XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Troisième séance du vendredi 16 mai 2025

Sommaire détaillé
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Troisième séance du vendredi 16 mai 2025

Présidence de M. Jérémie Iordanoff
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1. Accompagnement et soins palliatifs

    Suite de la discussion d’une proposition de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs (nos 1102, 1281).

    Discussion des articles (suite)

    M. le président

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    Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’amendement no 20 portant article additionnel après l’article 20  quater.

    Après l’article 20  quater (suite)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir l’amendement no 20.

    Mme Sylvie Bonnet

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    Cet amendement a été déposé à l’initiative de notre collègue Fabrice Brun.
    L’aide à mourir n’est pas un droit universel que chacun pourrait exercer. Cette assistance doit être conditionnée à des critères médicaux prérequis : c’est une ligne rouge à ne pas dépasser.
    Il importe d’insister sur ce point : l’aide à mourir doit être demandée par un patient lucide et capable de jugement, dans un cadre précisé par la loi, et c’est le médecin qui, dans une approche collégiale, accepte ou non cette demande.
    Dans ce cadre, les directives anticipées permettent à un patient encore valide, capable de s’exprimer sans influence extérieure, de faire part de ses volontés. Or plusieurs bilans montrent que seulement 20 % des Français ont signé des directives anticipées. Ce nombre semble encore trop faible, compte tenu de l’importance du sujet abordé.
    Cet amendement, qui tend à demander un rapport, vise à mieux prendre en considération les directives anticipées du patient lorsque ce dernier n’est plus en capacité de s’exprimer.

    M. le président

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    La parole est à M. François Gernigon, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.

    M. François Gernigon, rapporteur de la commission des affaires sociales

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    De nombreuses dispositions de la proposition de loi tendent à renforcer la rédaction et l’utilisation des directives anticipées. Je ne vois pas l’utilité d’un rapport supplémentaire.
    Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, pour donner l’avis du gouvernement.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles

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    Même avis.

    (L’amendement no 20 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 185.

    M. Patrick Hetzel

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    L’article 20  quater prévoit la conservation des directives anticipées dans un registre national. L’amendement tend à demander un rapport sur l’application effective de cette conservation. Étant donné que cette effectivité a jusqu’à présent fait défaut, il serait bon de disposer de données fiables à ce sujet.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. François Gernigon, rapporteur

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    Votre amendement est sans objet et le sera d’autant plus si la proposition de loi est adoptée : demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Même avis.

    (L’amendement no 185 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 761.

    M. Thibault Bazin

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    Nous arrivons à la fin de l’examen de cette proposition de loi relative aux soins palliatifs : c’est l’occasion pour nous de défendre un certain nombre d’amendements qui sont en réalité des amendements d’appel. Si nous en sommes réduits à demander des rapports, c’est pour des questions de recevabilité –⁠ par exemple, certaines expérimentations que je proposais ont été déclarées irrecevables, parce qu’elles créaient des charges.
    Vous avez présenté la stratégie décennale : les unités de soins palliatifs (USP) seront déployées dans l’ensemble du territoire et devraient couvrir 1 % des besoins ; le déploiement des maisons d’accompagnement répondra quant à lui, à terme, à 3 % des besoins. Or, d’ici à 2046, 470 000 personnes auront besoin de soins palliatifs chaque année : il sera parfois nécessaire de les dispenser à domicile.
    Les patients à accompagner ne seront pas nécessairement en USP, dans des lits identifiés de soins palliatifs (Lisp) ou dans des maisons d’accompagnement, mais se trouveront donc à leur domicile. Le défi sera alors d’armer des équipes mobiles de soins palliatifs.
    On sait que la solitude est l’une des principales difficultés de la prise en charge. Ce que nous proposons, à travers cet amendement, c’est de constituer des équipes hybrides, réunissant des professionnels de santé et des bénévoles –⁠ bien entendu formés –, de manière à renforcer la relation de proximité.
    Nous proposons aussi, conformément à une recommandation formulée par la Cour des comptes il y a deux ans en vue de renforcer la prise en charge des patients chez eux, de créer un statut des centres de soins et d’accompagnement à domicile. Nous avons jusqu’à présent très peu parlé de ce statut, mais, vu qu’il s’agit d’une recommandation de la Cour des comptes, cette possibilité mériterait d’être étudiée, étant donné qu’elle n’est pas complètement reprise par la stratégie décennale.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. François Gernigon, rapporteur

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    Tous les sujets que vous abordez sont importants. Toutefois, dès lors que nous avons adopté l’amendement no 610 portant article additionnel après l’article 4, ce n’est plus au gouvernement qu’il revient de faire des rapports sur le sujet, mais à l’instance compétente qui assurera le pilotage et le suivi de la mise en œuvre de la stratégie décennale.
    Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Je note, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, votre volonté de regrouper l’ensemble des rapports potentiels en un seul.
    Je souhaiterais revenir sur le déploiement des équipes mobiles. Vous ne l’avez pas dit mais nous en comptons 420 à ce jour.

    M. Thibault Bazin

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    Elles ont été mentionnées.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Certes, mais vous n’avez pas souligné dans votre présentation que nous en comptions 420 ; je le fais donc, pour que cela figure au compte rendu. L’un des défis à venir sera d’assurer le bon maillage du territoire. C’est un des aspects que nous allons évaluer chaque année.
    C’est pourquoi cette demande de rapport supplémentaire –⁠ ou plutôt de concentré de rapports, si je prends votre amendement à la lettre – me paraît déjà satisfaite. Avis défavorable.

    (L’amendement no 761 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements, nos 449 et 63, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 449, qui fait l’objet du sous-amendement no 808.

    Mme Josiane Corneloup

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    L’offre de soins palliatifs est un enjeu majeur de santé publique en France. Or nous savons qu’il existe de grandes disparités entre les territoires : environ vingt départements en sont dépourvus.
    Il importe de permettre à tous les patients, dans l’ensemble du territoire, un égal accès aux soins palliatifs. Cet amendement tend donc à demander au gouvernement de rendre compte régulièrement au Parlement, sous la forme d’un rapport, du développement des soins palliatifs dans l’ensemble du territoire national et des moyens humains et matériels restant à déployer pour y parvenir.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir le sous-amendement no 808.

    Mme Sylvie Bonnet

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    Un rapport remis tous les cinq ans ne permettrait pas de rattraper à temps un éventuel retard. Le sous-amendement tend donc à ramener à un an la fréquence de remise de ce rapport.

    M. le président

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    La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 63.

    Mme Josiane Corneloup

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    Cet amendement, déposé à l’initiative de mon collègue Vincent Descoeur, tend à demander la remise d’un rapport permettant de définir les moyens financiers et humains nécessaires pour que toutes les personnes dans tous les territoires puissent bénéficier de soins d’accompagnement à l’horizon 2030.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements en discussion commune et sur le sous-amendement ?

    M. François Gernigon, rapporteur

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    Ce ne sont pas tant de rapports supplémentaires dont nous avons besoin que de la vigilance constante des membres du Parlement quant à l’inscription des crédits dans la loi.
    Je demande le retrait des deux amendements et du sous-amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Même avis.

    (Le sous-amendement no 808 n’est pas adopté.)

    (Les amendements nos 449 et 63, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 103.

    M. Thibault Bazin

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    L’intérêt d’un tel débat est de pouvoir émettre des idées et des suggestions.
    Plus de la moitié des Français qui auraient besoin de soins palliatifs n’y ont pas accès. Il y a bien la stratégie décennale, mais je pense qu’elle n’est pas suffisante, même si elle va dans le bon sens. Nous devrions peut-être envisager d’autres solutions.
    Cet amendement tend à demander au gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur l’opportunité d’instituer une réserve opérationnelle de bénévoles en soins palliatifs, sur le modèle de la réserve opérationnelle nationale de sécurité civile.
    Dans le domaine des soins palliatifs, on trouve déjà des bénévoles –⁠ je ne suis pas l’inventeur de cette forme d’engagement. D’après les derniers rapports, on en recensait 6 000 en 2022. Ces bénévoles donnent de leur temps –⁠ deux à quatre heures par semaine – et apportent aux patients une présence. La solitude face à la maladie, notamment celle des malades accueillis en unités de soins palliatifs ou en établissement de santé, peut engendrer une grande souffrance. La présence de bénévoles est très appréciée ; même les professionnels de santé se déclarent satisfaits de leur aide.
    J’avais d’abord déposé un amendement tendant à organiser une expérimentation, mais il a été déclaré irrecevable, parce qu’il créait une charge. Le présent amendement tend donc à demander un rapport, mais charge à vous, madame la ministre, d’approfondir l’idée, qui mérite à mon sens d’être creusée.
    Sa concrétisation permettrait de remédier à l’un des grands maux de notre société : la solitude. Quand j’étais maire, j’ai été très marqué par le fait que 31 % des résidents de la maison de retraite de mon village n’avaient reçu aucune visite dans l’année.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. François Gernigon, rapporteur

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    Il me semble que l’amendement est satisfait : la mesure 18 de la stratégie décennale prévoit déjà la création d’une réserve opérationnelle.
    Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Mon avis est exactement le même que celui du rapporteur, mais je profite d’avoir la parole pour rendre à mon tour hommage à l’ensemble de ces bénévoles. C’est bien parce que je suis parfaitement consciente du travail qu’ils fournissent dans les unités de soins palliatifs que j’ai souhaité inscrire, dans la stratégie décennale, la constitution d’un groupe de travail qui nous permette d’avancer et de réfléchir aux modalités de création de la réserve opérationnelle de bénévoles.
    L’amendement est donc satisfait : demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    J’entends bien, madame la ministre, mais en lisant le dossier de presse de la stratégie décennale, j’ai constaté qu’il manquait des précisions au sujet de la création de cette réserve.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Elles n’y sont pas encore.

    M. Thibault Bazin

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    Je déduis de vos propos que s’il y a besoin d’un véhicule législatif…

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Il n’y en a pas besoin : c’est du domaine réglementaire.

    M. Thibault Bazin

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    …pour donner un statut à la réserve, en circonscrire les missions et préciser ses prérogatives et ses conditions d’exercice, j’imagine que vous utiliserez la navette parlementaire pour le faire.

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Dans un premier temps, nous lancerons une concertation avec les acteurs dans le cadre de la stratégie décennale. Malgré l’immense respect que j’ai pour le Parlement et l’approche législative, je rappelle que des structures peuvent être réglementaires.
    Dans tous les cas, je ne doute pas que la navette nous permettra d’avancer si nécessaire.
    L’amendement est donc doublement satisfait.

    (L’amendement no 103 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 147.

    M. Patrick Hetzel

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    Il s’agit d’une demande de rapport contenant des indicateurs de couverture des soins palliatifs, département par département. La stratégie décennale n’a de sens que si l’on est en mesure d’en assurer le suivi, y compris sur le plan opérationnel.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. François Gernigon, rapporteur

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    Avis défavorable : l’objectif de transparence quant à la couverture de l’offre de soins palliatifs est légitime, mais l’atteindre par le moyen d’un rapport annuel départementalisé ne peut conduire qu’à alourdir le texte, alors que la publication d’un autre rapport est déjà prévue.

    (L’amendement no 147, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 178 de Mme Karine Lebon est défendu.

    (L’amendement no 178, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 201 et 688.
    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 201.

    M. Patrick Hetzel

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    Il vise à mettre en lumière un sujet qui revient fréquemment mais sur lequel, hélas, nous n’avons pas assez de données : l’obstination déraisonnable. La Haute Autorité de santé a elle-même indiqué à plusieurs reprises qu’elle manquait de données fiables en la matière. Or si l’on remonte l’histoire des soins palliatifs, il s’agissait aussi de favoriser un accompagnement des patients afin de leur éviter des actes médicaux déraisonnables.

    M. le président

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    L’amendement no 688 de M. Dominique Potier est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

    M. François Gernigon, rapporteur

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    La stratégie visant à lutter contre l’obstination déraisonnable, à propos de laquelle vous demandez un rapport, existe : c’est la loi !
    Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Même avis.

    (Les amendements identiques nos 201 et 688 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 100.

    M. Thibault Bazin

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    Madame la ministre, j’ai écouté attentivement votre avis sur mon amendement visant à regrouper tous les rapports afin de ne pas en multiplier les demandes –⁠ même si nous venons d’en présenter un plus spécifique sur les indicateurs territoriaux. Tout à l’heure, vous m’avez répondu que certaines mesures relevaient plutôt du domaine réglementaire que du domaine de la loi. Quoi qu’il en soit, lorsque l’on contacte les agences régionales de santé (ARS) pour connaître l’offre de soins palliatifs, elles répondent qu’elles sont dépourvues du tuyau de financement ; elles doivent alors se tourner vers les fonds d’intervention régionaux (FIR). Si nous voulons systématiser –⁠ j’allais dire industrialiser – l’offre de soins palliatifs, nous allons avoir besoin des bons tuyaux de financement, y compris pour avoir des offres adaptées aux différents territoires.
    Je n’ai pas totalement compris comment le gouvernement comptait faire –⁠ nous avons évoqué ce point cet après-midi, lorsque le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement était au banc. Dans l’étude d’impact du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, présenté l’année dernière, il était question de créer un sous-objectif à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). Il serait selon moi plus pertinent de préciser vos objectifs de dépense pour chaque sous-objectif existant, ainsi que les véhicules de financement –⁠ donc les moyens correspondants.
    Ce sujet revient régulièrement en commission, quelle que soit la sensibilité politique. À chaque fois, on nous renvoie vers le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qui n’est pourtant pas l’outil le plus adéquat pour vérifier que les moyens sont alloués –⁠ et avec quel véhicule. Il ne faudrait pas que les ARS financent au cas par cas les USP, les Lisp, les équipes mobiles –⁠ comme si elles disposaient librement d’une carte bleue –, sans quoi les conditions de transparence ne seraient pas réunies.
    Tel est, grossièrement, l’objet de la demande de rapport visée par cet amendement.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. François Gernigon, rapporteur

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    Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée sur cet amendement que je considère comme un amendement d’appel.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Je ne doute pas que le député Bazin s’entretiendra avec le rapporteur général de la commission des affaires sociales au sujet du PLFSS et qu’ils seront, à eux deux, capables de formuler des propositions ! (Sourires.)
    En attendant, j’émets un avis défavorable sur l’amendement.

    (L’amendement no 100 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 582 de Mme Christine Loir est défendu.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. François Gernigon, rapporteur

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    Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Même avis.

    (L’amendement no 582 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Delautrette, pour soutenir l’amendement no 39.

    M. Stéphane Delautrette

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    Nous sommes obligés d’aborder le sujet –⁠ ô combien difficile et délicat – du mode de financement des maisons d’accompagnement sous la forme d’une demande de rapport afin de respecter l’article 40 de la Constitution.
    Nous voudrions garantir à ces maisons un mode de financement mixte à travers, d’une part, une dotation globale, d’autre part, une dotation à l’activité. Le rapport d’information « Fin de vie : privilégier une éthique du soin » des sénatrices Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Imbert et Michelle Meunier a mis en évidence les difficultés de financement des soins palliatifs par le seul financement à l’activité, sur le modèle de la tarification à l’activité (T2A). Le sujet est assez technique mais, pour résumer, la T2A est très axée sur la technicité des soins et valorise mal une prise en charge sur la durée, reposant sur l’écoute, l’accompagnement humain, les temps de concertation interdisciplinaire et la collégialité. On ne peut que regretter que le mode de financement des maisons d’accompagnement de soins palliatifs ne tienne pas compte de cette complexité. Cette question n’était abordée ni dans le projet de loi initial ni dans son étude d’impact et elle ne l’est pas davantage dans la présente proposition de loi.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. François Gernigon, rapporteur

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    Le texte prévoit déjà une demande de rapport et une évaluation de la stratégie décennale. Elle comportera évidemment une partie sur les maisons d’accompagnement, laquelle abordera aussi la question de leur financement.
    Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Je rappelle que l’article 10, que vous avez adopté aujourd’hui, précise que ces structures seront incluses dans le champ de l’Ondam spécifique ; le premier alinéa de l’article L. 314-3-3 du code de l’action sociale et des familles est modifié en ce sens.
    Ces maisons d’accompagnement feront en outre l’objet d’une phase de préfiguration, pour en garantir le déploiement rapide.
    L’amendement est donc satisfait, raison pour laquelle j’en demande le retrait ; à défaut, j’y serais défavorable.

    (L’amendement no 39 est adopté.)
    (M. Arnaud Simion applaudit.)

    M. le président

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    L’amendement no 358 de M. Paul-André Colombani est défendu.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. François Gernigon, rapporteur

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    Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Même avis.

    (L’amendement no 358 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 7.

    Mme Justine Gruet

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    Il s’agit là encore d’un amendement d’appel au sujet des maisons d’accompagnement. Comment les déployer de manière efficace et rapide si elles nécessitent un important investissement immobilier ? J’ai peur que l’on manque le coche en procédant ainsi ; d’où cette demande de rapport afin d’évaluer l’opportunité de mettre en place des « unités spécialisées d’accompagnement », par exemple quand les patients concernés sont des personnes âgées, au sein des Ehpad. L’idée est d’utiliser le bâti existant pour éviter des investissements aux coûts colossaux qui empêcheraient le déploiement uniforme de telles structures dans l’ensemble du territoire.

    M. Philippe Juvin

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    C’est très sage !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. François Gernigon, rapporteur

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    Il ne faudrait pas multiplier les structures, les cadres d’emploi, les noms de service…

    Mme Justine Gruet et M. Philippe Juvin

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    Précisément !

    M. François Gernigon, rapporteur

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    Les Ehpad sont soutenus financièrement, de loi de financement de la sécurité sociale en loi de financement de la sécurité sociale. La présente proposition de loi, si elle est adoptée, instituera les maisons d’accompagnement. L’amendement précise que les unités que vous suggérez de créer sont équivalentes à ces dernières : il est donc satisfait.
    Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Même avis.

    (L’amendement no 7 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 651 de M. Odoul est défendu.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. François Gernigon, rapporteur

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    Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Même avis.

    (L’amendement no 651 n’est pas adopté.)

    Article 21

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 780, visant à supprimer l’article.

    M. Thibault Bazin

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    Vous avez l’air d’hésiter, madame la ministre… Vous avez peut-être raison : j’en parlerai au rapporteur général de la commission des affaires sociales ! (Sourires.)

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    C’est possible, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales ; toutefois, devant l’unanimité de votre assemblée pour développer les soins palliatifs, il serait assez incohérent de ne pas lever le gage ! Nous nous donnons donc rendez-vous lors de l’examen du PLFSS pour évoquer le financement des soins palliatifs –⁠ du moins à celles et ceux qui seront présents à ce moment-là… (« Ah ? » sur divers bancs.)

    M. Emeric Salmon

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    Vous avez une annonce à faire ?

    M. Thibault Bazin

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    Tout dépend de votre groupe, monsieur Salmon, et du groupe Socialistes et apparentés !

    M. Emeric Salmon

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    C’est la deuxième allusion de ce genre, tout de même !

    (L’amendement no 780, accepté par la commission, est adopté ; en conséquence, l’article est supprimé.)

    Titre

    M. le président

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    Je suis saisi de trois amendements, nos 121, 202 et 194, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 121.

    M. Thibault Bazin

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    J’espère qu’il s’agit du dernier amendement. Si nous l’adoptons, nous pourrons passer à la suite ! (Rires.) L’espoir fait vivre ! Si nous sommes là, c’est parce que nous aimons la vie !
    Nous avons tous l’intention d’ouvrir l’accès aux soins palliatifs à tous ceux qui en ont besoin, sur l’ensemble du territoire national. Nous partageons l’objectif, mais les moyens sont contraints, comme vous le savez, madame la ministre. La question de l’allocation des ressources est une question profondément éthique. Lorsqu’une personne en souffrance a besoin de soins palliatifs, notre système de santé doit en faire sa priorité ; pour cela, l’accès à ces soins doit apparaître clairement comme une priorité. Dans son avis 139, le Comité consultatif national d’éthique recommande d’ailleurs d’« imposer les soins palliatifs parmi les priorités des politiques de santé publique » ; faute de quoi, lorsque des arbitrages seront nécessaires, ce seront toujours les soins palliatifs qui trinqueront.
    Nous l’avons constaté dans le cadre de notre mission d’évaluation : certains directeurs d’établissement de santé nous ont confié ne pas avoir toujours consommé les budgets alloués aux soins palliatifs, car ils devaient financer d’autres choses. Les responsables de notre système de santé devraient désormais se faire une obligation d’obtenir un lit en soins palliatif lorsque l’état du patient le requiert, de la même manière que l’on sauve en urgence un accidenté de la route. C’est la raison pour laquelle je vous propose de modifier le titre du présent texte en l’intitulant proposition de loi « visant à faire du développement des soins palliatifs une priorité de la nation et à en garantir l’accès pour tous sur l’ensemble du territoire français ».

    M. le président

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    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 202.

    M. Patrick Hetzel

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    Je le défends au nom de l’ensemble des membres du groupe Droite républicaine. Il vise à modifier ainsi le titre de la proposition de loi : « visant à garantir les soins palliatifs, renforcer les soins d’accompagnement et les droits des malades partout sur le territoire ».

    M. le président

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    La parole est à M. Yannick Monnet, pour soutenir l’amendement no 194.

    M. Yannick Monnet

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    Au risque de décevoir notre collègue Thibault Bazin, je pense que mon amendement est bien meilleur. (Sourires.) « Faire du développement des soins palliatifs une priorité de la nation » : franchement ! S’il n’y avait qu’une priorité en ce moment en matière de santé –⁠ mais ne polémiquons pas.
    Contrairement aux deux autres amendements en discussion commune, notre amendement a le mérite d’évoquer « l’égal accès de tous » à l’accompagnement et aux soins palliatifs.

    M. Thibault Bazin

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    Je suis pour la fraternité ! (Sourires.)

    M. Matthias Tavel

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    Vous n’aimez pas l’égalité !

    M. le président

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    La parole est à Mme Annie Vidal, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune.

    Mme Annie Vidal, rapporteure de la commission des affaires sociales

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    Je partage la philosophie de ces amendements et je crois que nos débats prouvent que nous la partageons tous. Toutefois, le cœur battant du texte réside bien dans l’accompagnement et les soins palliatifs. Pour ne pas réduire sa portée, je souhaite conserver le titre : « proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs ».
    Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. René Pilato.

    M. René Pilato

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    Le titre proposé par l’amendement no 194 résume assez bien les dispositions que nous avons adoptées : faire de l’accès aux soins palliatifs un droit opposable, ne pouvant donner lieu à aucun but lucratif. Nous voterons en faveur de cet amendement.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.

    Mme Sandrine Dogor-Such

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    Nous sommes favorables à ces amendements : l’accès aux soins palliatifs est fondamental. Dans la période que nous traversons, alors que le quotidien de nos concitoyens est si difficile, que notre système de santé se trouve à bout de souffle, cette proposition de loi est importante pour tous les Français. Le développement des soins palliatifs est primordial ; il est de notre responsabilité de soigner et d’accompagner. Les soins palliatifs gagneraient à être intégrés plus précocement dans le parcours de soins, de manière à améliorer la qualité de vie des patients, quel que soit le stade de leur maladie ; ils gagneraient aussi à collaborer davantage avec les autres disciplines médicales.
    Les soins palliatifs ne sont pas une médecine de l’abandon, ils sont une médecine du lien et de la dignité. Cette proposition de loi apporte des solutions aux angoisses des Français ; elle permet de démystifier la fin de vie et de faire confiance aux soignants afin de traverser cette période différemment. Nous serons vigilants, chaque année, à ce que les projets de loi de financement de la sécurité sociale aillent dans ce sens.
    Je clôturerai mon propos en remerciant l’ensemble des membres de cet hémicycle : nous avons eu un débat apaisé. Je remercie les rapporteurs et l’ensemble de ceux qui ont participé à l’élaboration de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Je remercie Mme Dogor-Such. Il était important que chacun puisse s’exprimer, exposer ses idées, en conservant respect, écoute et recherche du consensus. Je remercie les parlementaires et les rapporteurs pour leur travail : ensemble, nous avons pu cheminer.

    (Les amendements nos 121 et 202, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement no 194 est adopté ; en conséquence, les amendements identiques nos 232, 315, 333 et 481 ainsi que l’amendement no 14 tombent.)
    (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)

    M. le président

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    Nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi.
    Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé que les votes solennels sur cette proposition de loi ainsi que sur la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir auront lieu le mardi 27 mai, après les questions au gouvernement.
    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Annie Vidal, rapporteure

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    Nous avons eu des débats nourris, apaisés et respectueux. Nous avons fait évoluer ce texte. Je crois que chacun a pu s’exprimer sur les questions qui lui tenaient à cœur. Merci à toutes et à tous pour cette belle discussion. (Applaudissements sur divers bancs.)

    3. Droit à l’aide à mourir

    Suite de la discussion d’une proposition de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir (nos 1100, 1364).

    Discussion des articles

    M. le président

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    J’appelle, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir.

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour un rappel au règlement.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je voudrais faire un rappel au règlement bienveillant, sur le fondement de l’article 100 relatif à la bonne tenue des débats.
    Je souhaiterais, monsieur le président, que vous nous précisiez, alors que nous abordons un texte qui fera l’objet d’oppositions plus franches que le précédent, comment vous comptez conduire les débats.

    M. Philippe Juvin

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    Avec sagesse ! (Sourires.)

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Quelles seront les règles de répartition de la parole ? Il ne vous a pas échappé qu’au sein de plusieurs groupes, des avis divergents voire diamétralement opposés s’exprimeront, sur probablement la totalité des articles. Il sera nécessaire de pouvoir donner la parole sans doute deux fois pour chaque groupe, et ce pour chaque article et pour chaque amendement. Pouvez-vous, pour la bonne information de chacun, nous dire comment vous vous assurerez que toutes les opinions puissent s’exprimer ?

    M. le président

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    Je précise que plus de 2 000 amendements ont été déposés sur ce texte. Cela laissera du temps pour s’exprimer ; chacun pourra le faire librement. De plus, des prises de parole pourront avoir lieu sur chaque article. Je ne pourrai évidemment pas donner la parole à chaque député ni à chaque groupe sur chaque amendement, sans quoi nous consacrerions une demi-heure à chacun d’entre eux.

    M. Thibault Bazin

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    Qu’est-ce qu’on aime le débat ! Bon courage aux rédacteurs du compte rendu !

    M. le président

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    Je privilégierai donc un orateur pour et un orateur contre sur chaque amendement. Si je constate que certains amendements réclament de plus amples éclaircissements, je donnerai la parole à deux orateurs pour, deux orateurs contre, mais je pense qu’il serait déraisonnable d’aller plus loin.

    M. Matthias Tavel

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je sais que les collègues de mon groupe ont des avis divergents sur le sujet.

    M. Thibault Bazin

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    Il y a cinquante nuances d’EPR ! (Sourires.)

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Pourriez-vous donner la parole à deux orateurs par groupe sur chaque article ? (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) C’était, me semble-t-il, la règle en vigueur l’année dernière ! Il me paraît important de fixer d’emblée le cadre du débat.

    M. Philippe Juvin

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    Il a raison !

    M. le président

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    Je viens de fixer le cadre. Des orateurs pourront s’inscrire aux articles et chaque groupe pourra ainsi s’exprimer. Pour les amendements importants, nous pourrons donner la parole à deux orateurs pour, deux orateurs contre. Dans les autres cas, ce sera un orateur pour, un orateur contre.

    M. Hadrien Clouet

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    Excellent !

    Article 1er

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Bentz.

    M. Christophe Bentz

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    Je souhaite tout d’abord que les débats sur ce texte se déroulent dans le calme, l’humilité et le respect. Comme je l’ai fait en commission, je commencerai par saluer l’auteur de cette proposition de loi : cher Olivier Falorni, je salue votre travail, la bonne tenue des échanges que nous avons eus avec vous depuis des mois, voire des années, et le combattant infatigable que vous êtes. Nous sommes des adversaires politiques, mais nous ne sommes pas des ennemis. Ce que je combattrai, du début à la fin, c’est le contenu de la proposition de loi.
    Il y a tant de raisons de s’opposer à ce texte sur l’aide à mourir : il constitue une rupture du soin, une rupture éthique et anthropologique, une rupture médicale et, finalement, une rupture sociale. Mes chers collègues, la vie humaine suscite tant d’espoirs qu’elle ne mérite pas qu’on y mette fin avant son propre terme. C’est ma conviction et ce texte incarne, selon moi, une forme de bascule, une frontière civilisationnelle que nous ne voulons pas, pour beaucoup d’entre nous, franchir.
    Nous vous proposons une chose simple : en rester à la politique de développement des soins palliatifs que nous venons d’adopter. Les soins palliatifs sont les seuls qui puissent préserver l’espoir de la vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je souhaite moi aussi que les débats des prochains jours respectent les convictions de chacun et ne fassent pas l’objet de bruits, de tumulte, de moqueries, de soupirs.

    M. Nicolas Sansu

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    Ils chassent en meute !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je souhaite que nous, les 577 membres de l’hémicycle, soyons tous respectés pour ce que nous dirons ici ; toutes les opinions méritent d’être entendues et considérées.
    Vous le savez, je suis opposé à ce texte dit du droit à l’aide à mourir parce que, pour moi, il constitue d’abord un mensonge sur les termes employés. Ce texte ne dit pas les choses. Nous aurons de nombreuses discussions sémantiques –⁠ nous en avons déjà eu sur le texte relatif aux soins palliatifs. En effet, nos concitoyens sont mal informés de ce qui se trouve dans cette proposition de loi. Quand on évoque un « droit à l’aide à mourir », cela peut sembler, pour la grande majorité des Françaises et des Français, quelque chose de doux, de simple, voire d’attrayant. (Murmures sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    Mme Danielle Simonnet

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    La mort, c’est attrayant ?

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Derrière cette formule se cache, en réalité, l’euthanasie humaine. Chers collègues qui défendez ce texte, il faut dire clairement les choses.
    Ce texte emporte également un suicide d’État, puisque ce dernier sera conduit à aider des Françaises et des Français à mettre fin à leur vie.

    M. Nicolas Sansu

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    En tout cas, le suicide de l’État, c’est la Macronie !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    De par ma construction personnelle, éthique et culturelle, je ne défendrai jamais une telle vision de la société. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN. –⁠ M. Patrick Hetzel applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Hadrien Clouet.

    M. Hadrien Clouet

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    Je résumerai la question d’une autre manière que les collègues qui m’ont précédé : un être humain a-t-il le droit de recevoir une aide à mourir lorsqu’il souffre abominablement, d’une manière qui lui est personnellement inacceptable et qu’il n’a aucun espoir de guérison ? A-t-il le droit de rapprocher le terme de sa vie sans parcourir le chemin de toutes les souffrances qui l’attendent ? Je pense que oui. Les collègues qui siègent dans le groupe de La France insoumise et, plus généralement, sur les bancs de la gauche, pensent que oui.

    M. Nicolas Meizonnet

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    C’est la liberté, chez vous !

    M. Hadrien Clouet

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    Nous pensons qu’il s’agit d’un texte profondément républicain. En effet, nous ne sommes pas libres, en tant que citoyenne ou citoyen, lorsque les convictions des autres, les autorités morales extérieures décident de notre existence et de notre droit à y mettre un terme. Nous ne sommes pas égaux, lorsqu’il faut débourser plusieurs milliers d’euros pour trouver un soulagement à ses souffrances à l’étranger ou lorsqu’il faut connaître la bonne personne qui pourra nous y accompagner, en se cachant. Enfin, nous ne sommes pas fraternels, dans un pays où l’on impose à des gens de souffrir. Obliger quelqu’un à souffrir, c’est le début de la torture. Ce texte, dès lors, est un texte de liberté, d’égalité et de fraternité, individuelles et collectives.
    Au-delà de tous ces principes, si nous soutenons cette proposition de loi, c’est parce que nous pensons que la vie est plus belle quand on n’a pas peur de la mort. Alors, allons-y ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur certains bancs des groupes EPR, SOC et EcoS. –⁠ M. Bertrand Bouyx applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Juvin.

    M. Philippe Juvin

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    Sans refaire la discussion générale, je tiens à redire combien ce texte est important. J’espère que notre débat se déroulera sans que les positions des uns et des autres soient caricaturées –⁠ sans que l’on oppose les bons et les méchants, ceux qui ont absolument raison et ceux qui ont toujours tort. Nous allons devoir nous écouter.
    Deux questions de principe pourraient résumer ce débat. La première est la suivante : l’État peut-il, d’une manière ou d’une autre, être mêlé à la mort d’un tiers –⁠ même s’il ne fait qu’autoriser une procédure ? Je ne le crois pas. À un principe absolu, comme celui qui nous interdit de donner la mort, on ne peut admettre des exceptions –⁠ sauf à admettre également qu’un jour, d’autres personnes, pour d’autres raisons, justifient d’autres exceptions.
    La seconde des questions est celle-ci : quelle société voulons-nous construire ? Une société du soin, de la fraternité et de la solidarité, une société où l’on prend en considération les souffrances, ou bien une société où la compassion se résumerait à fournir la mort sur demande,…

    M. Nicolas Sansu

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    Oh !

    M. Philippe Juvin

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    …au nom de critères que certains, en dehors de cet hémicycle et parfois même à l’intérieur, et alors que le débat n’a pas même commencé, demandent déjà à assouplir ?
    Je l’ai dit lors de la discussion générale : j’aurais compris qu’on autorise, en conscience, un geste létal et transgressif, dans une situation exceptionnelle et singulière –⁠ mais c’est vers tout autre chose que nous nous dirigeons.
    C’est l’article 1er que nous sommes en train d’examiner et cet article utilise l’expression « fin de vie ». Or, et c’est là tout la difficulté du texte, ces mots ne sont pas bien choisis. Comme j’ai essayé de le montrer lors de la discussion générale et comme je ne me lasserai pas de le montrer durant ce débat, les critères retenus nous emmènent bien au-delà de la fin de vie. La question du vocabulaire est importante : l’absence des termes « euthanasie » ou « suicide assisté » pose de véritables problèmes. Nous allons, dès l’article 1er, avoir l’occasion de parler de ces mots mal employés. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe RN. –⁠ M. Charles Sitzenstuhl applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Rousseau.

    Mme Sandrine Rousseau

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    L’enjeu de cette proposition de loi, ce n’est pas le vocabulaire ; ce sont des droits, ce sont de nouvelles possibilités de choisir. L’examen dans l’hémicycle de ce texte, si important pour chacun de nos concitoyens et chacune de nos concitoyennes, a été retardé de mille et une manières –⁠ par la dissolution, mais aussi par l’obstruction.
    Cette loi, les Français sont 90 % à l’attendre (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et LFI-NFP), 74 % des médecins sont prêts à l’accueillir et 58 % de ces derniers se déclarent prêts à appliquer eux-mêmes les procédures qu’elle prévoira. Elle permettra aux personnes qui connaissent des souffrances insupportables de mettre fin, pour leurs derniers jours et leurs derniers instants, à l’intensification de ces souffrances. Elle permettra aussi à d’autres personnes, pourvu qu’elles le veulent et se sachant condamnées, de ne pas aller au bout de leurs derniers jours. Ce sera une loi laïque, à équidistance de toutes les religions. ( M. Gabriel Amard applaudit.) « Celui qui croyait au ciel. Celui qui n’y croyait pas », disait Aragon : cette loi permettra à l’un, comme à l’autre, d’accéder à l’aide active à mourir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mmes Danielle Simonnet, Dieynaba Diop et Karine Lebon applaudissent également.)
    Il n’y aura, pour personne, aucune obligation d’y recourir –⁠ mais chacun sera libre de la choisir.
    Cette loi sera une loi importante de notre législature. J’espère que les débats, dans l’hémicycle, seront aussi constructifs que ceux que nous avons eus en commission afin que nous puissions, comme en commission, adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier

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    Je ne peux m’exprimer autrement qu’en tremblant et en hésitant. Je suis sûr que beaucoup d’entre nous, au fond d’eux-mêmes, se trouvent dans la même situation.
    J’en appelle à une éthique du dialogue et au respect de la part de vérité qu’il y a en chacun. Dans la position un peu singulière qui est la mienne, je tiens à dire que je ne doute pas un instant que nos visées sont humanistes –⁠ nous les poursuivons, chacun, par des voies différentes.
    Je ne pense pas, pour ma part, que nous ne soyons, simples individus, que des atomes dans l’univers. Nous sommes des personnes, reliées les unes aux autres. La liberté que le texte promeut n’est, d’une certaine manière, qu’une fiction libérale.
    Je ne crois pas qu’il y aura d’égalité républicaine tant qu’un Français sur deux sera privé de soins palliatifs. C’est là une rupture républicaine. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et DR. –⁠ M. Charles Sitzenstuhl applaudit également.)
    L’histoire nous a montré qu’il existe une autre voie, celle des soins palliatifs, engagés contre des pratiques euthanasiques qui, jusqu’aux années 1970 et 1980, ne disaient pas leur nom. Cette voie a été consacrée par la loi Claeys-Leonetti –⁠ la loi de 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie –, qui reste pour nous un véritable trésor, car elle explore ce choix profond de nous donner la main jusqu’au bout, dans un exercice de fraternité s’inscrivant, lui aussi, dans le triptyque de notre devise républicaine. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Nous en venons aux amendements.
    Je suis saisi de six amendements identiques, nos 3, 5, 180, 1117, 1244 et 2491, tendant à supprimer l’article. La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 3.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    L’article 1er est un article très important qui va ouvrir, dans le droit français, une brèche pour l’euthanasie.
    La députée Rousseau a affirmé que cette proposition de loi avait été retardée. Ce n’est pas vrai.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Si !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Au contraire, elle a été hâtée. Elle a été précipitée, accélérée, par les défaillances condamnables de l’État dans la gestion des soins palliatifs et dans l’application des diverses lois qui ont été adoptées sur le sujet depuis une vingtaine d’années : la loi Kouchner de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, la loi Leonetti de 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, la loi Claeys-Leonetti.
    Nous débattions, il y a quelques jours et quelques heures encore, de la sédation profonde et continue. Il a été admis que l’État ne dispose d’aucune donnée sur ce sujet et que nous n’avons aucun moyen d’évaluer les effets de la loi Claeys-Leonetti. Il n’y a eu de la part des pouvoirs publics aucune volonté d’améliorer la situation des personnes se trouvant, du fait de leur état de santé, dans de grandes difficultés ; aucune volonté d’améliorer le système des soins palliatifs ; aucune volonté de faire connaître à nos concitoyens la sédation profonde et continue.

    M. Nicolas Sansu

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    C’est un one man show !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Voilà pourquoi je pense sincèrement que cette proposition de loi arrive bien trop rapidement dans nos débats,…

    Mme Nicole Dubré-Chirat et M. François Cormier-Bouligeon

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    Ça fait huit ans qu’on en parle !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    …sous l’action de certaines personnes qui veulent faire entrer l’euthanasie et le suicide assisté dans notre législation.

    M. le président

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    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 5.

    M. Patrick Hetzel

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    Si j’ai déposé un amendement de suppression, c’est parce que nous devons avoir conscience que le moment que nous vivons relève de la rupture éthique et anthropologique. Il faut aller au-delà des sondages évoqués par certains. Nous avons débattu, par exemple, de la question de savoir si l’aide à mourir pouvait être considérée comme un acte médical. Or le dernier acte de soin doit –⁠ justement – être un soin et, selon moi, donner la mort ne peut en aucun cas passer pour un acte de soin. Certains d’entre vous considèrent que la sédation profonde et continue relèverait de la même logique ; les deux gestes sont pourtant très différents, parce que leurs intentions ne sont en rien comparables. Par la sédation profonde et continue, le corps médical ne cherche qu’à soulager la douleur.
    Nous sommes sur le point de briser un interdit. À gauche, vous avez soutenu, à raison, que l’État ne pouvait condamner personne à mort. En nous apprêtant à faire entrer dans notre législation une exception à ce principe, nous allons maintenant en sens inverse. Ce qui prévaut actuellement, c’est que tout doit être fait pour empêcher une personne de se suicider.

    M. le président

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    Merci, cher collègue.

    M. Patrick Hetzel

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    Or l’un des effets du texte que nous discutons sera, tout au contraire, qu’on assistera une personne dans son suicide –⁠ non pas seulement dans le cadre d’une exception d’euthanasie, mais en légalisant la pratique euthanasique. C’est d’une rupture considérable qu’il s’agit.

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 180.

    M. Thibault Bazin

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    Nous en venons donc à l’article 1er de cette proposition de loi visant à légaliser l’administration d’une substance létale en vue provoquer la mort. Cet article tend à modifier l’intitulé du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique – soit l’énoncé de ce qui est au fondement de la santé publique.
    La mort provoquée a-t-elle cependant à voir avec les soins ?

    Mme Élise Leboucher, rapporteure de la commission des affaires sociales

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    Mais oui !

    M. Thibault Bazin

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    Selon l’Académie de médecine, le soin est « l’ensemble des mesures et actes visant à faire bénéficier une personne des moyens de diagnostic et de traitement lui permettant d’améliorer et de maintenir sa santé physique et mentale ». En octobre 2007, la Haute Autorité de santé (HAS) définissait un acte de soin comme « un ensemble cohérent d’actions et de pratiques mises en œuvre pour participer au rétablissement ou à l’entretien » –⁠ au rétablissement ou à l’entretien, je le souligne – « de la santé d’une personne ». Elle indiquait également qu’un acte de soins peut se décomposer en tâches définies et limitées, qui peuvent être indépendantes dans leur réalisation, et que, dans un même acte de soin, certaines tâches peuvent être réalisées par des professionnels de santé différents. Or provoquer intentionnellement la mort par l’administration d’une substance létale ne saurait être un soin. Si les soins ne nient pas la mort, ils ne la donnent pas. Pour reprendre les termes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les soins –⁠ et plus particulièrement les soins palliatifs – considèrent la mort comme « un processus normal » qu’ils « n’entendent ni accélérer ni repousser ».
    En accord avec ces définitions, je suis très gêné par la modification du code de la santé publique à laquelle procède l’article 1er de la proposition de loi. Je vous propose donc de le supprimer, afin que l’administration d’une substance létale en vue de provoquer la mort ne soit pas assimilée à des soins. Nous protégerons, ainsi, les codes déontologiques des professionnels de santé.

    M. le président

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    Merci, monsieur Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Puisqu’il en faut bien un, je vous invite à trouver pour ces mesures un autre cadre normatif que le code de la santé publique, par exemple celui de l’action sociale et des familles.

    M. le président

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    Je vous informe que sur les amendements no 3 et identiques, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    L’amendement no 1117 de M. Dominique Potier est défendu.
    La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 1244.

    M. Christophe Bentz

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    S’il existe des sensibilités différentes au sein du groupe Rassemblement national –⁠ et je salue ici l’engagement de notre collègue Gaëtan Dussausaye –, nous allons nous battre par tous les moyens contre ce texte ; nous battre contre la légalisation du suicide assisté dans notre beau pays. Nous assumons avoir déposé, dans ce but, des amendements de suppression, des amendements de complexification, des amendements de restriction.
    Permettez-moi de rappeler que, de la part des patients et des malades, les demandes de mort sont toujours légitimes et doivent toujours être entendues et respectées. Nous nous distinguons, chers collègues, par la réponse que nous pensons convenable d’apporter à ces demandes. Nous n’avons également pas la même conception de la dignité humaine : si certains considèrent que la maladie peut vous en priver, nous considérons, pour notre part, qu’elle est intrinsèque à la nature humaine et qu’elle ne peut donc se perdre.

    M. Louis Boyard

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    Pourquoi êtes-vous racistes, dans ce cas ?

    M. Christophe Bentz

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    C’est la raison pour laquelle nous défendons la vraie alternative au suicide assisté : les soins palliatifs. En définitive, face à votre ultime recours, nous proposons un ultime secours. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2491.

    M. Philippe Juvin

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    L’article 1er modifie l’intitulé du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique en introduisant la notion de fin de vie. Or le périmètre du texte que nous allons étudier est bien plus large –⁠ c’est l’un des sujets fondamentaux dont nous aurons à débattre. On peut être pour ou contre l’euthanasie ou le suicide assisté –⁠ ce n’est pas le sujet –, je vous invite simplement à ouvrir les yeux : telle qu’elle est rédigée, le champ de la proposition de loi couvre certes des patients en fin de vie, mais aussi des patients qui ne le sont pas puisqu’elle vise également, entre autres, les maladies terminales. Or être atteint d’une maladie terminale ne signifie pas nécessairement être en fin de vie –⁠ certains patients peuvent vivre vingt ans avec une maladie terminale.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    C’est faux !

    M. Philippe Juvin

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    J’ai essayé de vous donner quelques exemples lors de la discussion générale ; je pourrais vous en donner d’autres si vous le souhaitez.
    J’y insiste : nous nous trompons sur les termes. Je veux bien croire que c’est involontaire –⁠ je n’en ai aucun doute –, mais nous ne pouvons pas parler d’ultime recours et de fin de vie. L’article 1er est mal rédigé puisque nous ne nous adressons pas uniquement à des patients en fin de vie, mais aussi à d’autres qui vivront probablement plusieurs années, voire plusieurs décennies.

    M. le président

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    La parole est à M. Olivier Falorni, rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir, afin de donner l’avis de la commission sur ces amendements de suppression.

    M. Olivier Falorni, rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir

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    Tout d’abord, je remercie les orateurs pour leurs propos et souhaite que ce débat soit à la hauteur de la représentation nationale et qu’il se déroule dans le respect et la dignité imposés par la gravité du sujet –⁠ à l’image, dirais-je, de vos interventions, monsieur Bentz. Il n’y a pas plus opposés que nous deux  ; sur ce sujet, nous ne sommes d’accord sur rien ou presque. Pourtant, cela fait des mois –⁠ et même des années, monsieur Sitzenstuhl, vous qui trouvez que ce texte est arrivé trop vite ! – que nous en débattons au sein de l’Assemblée nationale.
    Je vais tout de suite entrer dans le vif du sujet. Plusieurs amendements ont été déposés, qui visent à supprimer l’article 1er, lequel modifie l’intitulé du chapitre du code de la santé publique où sont introduites les dispositions relatives à l’aide à mourir.
    Certains contestent le choix de faire figurer ces dispositions dans le code de la santé publique. Ce choix est d’abord justifié par le fait que l’aide à mourir concerne des personnes malades et qu’elle fera l’objet d’un accompagnement médical.
    La mise en œuvre de l’aide à mourir reposera sur une appréciation de l’état de santé de la personne qui demande à en bénéficier. De plus, des professionnels de santé, plus particulièrement des médecins, interviendront à toutes les étapes de la procédure, de la vérification des conditions légales à l’administration de la substance.
    Il ne faut pas non plus perdre de vue l’intérêt de la codification, qui vise à favoriser l’accessibilité de la loi et la compréhension de leurs droits par les citoyens. Les autres dispositions relatives à l’accompagnement médical des personnes en fin de vie figurent déjà dans le code de la santé publique. Il semble donc logique que les règles encadrant l’aide à mourir s’y trouvent aussi, aux côtés des articles issus des lois fondatrices sur la fin de vie, qui interdisent l’obstination déraisonnable et autorisent la sédation profonde et continue jusqu’au décès.
    D’autres collègues, notamment MM. Juvin et Potier, considèrent qu’il n’est pas nécessaire de modifier le titre du chapitre, au motif que la notion de fin de vie figure déjà dans celui d’une section existante.

    M. Thibault Bazin

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    C’est vrai !

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    Néanmoins, la proposition de loi prévoit d’insérer une nouvelle section sur l’aide à mourir dans le chapitre en question. Ce chapitre comprendra désormais deux sections traitant de la fin de vie, au lieu d’une seule. Il semble donc logique d’adapter le titre du chapitre pour tirer les conséquences de l’enrichissement de ses dispositions qui se rapportent à la fin de vie.
    Ma réponse a été longue et argumentée compte tenu de l’importance des amendements de suppression de l’article : ils remettent en question non seulement l’article, mais aussi, en quelque sorte, l’ensemble de la proposition de loi.
    J’émets un avis défavorable sur tous les amendements de suppression. (Applaudissements sur certains bancs des groupes LFI-NFP, EPR, SOC et EcoS. –⁠ M. François Gernigon applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, pour donner l’avis du gouvernement.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles

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    Je m’inscrirai dans la continuité des explications données par le rapporteur général.
    Je souhaite revenir sur certains propos qui ont été tenus. Quelle est la différence par rapport à l’année dernière ? Nous avons commencé à déployer la stratégie décennale des soins d’accompagnement. Durant toute la semaine, nous avons parlé des choix budgétaires : le gouvernement a décidé de dégager 100 millions d’euros dès cette année pour montrer sa volonté en matière de soins palliatifs. Face aux deux propositions de loi, le gouvernement reconnaît donc la nécessité de ces soins.
    Cela a été évoqué cet après-midi : concernant la sédation profonde et continue, la codification est en place. Certes, elle peut être améliorée –⁠ j’en ai d’ailleurs pris acte – mais on ne peut pas dire qu’elle n’existe pas. Elle est bien en vigueur et il est important de le rappeler.
    Lors de la présentation du texte, j’avais également insisté sur un autre point : Jean Leonetti et Alain Claeys, les deux auteurs de la loi de 2016, ont –⁠ je le dis avec tout le respect que j’ai pour eux – une lecture différente de leur propre texte. Ainsi, Alain Claeys explique que, même si ce n’est pas un acte létal, la sédation profonde et continue constitue déjà une démarche d’aide à mourir.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Bien sûr !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Pourquoi sommes-nous conduits à réexaminer la situation ? C’est que nous sommes confrontés à des cas auxquels nous ne savons pas à l’heure actuelle apporter de réponse. Le débat qui nous attend opposera, dans le respect des convictions de chacun, certains, qui rejettent totalement ce texte, à d’autres, qui y sont beaucoup plus favorables ; entre les deux, il y a tous ceux qui souhaitent que nous trouvions un équilibre.
    J’y insiste parce que cela doit nous guider dans notre travail, alors que nous allons examiner plus de 2 000 amendements. Quelles que soient les convictions des uns et des autres, il importe de reconnaître le travail et l’engagement des députés présents en séance. Tous ont étudié le sujet en profondeur, souhaitent défendre leurs arguments et débattre. Il faut que nous puissions échanger sur un sujet aussi important –⁠ c’est essentiel pour notre démocratie.
    Enfin, s’agissant des amendements, je ne reprendrai pas l’argumentaire du rapporteur, auquel je souscris, mais j’insisterai sur un point : l’an dernier, lorsque le gouvernement lui avait demandé son avis sur son projet de loi, le Conseil d’État avait souligné l’intérêt de la codification au sein du code de la santé publique, tout comme, ensuite, la commission spéciale avait mis en avant ce même intérêt dans un souci de lisibilité et d’intelligibilité de la loi. C’est pourquoi je suis défavorable à l’ensemble des amendements de suppression de l’article 1er.

    M. le président

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    J’ai plusieurs demandes de prise de parole. Je ne vais en prendre que quelques-unes car beaucoup de députés se sont déjà exprimés sur l’article.
    La parole est à M. Michel Lauzzana.

    M. Michel Lauzzana

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    Nous sommes nombreux à attendre depuis longtemps ce texte.
    Monsieur Sitzenstuhl, dès 2017, Jean-Louis Touraine avait déposé sur le bureau de notre assemblée une proposition de loi et, depuis cette date, un groupe de travail en a affiné les dispositions –⁠ nombre d’entre nous ont participé à ce travail.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    C’est vrai !

    M. Michel Lauzzana

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    Une convention citoyenne s’est également exprimée après un examen approfondi des enjeux et elle s’est prononcée en faveur d’une telle loi. La présente proposition de loi n’est donc pas un texte improvisé à la dernière minute ou examiné dans la précipitation ; il est réfléchi.
    Que propose-t-on ? Il s’agit de créer un nouveau droit, un droit qui n’enlève rien aux autres mais qui permet à ceux qui le souhaitent de faire ce choix –⁠ ce n’est pas une obligation.
    J’entends parler de rupture anthropologique, d’aucuns affirment que ce n’est pas un soin. Dans les pays où ce dispositif existe, où l’on a fait ce choix, serait-on moins humain que nous ? Je ne le crois pas. Peut-on réellement parler de rupture anthropologique ? Ce sont de grands mots qui, finalement, ne veulent rien dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur certains bancs des groupes EPR et SOC. –⁠ Mme Danielle Simonnet, M. François Gernigon et M. Éric Martineau applaudissent également.)
    Le soin, c’est prendre soin de quelqu’un ; et prendre soin de quelqu’un, c’est aussi l’écouter, entendre ses demandes. Or certaines personnes demanderont cette aide à mourir.
    Je souhaite que nos débats soient respectueux et approfondis. Nous examinerons des amendements de suppression, mais malheureusement aussi des amendements d’obstruction. Ceux qui se vantent d’écouter le peuple devraient l’écouter un peu plus, car il s’est largement prononcé en faveur d’une telle loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur certains bancs des groupes EPR, SOC et EcoS. –⁠ MM. François Gernigon et Éric Martineau applaudissent également.)

    Mme Ayda Hadizadeh

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    Eh oui !

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à Mme Karine Lebon, pour un rappel au règlement.

    Mme Karine Lebon

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    Sur le fondement de l’alinéa 7 de l’article 100, concernant la bonne tenue de nos débats.
    Monsieur le président, vous semblez vouloir donner la parole à un orateur pour et un contre. Or six amendements sont en discussion, ce qui signifie qu’il devrait y avoir au minimum six interventions pour et six contre.
    En effet, l’alinéa 7 dispose que « sont entendus, sur chaque amendement, outre l’un des auteurs, le gouvernement, le président, le rapporteur de la commission saisie au fond […] et deux orateurs, dont un au moins d’opinion contraire ». La disposition s’applique donc à chaque amendement.
    C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir accorder la parole à au moins six personnes pour et six personnes contre.

    M. le président

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    Madame Lebon, sur des amendements identiques, il est d’application constante d’accorder une prise de parole à un orateur pour et un contre. Je suis prêt à en accepter deux pour et deux contre, mais nous avons déjà entendu quinze interventions sur le même sujet.

    Mme Danielle Simonnet

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    Vous ne pouvez pas dire cela !

    M. le président

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    L’objectif de la discussion est d’éclairer le débat, non de permettre à chacun de s’exprimer, car nous sommes nombreux dans cet hémicycle.

    M. Yannick Monnet

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    Ce n’est pas ça, un débat !

    Article 1er (suite)

    M. le président

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    La parole est à Mme Élise Leboucher, rapporteure de la commission des affaires sociales.

    Mme Élise Leboucher, rapporteure de la commission des affaires sociales

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    Évidemment, le groupe LFI-NFP s’opposera à ces amendements de suppression.
    D’abord, la suppression de l’article 1er n’aurait pas réellement d’impact sur la procédure d’aide à mourir ; elle concernerait uniquement l’intitulé du chapitre du code de la santé publique que l’article modifie.

    Mme Élise Leboucher, rapporteure

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    Ensuite, nous considérons que les dispositions relatives à l’aide à mourir ont toute leur place dans le code de la santé publique, aux côtés des autres dispositions et droits relatifs à l’accompagnement médical des personnes en fin de vie, comme l’interdiction de l’obstination déraisonnable ou la sédation profonde et continue.
    Plus fondamentalement, nous estimons qu’il est essentiel de conserver les termes « expression de leur volonté et fin de vie » car ils sont au cœur de ce texte –⁠ on y parle du droit d’un individu à disposer de lui-même jusqu’au bout.
    L’aide à mourir viendra ainsi s’ajouter aux options dont dispose une personne en fin de vie, à sa demande, comme les soins palliatifs –⁠ dont nous avons collectivement réaffirmé l’importance – et la sédation profonde et continue.
    Enfin, évidemment, il nous reviendra de créer tous ensemble un cadre garantissant le libre choix, mais aussi la sécurité de la personne en fin de vie ainsi que celle des soignants, cadre auquel nous sommes tous profondément attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Il a déjà pris la parole pour défendre son amendement !

    M. Patrick Hetzel

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    Si nous insistons, c’est parce que, jusqu’à présent, ce sont les soins palliatifs qui ont contribué à développer une culture de l’accompagnement dans notre pays, culture qui vise à concilier le souci de la personne, le respect de ses droits fondamentaux et l’exigence d’un soin relationnel attentif. Tout ce qui a été fait jusqu’à présent s’inscrit dans cette philosophie bien particulière.
    Certains collègues semblaient nous reprocher de parler de rupture anthropologique. On parle pourtant de légaliser un homicide médical : administrer une substance létale n’est pas neutre !
    Madame la ministre, vous avez évoqué notre ancien collègue Alain Claeys, mais pas Jean Leonetti.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Si !

    M. Patrick Hetzel

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    Ce dernier a très clairement expliqué que le présent texte représentait une rupture par rapport à la loi qu’il a défendue dans notre assemblée, parce que l’intention n’est plus du tout la même. Par ce texte, on entend redéfinir notre devoir d’humanité, point qu’il faut interroger. Jusqu’ici, l’humanité consistait à prendre soin d’autrui. En administrant une substance létale, continuons-nous véritablement à prendre soin d’autrui ? On peut se poser la question.
    J’espère que les débats permettront de revenir sur ces questionnements importants. On ne peut pas traiter ce texte comme une loi de finances, par exemple. L’incidence globale sur notre société est considérable.

    Mme Ayda Hadizadeh

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    Pourquoi le temps de parole n’est-il pas limité ?

    M. le président

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    La parole est à M. Marc de Fleurian.

    M. Marc de Fleurian

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    Je suis favorable à la suppression de cet article car je suis convaincu qu’il faut préserver la vie jusqu’à sa fin naturelle.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Mais il est seulement question du titre d’un chapitre dans le code de la santé publique !

    M. Marc de Fleurian

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    Essayons d’avoir une discussion à la hauteur des enjeux !
    Pour éclairer nos débats, je vais m’appuyer sur un exemple qui parlera sans doute au professeur Juvin, puisqu’il a évoqué les extrémités auxquelles sont confrontés les soignants. Je parlerai de ces situations dans lesquelles certains de nos concitoyens se trouvent plongés, où ils se retrouvent à devoir prendre tous les risques pour sauver un camarade, un civil, un frère d’armes.

    Une députée du groupe EPR

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    Mais ça n’a rien à voir !

    M. Marc de Fleurian

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    Pour ce soldat pris sous le feu et blessé, pour cet habitant coincé par les flammes et asphyxié, pour ce combattant éventré, le militaire, le pompier ou le sauveteur mettra en jeu sa propre vie. Une vie qui, d’un point de vue physique, a plus de valeur, puisque lui a encore son intégrité corporelle.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Ce discours est scandaleux !

    M. Marc de Fleurian

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    Il le fera pour en sauver une autre, qui, selon certains, pourrait être considérée comme diminuée.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Vous racontez n’importe quoi !

    M. Marc de Fleurian

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    Cela nous rappelle que toutes les vies sont d’égale dignité, quel que soit l’état physique : elles ont la même valeur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 3, 5, 180, 1117, 1244 et 2491.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        131
            Nombre de suffrages exprimés                130
            Majorité absolue                        66
                    Pour l’adoption                43
                    Contre                87

    (Les amendements identiques nos 3, 5, 180, 1117, 1244 et 2491 ne sont pas adoptés.)
    (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS, Dem et GDR.)

    M. le président

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    Je suis saisi de quatre amendements, nos 530, 1408, 6 et 1331, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à Mme Annie Vidal, pour soutenir l’amendement no 530.

    Mme Annie Vidal

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    Cet amendement de précision vise à clarifier le titre de ce chapitre et sa portée exacte. La mention « fin de vie » renvoie ici à un acte, le recours à une substance létale. Je vous propose donc de remplacer « expression de leur volonté et fin de vie » par « expression de leur volonté en fin de vie ». Cette dernière formulation renvoie en effet à une temporalité. Elle permet de tenir compte de l’ensemble des aspects médicaux, sociaux, éthiques et organisationnels d’une période, celle du terme de la vie. Cette précision terminologique permet de respecter l’exactitude juridique et garantit la bonne lisibilité du code.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir l’amendement no 1408.

    Mme Sylvie Bonnet

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    Il prévoit que la fin de l’intitulé est ainsi rédigée : « , expression de leur volonté pour leur fin de vie ». C’est un amendement cohérent avec la philosophie du texte, qui vise à autoriser l’euthanasie et le suicide assisté, donc à définir, à l’article 4, les modalités pour terminer sa vie.

    M. le président

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    La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 6.

    Mme Justine Gruet

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    Tout au long de nos échanges, nous reviendrons sur l’importance de la sémantique. Il faut nommer les choses. Quand l’État propose et légitime la mort, il abandonne la médecine. Je ne voudrais pas que, faute de soins, on ait besoin de ce qui est présenté comme un dernier recours. Dans notre pays, l’accès aux soins n’est pas garanti en tout point du territoire –⁠ cela fait l’objet d’autres débats –, pas plus que la prise en charge de la perte d’autonomie ou l’accompagnement.
    Vous avancerez souvent la notion de liberté individuelle ; mais quand on vit en société, le choix des uns engage nécessairement celui des autres. Dans un système, tout fonctionne en miroir.
    Nous devons donc au moins avoir la sincérité de nommer les choses. Nous en reparlerons, mais nous proposons de faire apparaître l’euthanasie et le suicide assisté dans l’intitulé du chapitre. Je défendrai d’autres amendements pour que nous parlions d’aide « active » à mourir, et non simplement d’aide à mourir. Lors de l’examen du texte précédent, nous avons pu constater que la mention de l’aide à mourir pouvait porter à confusion : on pourrait considérer que les soins palliatifs, qui permettent d’accompagner la fin de vie, sont une forme d’aide à mourir ! Mieux définir les termes permettrait de sécuriser le processus que vous appelez de vos vœux.

    M. le président

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    Sur l’article 1er, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 1331.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je propose aux promoteurs de ce texte d’en clarifier la sémantique en employant le mot « euthanasie ». Il est crucial que les Français comprennent vraiment de quoi nous parlons. Les termes employés sont sémantiquement flous, et je crois que c’est volontaire. En réalité, on parle de l’injection d’une substance létale, de suicides qui recevront l’assistance des pouvoirs publics. C’est une rupture avec notre ordre juridique, moral et éthique.
    Un collègue a mentionné une proposition de loi déposée par un ancien collègue en 2017. Je le remercie d’avoir rappelé cette date, un an à peine après le vote de la loi Claeys-Leonetti ! Cela montre bien que l’intention des promoteurs de ce texte n’est pas d’apporter une solution à des cas dont on dit qu’on ne peut pas les traiter –⁠ ce que contestent de nombreux médecins qui travaillent dans les unités de soins palliatifs. En réalité, ils veulent introduire l’euthanasie et le suicide assisté dans notre ordre juridique, pour des raisons que je ne comprends pas ; peut-être nous éclaireront-ils.
    La ministre, elle aussi, a affirmé qu’il y avait des cas qu’on ne pouvait pas traiter. Mais de combien de cas parlons-nous ?

    M. René Pilato

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    Et alors ? Même s’il n’y en avait qu’un…

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Ce n’est pas très clair dans l’exposé des motifs et le rapport. Il serait temps d’expliciter.

    M. le président

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    La parole est à Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.

    Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des affaires sociales

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    Par ces amendements, vous souhaitez modifier l’intitulé du chapitre.
    Madame Vidal, vous proposez que l’intitulé se réfère à l’expression de la volonté des personnes en fin de vie. Or cela ne reflète pas le contenu de ce chapitre, dans la mesure où l’expression de la volonté dont il est question ne porte pas seulement sur la fin de vie.
    Madame Gruet, monsieur Sitzenstuhl, nous aurons de nombreuses occasions d’avoir un débat sur la sémantique. Si vous le voulez bien, nous en parlerons à l’article 2 ; ce sera plus pertinent. Par ailleurs, il ne me semble pas nécessaire de mentionner l’aide à mourir, quelle que soit l’expression que l’on choisisse d’employer, dans un titre qui comprend déjà la notion de fin de vie.
    Avis défavorable sur tous les amendements.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Gaëtan Dussausaye.

    M. Gaëtan Dussausaye

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    De nombreux débats porteront sur la sémantique, notamment à l’article 2. Mais l’article 1er est déjà l’occasion de se poser des questions, en particulier avec l’amendement no 6 de notre collègue M. Hetzel.
    J’ai un point commun avec vous, monsieur le rapporteur général : je soutiens la création de ce nouveau droit à l’aide à mourir. En revanche, nous sommes en désaccord sur le choix des mots. Je n’éprouve aucun malaise à employer les mots disponibles dans la langue française. Dans les prochains jours, nous travaillerons bien sur la question de l’euthanasie et du suicide assisté. Devant la commission des affaires sociales, vous avez assumé qu’en employant un terme plus neutre, vous entendiez rassurer les Français. Mais cette attitude est contreproductive ! En n’assumant pas clairement vos intentions, vous risquez de faire naître un doute quant à l’objectif réel de votre texte.
    À mes yeux, les termes « euthanasie » et « suicide assisté » n’ont pas que les connotations négatives que vous leur avez prêtées en commission. Ils renvoient certes à la peine, à la tristesse de voir un proche partir, mais aussi au soulagement, à la compréhension, à la considération des attentes de ce proche. À défaut de recourir au référendum, possibilité à laquelle je suis très attaché, soyons transparents et utilisons les bons mots. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Josiane Corneloup.

    Mme Josiane Corneloup

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    Cette proposition de loi qui vise à autoriser les professionnels de santé à administrer activement une substance mortelle –⁠ disons-le – constitue à mes yeux une dérive inacceptable. Elle remet en cause les principes fondamentaux de la médecine et de l’éthique médicale. La mission première des professionnels de santé est de soigner, de soulager la souffrance, de préserver la vie, et non de provoquer la mort.
    Le terme « aide active à mourir » n’a pas sa place ici. L’emploi des termes « euthanasie » et « suicide assisté » serait beaucoup plus judicieux, même s’ils n’ont rien à faire dans le code de la santé publique. En effet, l’aide active à mourir ne relève pas du soin. Permettre une telle pratique revient à remettre en cause le serment d’Hippocrate et les valeurs fondamentales de la profession médicale.
    Cette proposition de loi pourrait en outre entraîner des abus et des pressions sur des patients vulnérables, par exemple des personnes âgées ou dépendantes, et créer une confusion entre les soins palliatifs et l’euthanasie.
    Notre groupe s’y opposera, pour préserver l’intégrité de la profession médicale, protéger les patients vulnérables et garantir une fin de vie digne et respectueuse de tous.

    (Les amendements nos 530, 1408, 6 et 1331, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 1er.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        130
            Nombre de suffrages exprimés                129
            Majorité absolue                        65
                    Pour l’adoption                84
                    Contre                45

    (L’article 1er est adopté.)

    Après l’article 1er

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 1119, portant article additionnel après l’article 1er.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    La séance a placé ici cet amendement alors que je me proposais d’introduire en début de texte, avant l’article 1er, un article déclaratif rappelant le corpus des droits fondamentaux qui régissent le fonctionnement de notre république. Il s’agit d’affirmer que la dignité humaine est inviolable, qu’elle doit être respectée et protégée, que toute personne a droit à la vie.
    C’est la conception que je me fais de la République française ; c’est la conception que je me fais de l’assurance maladie ; c’est la conception que je me fais de la République sociale ; c’est la conception que je me fais du pacte social.
    Ceux qui sont férus de droit européen auront peut-être reconnu un copier-coller, que j’assume totalement et qui provient des articles 1er et 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. C’est ma manière de dire que ma conception du pacte républicain de cette république sociale est ancrée dans mes valeurs européennes et pro-européennes.
    Je considère aujourd’hui la Charte des droits fondamentaux comme l’un des textes majeurs de notre ordre juridique. Il est important que chacun l’ait à l’esprit et que chacun comprenne de quoi il retourne : notre continent a connu des périodes de l’histoire où la dignité humaine était niée et où le droit à la vie n’était pas respecté. Je pensais, sans doute un peu naïvement, qu’au fil du processus de civilisation, nous avions dépassé cela. Or, à la lumière de mes convictions pro-européennes, ce texte m’apparaît comme une régression complète de notre civilisation.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Je ne pense pas qu’il se trouve dans cette assemblée une seule personne qui ne croie pas au respect de chaque individu. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Cela étant posé, les principes que vous proposez de faire figurer dans cette loi sont déjà reconnus dans notre droit. Le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine a été affirmé par le constituant : il figure dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, et le Conseil constitutionnel a reconnu sa portée dans plusieurs décisions. La protection du droit à la vie est garantie par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et la Cour européenne des droits de l’homme a jugé, à propos de la fin de vie, que la mise en œuvre d’une forme d’aide à mourir, à la demande de la personne concernée, ne méconnaissait pas cette obligation.
    Je serai défavorable à cet amendement si vous ne le retirez pas.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    J’ajouterai à l’ensemble des références données par Mme la rapporteure que le droit de la personne malade au respect de sa dignité a été rappelé par le Conseil constitutionnel. C’est une valeur constitutionnelle, inscrite dans le code civil et, depuis 2002, dans le code de la santé publique, à l’article L. 1110-2, comme un droit fondamental de la personne malade.
    Je suis plus que réservée sur la portée de votre formulation du droit à la vie. C’est un débat qui nous entraînerait fort loin du sujet sur lequel nous avons à travailler. C’est la raison pour laquelle je serai défavorable à votre amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Nous avons un problème avec les termes et les titres. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a nommé les choses, à plusieurs reprises. Or, dans cette proposition de loi, non seulement on ne les nomme pas mais on introduit même de la confusion, en utilisant des termes inappropriés. Ainsi, avec les soins palliatifs, on aide à mourir, sans forcément donner la mort ; de même, on parle de fin de vie à propos de personnes dont le pronostic vital n’est pas engagé à court terme et qui ont encore plusieurs années à vivre –⁠ Philippe Juvin a cité plusieurs exemples de ces personnes qui remplissent les critères requis pour l’aide à mourir. Quand on administre une substance létale à une personne qui n’est pas en fin de vie, je ne suis pas sûr qu’on puisse parler de fin de vie. C’est autre chose, peut-être un nouveau droit que vous voulez créer, mais pas la fin de vie.
    Mais c’est surtout à la lecture de l’article 2 que le vertige me gagne. Doit-on, en 2025, légaliser une mort provoquée ? Quelle responsabilité prenons-nous, en tant que législateur, en autorisant l’administration d’une substance létale, avec l’intention de donner la mort –⁠ ce qui fait toute la différence avec la sédation profonde et continue jusqu’au décès ? Cela ne va-t-il pas considérablement modifier les rapports de notre société aux soignants et aux malades, aux personnes en perte d’autonomie ? Personne ici n’est capable de le dire. On peut avoir un débat respectueux, mais on doit légiférer d’une main tremblante sur une question vertigineuse.

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Vous faites une comparaison avec la sédation profonde et continue. Nous y reviendrons régulièrement, mais tous les professionnels savent que la sédation profonde et continue intervient dans un contexte d’arrêt des traitements, c’est-à-dire un arrêt de l’alimentation, voire un arrêt de l’hydratation.

    M. Sylvain Maillard

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    Bien sûr !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Et même si M. Leonetti –⁠ que M. Hetzel me reprochait tout à l’heure de ne pas citer – affirme que dormir n’est pas mourir, on ne se réveille pas après une sédation profonde et continue. C’est un élément que nous devrons avoir en tête tout au long de notre travail sur ce texte.
    Nous aborderons à l’article 4 la question des conditions d’accès à l’aide à mourir, qui font l’objet de très nombreux amendements, parce que c’est proprement avec elles que se noue l’équilibre du texte. C’est sur cet article 4 que se fondera l’examen réalisé par le collège de soignants qui statuera sur l’éligibilité ou non du patient.
    Dès à présent, nous ne devons pas perdre de vue que l’aide à mourir n’intervient qu’après cet examen médical. Nous avons eu le débat et nous l’aurons encore, mais cela justifie l’emploi de certains termes, le fait que nous ne parlions pas de suicide assisté ni d’euthanasie. Se pose ensuite la question de l’auto-administration ou de l’administration par un tiers, et de ce qui doit être l’exception ou la règle, point fondamental au regard des enjeux de ce texte.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.

    Mme Sandrine Dogor-Such

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    J’en reviens à l’amendement et à la notion de dignité. La dignité, en fin de vie, ce n’est pas simplement pouvoir choisir sa mort, c’est aussi vivre jusqu’au bout dans des conditions dignes et avec le soutien dont on a besoin. Renoncer à améliorer les conditions de vie des plus vulnérables marque l’échec de la société.
    Mourir dans la dignité, c’est mourir dans de bonnes conditions et, chez un patient bien accompagné, la demande d’en finir diminue, car le stress, et donc la douleur, diminuent.
    La vraie question que nous devrions nous poser, c’est celle de savoir si chacun peut vivre dignement, car ce qui est indigne, c’est de terminer sa vie et de mourir dans la solitude, dans la souffrance, sans prise en charge médicale, sociale ou solidaire, quand personne n’apporte de réponse à vos signaux de détresse. Légaliser l’euthanasie n’obligera peut-être personne à faire ce choix, mais personne ne pourra s’empêcher de l’envisager. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Hadrien Clouet.

    M. Hadrien Clouet

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    Notre collègue Sitzenstuhl s’est inspiré de la Charte des droits fondamentaux pour rédiger son amendement. Je l’invite donc à poursuivre sa lecture au-delà des deux articles qu’il a cités, jusqu’à l’article 4 : « Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou des traitements inhumains et dégradants. » Et si c’était cet article-là que l’on mettait en avant ce soir, pour soutenir que la dignité et le droit de ne pas subir jusqu’à la fin une souffrance réfractaire à tout processus médical était aussi un droit de l’individu ?
    Par ailleurs, vous le savez, nous, les Insoumis, faisons partie de cette gauche qui a voté en 2005 contre le traité constitutionnel européen, en partie par hostilité à plusieurs mesures inscrites dans cette charte des droits fondamentaux, largement rédigée à l’époque pour complaire à la Pologne ou à Malte, notamment sur le sujet du droit à l’interruption volontaire de grossesse.
    Cela nous ramène à l’un des sujets centraux de notre discussion, à savoir le droit à disposer de son corps, pour lequel nous ferions mieux de nous inspirer du bloc constitutionnel français et de la Déclaration universelle des droits de l’homme plutôt que d’une charte européenne que ses valeurs, son inspiration et ses compromissions rendent extrêmement douteuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Delautrette, rapporteur.

    M. Stéphane Delautrette, rapporteur

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    Vous vous référez à la Charte européenne des droits fondamentaux, mais nous ne sommes pas le premier pays européen à légiférer sur l’instauration d’une aide à mourir, et je ne vais pas vous énumérer le nombre de pays qui l’ont déjà fait, bien avant nous : doit-on penser qu’ils auraient agi en contradiction avec la Charte ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Très juste !

    M. Stéphane Delautrette, rapporteur

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    Certains, qui appellent à une discussion respectueuse des positions de chacun, n’ont de cesse d’opposer soins palliatifs et aide à mourir. Puisque l’on parle d’un débat respectueux, je suis d’accord avec vous sur le fait que développer les soins palliatifs, comme nous l’avons fait au travers de la précédente proposition de loi, dont j’espère, évidemment, qu’elle sera votée à l’unanimité, contribue à maintenir sa dignité à un individu, mais il faut accepter en retour que les soins palliatifs ne sont pas la solution à tout. Nous aurons le débat tout au long de l’examen de ce texte, mais il est des situations insoutenables, même lorsqu’on est accompagné en unité de soins palliatifs. Je ne cesserai donc de répéter que soins palliatifs et aide à mourir sont complémentaires.
    C’est la raison pour laquelle je plaidais pour un seul texte, mais nous n’allons pas rouvrir ce débat-là. Faisons en sorte qu’il y ait un continuum entre les deux textes pour garantir à l’ensemble des patients qu’ils auront une fin de vie digne. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Excellent !

    (L’amendement no 1119 n’est pas adopté.)

    Article 2

    M. le président

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    La parole est à M. Yannick Monnet.

    M. Yannick Monnet

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    Je saisis l’occasion de cette inscription à l’article, j’aurais tout aussi bien pu faire un rappel au règlement, pour dire que je trouve scandaleuse l’application du principe « un pour, un contre ». Le sujet est trop important pour que nous ne prenions pas le temps de débattre et que nous soyons ainsi muselés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, EPR et DR. –⁠ M. Gaëtan Dussausaye applaudit également.) En commission, nous avions une liberté de parole, nous avons pu nous exprimer et débattre. Deux week-ends ont été bloqués pour l’examen en séance publique, qui devrait durer toute une semaine et a, de surcroît, commencé plus tôt que prévu. Il faut laisser le débat se dérouler, monsieur le président. Il ne peut en être autrement pour un texte aussi important. (Mêmes mouvements.)
    Dans leurs propos liminaires, nos collègues ont exprimé une volonté d’avoir un débat correct. Mais pour que ce soit le cas, le débat doit se tenir. Retirez vos amendements de suppression, chers collègues ; nous voterons sur l’article après en avoir discuté. Je comprends la stratégie qui sous-tend le dépôt d’amendements de suppression, mais admettez que s’ils venaient à être adoptés, nous n’aurions pas eu de débat.
    Le débat est nécessaire pour que toutes les nuances se fassent entendre. Parfois même, les « pour » et les « contre » peuvent se rejoindre. Par exemple, moi, je pense que l’aide à mourir ne doit pas être considérée comme un soin –⁠ c’est un acte médical, en aucun cas un soin – et qu’elle doit faire l’objet d’un droit d’exception. D’autres, y compris au sein de mon groupe, ont une approche différente, voire sont farouchement opposés à cette vision. Le débat permettra d’éclairer toutes ces nuances.
    Par un amendement du groupe GDR, nous avons fait valider le fait que l’aide à mourir est un droit –⁠ j’y suis très attaché. Mais ne caricaturons pas le débat : un droit, ce n’est pas une obligation. Un droit, cela signifie que tous y ont accès, de façon équitable et juste. Que les gens s’en saisissent, ou pas, c’est une autre affaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    M. le président

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    Je ne peux pas vous laisser dire qu’il n’y a pas de débat. J’ai compté au moins quatorze interventions sur l’article 1er, une vingtaine de députés prendront la parole sur l’article 2. Nous sommes huit fois plus nombreux qu’en commission. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser traîner les débats, d’autant qu’il reste à examiner  2 049 amendements. Soyons un peu raisonnables.
    La parole est à M. Christophe Bentz.

    M. Christophe Bentz

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    Avec l’article 2, qui vise à définir l’aide à mourir, revient le fameux débat sémantique, qui est fondamental.
    Nous demandons que notre discussion se déroule dans un esprit de vérité et dans la transparence. Parce que, s’agissant des termes, nous avons perdu les Français. D’après une enquête réalisée en mars pour LNA Santé, 89 % d’entre eux estiment ne pas connaître la différence entre « aide à mourir », « euthanasie » et « suicide assisté » ou répondent de manière approximative. Il y a une confusion généralisée dans l’esprit des Français.
    Pour clarifier les choses, je vous pose de nouveau, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, une question précise : lorsqu’on s’auto-administre une substance létale, dans son corps –⁠ un corps vivant –, dans l’intention de se donner la mort, en quoi n’est-ce pas un suicide –⁠ aussi assisté soit-il ? Il faut dire la vérité aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Annie Vidal.

    Mme Annie Vidal

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    Cet article est très important : il vise à définir un nouveau droit, appelé pudiquement « aide à mourir » –⁠ j’y reviendrai. Ce droit soulève des questions éthiques et juridiques importantes, qui animeront nos débats. Surtout, il nous interpelle profondément quant à notre conception de l’accompagnement du terme de la vie. Il emporte en effet un changement majeur : une personne, certes sous certaines conditions, pourra provoquer légalement la mort d’autrui.
    C’est la raison pour laquelle nous devons être très vigilants. Il convient d’éviter d’employer tout terme à même d’entraîner une confusion, tant dans l’esprit de nos concitoyens que sur ces bancs, lors de nos discussions.
    Nous l’avons vu, le terme « aide à mourir » est un de ceux-là. Je vous proposerai une rédaction qui ne l’emploie pas pour désigner l’acte qui consiste à recourir à une substance létale.
    L’Académie de médecine a d’ailleurs indiqué qu’il était important de différencier cet acte de tous les autres qui consistent à aider à mourir –⁠ tous les jours, dans les services de soins, dans les Ehpad, au domicile des personnes, des professionnels de santé aident à mourir, sans recourir à une substance létale. Il est très important de faire la différence.

    M. le président

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    La parole est à Mme Élise Leboucher.

    Mme Élise Leboucher

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    Nous sommes sur le point d’ancrer dans le code de la santé publique la dernière des libertés, la dernière des dignités, celle de pouvoir rester maître de soi jusqu’à ses derniers instants, en recourant, dans un cadre précis, à l’aide à mourir.
    L’ouverture de ce droit vise à répondre à une demande de la société, réitérée par la Convention citoyenne sur la fin de vie. Elle marquera une nouvelle étape dans le processus qui a permis au cours des vingt dernières années de mieux reconnaître les droits des patients, de respecter davantage leurs choix et leur dignité. Elle mettra fin à l’une des inégalités les plus injustes : ceux qui en ont les moyens peuvent se rendre en Suisse ou en Belgique pour mettre fin à leurs souffrances, tandis que les moins fortunés doivent recourir à des pratiques clandestines ou subir une longue et douloureuse agonie.
    Écoutons ce que disent nos concitoyennes et concitoyens ; répondons-leur en ouvrant ce nouveau droit et en établissant un cadre sécurisé pour les patients et les soignants. Je tiens ici à vous alerter sur la volonté du gouvernement de revenir sur la possibilité, pour le patient, de choisir entre auto-administration et administration par un professionnel de santé. Le libre arbitre de la personne doit guider nos considérations. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Danielle Simonnet applaudit également. )

    M. le président

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    La parole est à Mme Océane Godard.

    Mme Océane Godard

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    Inscrit à l’article 1er, notre collègue Dominique Potier a exprimé, à juste titre, sa position. Ce n’est pas celle du groupe Socialistes et apparentés, dont les membres conservent toutefois une liberté de vote. Je rejoins les propos de Yannick Monnet : l’organisation du débat doit être la plus juste possible et refléter la pensée de chaque groupe.
    L’article 2 est au cœur de la proposition de loi. Il définit le droit à l’aide à mourir comme celui qui « consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande, à recourir à une substance létale […], afin qu’elle se l’administre ou se la fasse administrer par un médecin ou par un infirmier ».
    Oui, c’est un nouveau droit. Nous n’avons déjà que trop entendu que ce droit pourrait pousser à donner la mort, qu’il pourrait pousser les gens à mourir. Non, ce texte ne donne pas la mort !
    D’abord, il a été pensé et travaillé depuis des années, il s’appuie sur des faits, sur les paroles, les ressentis des malades, des familles, et des soignants.

    M. Philippe Juvin

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    Encore heureux !

    Mme Océane Godard

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    Ensuite, il fixe des conditions, qui seront cumulatives, et il prévoit que la décision sera prise de façon collégiale, par des professionnels.
    Enfin, la décision sera issue de la volonté, libre et éclairée, d’une personne qui subit des souffrances réfractaires insupportables. Cela, on ne l’entend pas ce soir ! Il y a une inversion des arguments. C’est pourtant bien la souffrance qui guide nos travaux ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ M. Hadrien Clouet et Mme Danielle Simonnet applaudissent également.)

    M. le président

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    Aux termes du règlement, un orateur par groupe peut intervenir sur l’article et je donne la parole au premier qui lève la main. J’invite les groupes à s’organiser pour désigner, en amont de la discussion des articles, leur orateur.
    La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel

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    L’article 2 soulève des enjeux terminologiques. En parlant d’un droit à l’aide à mourir, nous avons déjà opéré un glissement qui soulève des interrogations. Initialement, nous voulions cibler les personnes en fin de vie –⁠ qui allaient mourir. De plus en plus, ce texte s’adresse à des personnes qui veulent mourir –⁠ ce n’est plus exactement le même cadre.
    Dans l’étude d’impact du projet de loi examiné sous la précédente législature, le terme « euthanasie » est utilisé plus d’une centaine de fois, celui de « suicide assisté », vingt-neuf fois. Le Conseil d’État, en 2024, a utilisé treize fois le terme « euthanasie » et dix fois celui de « suicide assisté ». Pourquoi refuse-t-on ces termes ? Nous avons eu ce débat en commission ; Olivier Falorni rejette l’utilisation du terme « euthanasie ». Nous avons même soutenu en commission un amendement qui visait à retenir l’expression « aide active à mourir », pour faire le distingo avec l’aide à mourir, ce à quoi s’emploient en permanence les professionnels des soins palliatifs.
    Vous le savez, « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. » Vous devez l’entendre : ne pas nommer les choses comme elles devraient l’être est très dangereux et nous entraîne dans une direction qui nous pose problème. Il faudrait au moins nommer les choses. Pourquoi ne parlons-nous pas de suicide assisté ?

    M. le président

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    La parole est à Mme Danielle Simonnet.

    Mme Danielle Simonnet

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    L’article 2 instaure le droit à l’aide à mourir en autorisant l’administration d’une substance létale, dans des conditions strictes, à des personnes qui subissent des souffrances réfractaires à tout traitement, que les soins palliatifs n’arrivent pas à soulager et dont le pronostic vital est engagé, en phase avancée ou terminale –⁠ nous débattrons de toutes ces conditions.
    Certains de ceux qui s’opposent à l’inscription de ce nouveau droit discutent le choix des termes : selon eux, il faudrait parler d’euthanasie. Je retrouve là le débat qu’ont eu nos prédécesseurs sur le droit à l’avortement, dont on disait à l’époque qu’il était l’euthanasie des bébés –⁠ c’est bien le même terme qui était employé pour provoquer le rejet. Eh bien, je ferai moi aussi le parallèle : avec le droit à l’avortement, nous, les femmes, avons arraché une grande victoire : « mon corps, mon choix » m’appartiennent ; avec le droit à l’aide à mourir, tous, nous pourrons dire : « ma vie, ma mort » m’appartiennent ». Ultime liberté.
    La loi Clayes-Leonetti instaure le droit au laisser mourir, par l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation, avec l’intention de conduire jusqu’au décès –⁠ c’est la sédation profonde et continue. Mais on ne sait pas ce que le patient ressent ; cela peut durer quelques heures, quelques jours, quelques semaines parfois ; et toutes les situations ne permettent pas d’y recourir.
    Je ne sais pas comment vous pensez votre mort –⁠ j’ai beaucoup de mal à penser la mienne –, mais je sais que nous avons tous été confrontés à la mort d’un proche. Je nous souhaite à tous une mort la plus douce possible. Mon père, qui est parti en novembre, n’a pas souffert, n’a pas eu d’angoisse. Je nous souhaite de vivre la même situation.
    Mais vous savez comme moi que ce ne sera pas le cas pour nombre de nos concitoyennes et concitoyens. Alors, instaurons ce droit, cette ultime liberté qui ne retire rien à celui ou celle qui ne souhaite pas en faire usage. Espérons que les progrès de la science feront que peu d’entre nous seront dans la nécessité d’en user ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC. –⁠ M. Nicolas Sansu applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Vincent Trébuchet.

    M. Vincent Trébuchet

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    Ce débat sémantique dont vous parlez, ce n’est pas nous qui le refusons. Par principe, il est normal de nommer les choses telles qu’elles sont. « Suicide assisté » et « euthanasie » désignent tous deux l’acte que ce texte va introduire. S’il y a un refus de nommer les termes –⁠ certains y voient même une volonté de dissimulation –, j’ai plutôt l’impression que c’est la confession d’une impasse : ce que nous dit votre volonté de ne pas choisir les termes adéquats, c’est que vous voudriez ne pas tuer ; vous voudriez pouvoir soulager sans tuer et vous pensez qu’il n’y a pas d’autre solution que celle que vous proposez.
    Je vous pose cette question : comment penser qu’il n’y a pas d’autre solution quand, depuis vingt ans, les députés de tous bancs n’ont pas été au rendez-vous du déploiement des soins palliatifs ? Comment pouvez-vous apporter une réponse alors que les soins palliatifs n’ont pas été développés ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    On vient d’en parler pendant cinq jours !

    M. Vincent Trébuchet

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    De plus, vous invoquez la création d’un nouveau droit, mais je m’étonne, chers collègues de gauche, que vous ne perceviez pas qu’un nouveau droit a toujours un impact sur l’ensemble du corps social. Le professeur Sicard l’affirmait dès 2012 : « La pratique euthanasique […] intériorise des représentations sociétales négatives d’un certain nombre de situations de vieillesse, de maladie et de handicap. »
    Il est évident que cette loi n’obligera pas à tuer, mais elle conduira certaines personnes à se poser la question et à se considérer peut-être comme contraintes au recours au suicide assisté et à l’euthanasie. C’est d’ailleurs ce que montrent des cas d’évolution de la loi dans différents pays. Ainsi, l’ONU s’alerte de la situation au Québec, où l’euthanasie est proposée de plus en plus ouvertement à des personnes fragiles. Dans le cadre de ces dérives, ne pas nommer les choses, dès le début de l’examen de la loi, c’est mentir aux Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Nous en venons à l’examen des amendements.
    Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 4, 7, 516, 1118, 1245, 1594, 1934, 2001 et 2492, visant à supprimer l’article.
    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 4.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Cet article est fondamental puisqu’il introduit en fait les définitions de l’euthanasie et du suicide assisté. Pour répondre au collègue Monnet, j’assume le fait d’avoir déposé beaucoup d’amendements de suppression. Ce levier fait partie de la palette à la disposition de tous les parlementaires, précisément pour susciter et provoquer le débat. Sur tous les bancs, à propos de tous les textes, nous en faisons usage lorsque nous considérons que des points très importants sont en jeu.
    Par ailleurs –⁠ je veux encore le rappeler –, nous sommes en avance dans le débat, même si on entend parler d’obstruction. Nous sommes allés plus vite que nous le pensions sur le texte précédent et la feuille verte nous offre un planning très étendu. Ma circonscription se trouve à 500 kilomètres d’ici : je suis un député de province et j’ai annulé deux week-ends complets de manifestations, comme beaucoup de collègues. (Exclamations sur quelques bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    Mme Nicole Dubré-Chirat

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    Et alors ?

    Mme Élise Leboucher

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    Nous aussi !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je le rappelle simplement pour souligner qu’il n’y a aucune volonté d’obstruction et que nous avons suffisamment de temps pour mener un débat approfondi.

    M. Thibault Bazin

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    Si on pouvait finir ce soir, d’ailleurs… Adoptez donc nos amendements !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je m’oppose donc à l’article 2, non seulement parce que ses termes ne sont pas clairs, comme cela a déjà été dit, mais aussi parce qu’il va profondément déstabiliser le corps médical. En effet, il prévoit qu’un médecin ou un infirmier pourra tuer des malades : c’est ce qui est écrit, il faut regarder la réalité en face. Pour ceux qui auraient un doute, lisez attentivement l’alinéa 7 de l’article –⁠ nous aurons l’occasion d’en reparler : il consacre l’irresponsabilité des médecins et des infirmiers qui auront à accomplir ce geste, précisément parce que c’est un geste qui vise à tuer des gens.

    M. Thibault Bazin

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    Il y a un sujet de responsabilité pénale !

    M. le président

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    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 7.

    M. Patrick Hetzel

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    Nous en venons progressivement à la définition des termes juridiques. Le Conseil d’État préconise une définition claire des actes qui seront pratiqués. Or la volonté d’inscrire le suicide assisté et l’euthanasie dans le code de la santé publique pousse à nous interroger. En effet, les dispositions du code de la santé publique relèvent par principe du domaine du soin.
    À cet égard, on peut examiner la manière dont les législations sur le sujet ont été intégrées dans le droit des pays étrangers : soit il s’agit de législations autonomes, qui ne s’inscrivent pas dans le code de la santé publique –⁠ c’est le cas en Autriche, en Belgique, en Espagne, au Luxembourg et au Québec ; soit ces législations ont modifié des dispositions du code pénal puisque la question interfère avec la notion d’homicide –⁠ c’est le cas au Canada et aux Pays-Bas.
    Ces exemples étrangers ont un point commun : à aucun moment l’acte dont il est question n’a été considéré comme un soin. C’est la raison pour laquelle la question se pose : pourquoi, alors que nous pourrions nous inspirer de ce qui a été fait ailleurs, voulons-nous inscrire un tel acte dans le code de la santé publique ? Ce choix est troublant parce qu’il contribue à donner une dimension médicale à un acte qu’il faudra imposer au corps médical. Je ne suis pas certain que nous soyons amenés à devoir le faire.

    M. le président

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    La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 516.

    Mme Justine Gruet

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    Cet article vise à définir la notion d’aide à mourir, retenue par le législateur. Elle englobe deux situations distinctes : l’auto-administration d’une substance létale par la personne elle-même et son administration par un médecin ou un infirmier. Dans le premier cas, il s’agit d’un suicide assisté ; dans le second, d’euthanasie. Or cet article ne nomme pas clairement l’objet même de la proposition de loi.
    En outre, je tiens à rappeler que c’est à cet endroit du texte qu’est survenu le premier déséquilibre, avec la suppression en commission des affaires sociales de la restriction selon laquelle l’administration par un tiers n’est possible qu’à condition que la personne soit dans l’incapacité physique de procéder à l’auto-administration.
    Le premier élément que je souhaitais développer est donc d’ordre sémantique, c’est pourquoi je proposerai des amendements pour introduire la notion d’aide « active » à mourir. Rappelons que l’euthanasie et le suicide assisté font l’objet d’une codification internationale, puisque ces actes existent dans d’autres pays, notamment en Belgique pour l’euthanasie et en Suisse pour le suicide assisté.
    Par ailleurs, comme l’a rappelé Patrick Hetzel, aucune législation étrangère n’a inséré ce type d’actes dans le code de la santé ; il s’agit de lois autonomes. Pour répondre à Mme Simonnet, le texte sur l’IVG a instauré un subtil équilibre entre les droits et la liberté de la maman et la protection du bébé.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Vous y étiez opposés, à l’époque !

    Mme Justine Gruet

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    Or le texte introduit un déséquilibre car, au-delà des critères qui seront retenus pour pouvoir recourir à l’aide active à mourir, les patients n’auront parfois pas d’autre choix, par manque d’accès aux soins, au dépistage précoce et aux soins palliatifs. La seule option qu’on leur proposera, c’est le recours à l’aide active à mourir. La comparaison avec l’IVG s’arrête donc là, parce que le texte n’est plus équilibré.
    Enfin, au lieu de se doter des moyens nécessaires d’un accès aux soins sur l’ensemble du territoire, choisir cette voie par facilité et ouvrir ce droit qui conduira à une rupture anthropologique constituent un aveu de faiblesse.

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 1118.

    M. Dominique Potier

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    Monsieur le président, vous avez rappelé les règles du débat. Je voudrais le dire, en totale solidarité et avec respect et amitié pour le groupe socialiste : le fait est –⁠ et c’est tout à fait normal en démocratie – que je ne pourrai pas m’exprimer comme orateur inscrit ni même dans les réponses aux rapporteurs et au gouvernement, par respect pour la dynamique du groupe. Je ne voudrais pas que cette situation soit perçue comme une lâcheté.
    Le seul regret que j’exprime, au-delà de mon cas personnel qui compte peu, c’est qu’il manque des voix importantes, celles de Pierre Dharréville, d’André Chassaigne et d’autres, pour montrer qu’on peut s’opposer à l’euthanasie pour des raisons de gauche. Je disposerai de peu de mots pour porter cette parole, c’est pourquoi j’essaierai de trouver les meilleurs possible.
    C’est bien le commun, comme garantie de la liberté et de l’égalité des personnes, qui est menacé et fragilisé, puisque chacun sera sommé de se poser une question que notre société avait choisi de trancher définitivement, à savoir le devoir d’assistance à une personne qui veut se suicider et l’abolition de la peine de mort. Ce n’est pas une affaire de morale, d’ordre moral ou de religion. C’est la sagesse d’une civilisation qui, progressivement, a fait de l’interdiction de la mort une des digues sur lesquelles elle fondait son commun.
    Demain, chacun sera sommé d’exprimer sa liberté –⁠ une liberté doublement illusoire. D’une part, chaque fois que nous affirmons notre liberté, nous agissons pour l’ensemble de l’humanité. Notre liberté a un impact sur les autres ; ce n’est pas l’« ultime liberté », mais un message que nous adressons au monde. D’autre part, ce monde est terriblement inégal et les plus fragiles, les plus vulnérables, seront les victimes des décisions que nous nous apprêtons à prendre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et DR, ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 1245.

    M. Christophe Bentz

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    La mal nommée « aide à mourir » est en réalité le suicide assisté, ou le suicide délégué à une tierce personne –⁠ en l’occurrence, un soignant. Pour nous, ce choix est une forme de démission dans le soin du corps et de la vie, une forme d’aveu d’échec et, plus grave, une forme d’abandon des malades et des souffrants. Si nous proposons de supprimer l’article 2, c’est parce que nous voulons, en définitive, supprimer la possibilité de la mort provoquée de manière intentionnelle et délibérée.
    Notre position est simple : c’est la protection de la vie à tout prix. Lorsque les souffrances sont trop insupportables, lorsque la douleur est finalement inacceptable, je le dis et le redis, c’est précisément la douleur qui doit disparaître, jamais la vie humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Hadrien Clouet

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    Et quand on ne sait pas faire ?

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1594.

    M. Thibault Bazin

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    L’article 2 crée donc le droit d’administrer une substance létale, avec l’intention de provoquer la mort. Je ne sais pas si on en mesure l’impact. On prétend que son objet est de soulager des souffrances, mais est-ce la bonne réponse pour ceux qui souffrent et qui ne sont pas nécessairement en fin de vie, puisque les critères envisagés n’incluent pas l’engagement du pronostic vital à court terme ? Finalement, comment répondre à la personne qui souffre ? C’est la question posée à notre système de protection sociale et plus largement à notre société, et c’est la seule qui doit nous préoccuper.
    Il faut y répondre en soulageant la personne, pas en l’éliminant. D’ailleurs, lorsque des soins palliatifs sont administrés, la demande de mort disparaît dans l’immense majorité des cas. En l’occurrence, notre responsabilité est immense. La première des nombreuses questions que pose cet article est éthique : tant que les soins palliatifs ne seront pas accessibles à tous et partout –⁠ et le titre voté pour la précédente proposition de loi montre bien que ce n’est pas encore le cas –, n’avons-nous pas une responsabilité ?
    L’audition d’Annabel Desgrées du Loû par la mission d’évaluation de la loi Claeys-Léonetti en 2023 m’a marqué. Elle s’est exprimée en ces termes : « Faire avancer vraiment l’accompagnement de la fin de vie pour tout le monde, et donc faire avancer de manière majeure nos soins palliatifs va prendre énormément de temps, d’argent, de volonté (…) Si on fait ça en parallèle, il sera plus facile de laisser les personnes choisir de mourir vite. » Elle avait poursuivi en s’interrogeant sur la nature du choix : « Mais quelle est la liberté derrière ce choix ? Pour qu’il y ait autonomie et liberté, il faut que les différents termes du choix soient possibles. Si un terme est davantage possible que l’autre, voire que l’autre terme n’est pas possible du tout, ce n’est plus un choix. »
    Enfin, cet article ne va-t-il pas acter une rupture anthropologique majeure, obligeant notre société à différencier la valeur des vies humaines ? Peut-on admettre que la vie de certaines personnes n’est pas ou plus inviolable ? Quelles seraient d’ailleurs les conséquences d’un tel glissement pour les personnes fragiles et vulnérables ? N’est-ce pas le regard que chacun de nous pose sur la personne malade qui sera bouleversé ?
    Le professeur Didier Sicard écrivait, dans son éditorial du document de l’Espace éthique de l’AP-HP de l’automne-hiver 1999-2000, que…

    M. le président

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    Veuillez conclure, monsieur le député.

    M. Michel Lauzzana

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    Oh, c’est fini !

    M. Thibault Bazin

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    …« la dignité est dans le regard que l’autre adresse à celui qui souffre ou jouit, dans le regard porté sur celui qui est le plus faible, le plus désespéré, le plus condamné. Condamné à mort deux fois : par sa maladie et par l’autre ».

    M. le président

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    La parole est à Mme Lisette Pollet, pour soutenir l’amendement no 1934.

    Mme Lisette Pollet

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    Il vise à supprimer l’autorisation du suicide assisté et de l’euthanasie, désignés ici sous les termes contournés de « fin de vie » et d’« aide à mourir ». En effet, le texte prévoit que des médecins et autres soignants devront prêter leur concours à l’administration d’une substance mortifère pour provoquer le décès de leur patient. Les mots sont importants : il ne s’agit pas ici d’un suicide mais du fait de donner la mort, directement ou indirectement, à une personne qui le demande. C’est un acte grave pour un soignant, dont la vocation est d’éviter la mort et non de la provoquer ; un acte grave pour tout être humain, car tuer est un interdit essentiel, fondant toute vie en société ; un acte grave pour la personne qui le demande, car il est absolument définitif et irrémédiable.
    Les partisans du texte veulent autoriser cet acte au nom de la liberté, mais il est permis de se demander à quel point une volonté de mourir exprimée sous le coup de la douleur est réellement libre. Ils y voient un acte de compassion ; c’est vrai, les souffrances peuvent être intolérables, mais la loi Claeys-Leonetti, unanimement saluée, offre les outils nécessaires, sans franchir cette ligne décisive. Ils justifient leur choix par la liberté et par la dignité de la personne souffrante ; mais demander si elle veut en finir à une personne qui souffre et se voit elle-même comme un poids, ce n’est pas respecter sa liberté, ni sa dignité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Vincent Trébuchet, pour soutenir l’amendement no 2001.

    M. Vincent Trébuchet

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    Je formulerai cet amendement de suppression sous la forme d’une question adressée à Mme la ministre. Je reviendrai pour cela sur la question du commun évoquée par M. Potier, car nous n’avons pas encore obtenu de réponse à ce sujet.
    Nous vous alertons sur le fait que l’ouverture d’une nouvelle liberté individuelle a nécessairement un impact sur le reste du corps social. L’évolution de la législation dans les autres pays a entraîné une hausse importante des euthanasies et un élargissement des critères. Dans un rapport, l’ONU s’est inquiété qu’au Québec, l’euthanasie soit trop souvent proposée comme une solution à des personnes pauvres, en difficulté sociale ou médicale. Compte tenu de ces dérives, observables ailleurs, que répondez-vous à l’argument selon lequel la création d’une nouvelle liberté individuelle affecte le commun ? Eu égard à ce risque, pourquoi voulez-vous autoriser cette pratique si rapidement, sans avoir préalablement rendu effectif l’accès aux soins palliatifs pour l’ensemble des Français ?

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2492.

    M. Philippe Juvin

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    L’article 2 est un article de définition ; à ce titre, il est important car les définitions permettent l’intelligibilité de la loi. L’intelligibilité de la loi n’est pas une petite affaire, c’est un principe à caractère constitutionnel et il est arrivé plusieurs fois, entre 1999 et 2005, que le Conseil constitutionnel censure des dispositions au motif qu’elles n’étaient pas assez intelligibles.
    Le texte que nous examinons n’emploie ni le terme d’« euthanasie » ni celui de « suicide assisté ». Pourtant, le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, a employé treize fois le premier, dix fois le second.

    Mme Karen Erodi

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    Vous l’avez déjà dit !

    M. Philippe Juvin

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    L’étude d’impact sur le même texte, dont l’objet est de rendre intelligible la loi, a utilisé cent une fois le terme d’« euthanasie », vingt-neuf fois celui de « suicide assisté ». Ces documents, indispensables à la création de la loi, utilisent donc des termes que vous refusez d’employer. Je vous mets en garde : le texte que nous examinons pose un problème de constitutionnalité parce qu’il n’est pas assez intelligible. Il l’est si peu qu’il utilise l’expression « mort naturelle »…

    Mme Danielle Simonnet

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    Oui !

    M. Philippe Juvin

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    …pour définir la mort résultant de l’euthanasie. Il ne dit pas les choses telles qu’elles sont. Je pense donc qu’il risque la censure constitutionnelle.
    M. le rapporteur général a cherché à justifier cette terminologie par le fait que les mots d’euthanasie et de suicide assisté n’étaient pas utilisés dans d’autres pays. Nous avons vérifié, ils le sont. Vous êtes avertis : ce texte, ni intelligible ni clair, ne répond pas aux critères que le Conseil constitutionnel a décidé d’imposer au législateur.

    M. le président

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    Sur les amendements no 4 et identiques visant à supprimer l’article 2, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouveau Front populaire de demandes de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    Voter cette série d’amendements de suppression reviendrait à vider de sa substance cette réforme majeure voulue par nos concitoyens, j’y suis donc très défavorable.
    Selon leurs auteurs, les termes employés ne seraient pas adaptés et le texte ne nommerait pas clairement son objet. Laissez-moi vous rappeler la définition proposée dans l’article 2 : « Le droit à l’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale […] afin qu’elle se l’administre ou se la fasse administrer par un médecin ou par un infirmier. » N’est-ce pas clair ?

    M. Alexis Corbière et M. François Cormier-Bouligeon

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    Très clair !

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    Vous faites constamment référence au Conseil d’État. Or celui-ci, dans le paragraphe 21 de son avis sur le projet de loi, relève que l’emploi des termes d’aide à mourir « n’appelle pas d’objection de sa part ».

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Très clair !

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    Vous voulez absolument utiliser les termes « euthanasie » et « suicide assisté ». Je comprends les raisons de cette insistance, mais je souhaite vous exposer quelques arguments qui plaident pour s’en abstenir.
    Le terme « euthanasie » fait partie de ces mots qui ont une belle étymologie –⁠ il signifie en grec « belle mort » –,…

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    …mais qui ont été souillés par l’histoire. Oui, il y a des mots souillés par l’histoire !

    M. Alexis Corbière

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    C’est vrai.

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    L’année dernière, en pleine période d’élections européennes, j’ai demandé qui, parmi vous, serait prêt à inscrire dans son programme qu’il voulait soutenir la « collaboration » franco-allemande. Qui écrirait dans un programme : « nous voulons la collaboration franco-allemande » ? (Sourires sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)

    M. Alexis Corbière

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    L’extrême droite, peut-être ? Ne les provoquez pas !

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    Vous parleriez plutôt d’amitié franco-allemande ou de coopération franco-allemande.
    Monsieur Hetzel, vous dites –⁠ en une citation apocryphe d’Albert Camus, qui n’a jamais écrit cela – que mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. Parlons donc de vocabulaire. Vous-même, pourquoi ne voulez-vous pas utiliser certains mots pourtant utilisés par le Conseil d’État, les cours de justice et toutes les institutions internationales ? Pourquoi ne voulez-vous pas parler d’islamophobie ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Pourquoi récusez-vous ce mot ? Sans entrer dans le fond du débat, c’est parce que vous considérez que le terme « islamophobie » est connoté, comme l’a dit M. Retailleau.

    M. Philippe Juvin

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    Quel rapport ?

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    Le rapport est très clair.

    M. Thibault Bazin

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    C’est une opération de diversion !

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    Je sais bien que cela vous met en difficulté, mais il l’est.

    M. Laurent Jacobelli

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    Ce n’est pas très bon !

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    Vous affirmez par ailleurs que d’autres pays emploient les termes d’euthanasie et de suicide assisté. Au Canada, la loi s’appelle « loi sur l’aide médicale à mourir », en Oregon, « loi sur le choix de fin de vie »,…

    Mme Justine Gruet

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    Vous prenez les deux contre-exemples ! Vous déformez la vérité !

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    …en Californie, « loi sur l’option de fin de vie », en Australie, « loi sur l’aide médicale à mourir volontaire », en Nouvelle-Zélande, « loi sur le choix de fin de vie », au Portugal, « loi sur la mort médicalement assistée ». Quant aux Autrichiens, croyez-moi, ils n’ont jamais envisagé d’utiliser le mot d’euthanasie –⁠ vous savez pourquoi –, ils ont baptisé leur texte « loi sur la déclaration de volonté de mourir ».
    Sur l’euthanasie, je vais tenir des propos empreints de quelque gravité. Je n’évoquerai pas les insultes que je reçois chaque jour, comme « Falorni = euthanasie = État nazi » : je ne suis pas là pour me plaindre. D’ailleurs, cela me laisse totalement indifférent et chaque insulte est pour moi un encouragement supplémentaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. –⁠ Mme Justine Gruet applaudit également.)
    En revanche, je rappellerai –⁠ vous pourrez faire, monsieur Juvin, tous les rappels au règlement que vous voudrez –…

    M. Philippe Juvin

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    Qu’est-ce que j’ai dit ?

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    …que le mot d’euthanasie a été utilisé à partir d’octobre 1939 par Adolf Hitler pour engager le programme T4, une politique de meurtres de masse ciblés. Les nazis ont appelé « politique d’euthanasie » ce programme qui a mené à l’assassinat de 200 000 à 300 000 personnes handicapées.

    M. Philippe Juvin

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    Absolument !

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    J’espère que vous n’envisagez pas la possibilité que nous ayons les mêmes intentions ; je ne le pense pas. (M. Philippe Juvin proteste.) J’espère que ce n’est pas le cas.

    M. Philippe Juvin

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    Vous espérez ? Soyez clair : vous êtes sûr que ce n’est pas le cas !

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    Si nous ne voulons pas utiliser le terme « euthanasie », c’est parce qu’il a été souillé par l’histoire. Les nazis ont souillé ce terme, et nous n’en voulons pas. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR et sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
    Quant au terme « suicide assisté », nous ne souhaitons pas l’employer car il crée une confusion entre notre démarche et le combat que nous menons tous pour prévenir le suicide.

    Mme Ayda Hadizadeh

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    Exactement !

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    Nous ne souhaitons pas une telle confusion. L’Observatoire national du suicide, qui est tout sauf une officine pro-euthanasie, écrit dans son rapport de février 2025, en se fondant sur l’observation des pays étrangers, qu’« on ne semble pas observer d’effets de ’’déport’’ des suicides vers les dispositifs d’aide active à mourir […] dans les pays où [ceux-ci] ont été légalisés ou [de telles] pratiques autorisées sous conditions par la jurisprudence ».

    Mme Justine Gruet

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    L’aide à mourir est bien qualifiée d’active !

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    Je confirme qu’elle a ce nom dans d’autres pays. Le rapport indique également que « dans les pays où l’aide active à mourir existe, […] toutes les demandes de mort sont loin d’aboutir » et que dans certains cas, la possibilité même de demander l’aide à mourir permet « un début de prise en charge du mal-être » et ouvre, « de manière contre-intuitive, des perspectives d’articulation entre prévention du suicide et aide active à mourir ». Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Observatoire national du suicide ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
    Vous pouvez continuer d’utiliser constamment les termes « euthanasie », souillé par l’histoire, et « suicide assisté », source de confusion. À titre personnel, je m’y refuserai –⁠ à chacun son point de vue –, et vous en connaissez désormais les raisons. Le terme « aide à mourir » est très clair et très précis, sa définition dans la proposition de loi l’est tout autant. C’est pourquoi je m’oppose fermement à tous ces amendements. (De nombreux députés des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, Ecos, Dem et GDR se lèvent et applaudissent. –⁠ M. Bertrand Bouyx applaudit également.)

    M. Alexis Corbière

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    Bravo, député Falorni ! Vous faites honneur au Parlement !

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Je voudrais revenir sur quelques-uns des éléments de la discussion. Premièrement, vous êtes nombreux à avoir évoqué les souffrances de certains de nos concitoyens. Qui, dans cet hémicycle, pourrait ne pas vouloir entendre leur demande, alors même que nous sommes incapables, en l’état actuel de la science, à travers les soins que nous leur prodiguons, d’apaiser leurs souffrances en supprimant les douleurs réfractaires ? J’y insiste, c’est pour faire face à de telles pathologies et aux souffrances qu’elles entraînent que nous proposons d’aller plus loin.
    Contrairement à ce que j’ai pu entendre, nous définissons l’aide à mourir de manière claire.
    Le terme « suicide assisté »  est couramment utilisé pour désigner le fait de prodiguer à une personne qui le demande l’environnement et les moyens nécessaires pour qu’elle mette fin à sa vie. Suivant cette définition, toute personne qui le souhaite peut bénéficier du suicide assisté. Ce n’est pas du tout le cas de l’aide à mourir, puisque la personne doit se soumettre à un examen médical et que le médecin joue un rôle majeur, en ce qu’il la déclare éligible et l’accompagne tout au long de la procédure.
    J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les explications données par le rapporteur général sur la notion d’euthanasie. Vous serez appelés à vous prononcer sur plusieurs amendements déposés par le gouvernement sur l’auto-administration de la substance létale. Cette possibilité constitue une distinction radicale par rapport à l’euthanasie. En effet, dans la démarche que nous proposons, le patient jugé éligible s’administrera librement, avec tout son discernement, la substance létale ; par exception, lorsque le patient sera dans l’incapacité physique de le faire, il sera accompagné par un tiers. Il ne s’agit donc pas, sur le principe général, et sous les conditions que vous voterez, d’une euthanasie.
    Je confirme ce qu’a dit M. le rapporteur général : le Conseil d’État, dans son avis du 4 avril 2024, a considéré que l’expression « aide à mourir » n’appelait « pas d’objection de sa part ». Pour être exhaustive, je souligne qu’il a appelé l’attention du gouvernement sur l’importance de désigner « de manière […] claire et précise les actes entrant dans le champ de l’aide à mourir », notamment à l’article qui la définit. C’est ce que nous faisons ici et c’est ce à quoi nous nous emploierons au chapitre III, qui traite de l’autorisation, de l’accompagnement et de la mise à disposition de la substance létale. La démarche a donc bien fait l’objet d’un visa par le Conseil d’État.
    Preuve que nous nous soucions des effets que pourraient avoir ces dispositions sur le commun, nous venons d’instaurer, s’agissant de la loi Claeys-Leonetti, des mesures d’impact plus précises.

    M. Sylvain Maillard

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    Elle a raison !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Nous reconnaissons par là qu’il faut encadrer correctement cette procédure. Cela suppose de la définir précisément, de suivre sa mise en œuvre et de l’évaluer. Ainsi, nous entendrons la demande de nos concitoyens et nous ferons preuve de la vigilance nécessaire dans le suivi de l’application de la loi.
    Pour toutes ces raisons, je suis défavorable aux amendements tendant à supprimer l’article 2. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et SOC.)

    M. Sylvain Maillard

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    Bravo, madame la ministre !

    M. le président

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    Je donnerai la parole à deux orateurs « pour » et à deux orateurs « contre », en commençant par M. Pilato.

    M. René Pilato

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    J’abonderai dans le sens de ce qu’ont dit M. le rapporteur général et Mme la ministre. L’article 2 est un article de définition, qui met en jeu des représentations. Il est impressionnant de constater que, pour certains députés, aider à mourir signifie donner la mort, tandis que pour d’autres, dont les députés Insoumis, c’est mettre fin à des souffrances insupportables, contre lesquelles la médecine ne peut rien faire. (M. Hadrien Clouet applaudit.)
    Le but est de libérer une personne qui le demande d’une terrible agonie. Il s’agit bien d’un droit à faire valoir –⁠ d’où le titre « Droit à l’aide à mourir » – et d’une loi de liberté, de fraternité et d’égalité. Nous voterons contre les amendements tendant à supprimer l’article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.

    Mme Christine Pirès Beaune

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    Comme je prends la parole pour la première fois, je m’associe aux orateurs précédents pour espérer que les débats seront, jusqu’à la fin de l’examen du texte, aussi respectueux qu’ils l’ont été ce soir.
    En France, en 2025, on fait encore silence sur les euthanasies clandestines, les suicides violents, à l’image de celui de Chantal Sébire, qui était atteinte d’une tumeur rare au visage, sur les expatriations forcées en Belgique ou en Suisse, comme celle à laquelle Alain Cocq a dû se résoudre après avoir tenté par deux fois de se laisser mourir de faim. Afin, entre autres, d’éviter ces morts indignes, nous sommes nombreux à réclamer, pour ceux dont la situation correspondrait aux critères fixés dans la loi, le droit à l’aide à mourir.
    Selon certains collègues, la législation actuelle serait suffisante. Pourtant, nous avons recueilli de nombreux avis et consulté des travaux qui reconnaissent la réalité de souffrances que rien ne peut apaiser. Selon l’avis même de l’Académie nationale de médecine, il serait « inhumain » de ne pas le reconnaître. C’est pour répondre à ces souffrances réfractaires qu’il faut ouvrir le droit à l’aide à mourir. Ce n’est pas tant la vie que ce texte propose d’abréger que les souffrances inapaisables. On ne doit plus avoir à fuir son pays comme un paria pour bénéficier d’une aide à mourir. Il faut rejeter les amendements de suppression et voter l’article 2. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC, EcoS et GDR. –⁠ M. Bertrand Bouyx applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Bentz.

    M. Christophe Bentz

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    Cher Olivier Falorni, nous en avons parlé et vous m’avez convaincu : il est factuellement exact que le terme « euthanasie » a été souillé par l’histoire. En y réfléchissant, j’ai repris les termes que j’avais utilisés il y a un an, lors des débats avant la dissolution, pour formuler des amendements de repli sur le « suicide délégué ». L’euthanasie est un suicide délégué à un tiers –⁠ dans la rédaction actuelle, un soignant. Je maintiens que l’acte défini à l’article 2, qui consiste à s’auto-administrer ou à administrer une substance létale, est un suicide assisté ou un suicide délégué.

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Juvin.

    M. Philippe Juvin

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    D’abord, monsieur le rapporteur général, évitons de nous caricaturer les uns les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs du groupe RN. –⁠ M. Charles Sitzenstuhl et Mme Annie Vidal applaudissent également.) Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui veulent faire souffrir les patients et, de l’autre, ceux qui voudraient les soulager. Pas à moi ! Ne me faites pas ce coup, alors que j’ai consacré ma vie à soigner.
    Vous avez raison de citer les psychiatres –⁠ c’est très important. Le Conseil national professionnel de psychiatrie a pris hier une position très solennelle, jugeant le texte « porteur […] de dérives en matière de santé mentale ». Il ajoute : « Une telle loi pourrait brouiller les repères pour les professionnels et les proches, rendant plus difficile leur intervention en cas de crise suicidaire. » Ouvrez donc les yeux ! Ce que vous soutenez n’est pas vrai. Les psychiatres, comme d’autres, sont inquiets.
    Enfin, sur le choix des termes, la Conférence des évêques de France et le grand rabbin lui-même parlent d’euthanasie.

    Mme Ayda Hadizadeh

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    Il y a un point commun, je crois !

    Mme Dieynaba Diop

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    Nous ne sommes pas des religieux, mais des législateurs !

    M. Philippe Juvin

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    Nous sommes nombreux à parler d’euthanasie –⁠ en réalité, nous ne parlons que de cela. Mais il est interdit d’utiliser ce terme parce que cela gêne. Laissez-nous donc utiliser les mots que d’autres prononcent et, s’il vous plaît, ne nous prêtez pas de mauvaises intentions –⁠ nous ne le faisons pas à votre égard.

    Mme Dieynaba Diop et Mme Ayda Hadizadeh

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    Vraiment ?

    Plusieurs députés du groupe EPR

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    C’est faux !

    M. Philippe Juvin

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    Pas du tout. M. le rapporteur général le sait très bien, il a d’ailleurs reconnu, au terme de l’examen en commission, que les débats avaient été de bonne tenue et a salué les interventions de M. Bentz et de votre serviteur, en ce qu’elles témoignaient d’un respect mutuel –⁠ loin donc, des sous-entendus auxquels certains se sont livrés ici.
    Monsieur Falorni, la vie politique est très brutale. Vous souffrez d’attaques injustes, nous avons aussi notre compte –⁠ j’ai moi-même été attaqué par des gens que j’ai dû faire condamner par le juge pénal. Personne n’est plus vertueux qu’un autre dans cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe RN. –⁠ M. Charles Sitzenstuhl et Mme Annie Vidal applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Monsieur Juvin, comme vous, j’ai été destinataire de la lettre du Conseil national professionnel de psychiatrie. Dans la deuxième partie, ses auteurs appellent à des précautions qui leur « paraissent indispensables :…

    M. Philippe Juvin

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    Absolument !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    …L’instauration d’une évaluation psychiatrique indépendante chaque fois que jugée nécessaire par les équipes soignantes ou les proches lors d’une demande d’aide à mourir […] ; …

    Mme Élise Leboucher

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    C’est prévu !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    …Un délai minimal de réflexion […] ;…

    Mme Élise Leboucher

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    Ça tombe bien, c’est prévu !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    …Un rappel clair des principes et des objectifs de la prévention du suicide […].

    M. Thibault Bazin

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    C’est tout sauf prévu !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Le rappel des principes et des objectifs de la prévention du suicide est clair, tout le monde en sera d’accord. S’agissant de l’évaluation psychiatrique indépendante, je déposerai à l’article 6 un amendement visant à l’instaurer. Quant au délai minimal de réflexion, il fera aussi l’objet d’une proposition d’ajout en séance. Nous sommes tous très vigilants, nous sommes tous attentifs aux sollicitations que nous recevons et nous débattrons des éléments qu’elles soulèvent. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et SOC.)

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 4, 7, 516, 1118, 1245, 1594, 1934, 2001 et 2492.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        124
            Nombre de suffrages exprimés                124
            Majorité absolue                        63
                    Pour l’adoption                39
                    Contre                85

    (Les amendements identiques nos 4, 7, 516, 1118, 1245, 1594, 1934, 2001 et 2492 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, demain, à neuf heures :
    Suite de la proposition de loi relative à l’aide à mourir.
    La séance est levée.

    (La séance est levée, le samedi 17 mai 2025, à zéro heure quinze.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra