Mme Sandra Regol
Inutile de me hurler dessus. Le respect du cadre de la loi, tel que le préconise le Conseil d’État, fait plutôt consensus. Nous ne cherchons pas à favoriser les personnes condamnées puisque nous sommes en train de préciser le régime carcéral spécifique qui s’appliquera à elles. Les prisons françaises connaissent déjà des régimes carcéraux spécifiques et la situation est loin d’y être rêvée si l’on se réfère aux classements internationaux : les personnes écrouées exécutent leur peine dans des conditions loin d’être enviables… À vous écouter, on pourrait penser que nous cherchons à leur accorder des faveurs ; ce n’est pas le cas.
Mme Émilie Bonnivard
Ce n’est pas ce que j’ai dit !
Mme Sandra Regol
Nous voulons simplement nous inscrire dans un cadre juridique solide, qui ne puisse pas être aussitôt retoqué. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 350.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 171
Nombre de suffrages exprimés 170
Majorité absolue 86
Pour l’adoption 65
Contre 105
(L’amendement no 350 n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 165, 212 et 315 ne sont pas adoptés.)
M. le président
L’amendement no 160 de M. Paul Molac est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Romain Baubry.
M. Romain Baubry
Le sujet des fouilles est intéressant. En 2007, lorsque la France a été condamnée par la CEDH, il n’y avait pas encore de législation sur le sujet ; une loi a été votée par la suite, à l’initiative des LR, qui a supprimé les fouilles intégrales systématiques dans les prisons. Vous auriez dû voter les moyens supplémentaires pour la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) demandés par le groupe RN lorsque nous examinions le budget du gouvernement Barnier. Ce dernier prévoyait l’acquisition de cinq scanners à ondes millimétriques : nous proposions de doubler ce nombre, mais vous avez voté contre.
Vous mettez le personnel pénitentiaire en difficulté en lui refusant à la fois la systématicité des fouilles et les moyens supplémentaires pour les réaliser. Tous les agents en conviennent pourtant : ils veulent pouvoir y procéder, notamment au retour des parloirs, car les drogues, des armes, notamment en céramique, ou les téléphones ne sont pas détectés par les portiques. Donnez-leur les moyens technologiques de réaliser ces fouilles, ou bien rétablissez leur systématicité !
M. le président
La parole est à M. Arthur Delaporte.
M. Arthur Delaporte
Madame Bonnivard, vous nous accusez, et notamment ma collègue Capdevielle, avocate de profession, d’être déconnectée et de ne pas connaître la condition carcérale. Je trouve cela particulièrement déplacé !
Mme Émilie Bonnivard
Je n’ai pas de leçon à recevoir de vous !
M. Arthur Delaporte
J’ai pour ma part échangé avec l’ensemble des syndicats pénitentiaires de mon département, meurtris par le drame d’Incarville – les agents tués venaient du Calvados. Le personnel pénitentiaire ne demande pas tant la systématicité des fouilles que davantage d’agents dans les prisons, où des palanquées de postes ne sont pas pourvus – une vingtaine au centre pénitentiaire de Caen, par exemple. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) J’ai d’ailleurs écrit au ministre à ce sujet il y a quelques semaines. Alors qu’il n’y a pas assez de personnel formé en sortie d’école, vous vous obstinez à leur demander plus de travail, toujours plus ! Imaginez-vous la tâche s’il fallait réaliser systématiquement des fouilles ? Les agents demandent certes à être mieux protégés, mais aussi à être plus nombreux !
(L’amendement no 160 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 178.
Mme Colette Capdevielle
Je rappelle que sur la question des fouilles intégrales, la France a de nouveau été condamnée par la CEDH dans l’affaire El Shennawy, pour les mêmes raisons.
Madame Bonnivard, mon exercice professionnel m’a amenée à rencontrer de nombreux gardiens de prison.
Mme Émilie Bonnivard
Cela fait peut-être longtemps !
Mme Colette Capdevielle
Je pense avoir fait le tour de l’ensemble des établissements pénitentiaires, qui sont dans une situation dramatique. Croyez bien que les personnels préféreraient être beaucoup plus nombreux et travailler dans de meilleures conditions.
Mme Émilie Bonnivard
Je le sais !
Mme Colette Capdevielle
Si nous pouvions leur faciliter la tâche, nous répondrions à leur première demande. Ne me faites pas grief d’ignorer leurs attentes : nous cherchons tous la même chose !
M. Laurent Jacobelli
Certainement pas !
Mme Colette Capdevielle
Pour que cela se passe bien en détention, il faut améliorer les conditions de travail du personnel pénitentiaire. Vous n’avez rien fait pour cela ces dernières années. Vos propos sont inadmissibles !
Mme Caroline Colombier
N’importe quoi !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme Naïma Moutchou.
Mme Naïma Moutchou
Vous avez raison, madame Capdevielle, les conditions de travail des agents pénitentiaires doivent être revues et corrigées d’urgence. Je me suis rendu à la maison d’arrêt de Nantes la semaine dernière : elle était encore surpeuplée à hauteur de 200 % il y a à peine un mois. Cela n’est évidemment pas acceptable. Le groupe Horizons & indépendants est, pour cette raison, favorable à la création de places de prison supplémentaires. Mais nous ne serons pas d’accord sur ce sujet.
Mme Elsa Faucillon
On le dit depuis trente ans, ça ne changera rien !
Mme Naïma Moutchou
Citer les arrêts de la CEDH sur lesquels se basent les amendements en discussion ne suffit pas si l’on ne rappelle pas le fond de ces décisions – ce qu’a dit la Cour, tout ce qu’elle a dit, rien que ce qu’elle a dit : elle ne prétend pas que les fouilles intégrales systématiques sont interdites dans l’absolu, elle estime qu’elles ne doivent pas être automatiques sans justification individuelle dès lors qu’il n’y a pas de menace particulière.
Les débats que nous avons depuis lundi prouvent que la menace existe bien dans les cas dont nous parlons : les principes de la Convention européenne des droits de l’homme sont donc respectés. L’amendement de M. le rapporteur permettra de se conformer au principe de l’individualisation du régime de fouilles intégrales. Les filtres politiques ou juridiques que vous préconisez risquent en revanche de paralyser l’action que nous appelons de nos vœux. Nous préférons faire confiance à la DAP, qui sait mieux que les autres comment mener à bien cette mission.
(L’amendement no 178 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 608 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 608, accepté par le gouvernement, est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements identiques nos 798 et 812, par le groupe Ensemble pour la République ; sur les amendements nos 213 et identiques, par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouveau Front populaire.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 798 et 812.
La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l’amendement no 798.
M. Sébastien Huyghe
Il vise à individualiser le régime de fouilles intégrales pour les personnes détenues en quartier de lutte contre la criminalité organisée, en tenant compte de leur situation particulière, notamment de leur âge, de leur état de santé, de leur handicap, de leur identité de genre ou de leur personnalité, conformément aux principes généraux du code pénitentiaire.
Nous tirons les conséquences de l’avis rendu par le Conseil d’État le 13 mars : par cet amendement, nous respectons l’équilibre entre l’exigence sécuritaire et le respect des droits fondamentaux – preuve que les débats que nous venons d’avoir étaient superfétatoires. Les modalités d’application de ces dispositions seront précisées par décret en Conseil d’État.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 812.
M. Vincent Caure, rapporteur
Il vise de la même manière, comme l’a rappelé la vice-présidente Moutchou, à améliorer le régime des fouilles en respectant le principe de l’individualisation, conformément à la Convention européenne des droits de l’homme, aux décisions passées du Conseil d’État et à l’avis rendu récemment par ce dernier.
L’amendement précise, d’une part, que les modalités de fouille s’appliquent sous réserve des adaptations décidées par l’autorité administrative compétente – nous touchons là au cœur de la recherche d’individualisation de la décision. D’autre part, il renvoie clairement au droit existant et aux règles générales déjà prévues en la matière, à savoir les articles L. 225-1 et L. 225-5 du code pénitentiaire.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Favorable.
M. le président
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
Vous ouvrez une brèche. Vous avez tenté d’instaurer une sécurisation maximale des quartiers de haute sécurité, mais vous commencez déjà à faire marche arrière : d’abord en introduisant la question de l’identité de genre – qui, à ma connaissance, ne s’est jamais posée dans les réseaux criminels –, puis celle des mineurs, enfin celle de l’état de santé. Vous trouverez bientôt d’autres excuses, comme l’état psychologique. Alors que vous avez voulu, ce qui est une bonne chose, sécuriser ces quartiers au maximum, vous voilà déjà en train de flancher et de rebrousser chemin en prévoyant des cas où il n’y aura pas de fouille intégrale.
Pourtant, le Conseil d’État est clair : « des fouilles intégrales peuvent s’avérer nécessaires » si elles ne sont pas faites de manière « routinière ».
M. Stéphane Delautrette
C’est ce qu’on a dit !
M. Michaël Taverne
Or ce ne sera pas fait de manière routinière : les agents pénitentiaires doivent assurer leur propre sécurité et, dans ces quartiers de haute sécurité, agir en prenant en compte le degré de dangerosité des détenus. En considérant qu’un mineur ou qu’un détenu avec une identité de genre…
M. Ugo Bernalicis
Tout le monde a une identité de genre !
M. Michaël Taverne
…ne sont pas dangereux, vous faites marche arrière et c’est pourquoi nous voterons contre ces amendements.
M. le président
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
Ces amendements identiques sont un moindre mal, même s’ils ne satisfont pas à toutes les exigences que nous avons formulées. Monsieur Taverne, vous avez une vision sadique, doloriste de la peine, qui vise à faire mal et qui confond peine et châtiment.
M. Michaël Taverne
Je n’ai pas dit ça !
M. Pouria Amirshahi
Or ce genre de disposition, qui consiste à durcir les conditions d’incarcération, ne règle pas le problème principal : rechercher, capturer puis juger des chefs de mafia. La seule dissuasion par la gravité de la peine et les conditions de détention ne suffira pas, loin de là ; c’est un engrenage sans fin, comme l’ont démontré de nombreux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.
Par ailleurs, les agents pénitentiaires, contrairement à ce qu’a dit Mme Bonnivard, ne demandent pas des fouilles intégrales systématiques ; en effet, devoir systématiquement organiser de telles fouilles les met aussi en danger.
Mme Émilie Bonnivard
Je ne parlais pas de fouilles intégrales mais de fouilles systématiques au parloir !
M. Pouria Amirshahi
Il faut bien que vous réalisiez ce que signifie une fouille intégrale, que vous visualisiez la scène.
Bien des choses manquent dans l’amendement du rapporteur pour garantir la conformité de la disposition à des principes fondamentaux du droit. Par exemple, prévoir l’intervention d’un médecin – ce serait le minimum – lorsqu’il s’agit de rechercher des choses à l’intérieur du corps du détenu, si vous voyez ce que je veux dire. On pourrait également, comme l’a dit le garde des sceaux et comme l’a expliqué Sandra Regol, miser plutôt sur les scanners à ondes millimétriques, qui évitent les humiliations – mais ce n’est pas ce que vous cherchez à faire.
On peut, à tout le moins, accepter ce genre d’amendement qui atténue la sévérité du dispositif. Toutefois, gardez à l’esprit qu’un tel dispositif vous éloigne de l’objectif recherché : lutter contre le haut du spectre de la criminalité organisée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 798 et 812.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 183
Nombre de suffrages exprimés 183
Majorité absolue 92
Pour l’adoption 120
Contre 63
(Les amendements identiques nos 798 et 812 sont adoptés.)
M. le président
Les amendements identiques nos 213 de Mme Colette Capdevielle, 316 de Mme Éléonore Caroit et 729 de M. Pouria Amirshahi sont défendus.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 213, 316 et 729, qui ont reçu un avis défavorable de la commission et du gouvernement.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 183
Nombre de suffrages exprimés 181
Majorité absolue 91
Pour l’adoption 70
Contre 111
(Les amendements identiques nos 213, 316 et 729 ne sont pas adoptés.)
M. le président
L’amendement no 226 de Mme Colette Capdevielle est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Cet amendement vise à exempter les avocats de l’hygiaphone. Nous partageons cette volonté de sanctuariser le lien entre le détenu et son avocat, et de protéger les droits de la défense. Mais je vous demande de retirer votre amendement car il sera, je l’espère, satisfait par l’amendement no 814 à venir, qui tend à préciser que les échanges avec les avocats ne sont concernés ni par les dispositifs de séparation aux parloirs, ni par les restrictions d’accès au téléphone.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
(L’amendement no 226 est retiré.)
M. le président
L’amendement no 609 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 609, accepté par le gouvernement, est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 725 et 813, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 813 fait l’objet de trois sous-amendements, nos 972, 971 et 991.
Sur cet amendement et les sous-amendements, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 725.
Mme Sandra Regol
Les parents peuvent avoir commis des crimes, il ne s’agit pas pour autant de punir leurs enfants. L’amendement vise ainsi à permettre à ces derniers de rendre visite à leurs parents, de façon plus sereine, dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Pouria Amirshahi
L’humanité a parlé !
M. le président
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 813, qui fait l’objet de trois sous-amendements nos 972, 971 et 991.
M. Vincent Caure, rapporteur
Le texte prévoit déjà un aménagement du dispositif de séparation lors des parloirs en cas de visite d’un mineur. Nous sommes d’accord : il est nécessaire de permettre le contact physique entre la personne détenue et son enfant afin de faciliter le maintien des liens familiaux et de garantir l’intérêt supérieur de l’enfant.
Pour mieux expliciter cette nécessité, l’amendement vise à reformuler l’alinéa 15 : il ne s’agit plus seulement d’adapter les dispositifs de séparation en cas de visite d’un enfant, mais d’indiquer tout simplement que ces dispositifs ne s’appliquent pas dans ce cas. Cela me paraît plus simple et plus clair. Par ailleurs, comme l’a suggéré le Conseil d’État, cet amendement tend à ajouter une seconde exception aux dispositifs de séparation, celle de circonstances familiales exceptionnelles que pourraient avoir à connaître l’autorité pénitentiaire.
M. le président
La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir les sous-amendements nos 972 et 971, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Pouria Amirshahi
Ils ont déjà été brillamment défendus par Mme Regol.
Plusieurs députés du groupe RN
Brillamment, c’est beaucoup dire !
M. le président
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir le sous-amendement no 991.
M. Antoine Léaument
Monsieur Caure, vous avez oublié de préciser une chose : l’amendement no 813 tel que vous l’avez rédigé se limite aux enfants de moins de 16 ans. Les sous-amendements nos 971 et 991 que nous défendons avec M. Amirshahi permettent d’aller jusqu’à l’âge de 18 ans. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Hervé de Lépinau
Bien sûr, ces pauvres chéris, ces pauvres petits anges !
Mme Elsa Faucillon
Vous arrêtez de faire des câlins à vos enfants à partir de 16 ans, vous ?
M. Antoine Léaument
J’arrive à peu près à comprendre votre logique de déshumanisation des personnes détenues. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je comprends l’idée : selon vous, une personne qui a commis des actes délictuels ou criminels, voire – allons jusqu’au bout – qui en a tué une autre, s’est mise à l’écart de l’humanité. Mais quel est le rapport avec les enfants ?
M. Hervé de Lépinau
À 17 ans et 11 mois, ce ne sont plus des enfants !
M. Antoine Léaument
Qu’ont fait les enfants des personnes détenues qui justifierait qu’ils subissent les conséquences des actes commis par leurs parents ? Cela, je ne parviens pas à le comprendre. Vous prétendez défendre l’idée de la responsabilité individuelle mais je considère, quant à moi, que notre devoir de républicains est de nous distinguer de ce que font les narcotrafiquants. C’est face à des gens qui sont, parfois, en quelque sorte inhumains que nous devons faire la démonstration que nous restons des êtres humains. C’est cela qui fait la force de l’humanité : être capable de garder du cœur face à des gens qui l’ont perdu ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
C’est d’ailleurs sans doute ce qui nous différenciera toujours. À vous entendre, je songe aux récits qui évoquent la déshumanisation dans les prisons. En ce qui concerne la responsabilité des enfants, vous n’avez aucun argument : j’appelle donc nos collègues à prendre reconsidérer leur position et à soutenir nos sous-amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – MM. Arthur Delaporte et Benjamin Lucas-Lundy applaudissent également.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements et sous-amendements en discussion commune ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Avis évidemment favorable sur l’amendement no 813, défavorable sur l’amendement no 725.
J’entends les arguments avancés pour défendre les sous-amendements qui visent à étendre l’absence de séparation physique lors des parloirs aux mineurs de 16 à 18 ans. Cependant, je rappelle que la catégorie de « mineur » connaît déjà dans le droit des régimes différenciés selon que le mineur a 14, 16 ou 17 ans.
M. Jean-Paul Lecoq
Cela reste des enfants !
M. Vincent Caure, rapporteur
J’espère que vous me reconnaissez la volonté de parvenir, dans la rédaction de ce texte, à un point d’équilibre entre toutes les formations de cet hémicycle. Je souscris à la nécessité de préserver l’intérêt supérieur de l’enfant et je comprends qu’un détenu ait le droit d’avoir un échange hors séparation physique avec un mineur de 17 ou de 18 ans. Mon avis sur les sous-amendements à l’amendement no 813 est donc favorable. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Le système que nous avons voulu instaurer est un système à l’italienne, qui limite les échanges tout en permettant aux détenus d’avoir des contacts physiques avec leurs enfants – à condition qu’ils aient moins de 10 ans, dans le cas italien. Cependant, plus il y aura de contacts, hors hygiaphone, plus les possibilités de faire passer des choses lors des parloirs seront nombreuses. Dès lors, à la suite de l’adoption de l’amendement de M. Caure relatif au régime de fouilles, chacun doit avoir conscience que des fouilles pourront être menées au lendemain des parloirs familiaux.
Avec le rapporteur, nous avions prévu d’exempter les enfants du dispositif de séparation jusqu’à l’âge de 16 ans. On peut étendre cette disposition jusqu’à 18 ans, en introduisant le terme de « mineur », afin de montrer que le régime n’est pas doloriste et que, s’il limite les contacts physiques le plus possible, il conçoit qu’un détenu, quoi qu’il ait fait, ait besoin de contacts familiaux – qui, dans tous les cas, demeurent difficiles, car on ne peut pas mener une vie privée et familiale dans un parloir.
J’émets donc un avis favorable sur les sous-amendements qui étendent l’exemption aux mineurs, c’est-à-dire jusqu’à l’âge de 18 ans. Mais la représentation nationale doit comprendre que cela entraîne davantage de risques de voir des éléments transmis lors des parloirs. Néanmoins, je crois que le régime est déjà suffisamment strict pour qu’on puisse tolérer cette extension et, le cas échéant, fouiller les cellules après un contact si on suspecte un passage d’éléments. Je formule donc le même avis que M. le rapporteur.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Vincent Caure, rapporteur
J’ai été imprécis : je donne un avis favorable au sous-amendement no 972, qui vise à étendre la possibilité de contacts physiques entre le détenu et ses enfants de 16 à 18 ans, mais qui laisse à l’autorité administrative le pouvoir de la refuser en cas de « risque d’atteinte au bon ordre de l’établissement pénitentiaire ». En revanche, j’émets un avis défavorable sur les sous-amendements nos 971 et 991.
M. le président
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
M. Jean-Paul Lecoq
Dommage, c’était presque bien !
M. le président
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
Monsieur Léaument, nous sommes des êtres humains : nous avions bien l’intention de voter l’amendement du rapporteur – il n’y avait pas besoin de vous énerver –, afin que les mineurs de moins de 16 ans puissent rendre visite à un membre de leur famille en détention. En revanche, nous ne sommes pas d’accord pour étendre cette possibilité jusqu’à 18 ans, pour des raisons de stricte sécurité. En effet, il s’agit de quartiers sécurisés destinés à accueillir les criminels les plus dangereux : plus vous élargirez la possibilité d’y faire entrer des mineurs, plus vous augmenterez les risques. Nous voterons donc contre les sous-amendements.
Au fil de ce débat, nous perdons de notre logique. Partis de l’idée d’une sécurisation maximale, nous commençons à ouvrir certaines brèches, en revenant sur le dispositif de séparation pour les visites de mineurs, sur la systématicité des fouilles, en proposant des aménagements relatifs à l’identité de genre où à l’état de santé. Nous parlons pourtant de criminels du haut du spectre ! Ce texte nous fait gentiment basculer dans l’insécurité. (Mme Marine Hamelet applaudit.)
Mme Émilie Bonnivard
Pas du tout !
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
J’ai cru, un moment, que monsieur le rapporteur était favorable à nos sous-amendements tendant à supprimer le dispositif de séparation lors des visites de mineurs jusqu’à l’âge de 18 ans – en accord avec la définition de l’enfance retenue par la Convention internationale des droits de l’enfant, dont la France est signataire.
M. Jean-Paul Lecoq
Eh oui !
M. Ugo Bernalicis
Je ne relancerai pas, monsieur le ministre, le débat que nous avons déjà eu sur l’usage que vous faites des définitions du Larousse.
Au Rassemblement national, vous vous focalisez depuis tout à l’heure sur l’identité de genre. Un homme doit être fouillé par un homme, une femme par une femme : ce n’est rien d’autre que ça. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. Michaël Taverne
Quelle mauvaise foi !
M. Ugo Bernalicis
Je me réjouis que vous votiez ces amendements – ce n’était pas gagné –, même si vous le faites un peu sur la défensive. Vous n’êtes pas très à l’aise avec ce sujet, sur lequel vous n’avez déposé aucun amendement. Vous votez les amendements parce que vous êtes humains, dites-vous, tout en vous plaignant qu’ils ouvrent des brèches. Une fouille intégrale à la sortie du parloir, une fouille de la cellule : qu’est-ce qu’il vous faut de plus ? Le détenu finit par appréhender toute visite ! (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe RN.) D’ailleurs, l’étanchéité de ces nouveaux quartiers prétendument ultra-sécurisés reste à démontrer – je n’y crois pas, au nom du principe de réalité.
M. Emeric Salmon
Un député LFI qui nous parle du principe de réalité !
M. Ugo Bernalicis
Monsieur le rapporteur, en donnant un avis favorable au sous-amendement no 972, vous validez la possibilité d’une exception permettant à l’autorité administrative d’imposer un dispositif de séparation en cas de risque avéré d’atteinte au bon ordre de l’établissement. Je comprends la stratégie du collègue Amirshahi avec ce sous-amendement de repli – il faut bien se battre pour ce qui nous semble juste. Il me semble cependant évident, puisque ce ne sont que des personnes étiquetées comme dangereuses qui seront dans ces quartiers, qu’on refusera en conséquence à chaque fois de lever la séparation lors de la visite d’un mineur de plus de 16 ans, qui ne pourra donc plus avoir de contact physique avec son parent. Ces personnes feront des recours et seront déboutées.
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je voudrais préciser deux choses. Monsieur Taverne, tout d’abord, vous avez vous-même salué à plusieurs reprises l’importance de ce texte, que vous avez trouvé courageux, par la difficulté de son sujet, et que vous auriez aimé voir proposé depuis longtemps. Ce n’est pas parce que l’on autorise des enfants à voir leurs parents que le texte, comme vous l’avez dit, bascule dans l’insécurité – on peut dire que le point Godwin a été atteint sur tous les bancs.
Nous verrons si le Rassemblement national est capable de voter les dispositions du ministre de l’intérieur sur les techniques de renseignement. Nous verrons quand nous en viendrons à l’article 8 ter ou à la question du dossier coffre si vous êtes véritablement prêts à donner des moyens aux enquêteurs. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Nous verrons bien si vous soutenez ces dispositions !
M. Laurent Jacobelli
On peut aussi ne pas être là le jour du vote !
M. Matthias Renault
C’est de la politique politicienne !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Non, ce n’est pas de la politique politicienne. Car ce que, individuellement, vous me dites à la buvette… (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Laissez le ministre s’exprimer, vous aurez l’occasion de lui répondre tout à l’heure !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Quand, donc, vous me demandez, à la buvette…
M. Hervé de Lépinau
Ce n’est pas au niveau !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
C’est un fait, ce n’est pas grave, nous avons le droit de discuter, même si apparemment ça vous gêne.
Quand vous me demandez, à la buvette, si les dispositions relatives aux écoutes et aux moyens technologiques de renseignement sont vraiment nécessaires, vous soulevez une question tout à fait compréhensible dans le cadre d’un débat démocratique. Un équilibre sera trouvé entre liberté et sécurité. Ne vous plaignez donc pas, au sujet des visites des mineurs, que le texte soit devenu totalement laxiste, quand vous vous apprêtez demain à soulever, sans doute, de légitimes questions sur les techniques de renseignement et de captation.
M. Éric Bothorel
Ils ne seront pas les seuls !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
En effet, monsieur Bothorel, et c’est tout à fait respectable. Reconnaissons donc, sans caricature, que la vérité ne se trouve pas que d’un seul côté ; le législateur doit trouver un équilibre entre liberté et sécurité.
Vous n’avez pas voté, au Rassemblement national, les dispositions que moi-même ou mes prédécesseurs avons portées dans la lutte antiterroriste, et je ne vous en fais pas grief.
M. Laurent Jacobelli
Nous n’étions pas là, et ça pourrait arriver de nouveau !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
En 2017, Mme Le Pen et M. Chenu étaient bien là et n’ont pas voté le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Vous n’avez pas non plus voté la loi de 2021 confortant le respect des principes de la République, destinée à lutter contre le séparatisme : gardez donc pour vous vos leçons de fermeté.
M. Gaëtan Dussausaye
Votre bilan est catastrophique, un peu de modestie !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Ce n’est pas faire preuve de lâcheté que de penser qu’un enfant peut, pour une demi-heure, être au contact de son père, au parloir, contact systématiquement suivi d’une fouille. Nous ne sortons pas du cadre raisonnable d’une discussion démocratique.
Monsieur Bernalicis, maintenant, en donnant son avis favorable au sous-amendement no 972, le rapporteur n’a prôné que le droit commun. Aujourd’hui, déjà, l’administration pénitentiaire peut imposer l’usage d’un hygiaphone, interdire toute vie privée et familiale, empêcher tout contact avec des mineurs, quel que soit leur âge, pour des raisons d’ordre public. Imaginons qu’un mineur ait déjà été surpris avec un téléphone ou un couteau lors d’une visite à son père : il n’est pas anormal, si ce mineur a 16 ou 17 ans, que l’administration pénitentiaire, si elle continue à en autoriser les visites, interdise dorénavant les contacts physiques.
M. Ugo Bernalicis
Je n’ai pas dit cela !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
C’est votre droit le plus strict de combattre le régime carcéral dans son état actuel, mais n’essayez pas de nous faire croire que le rapporteur, en acceptant le sous-amendement du groupe écologiste, sur le fondement d’arguments que nous recevons, entendrait le révolutionner pour le tirer vers moins d’autorité – même si c’est manifestement là votre projet politique, si je caricature quelques instants.
M. Ugo Bernalicis
Vous caricaturez, en effet !
Mme Sandra Regol
Seulement quelques instants ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Nous ne faisons rien d’autre que de soutenir un amendement permettant d’avoir un même régime carcéral à tous les niveaux de détention.
M. le président
La parole est à Mme Naïma Moutchou.
Mme Naïma Moutchou
Vous ne pouvez pas affirmer, monsieur Taverne, que le texte bascule dans l’insécurité : c’est précisément l’inverse. Je crois que vous confondez certaines choses, dans le réflexe d’autorité sans cap et sans vision qui est le vôtre.
M. Emeric Salmon
Oh !
Mme Naïma Moutchou
Vous faites preuve d’une forme de brutalité intellectuelle, qui fait de l’emprisonnement une fin en soi ; mais les choses ne peuvent se passer ainsi. Je vous observe : vous avez balayé d’un revers de la main tous les aménagements qui ont été proposés,.…
M. Frédéric Weber
Voilà la CPE !
Mme Naïma Moutchou
…à l’exception – tant mieux – de ce dernier. Ces aménagements ne témoignent pourtant d’aucune faiblesse : ils encadrent, responsabilisent et sécurisent le régime pénitentiaire. L’appel aveugle à l’autorité a un nom : le populisme pénal. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Vives protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. Antoine Léaument
Bien parlé, madame Moutchou, mais il faudra maintenant appliquer à ces conseils à vous-même !
M. le président
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir engagé une discussion, qui fait honneur au Parlement, pour essayer de consacrer les droits et l’intérêt supérieur de l’enfant, ainsi que la préservation des relations familiales.
J’aurais cependant préféré que vous approuviez les sous-amendements nos 971 et 991 que nous défendons avec M. Léaument. Ils sont utiles à la consolidation du dispositif que nous examinons.
La vision que vous avez d’une personne mineure et de sa capacité juridique pose en effet des problèmes de fond. Nous avons déjà eu ce débat, monsieur Attal, lorsque nous avons discuté votre proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents (M. Gabriel Attal hoche la tête en signe d’approbation), laquelle tendait à durcir les dispositifs envers les mineurs, proposition de loi que nous avons combattue.
S’il ne fallait retenir qu’une difficulté, ce serait que, pour vous, la minorité s’arrête à 16 ans. C’est en effet dès cet âge – pourquoi lui ? – que vous entendez limiter l’exercice effectif – et affectif, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit – du droit de visite. À 16 ans, certes, on est pénalement responsable, mais là, il n’est pas question d’autoriser les visites de jeunes condamnés – seulement de permettre à des enfants de voir leurs parents.
Vous n’avez pas entendu Mme Faucillon quand elle vous le demandait tout à l’heure, mais j’imagine que vous embrassez toujours vos enfants, même quand ils ont entre 16 et 18 ans. (M. Michaël Taverne s’exclame.)
M. Jean-Paul Lecoq
Et même après !
M. Pouria Amirshahi
Ne confondons pas la jeunesse, la minorité – pénale ou pas –, avec la délinquance en général. Je préfère l’approche plus modérée de Mme Moutchou, même si je regrette qu’elle n’aille pas au bout de sa réflexion, ce qui nous aurait permis de parfaire le dispositif.
M. le président
La parole est à M. Laurent Jacobelli.
M. Laurent Jacobelli
Nous avons clairement dit que nous voterons l’amendement : quel est donc ce faux débat, monsieur le garde des sceaux ? Vous nous renvoyez à nos doutes sur l’article 8 ter en insinuant que nous ne serions pas aussi durs que nous le prétendrions. Excusez notre méfiance : quand vous avez été ministre de l’intérieur, vous n’avez fait preuve d’aucune fermeté ! (Mme Gabrielle Cathala s’exclame.) Les records d’insécurité, c’est vous !
M. Sylvain Maillard
C’est faux !
M. Laurent Jacobelli
Les records d’immigration, c’est vous ! L’imam Iquioussen, c’est vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Vous avez failli sur les questions de sécurité : excusez-nous d’être vigilants, c’est notre rôle auprès des Français ! (M. Benjamin Lucas-Lundy s’exclame.)
Pour en revenir à la buvette, je vous invite à moins de condescendance : si, le jour du vote, nous y sommes tous, votre texte ne sera pas adopté. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Votez ce que bon vous semble, monsieur le député.
Mme Caroline Colombier
C’est ce qu’on fera !
M. Sylvain Maillard
Un conseil : ne soyez pas tous à la buvette !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Faites donc de la politique politicienne sur le dos de la sécurité des Français – cela permettra à chacun de voir ce qu’est, en vérité, le Rassemblement national. (M. Emmanuel Fouquart s’exclame.)
L’imam Iquioussen, c’est en effet bien moi : il n’est plus sur le territoire national.
M. Laurent Jacobelli
Parce qu’il s’est barré ! (Sourires.)
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
On ne plaisante pas avec l’islamisme, monsieur le député. (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.) Le Rassemblement national n’a voté aucune loi antiterroriste. Vous n’avez pas voté la loi contre le séparatisme, à laquelle nous devons l’expulsion de M. Iquioussen. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
Un député du groupe RN
C’est n’importe quoi !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Vous souhaitez que la France aille mal, pour être mieux élus. Pas de chance, monsieur Jacobelli : vous êtes obligés de voter un texte comme celui-ci, parce que vous n’assumerez pas de jouer avec la sécurité des Français. Il vous a coûté trop cher, électoralement, de ne pas voter la loi contre le séparatisme. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Caroline Colombier
Nos électeurs nous suivront !
(L’amendement no 725 n’est pas adopté.)
(Le sous-amendement no 972 est adopté ; en conséquence, les sous-amendements nos 971 et 991 tombent.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 813, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 191
Nombre de suffrages exprimés 133
Majorité absolue 67
Pour l’adoption 131
Contre 2
(L’amendement no 813, sous-amendé, est adopté.)
M. le président
Sur les amendements identiques nos 348 et 410, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 348.
Mme Sandra Regol
En l’état du droit, l’accès des détenus aux unités de vie familiale et aux parloirs familiaux peut déjà être restreint.
Nous proposons de nous en tenir à ce régime plutôt que de prévoir une interdiction pure et simple. Il ne s’agit pas du bien-être des détenus, mais de celui des familles et des enfants, qui n’ont rien demandé et n’ont pas à subir de double peine.
M. le président
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 410.
Mme Élisa Martin
La continuité des droits familiaux est un droit consacré par la convention internationale des droits de l’enfant.
En outre, pourquoi prévoir une disposition spécifique, puisque le droit dispose déjà qu’on peut interdire ce type de visites pour des raisons circonstanciées ? C’est un droit dont bénéficient à la fois les détenus et les familles. Si le détenu est privé de liberté du fait de sa peine, sa famille n’a pas à être sanctionnée.
Pour les enfants, quels qu’ils soient, vivre avec un père ou une mère en prison est déjà très lourd à porter ; ils n’ont pas à subir une autre punition. J’y insiste parce que je vois bien qu’en face de moi, le sujet est pris avec beaucoup de légèreté. C’est un tort.
M. Emeric Salmon
C’est vous qui avez tort !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Avis défavorable. Je comprends vos objections. Ce dont nous parlons n’est pas anodin, j’en conviens. Mais ce que vous proposez est incompatible avec la finalité recherchée et déséquilibre le dispositif.
Le droit d’accéder aux unités de vie familiale n’est pas un droit général et absolu, vous le savez. Il peut donc être refusé. De telles limitations sont d’ailleurs conformes à nos engagements.
En outre, il faut que la prison où le détenu est incarcéré dispose d’une telle unité.
Mme Élisa Martin
C’est vrai.
M. Vincent Caure, rapporteur
Qu’est-ce qu’une unité de vie familiale ou un parloir familial ? C’est un endroit où le détenu retrouve sa famille, sans surveillance et en l’absence de toute personne extérieure à la famille.
Or les quartiers de lutte contre la criminalité organisée doivent être parfaitement étanches par rapport à l’extérieur,…
Mme Élisa Martin
On le sait !
M. Vincent Caure, rapporteur
…ce qui me semble difficilement compatible avec le contenu de vos amendements.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Comment fonctionne une unité de vie familiale ? Le détenu ne sort pas de la prison, puisqu’elle est située à l’intérieur de l’enceinte pénitentiaire. C’est un bâtiment dans lequel les familles doivent faire contrôler leurs affaires au scanner.
Certes, il peut arriver que quelque chose passe au travers des mailles du filet – j’ai en tête des exemples d’agressions sur les surveillants à la sortie de ces unités. Mais, globalement, cela fait baisser le niveau de tension dans les prisons, car les détenus attendent ce moment important pour eux et se comportent bien pour y avoir accès. Les chefs d’établissements pénitentiaires qui gèrent de telles unités vous le confirmeront.
Monsieur le ministre, à force de vouloir imiter l’Italie, il ne faudrait pas que cela se termine comme en Italie et que vous vous fassiez voler la vedette par ceux que vous copiez matin, midi et soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)
Mme Elsa Faucillon
Exactement !
M. le président
La parole est à M. Jocelyn Dessigny.
M. Jocelyn Dessigny
Nos collègues d’extrême gauche déplorent que des enfants soient privés de leurs parents. Certes, ce n’est pas aux enfants de payer. Mais la faute à qui s’ils en sont privés ?
Les coupables, ce sont les parents, qui ont commis des crimes.
Mme Danielle Simonnet
Et c’est aux enfants de payer ?
M. Jocelyn Dessigny
Ici, nous visons tout de même le haut du spectre – des familles de narcotrafiquants. Le dispositif doit être étanche, c’est l’essentiel.
M. Jean-Paul Lecoq
L’essentiel, c’est que ce soit humain !
M. Jocelyn Dessigny
Les prisonniers ne doivent pas pouvoir rentrer quoi que ce soit dans les prisons.
Je le répète, pourquoi les enfants sont-ils privés de leurs parents ? Parce que ces derniers ont commis des crimes. Les coupables, ce sont les parents, pas la société ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 348 et 410.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 181
Nombre de suffrages exprimés 180
Majorité absolue 91
Pour l’adoption 72
Contre 108
(Les amendements identiques nos 348 et 410 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 179.
Mme Colette Capdevielle
Nous pensons que votre dispositif est contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Khoroshenko du 30 juin 2015, a en effet condamné la Russie qui empêchait la famille d’un détenu condamné à perpétuité d’avoir une vie familiale, car il ne voyait sa femme et ses enfants qu’à travers une paroi de verre. Elle a estimé que de telles restrictions violaient le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la CEDH.
Le droit français respecte la vie familiale. Or les dispositions que vous voulez nous faire voter y portent atteinte. Appliquons le droit commun et laissons l’administration juger si c’est utile – souvent, elle estime que ça l’est, car cela calme tout le monde. Une fratrie doit conserver le droit de voir son père, ou sa mère, même si ces derniers sont privés de liberté.
Les propos que vous avez tenus relèvent du café du commerce,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Et encore…
Mme Colette Capdevielle
…on peut même dire qu’ils sont ignobles. Bien évidemment, les enfants n’ont pas à subir les conséquences des actes de leurs parents. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
Dans les lieux privatifs de liberté, le maintien des liens familiaux est important. D’ailleurs, les difficultés ne sont pas systématiques quand une famille rend visite à un détenu, le ministre l’a rappelé.
Votez cet amendement afin que le droit commun s’applique – il n’a aucune raison de ne pas s’appliquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Avis défavorable.
Vous vous inquiétez de la conventionnalité de la disposition. Je rappelle qu’au cours des échanges auxquels j’ai pu assister en présence des autres rapporteurs, du président de la commission des lois et du garde des sceaux, mais également dans sa décision, le Conseil d’État n’a pas mentionné de tels risques.
Vous avez raison, la CEDH et d’autres textes internationaux garantissent le droit au respect de la vie familiale, mais ils le font en précisant qu’il convient de le concilier avec d’autres fondamentaux de notre droit – l’ordre public, la protection des droits et libertés d’autrui, la sécurité nationale ou la défense de l’ordre dans nos prisons par exemple.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je ne suis pas d’accord avec vous, madame Capdevielle. Que dit la CEDH dans son arrêt de 2015 ? Elle condamne le fait que la vie familiale puisse se trouver réduite à la communication par un hygiaphone, mais rappelle aussi que le droit au respect de la vie privée et familiale n’est pas absolu. Autoriser ces détenus à accéder aux unités de vie familiale reviendrait à ruiner le principe de l’étanchéité.
Le sujet soulève une question morale et une question pratique. La question pratique est simple : les restrictions au droit au respect de la vie familiale existent-elles en l’état du droit ? La réponse est oui.
Ainsi, M. Salah Abdeslam n’a pas accès à une unité de vie familiale, puisqu’il est à l’isolement. Son cas et ceux d’autres détenus ont donné lieu à un abondant contentieux, et les tribunaux comme la CEDH nous ont systématiquement donné raison. Notre dispositif est donc conforme au droit.
Une deuxième question, morale, se pose : si ces détenus n’ont pas de droit à une vie privée et familiale, comment expliquer à nos concitoyens que la femme de M. Abdeslam est enceinte ? Cela les choque, légitimement. Certes, M. Abdeslam a nié. En outre, il ne s’est pas marié en prison, contrairement à ce que j’ai entendu, mais seulement religieusement par téléphone.
Si M. Abdeslam a droit à des parloirs avec son épouse religieuse, doit-on autoriser le contact physique, charnel, avec cette compagne alors qu’il ne bénéficie pas d’un droit à la vie privée et familiale ? N’est-ce pas d’autant plus choquant que les victimes – dont la dignité compte aussi – n’ont, elles, peut-être plus de vie familiale en raison des crimes commis par le détenu ? Cette question morale traverse l’esprit des Français, vous le savez bien.
Cela dit, l’article que nous examinons ne pose pas une question d’ordre moral, puisque de telles dispositions existent déjà : ici, il s’agit simplement de garantir l’étanchéité avec l’extérieur. Il serait absurde d’autoriser ces détenus à disposer d’une vie privée et familiale comme tout le monde, alors que le but même de ce régime d’incarcération est d’empêcher la communication avec l’extérieur.
J’ai bien compris que vous souhaitiez alerter le Conseil constitutionnel au regard de la jurisprudence de la CEDH, mais votre raisonnement ne tient pas la route, si vous me permettez d’employer cette expression populaire.
Mme Colette Capdevielle
On verra…
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Je ne suis pas sûr de comprendre la position du Rassemblement national : M. Taverne n’a rien contre le fait que les enfants voient leurs parents, puisqu’ils ne sont pas responsables des crimes commis par ces derniers, mais M. Dessigny estime qu’ils ont ce qu’ils méritent au regard de ce qu’ont fait leurs parents.
Un député du groupe RN
N’importe quoi !
M. Ugo Bernalicis
Ce que je sais, en revanche, c’est que, si vous maltraitez ces enfants, vous risquez de les voir reproduire le comportement de leurs parents.
M. Antoine Léaument
Bien sûr !
M. Ugo Bernalicis
Très jeunes, ils développeront un sentiment d’injustice, de mise à l’écart et de conflit avec la loi, l’État et l’autorité.
Mme Andrée Taurinya
Eh oui !
M. Ugo Bernalicis
En se comportant de la sorte avec les enfants, on remet en quelque sorte une pièce dans la machine : la reproduction sociale est une réalité.
M. Hervé de Lépinau
C’est de la sociologie de comptoir !
M. Ugo Bernalicis
Regardez les enfants victimes de violences de la part de leurs parents ; adultes, ils ont de fortes probabilités de reproduire ces violences.
La société doit-elle casser ce cycle et prendre de la hauteur ? Ou, au nom des victimes ou de je ne sais quoi, doit-elle alimenter des propos démagos pour se faire plaisir ?
M. Philippe Gosselin
Les victimes sont respectables ! Vous rendez-vous compte de ce que vous dites ?
M. Ugo Bernalicis
Doit-on reproduire ce cycle infernal et mortifère ? Les humanistes ont tranché depuis longtemps. Je vous invite à rejoindre leur camp. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
Monsieur Bernalicis, ne faites pas semblant de ne pas comprendre ! Vous savez que notre priorité, c’est la sécurisation maximale de ces quartiers de haute sécurité. Si chacun de vous, dans ses fonctions, avait fait preuve d’un peu de responsabilité et d’objectivité, nous n’en serions pas là !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Oh, ça va !
M. Michaël Taverne
Qu’il s’agisse des jets de projectiles, des téléphones dans les prisons ou des parloirs sauvages, vous n’avez jamais rien fait, et les conditions de détention se sont progressivement dégradées. Si vous aviez pris des mesures fermes et efficaces, je le répète, nous n’en serions pas là.
Madame Moutchou, nous ne faisons pas de populisme carcéral.
Mme Naïma Moutchou et M. Jean-Luc Fugit
Non, pénal !
M. Michaël Taverne
Si vous voulez – pénal, carcéral, c’est pareil quand on évoque des quartiers de haute sécurité. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes EPR et LFI-NFP.)
Notre objectif, c’est d’assurer la sécurité des agents et des détenus.
Je me suis contenté de reprendre les propos du ministre sur les 16-18 ans : c’est lui qui a dit que s’il y avait plus de mineurs, il y aurait plus de possibilités de faire passer des objets.
Pour conclure, il me paraît normal que la sécurité soit renforcée, puisqu’il s’agit de prisons de haute sécurité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
(L’amendement no 179 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy, pour soutenir l’amendement no 726.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Cet amendement de repli du groupe Écologiste et social vise à maintenir l’accès aux parloirs familiaux pour les personnes détenues en quartier de lutte contre la criminalité organisée.
Nous privilégions une approche individualisée, et souhaitions donc maintenir la possibilité d’accéder à une unité de vie familiale. À défaut, cet amendement constitue un compromis minimal en permettant de préserver un lien familial essentiel. Les parloirs familiaux permettent aux détenus de passer un moment prolongé avec leurs proches, dans un cadre moins contraignant que les parloirs classiques. Ils jouent un rôle fondamental dans le maintien du lien familial, facteur clé de stabilité en détention et de réinsertion.
Interdire systématiquement aux détenus affectés dans ces quartiers l’accès aux parloirs familiaux reviendrait à leur infliger une peine supplémentaire, touchant aussi leurs proches, y compris leurs enfants. M. Bernalicis a eu raison d’évoquer l’impact sur les enfants, la colère que cette situation peut faire naître en eux, et les phénomènes de reproduction sociale qu’elle peut engendrer, et que nous ne pouvons pas nier. Or les familles, innocentes, ne doivent pas subir les conséquences d’une sanction généralisée.
Ces dispositifs ne constituent pas un droit absolu – ils peuvent déjà être restreints si le comportement du détenu ou des nécessités de sécurité l’exigent. Supprimer la possibilité d’accéder à ces parloirs pour une catégorie entière de détenus serait une mesure disproportionnée.
M. Pouria Amirshahi
Très bien !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Pouria Amirshahi
Le rapporteur est pour !
M. Vincent Caure, rapporteur
Je vais vous décevoir : ce sera un avis défavorable. (« Oh ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Par cet amendement, vous souhaitez restaurer la possibilité d’accéder aux parloirs familiaux. Votre amendement pose le même problème que les précédents, y compris quand ils précisent que cet accès serait encadré par des mesures de surveillance spécifiques. Je ne vois pas comment on pourrait articuler cette disposition avec la logique du dispositif et la finalité poursuivie – l’étanchéité des quartiers de lutte contre la criminalité organisée. Les mêmes causes produisent les mêmes effets : avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
Nous continuons d’espérer que cet article ne sera pas adopté et nous continuerons à nous battre. Je suis tout de même lucide : nous voyons bien que le Rassemblement national concourra à l’adoption de cet article, puisque les rangs du bloc central n’y suffiront pas.
M. le ministre affecte de croire que la détention dans ces quartiers de haute sécurité ne durerait que quelques années – ce que nous espérons. Mais l’objectif annoncé est bien que des détenus y passent de très nombreuses années, y purgeant la majeure partie de leur peine. Le ministre fait comme si nous pouvions ignorer le fait que ces détenus finiront bien par sortir de prison. Le maintien du lien avec la famille, durant dix, quinze ou vingt ans, est essentiel pour préparer la sortie, qui est inéluctable.
Si les parloirs familiaux et les unités de vie familiale ont été créés, c’est bien parce que ce rôle crucial du lien avec la famille a été démontré. Ce lien ne sera d’ailleurs pas toujours maintenu sur une si longue durée. Certaines familles doivent parfois faire 800 kilomètres pour une visite en parloir. En l’occurrence, s’il n’y a ni parloir familial ni unité de vie familiale, il faudra que le lien familial soit très solide pour être maintenu sur le long terme. Pourtant, il est très important.
Vous devriez au moins envisager de maintenir la possibilité d’accéder aux parloirs familiaux, certes peut-être pas dans les premiers mois ou les premières années de la détention, mais au moins à terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
(L’amendement no 726 n’est pas adopté.)
M. le président
Sur les amendements identiques nos 214, 317 et 347, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l’amendement no 727.
Mme Danielle Simonnet
Nous avons déjà établi que les enfants n’étaient pas responsables des actes de leurs parents. Chaque détenu sera amené à se réinsérer dans la vie sociale, et le lien familial est crucial.
Cet amendement du groupe Écologiste et social vise à atténuer l’isolement social des personnes détenues dont les proches résident à plus de 200 kilomètres de l’établissement pénitentiaire en leur permettant d’accéder à des unités de vie familiale.
L’éloignement géographique est déjà une contrainte majeure pour les familles des détenus ; il le sera encore davantage pour celles des personnes affectées à ces quartiers spécifiques. Supprimer complètement l’accès aux unités de vie familiale aggraverait cette situation et rendrait le maintien du lien familial encore plus difficile pour les conjoints comme pour les enfants, contraints de parcourir une longue distance pour une simple visite. La peine infligée à une personne détenue ne doit pas s’étendre à ses proches : les familles, en particulier les enfants, ne sont pas responsables des infractions commises. Ces personnes ne doivent pas être privées du cadre minimal permettant de maintenir le lien avec le conjoint ou le parent incarcéré.
Il semble y avoir consensus sur le fait que les enfants ne sont pas responsables des actes des parents et sur la nécessité de permettre le maintien du lien entre les enfants et les parents. Permettons l’accès aux unités de vie familiale pour les proches qui habitent à plus de 200 kilomètres de l’établissement pénitentiaire !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Je vous répondrai dans le prolongement des échanges précédents. J’entends les besoins que vous évoquez, mais les risques demeurent les mêmes, et ma réponse demeure donc identique. Les parloirs familiaux et les unités de vie familiale sont incompatibles avec l’objectif des quartiers de lutte contre la criminalité organisée, que le détenu soit affecté loin de chez lui ou non.
Par ailleurs, vous proposez un seuil de 200 kilomètres : pourquoi pas 100 ou 300 ? Cela ne me paraît pas être un critère pertinent.
Avis défavorable.
(L’amendement no 727, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 214, 317 et 347.
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 214.
Mme Colette Capdevielle
Le maintien du lien entre l’enfant et le parent est dans l’intérêt supérieur de l’enfant – nous sommes tous d’accord sur ce point.
M. le garde des sceaux a insisté sur la sécurité, qui justifie d’après lui l’impossibilité d’accéder à une unité de vie familiale. Nous n’allons pas en plus limiter, voire interdire les communications téléphoniques ! Nous proposons donc d’autoriser les communications avec l’extérieur, sous contrôle et sous surveillance.
M. le président
La parole est à Mme Eléonore Caroit, pour soutenir l’amendement no 317.
Mme Eléonore Caroit
Il vise à supprimer l’alinéa 16, qui prévoit que seront fixées par décret les modalités d’accès aux cabines téléphoniques. Dans ces quartiers de très haute sécurité, il est évident que les cabines seront le seul moyen de communiquer par téléphone. Des dispositifs de surveillance, que nous espérons évidemment efficaces, seront mis en place. La proposition de loi précise que le dispositif sera encadré par décret, mais cet encadrement est nécessairement réglementaire ; il ne nous semble pas utile de le préciser. Par ailleurs, en l’état, ce dispositif constitue un recul dans l’histoire de la correspondance en milieu carcéral.
M. le président
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l’amendement no 347.
Mme Marie-Charlotte Garin
Par cet amendement, le groupe Écologiste et social souhaite supprimer les restrictions d’accès au téléphone pour les détenus des quartiers de haute sécurité, comme le prévoit le texte dans sa rédaction actuelle. L’accès au téléphone en détention fait déjà l’objet d’un encadrement et d’une surveillance stricts : les appels passent par le système de téléphonie de l’administration pénitentiaire, ce qui garantit leur traçabilité et permet de les écouter, si nécessaire. À ce stade, aucun élément concret n’a été apporté au Parlement qui justifierait l’utilisation de ces dispositifs sécurisés, dont on doute de l’efficacité intrinsèque.
Si l’objectif est de limiter les communications clandestines, il faut renforcer la lutte contre les téléphones détenus illégalement, et non restreindre les canaux de communication légaux et surveillés. Cette mesure pourrait avoir un effet contre-productif, en poussant les détenus à se procurer illégalement un téléphone portable. C’est déjà un problème identifié dans nos prisons, et cela devrait faire l’objet d’une attention particulière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Ugo Bernalicis
Et ce n’était pas un amendement d’appel !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
J’ai bien compris que ce n’était pas un amendement d’appel.
Aujourd’hui, les détenus disposent d’un téléphone fixe dans leur cellule, qu’ils peuvent utiliser vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les plus dangereux sont écoutés par le renseignement pénitentiaire. Même avec des moyens réévalués, qui ne dépendent pas du ministère de la justice, comme l’a rappelé le garde des sceaux lors de la discussion générale, il est impossible d’écouter tous les appels passés par les détenus les plus dangereux.
Avec le dispositif de l’article 23 quinquies, dont nous voyons bientôt le bout, nous vous proposons un régime qui a reçu un avis favorable du Conseil d’État : il s’agit de limiter les appels téléphoniques, en limitant les communications à deux fois deux heures par semaine, sans prendre en compte les échanges avec les avocats – nous proposons un amendement en ce sens. C’est un point d’équilibre : nous permettons des échanges téléphoniques avec l’extérieur tout en évitant que ces criminels du très haut du spectre puissent continuer à régenter la vie de leur organisation criminelle depuis la prison.
Lutter contre les téléphones introduits illégalement en prison était tout l’objet des discussions précédentes sur les fouilles et les hygiaphones.
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme Eléonore Caroit.
Mme Eléonore Caroit
Monsieur le rapporteur, vous avez dit que les détenus avaient accès au téléphone vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Mais si je comprends bien, ce ne sera pas le cas dans ces quartiers de haute sécurité.
M. Ugo Bernalicis
L’accès au téléphone dans la cellule n’y sera pas possible !
Mme Eléonore Caroit
Vous souhaitez donc bloquer l’accès au téléphone dans la cellule. Merci pour cette précision.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Cela va un peu de soi…
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 214, 317 et 347.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 176
Nombre de suffrages exprimés 176
Majorité absolue 89
Pour l’adoption 69
Contre 107
(Les amendements identiques nos 214, 317 et 347 ne sont pas adoptés.)
M. le président
L’amendement no 730 de M. Pouria Amirshahi est défendu.
(L’amendement no 730, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 799, 814 et 731, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 799 et 814, qui font l’objet du sous-amendement no 976 de M. le président de la commission des lois, sont identiques.
La parole est à M. Stéphane Mazars, pour soutenir l’amendement no 799.
M. Stéphane Mazars
Nous venons d’évoquer les restrictions de contact entre le détenu et des tiers, que ce soit au parloir ou à l’occasion de communications téléphoniques. Par cet amendement, nous proposons d’exclure de ces limitations les échanges entre le détenu et son avocat. Il s’agit de garantir les droits de la défense, qui sont constitutionnels. Notre amendement s’inscrit dans la continuité de l’avis rendu par le Conseil d’État le 14 mars 2025.
M. le président
L’amendement no 814 de M. le rapporteur est défendu.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir le sous-amendement no 976.
M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Vous nous alertez sur un point sur lequel le Conseil d’État a appelé notre attention. Nous devons nous rapprocher le plus possible de la proposition de cette instance. Le Conseil d’État considère en effet que le système doit faciliter les communications entre l’avocat et le détenu, mais dans le cadre d’une séparation physique. Je propose donc de rendre possible la séparation physique tout en permettant notamment la remise de documents, et l’échange de points de vue.
M. Ugo Bernalicis
Vous comptez mettre une trappe ?
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Relisez l’avis du Conseil d’État, qui évoque aussi les supports informatiques, et par conséquent les écrans !
M. Ugo Bernalicis
Encore faut-il que l’écran fonctionne !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
S’agissant des communications téléphoniques, nous sommes favorables à ce que l’on revienne sur le dispositif prévu par le texte issu de la commission des lois.
M. le président
La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir l’amendement no 731.
M. Pouria Amirshahi
Je le retire, car celui de M. Mazars me paraît plus pertinent et correspond davantage à l’esprit de ce que nous défendons depuis tout à l’heure.
(L’amendement no 731 est retiré.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement ?
M. Vincent Caure, rapporteur
L’aménagement que nous proposons, relatif aux communications entre avocats et détenus, est salutaire. Ce sous-amendement tient compte de l’avis du Conseil d’État.
Avis favorable sur le sous-amendement.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement sur ces amendements et sous-amendement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Avis favorable.
M. le président
La parole est à Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle
Nous voterons, bien sûr, l’amendement de M. Mazars, mais nous ne comprenons pas le sous-amendement du président de la commission. Il sous-entend en effet que les avocats seraient complices de leur client détenu. Pourquoi prévoir un dispositif de séparation ? L’amendement de M. Mazars, j’y insiste, est totalement satisfaisant…
M. Ugo Bernalicis
Ben oui !
Mme Colette Capdevielle
…et il n’y a aucune raison de soupçonner des professionnels de justice – ou alors il faudrait prévoir une vitre de séparation pour tous les contacts avec les détenus. Le sous-amendement est choquant et nous voterons contre.
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Mais non, chère collègue, il ne s’agit pas de soupçonner les avocats !
Mme Colette Capdevielle
Mais si !
Mme Élisa Martin
Alors c’est quoi ce sous-amendement ?
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Ce sous-amendement reprend exactement la proposition du Conseil d’État qui consiste à introduire un dispositif permettant d’éviter la fouille à l’occasion de la rencontre entre l’avocat et le détenu. C’est notre seul objectif.
Mme Colette Capdevielle
Non !
M. le président
La parole est à Mme Eléonore Caroit.
Mme Eléonore Caroit
Merci pour cette précision, monsieur le président de la commission. Je voterai l’excellent amendement de notre collègue Mazars, mais je continue de m’interroger sur le sous-amendement : pour moi, l’explication qui vient d’être donnée ne lève pas la suspicion qui pèse sur l’avocat.
M. Ugo Bernalicis
Eh oui !
Mme Eléonore Caroit
Je tiens tout de même à signaler qu’il y a en filigrane, dans le texte, l’idée que les avocats seraient les complices des clients qu’ils défendent. Or c’est tout le contraire : les avocats sont là pour s’assurer du respect des droits de la défense. Il va de soi qu’ils doivent se soumettre aux règles, mais leur profession doit être respectée et il faut que le texte aille dans ce sens. J’attends donc davantage d’explications de la part du président de la commission.
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Le sous-amendement du président de la commission des lois est un aveu : il signifie qu’à chaque fois qu’un avocat rencontrera son client, il y aura une fouille intégrale.
M. Antoine Léaument
Eh oui !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Mais non !
M. Ugo Bernalicis
Mais si ! Vous expliquez que pour éviter une telle fouille, on va installer un dispositif de séparation, un support informatique avec des écrans… Je voulais que nous nous accordions sur ce premier point, portant sur ce qui se passera concrètement.
Ensuite, et pour dire les choses sans prendre de pincettes, vous partez du principe que l’avocat peut être suspecté de faire passer des choses à la personne détenue dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée. Si ce n’était pas le cas, alors vous devriez affirmer qu’il n’y aura ni séparation ni fouille après le parloir avocat, l’avocat n’étant, par définition, pas suspect. Or le garde des sceaux a lui-même longuement évoqué, par voie de presse, au moins cinquante avocats potentiellement complices des narcotrafiquants, sans jamais préciser de quoi ils seraient complices ni s’ils étaient poursuivis pour cela. C’est bon, on a compris. Mais là, vous allez trop loin.
M. le président
Merci de bien vouloir conclure, monsieur Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Cette défiance à l’encontre des avocats n’est pas supportable.
M. le président
La parole est à M. Stéphane Mazars.
M. Stéphane Mazars
J’entends que le président de la commission souhaite se placer au plus près de la préconisation du Conseil d’État, mais il faut être clair : s’il s’agit de limiter les fouilles après le contact entre un avocat et son client, on suppose que l’avocat peut faire passer à son client des éléments pouvant présenter des difficultés.
Je prends acte de l’avis favorable donné par le rapporteur à mon amendement. Reste que le sous-amendement fait peser une suspicion sur l’avocat…
M. Jiovanny William
Évidemment !
M. Stéphane Mazars
…et c’est très regrettable. (Mme Colette Capdevielle et M. Jiovanny William applaudissent.)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Je réponds à M. Bernalicis qu’il n’y a dans le sous-amendement aucun aveu d’une fouille systématique. Nous avons voté le pouvoir d’adaptation que pourra utiliser le chef d’établissement pour éviter que la fouille soit systématique, ce qui est un ajustement, une atténuation que nous assumons de la disposition votée en commission.
Il en va de même ici. Nous avons pris en considération la demande, tout à fait légitime et reprise par le Conseil d’État, que la communication entre l’avocat et son client détenu soit facilitée, notamment en ce qui concerne l’échange des éléments du dossier.
Mme Eléonore Caroit
C’est normal.
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Le Conseil d’État est d’accord pour maintenir une séparation physique, mais à la condition que soient mises en place des modalités telles qu’un support informatique, par exemple, permettant d’établir une communication beaucoup plus formelle entre le détenu et son client. Cela ne signifie pas qu’il y aurait une suspicion systématique. (« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Le principe du texte de la commission, à la suite de l’adoption d’un amendement gouvernemental, est de considérer que, dès lors qu’il y a un contact physique, il y a une fouille.
Mme Estelle Mercier
Donc suspicion !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Nous aménageons le dispositif afin qu’en cas de contact rapproché, il n’y ait pas systématiquement une fouille.
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je ne sais pas où M. Bernalicis a entendu que j’avais évoqué ces cinquante avocats. Nous allons relire le compte rendu et, demain, si vous parvenez à prouver que j’aurais dit par voie de presse que cinquante avocats véreux passeraient des informations à leurs clients…
Mme Élisa Martin
Chiche, mais vous retirez ça en échange ! (Mme la députée montre le tableau des amendements en discussion.)
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Vous me diffamez et ensuite vous me proposez un deal ? J’ai beaucoup de plaisir à être au marché aux puces de Tourcoing, mais je vous rappelle que nous sommes à l’Assemblée nationale – autre salle, autre ambiance, madame la députée ! (Mme Marina Ferrari applaudit.) Je n’ai jamais prononcé les propos diffamants que me prête M. Bernalicis sur la profession d’avocat.
Monsieur Bernalicis, vous connaissiez à peu près correctement vos dossiers quand j’étais ministre de l’intérieur – vous me suiviez au point que vous aviez envie de me remplacer comme ministre de l’intérieur,…
M. Ugo Bernalicis
C’est toujours le cas !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…en allant jusqu’à célébrer votre ambition dans un titre de rap basé sur votre prénom. Bref, vous devez donc savoir que j’ai fait modifier le code de procédure pénale afin que l’avocat soit obligatoirement présent aux côtés de son client alors que ce n’était pas le cas jusqu’alors. À la demande du Conseil national des barreaux, les mots « personne majeure » ont été remplacés par le mot « avocat ». Ensuite, j’ai fait interdire les portails de contrôle à ondes millimétriques dans les commissariats de la préfecture de police, puisque Mme la bâtonnière de l’ordre des avocats de Paris – à l’époque Julie Couturier – avait dénoncé avec raison les fouilles et les demandes indues des policiers aux avocats. C’est moi, ministre de l’intérieur, qui l’ai fait, alors que même sous des gouvernements socialistes on procédait, dans les locaux de la préfecture de police, à des fouilles et à des contrôles des avocats par le biais de scanners corporels à ondes millimétriques.
Je respecte profondément la profession d’avocat, comme, madame Capdevielle, celle de juge d’instruction.
Ce qui est certain, c’est que des magistrats libres et indépendants, dont la liberté de parole est consacrée par la Constitution et par le Conseil supérieur de la magistrature, ont déclaré à plusieurs reprises à l’occasion des audiences de rentrée solennelle, auxquelles vous assistez en tant que parlementaires – je pense aux procureurs et aux procureurs généraux, notamment à celui de Marseille, qui a fait beaucoup réagir –, qu’il y avait des avocats dont la stratégie n’était pas celle d’une défense classique,…
Mme Émilie Bonnivard
Eh oui !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…ce qui pouvait entraîner des violences entre les magistrats et les avocats. Je laisse deux professions profondément indépendantes et libérales évoquer ce sujet de débat public.
Mme Caroit a parfaitement raison : il se peut que des avocats – mais ce peut être le cas pour toute profession comme celle de parlementaire, de gardien de phare, de boulanger…
M. Jean-François Coulomme
De ministre !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…comme celle de ministre, si vous voulez –, il se peut, disais-je, que des avocats ne respectent pas les règles déontologiques. Dans ce cas, c’est simple : les procureurs de la République ou les magistrats du siège peuvent charger le bâtonnier de faire la police vis-à-vis de l’avocat. Dans le cadre de l’affaire Pelicot, on a vu une avocate prendre indûment la parole sur les réseaux sociaux pour se moquer des victimes ; le bâtonnier a fait son travail en demandant que des sanctions soient prises contre elle, et c’est très bien ainsi.
M. Pouria Amirshahi
Mais ce n’est pas la même chose ! Et la suspicion a priori concernant les avocats ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je viens d’être attaqué en étant présenté comme un ministre de la justice qui mépriserait les avocats, alors laissez-moi quand même dire un petit mot pour me défendre ! Sinon, je sais très bien ce qui va se passer sur internet et sur les tracts de La France insoumise, même si j’imagine que cette fois je ne serai sans doute pas caricaturé avec un nez et des doigts crochus : après ce qui s’est passé récemment, LFI va peut-être renoncer à attaquer les hommes politiques de cette façon. Permettez-moi de mettre les points sur les i : je suis un ministre qui n’insulte aucun de ses fonctionnaires et aucune des personnes avec lesquelles il travaille. Comme vous, monsieur Amirshahi, j’ai des convictions que j’entends affirmer.
Il n’y a donc pas, dans mes propos comme dans ce texte, de suspicion sur la profession d’avocat.
Monsieur Mazars, madame Caroit, nous avons assisté, MM. Boudié, Caure, Vicot et moi-même, à la séance du Conseil d’État lors de laquelle la rapporteure a insisté sur la nécessité de proscrire les fouilles qui pourraient jeter la suspicion sur les avocats et les conseils lorsqu’ils vont voir les détenus. Le sous-amendement de la commission des lois a donc été demandé par le Conseil d’État (M. Hervé de Lépinau proteste) et non par le gouvernement. Contrairement à l’impression que vous avez, il s’agit d’éviter toute entrave au travail de l’avocat avec son client. C’est aussi simple que cela.
Je demande par conséquent à M. Bernalicis de rectifier ses propos. Il peut attendre demain pour essayer d’obtenir les preuves qu’il ne trouve manifestement pas sur son ordinateur depuis tout à l’heure (Sourires),…
M. Antoine Léaument
Il cherche !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…mais j’espère qu’il aura l’honneur de rectifier ses propos et d’admettre qu’il a été, en cette heure tardive, quelque peu excessif – et comme cela ne lui arrive jamais, on considérera qu’il n’y a pas récidive. (Sourires. – Mmes Nathalie Colin-Oesterlé et Naïma Moutchou, ainsi que M. Didier Lemaire applaudissent.)
(Le sous-amendement no 976 est adopté.)
(Les amendements identiques nos 799 et 814, sous-amendés, sont adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 167 deuxième rectification et 592 deuxième rectification.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l’amendement no 167 deuxième rectification.
M. Paul-André Colombani
Le présent amendement vise à exclure des quartiers de lutte contre la criminalité organisée les collaborateurs de justice. C’est une mesure de bon sens. Il n’est en outre pas souhaitable de permettre au garde des sceaux de décider de placer une personne ayant coopéré avec le système judiciaire dans un de ces quartiers. Il y va également de l’attractivité du statut de collaborateur de justice.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 592 deuxième rectification.
M. Vincent Caure, rapporteur
Ces amendements identiques font suite à la discussion du texte en commission. Comme M. Colombani vient de le préciser, il s’agit d’exclure des quartiers de lutte contre la criminalité organisée les collaborateurs de justice. Les deux dispositifs ont une cohérence d’ensemble, c’est pourquoi il ne paraît pas souhaitable de permettre l’affectation au sein d’un même quartier de ceux qui ont parlé et de ceux qui n’ont pas parlé. Un tel placement présenterait un risque pour ceux qui ont fait le choix de collaborer avec la justice et, surtout, pourrait à l’avenir dissuader certains de bénéficier d’un tel statut.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Ces amendements identiques sont très importants. C’est le même système qu’en Italie, que vous connaissez bien, monsieur Colombani. Si vous parlez, si vous collaborez avec la justice, vous ne serez plus soumis à ce régime carcéral : c’est le deal, selon un conventionnement établi par les magistrats et non par l’administration pénitentiaire ou le ministre. Voilà qui rendra attractif le statut de repenti,…
M. Antoine Léaument
Ah !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…sur lequel nous reviendrons dans quelques heures avec le rapporteur Pauget. Je suis donc très favorable à ces amendements.
M. le président
La parole est à M. Arthur Delaporte.
M. Arthur Delaporte
Je souhaite un éclaircissement sur l’objet de ces amendements. Ou bien ils visent à obtenir la collaboration de détenus qui voudront échapper à un tel régime carcéral, selon la logique suivante : je dénonce pour échapper à un régime tellement horrible que je ne veux pas y être soumis – mais ce n’est pas du tout l’objet du régime carcéral tel que vous nous l’avez présenté.
M. Antoine Léaument
Ben oui !
M. Arthur Delaporte
Dans ce cas, il est très difficile de l’assumer.
Ou bien le dispositif ne vise qu’à protéger des repentis. Dans ce cas, puisqu’il s’agit d’une décision qui relève de l’administration, je ne vois pas pourquoi elle enverrait des repentis qu’elle a accompagnés. L’amendement est de fait superfétatoire. Pourriez-vous préciser l’objet de ce texte : s’agit-il ou non d’une démarche transactionnelle ?
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Ça s’appelle une clarification…
M. le président
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
Soit vous inscrivez cette mesure dans la loi pour que les futurs repentis en aient connaissance – comme s’ils la lisaient – et ce n’est alors qu’un effet d’annonce. Soit, et c’est extrêmement inquiétant, vous partez du principe que la dangerosité dont il a été question si souvent sera très mal évaluée et qu’un prévenu qui aurait parlé ou qui commencerait à parler pourrait être affecté au sein d’un quartier de lutte contre la criminalité organisée. J’espère que ce n’est pas le cas.
Avouez donc que cet amendement, que vous avez sûrement élaboré ensemble, ne sert qu’un effet d’annonce. Son objet peut être obtenu par d’autres moyens et ne nécessite pas de mention dans le texte.
(Les amendements identiques nos 167 deuxième rectification et 592 deuxième rectification sont adoptés.)
M. le président
Sur l’article 23 quinquies, je suis saisi par les groupes Rassemblement national, Ensemble pour la République et Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 166.
M. Paul Molac
Cet amendement prévoit des garanties pour préserver l’identité des agents de l’administration pénitentiaire affectés dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée.
Les missions des personnels de surveillance des prisons, en particulier dans les quartiers sécurisés, sont susceptibles de présenter un risque pour leur sécurité et celle de leurs proches ainsi que de les exposer à des représailles. Cet amendement propose donc de permettre au chef de l’établissement pénitentiaire concerné de prévoir des mesures visant à préserver l’anonymat des agents concernés.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Vous proposez la création d’un article du code pénitentiaire visant à préserver l’anonymat des agents de surveillance affectés aux quartiers de lutte contre la criminalité organisée. Nous l’avions brièvement évoqué, mais cet élément est fondamental compte tenu de la dangerosité des profils criminels discutés, justifiant leur affectation à ces nouveaux quartiers.
Je vous rejoins sur la nécessité de tout faire pour protéger les agents. Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je suis favorable à cet amendement qui permettra, en inscrivant ces mesures dans la loi, d’être plus efficace dans la protection des agents pénitentiaires.
Je confirme à M. Delaporte et à Mme Faucillon qu’il s’agit d’une convention à destination des repentis, que le rapporteur et moi-même assumons totalement. Le statut de repenti doit permettre à ceux qui parlent de ne pas être affectés aux quartiers de lutte contre la criminalité organisée.
Il ne s’agit pas, madame Faucillon, de soumettre à ce régime de détention ceux qui auraient commencé à parler. Bien au contraire, il doit permettre à ceux qui y sont soumis, par une collaboration avec le juge d’instruction, de bénéficier de garanties pour sortir de ce régime de détention.
M. Ugo Bernalicis
Ce n’est pas ce que dit la convention !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Quand vous êtes amenés à vous engager dans une collaboration de ce type, c’est que votre niveau de méfiance à l’égard de l’État est probablement encore plus élevé que celui qu’entretient M. Bernalicis à mon égard.
Mme Elsa Faucillon
C’est dire !
M. Ugo Bernalicis
Je confirme !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Le prévenu qui désire collaborer doit donc avoir la garantie qu’il n’est pas simplement l’objet d’un « chantage » de la part du juge d’instruction et qu’il sortira bien de ce quartier de lutte contre la criminalité organisée. L’idée n’est pas d’y faire entrer les prévenus, mais bien de les en faire sortir.
Monsieur Delaporte, cela dépend de votre position à l’égard du statut de repenti…
M. Arthur Delaporte
Je n’ai pas de problème avec le statut de repenti !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
J’imagine bien, puisqu’il a été conçu par Jérôme Durain, sénateur socialiste…
M. Arthur Delaporte
Et Yann Galut !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Exactement ! Yann Galut…
M. Arthur Delaporte
C’est un ami !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…qui a par ailleurs signé la tribune des maires soutenant la proposition de loi contre le narcotrafic. Je n’ai donc aucun doute quant à votre propre soutien à ces maires, en particulier compte tenu des prochaines échéances municipales.
M. Philippe Gosselin
Yann Galut a aussi été député !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Tout à fait ! Un excellent collègue, avec qui nous avons siégé.
Monsieur Delaporte, si nous voulons que le statut de repenti fonctionne, il faut offrir quelque chose à ceux qui décident de collaborer. Ce ne sont pas des enfants de chœur – d’ailleurs, ce n’est pas grâce à des confessions d’enfants de chœur que les grandes affaires criminelles ont été résolues.
Nous aborderons dans quelques instants les dispositions prévues par le statut de repenti, mais celui-ci s’applique également aux crimes de sang. Des assassins pourraient donc en bénéficier. Il s’agit certes d’une question de morale, mais si jamais de tels criminels venaient à collaborer et bénéficier du statut du repenti, deux solutions s’offriraient à nous.
Soit l’absolution ; c’est la position du Sénat, non la mienne. Soit la solution que nous défendons, inspirée par ce qui marche en Italie, et je remercie M. Pauget d’essayer d’être en phase avec nous : on ne peut pas réduire la peine de quelqu’un qui a tué, parce qu’il y a eu des victimes et que l’autorité de l’État n’est pas respectée, mais on ne peut pas non plus ne rien donner à quelqu’un qui collaborerait, dénonçant l’organisation criminelle à laquelle il appartenait et prévenant ce faisant de nouveaux assassinats. En Italie, collaborer et obtenir le statut de repenti n’annule pas la peine de prison, mais permet de bénéficier d’un régime carcéral aménagé.
Mme Élisa Martin
En Italie, c’est un système à points ! Super !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Il est très important de rendre attractif le statut de repenti ; c’est ce que visent les amendements de M. Colombani et du rapporteur. Nous assumons donc tout à fait de les soutenir : parler doit permettre de sortir de ce régime de détention très strict.
M. le président
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère
La fin de la discussion de l’article approchant, permettez-moi de tirer les conclusions de deux mutations majeures. D’une part, la bascule vers un système de narcotrafic quasiment professionnalisé aux moyens financiers démesurés, difficile à pénétrer et extrêmement violent ; d’autre part, un système pénitentiaire qui peine à y répondre.
L’article 23 quinquies propose des quartiers sécurisés spécifiquement dédiés à la lutte contre la criminalité organisée ainsi que des prisons étanches à tout contact avec l’extérieur.
L’étanchéité ne sera pas simple à mettre en œuvre et vous concentrez les moyens sur deux établissements, ce qui semble logique – étant précisé que vous espérez, comme vous l’avez annoncé hier soir, en élargir le nombre plus tard.
Nous créons un régime plus dur, mais surtout plus efficace, adapté à l’évolution de la menace. En tout état de cause, aucune solution alternative n’a été portée à notre connaissance au cours des dernières vingt-quatre heures.
Dans ces conditions, autorisez-moi à vous dire très simplement que nous devons éviter toute indulgence coupable et tout entretien des abcès de fixation de la société. Nous devons trouver des solutions, peut-être imparfaites, mais indiscutablement positives. (M. Joël Bruneau applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Arthur Delaporte.
M. Arthur Delaporte
Il faut évidemment protéger les agents et ces dispositions peuvent y contribuer, mais elles ne doivent pas conduire à une impossibilité d’identification.
Monsieur le garde des sceaux, j’ai une réticence d’ordre philosophique : si l’on considère qu’il y a une forme de rétribution, c’est au juge de la fixer dans l’application de la peine. De plus, si l’on considère que le dispositif des quartiers de lutte contre la criminalité organisée est inhumain, alors c’est pour échapper à une forme de torture – ce ne sont pas mes mots – que les prévenus seront encouragés à dire ce qui sera considéré comme la vérité.
Cela doit nous interroger quant à ce qui sera obtenu grâce à la forme particulière de contrainte que constitue l’application d’un tel régime. Est-ce que des suspects pourront être soumis à ce régime afin d’obtenir des aveux et donc atteindre une forme de repentir ? Philosophiquement, ce serait problématique. C’est l’un des horizons de la discussion que nous menons.
Mme Élisa Martin
Ce n’est pas le sujet !
M. Arthur Delaporte
Cela étant, le statut de repenti doit apporter des garanties durables.
M. le président
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je vous prie de m’excuser, monsieur le président : je pensais que l’amendement défendu par M. Molac englobait le Spip, service pénitentiaire d’insertion et de probation, dont le personnel demande des mesures identiques d’anonymisation compte tenu de la dangerosité des prévenus, mais ce n’est pas le cas. Pourriez-vous m’accorder une suspension de quelques minutes afin de déposer un sous-amendement qui irait dans ce sens ?
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois heures quarante-trois.)
M. le président
La séance est reprise.
La parole est à M. le ministre d’État, pour soutenir le sous-amendement no 992, à l’amendement no 166.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Il est défendu.
(Le sous-amendement no 992, accepté par la commission, est adopté.)
(L’amendement no 166, sous-amendé, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir les amendements nos 733 et 734, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Pouria Amirshahi
Je défends en même temps les deux amendements pour que nous avancions, mais je souhaite que le rapporteur et le garde des sceaux s’expriment sur chacun des deux – si je doute que nous tombions d’accord, j’aimerais que l’intention du législateur et l’avis du gouvernement figurent au compte rendu.
Pour ce qui est de l’amendement no 733, vous avez sollicité l’avis du Conseil d’État et nous saluons votre démarche, monsieur le ministre d’État. Cela étant, cet avis utile pour nos débats ne vaut pas loi et encore moins certificat de constitutionnalité. Il nous semble donc nécessaire d’y adjoindre a priori l’avis de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL).
En effet, on entre là dans un régime de détention carcérale exceptionnel, dans un type de privation de liberté inédit dont vous savez la dispute qu’il a suscitée entre nous. À tout le moins, sans demander d’avis conforme, sans souhaiter que lui soit conféré un pouvoir de décision – ce qui ne serait pas autorisé –, nous demandons un avis éclairé de la CGLPL, qui pourra servir de référence critique pour nos travaux ultérieurs. Cet avis ne vous contraindra pas mais il sera, à l’instar d’un avis du Défenseur des droits, un élément de référence lorsque le Parlement aura à évaluer le bilan de ce nouveau régime de détention, que nous contestons.
L’amendement no 734, dont j’espère qu’il va permettre à l’ensemble de la représentation nationale de se retrouver autour d’un principe, vise à s’assurer que la création de ces lieux de privation de liberté particuliers n’entrave pas le droit de contrôle des parlementaires – ce qu’on appelle le droit de visite, que nous pouvons exercer en tout lieu constituant par essence une atteinte à la liberté fondamentale d’aller et venir. Le groupe Écologiste et social souhaite que le gouvernement garantisse de manière effective ce droit de visite.
M. le président
Sur l’amendement n° 548, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 733 et 734 ?
M. Vincent Caure, rapporteur
À propos de la place que l’on peut donner dans ce dispositif à la CGLPL et de l’idée qu’on lui demande un avis sur le décret d’application de l’article dont nous discutons, je répondrai que, sauf erreur de ma part, elle n’a pas de mission de validation a priori.
M. Ugo Bernalicis
Nous ne demandons que son avis !
M. Vincent Caure, rapporteur
En application de la loi de 2007, son rôle est de contrôler les conditions et les lieux de détention ainsi que les conditions de transfèrement des personnes privées de liberté. Au terme des heures de discussion que nous avons eues sur le régime de détention que crée l’article 23 quinquies, j’émets un avis favorable sur l’amendement no 733. Il s’agit pour moi de contribuer à la recherche d’un point d’équilibre et de convaincre sur un maximum de bancs de la pertinence de cet article.
L’amendement no 734 porte sur le droit de visite en prison des parlementaires prévu par le code de procédure pénale depuis 2004 – récemment étendu aux bâtonniers dans leur ressort. Ce droit, qui concerne également les locaux de rétention administrative, s’appliquera dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée.
Ce droit relève de la loi.
M. Ugo Bernalicis
Justement !
M. Vincent Caure, rapporteur
Ce qui doit relever de la pratique est la manière dont on l’adapte au cas qui nous occupe. Puisque votre amendement vise à inscrire dans la loi le droit à un échange individuel avec la personne détenue, j’y serai défavorable, ce qui me paraît logique au regard des votes précédents sur le pouvoir d’adaptation confié aux chefs d’établissement en fonction de la dangerosité et de la situation de chaque détenu.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je donne un avis favorable à l’amendement no 733. Nous avons bien compris qu’il prévoit la publication d’un avis préalablement à la parution du décret, sans que cet avis lie le gouvernement. Il est important que la CGLPL puisse donner son avis mais, comme l’a indiqué M. le rapporteur, une petite interrogation persiste. Il n’est pas certain en effet que cela entre dans ses missions, la CGLPL n’étant pas, contrairement à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la Cnil, une autorité administrative de contrôle et d’avis préalable. Je le dis devant M. le président de la commission des lois : il ne faut pas exclure que l’amendement doive être réécrit au moment de la commission mixte paritaire pour déterminer comment on peut consulter la CGLPL sans la faire sortir de ses missions.
J’en viens à l’amendement no 734. Le droit de visite des parlementaires est général et absolu, sans qu’ils aient à prévenir l’administration pénitentiaire. Il est très bien que vous en fassiez tous usage et, quand de petites difficultés sont constatées, il ne faut pas hésiter à rappeler à l’administration que vous pouvez vous rendre sans prévenir où vous le souhaitez et quand vous le souhaitez, pour voir ce que vous souhaitez.
La difficulté que pose votre amendement tient à l’entretien individuel que vous demandez. Elle concerne non pas les seuls quartiers de haute sécurité, mais l’ensemble des détenus. Votre droit de visite, qui vise d’une part à vous assurer que les lieux de détention sont dignes, d’autre part à nourrir une éventuelle interpellation des pouvoirs publics, n’entraîne pas le droit à s’entretenir avec un détenu pour échanger sur une affaire en particulier, comme cela peut arriver dans le cas d’une visite effectuée pour des raisons politiques ou dans le cadre d’une commission d’enquête. Vous pouvez demander à vous entretenir avec un détenu. C’est rarement refusé par l’administration pénitentiaire. L’entretien doit toujours avoir lieu en présence d’un témoin et porter sur les conditions de vie dans la prison, non sur une affaire judiciaire.
Je trouverais tout à fait contraire à l’esprit du droit de visite qu’un parlementaire puisse demander à voir un détenu et s’entretenir avec lui sans aucun contrôle : cela ne me paraîtrait conforme ni à l’indépendance de la justice ni au respect du secret de l’instruction. Je ne vais pas citer les exemples que j’ai en tête et qui concernent tous les bords politiques, mais cela ne me semble pas une bonne idée. En résumé : avis favorable à l’amendement no 733 et demande de retrait de l’amendement no 734 – ou avis défavorable s’il est maintenu.
M. le président
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
J’interviens à propos de l’amendement no 734, que nous soutenons, comme le no 733. Nous sommes d’accord avec M. le ministre : on ne doit pas dévoyer le droit de visite en demandant à voir un détenu en particulier pour discuter avec lui d’une affaire en cours. Pour cela, il existe une procédure : on peut demander à voir quelqu’un en particulier dans le cadre d’un parloir. Les auteurs de cet amendement demandent que l’entretien entre des parlementaires et un détenu, choisi par eux au hasard, puisse se tenir en dehors de la présence des personnels pénitentiaires, laquelle en biaiserait forcément la sincérité. Une personne détenue interrogée sur ses conditions de détention a peu d’intérêt à dire que les choses se passent mal avec le surveillant pénitentiaire de son couloir si ce dernier est présent.
Par ailleurs, l’article 719 du code de procédure pénale comporte une restriction du droit de visite pour des raisons de sécurité – restriction déjà utilisée par un directeur de maison d’arrêt. Dans le cas qui nous occupe, comme M. le ministre ne cesse de dire qu’on pourrait restreindre des libertés au nom de la sécurité, nous avons une inquiétude sur ce droit des parlementaires. C’est la raison pour laquelle il ne nous semble pas superfétatoire de le mentionner dans le texte de la proposition de loi.
Mme Élisa Martin
Très bien dit !
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
J’ai subi une entrave à mon droit de visite parlementaire à la prison de Sequedin lors de la période du covid – vous n’étiez alors pas ministre de la justice. Des motifs de sécurité m’ont été opposés et j’ai dû porter l’affaire jusqu’au Conseil d’État. L’administration pénitentiaire ayant révisé son jugement au dernier moment, le Conseil d’État n’a pas eu à statuer, mais il a tenu à réaffirmer que le droit de visite des lieux de privation de liberté par les parlementaires constituait une liberté fondamentale. Pourtant, pour qu’elle soit effectivement respectée, j’ai dû aller jusqu’au Conseil d’État.
M. Ugo Bernalicis
Dans l’hypothèse où nous devrions un jour faire un recours, nous aimerions que, devant l’Assemblée, l’exécutif prenne l’engagement qu’il n’y aura pas d’entrave pour raison de sécurité opposée aux parlementaires qui voudront entrer dans les QLCO.
M. Ugo Bernalicis
Je souscris à ce que vient de dire notre collègue Faucillon : un entretien est biaisé s’il se tient en présence de personnes susceptibles d’être concernées. Un dispositif de surveillance à distance peut être envisagé, mais il faut respecter la confidentialité.
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je répète que le droit de visite parlementaire ne peut être restreint dans aucun cas. Je ne dis pas que cela n’arrive pas, en raison de mauvaises décisions de l’administration pénitentiaire, mais, dans ce cas, il n’est pas nécessaire de saisir le Conseil d’État. Interpellez-moi directement et je vous donnerai droit. Je suis très attaché au droit de visite des parlementaires, non seulement dans les prisons, mais aussi dans les centres de rétention administrative, les hôpitaux psychiatriques…
M. Jean-Paul Lecoq
Les locaux de garde à vue !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Tout à fait ! Dans tous les lieux de privation de liberté. Ce droit ne fait l’objet d’aucun doute dans mon esprit.
Mon avis diverge pourtant sur un point avec celui de Mme Faucillon. Vous nous avez collectivement demandé de ne pas porter de suspicion sur les avocats, de ne pas sous-entendre qu’ils pourraient, d’une manière ou d’une autre, être complices de leurs clients. De votre côté, ne portez pas de suspicion sur les agents pénitentiaires !
Mme Elsa Faucillon
Nous n’en portons pas ! Mais c’est comme un salarié : devant son patron, il ne dit pas la même chose qu’en son absence.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Si, vous le faites ! Les agents pénitentiaires sont des fonctionnaires qui servent la République dans des conditions très difficiles. Il n’y a aucune raison qu’ils fassent pression sur un détenu qui recevrait la visite d’un parlementaire. Il faut respecter les agents pénitentiaires.
Mme Elsa Faucillon
Arrêtez avec ça !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Pour visiter beaucoup de prisons en tant que ministre, c’est-à-dire chef de l’administration pénitentiaire, je peux vous assurer que, quand les détenus ont quelque chose à dire, ils le font sans détour, même s’ils préféreraient cacher certaines choses à l’agent présent. Ce halo suspicieux autour des agents pénitentiaires ne respecte pas leur sens du service public, et c’est bien dommage.
M. le président
Maintenez-vous votre amendement no 734, monsieur Amirshahi ?
M. Pouria Amirshahi
Je les maintiens, monsieur le président. La réponse qui nous a été faite par M. le ministre me convient dans son esprit général de réaffirmation du droit absolu de visite parlementaire. Ce droit a été défendu par tout le monde, qu’il s’agisse de M. le ministre, de M. le rapporteur ou de mes collègues. Mais notre inquiétude ne vient pas d’une suspicion à l’endroit du ministre, qui a, au demeurant, affirmé une position qui nous convient. En revanche, quand – en même temps que, dans notre pays, le ton se durcit contre tout ce qui concourt à garantir les libertés et les droits fondamentaux, et que le gouvernement encourage ce mouvement par ses amendements –, partout dans le monde, y compris en Europe, des régimes démocratiques se transforment en régimes illibéraux, on voit très bien ce qui peut arriver demain à l’exercice des droits fondamentaux, qui, dans une démocratie, commencent par la place consacrée au Parlement. De ce point de vue, quelle que soit l’issue du vote sur cet amendement, il faut que nous ayons tous en tête les réponses de M. le rapporteur et de M. le ministre, afin qu’aucune composante de l’administration pénitentiaire n’ait de doutes sur l’exercice de notre droit, nonobstant des dispositions particulières selon les situations.
M. le président
La parole est à M. Sébastien Huyghe.
M. Sébastien Huyghe
Le groupe EPR votera pour l’amendement no 733. Concernant le no 734, un problème supplémentaire se pose : les parlementaires pouvant être accompagnés d’un ou plusieurs journalistes, le détenu pourrait évoquer l’affaire en cours devant l’un d’entre eux et ce dernier s’en faire l’écho.
Mme Elsa Faucillon
Il n’en a pas le droit !
(L’amendement no 733 est adopté.)
(L’amendement no 734 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 23 quinquies, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 170
Nombre de suffrages exprimés 170
Majorité absolue 86
Pour l’adoption 104
Contre 66
(L’article 23 quinquies, amendé, est adopté.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un rappel au règlement. (Exclamations.)
M. Ugo Bernalicis
Rappel au règlement au titre de l’article 70, alinéa 3 : je me suis livré tout à l’heure à une mise en cause personnelle du ministre Darmanin, qui me l’a reproché et qui a demandé des excuses.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Une rectification !
M. Ugo Bernalicis
Je commencerai en effet par rectifier mes propos : je l’ai confondu avec M. Retailleau – il faut dire que comme il y a deux ministres de l’intérieur, il n’est pas évident de s’y retrouver. C’est M. Retailleau qui a dit, dans le cadre du dossier corse, que les avocats étaient complices de leurs clients, surtout quand ils travaillaient pour des mafieux ; cela s’est produit dans la même séquence que la communication d’un certain nombre de magistrats ayant dressé une liste de cinquante avocats potentiellement mis en cause pour cette raison.
Je tiens néanmoins à dire qu’après une recherche approfondie sur internet – un outil fascinant –, j’ai découvert que vous aviez vous-même déclaré le 6 janvier, monsieur le ministre, que les avocats pouvaient se rendre complices de leurs clients en mettant en cause les procédures, notamment par le moyen d’actions en nullité.
Par conséquent, excusez-moi, j’ai un peu tout confondu, mais finalement cela revient au même ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Discussion, selon la procédure d’examen simplifiée, du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la république d’Arménie, d’autre part et de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part ;
Discussion, selon la procédure d’examen simplifiée, du projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume du Cambodge ;
Discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république d’Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense ;
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic ;
Suite de la discussion de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-criminalité organisée.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra